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lundi 25 mars 2024

« Se faire servir sur un plateau d'argent » ?

 


Bientôt arrivera le moment d’échouer sur les côtes de la vie comme ces magnifiques baleines blanches qui arrivent de temps en temps sur les côtes du Golfe de Gascogne. Des choses remuent, des pensées. Je me jette dedans la tête la première. Des souvenirs brouillés, les pieds dedans, la tête ailleurs. Parti dans la vie de moins que rien, comme quelqu’un qui part a priori perdant dès le départ et qui arrive inopinément quelque part, par la rage, l’étude, l'amour des livres, la persévérance, l’amour de la beauté des rites, des pierres, des toiles, par l’enchantement de l’encens entre les mains – servant, tant d'hivers, la messe de huit heures du matin – déposé sur les charbons brûlants de la routine, par le désir, la cruauté, la solitude, la jalousie, l’échec souvent, l'humour : tout en même temps ! Pour en arriver là, une éternité plus tard. À l’insomnie. À la fatigue pour tout. Perdant au départ, gagnant à l’arrivée en secouant sa tête et sa carcasse contre les murs gelés de la réalité. Ma mère chérie, à qui on avait, bien plus tard, efficacement chauffé les oreilles avec ma baraka, atténuait toute pulsion triomphaliste dans mes élans par un « écoute, tu t’es fait tout servir sur un plateau d’argent », coupant comme l’obsidienne.
Cela voulait simplement dire que j’avais reçu des tas de choses sans vraiment les mériter ? Peut-être. Que ce soit sur un coussin de soie ou un plateau d’argent, l’idée restait la même : la personne ainsi servie, moi, en l’occurrence, serait dépourvue de tout mérite ou qualification : ou il avait fait de la lèche ou été obséquieux ou, pire, volé, usurpé ou s’était arrogé abusivement des prérogatives découlant d’une imposture. Bref, cela morigénait largement ce qu’il pourrait y avoir d’excessif dans un éventuel moment d’optimisme de ma part et consolait la noble frustration des jaloux qui observaient de loin, impuissants, tout pleins d’amour fraternel, sans doute, et très loin, en tout cas, de donner à l’expression un quelconque sens péjoratif. Comme disait une dame entière du Nord, très sincère, que j’appréciais par son franc parler, la méchanceté, ça ravigote … Comme le bon armagnac.


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J’ai eu de la chance : je suis venu au monde dans un village de la région de El Cerrato : Villamuriel. À l'époque, « un tout petit village à proximité de Palencia », comme l’écrit le journaliste et navigateur Jesús Cacho à propos du sien, Villarmentero de Campos, plus petit encore. Même pas dans la commune, la mienne d’arrivée. Un peu plus loin, à deux kilomètres des premières habitations, à mi-chemin entre la rivière Carrion et le Canal de Castille. Une modeste maison, la Casa Grande (sic !), sur le terrain d’un domaine dénommé El Vivero, sans électricité ni eau courante, complètement isolée, surélevée au-dessus d'une petite écurie. Une exploitation avec des vignes entre El Plantio et les vallons de Los Carriones. Mes parents ont atterri au même endroit après avoir vécu le drame terrible de la perte d’un enfant de quatre ans à Herrin de Campos. J'ai eu la chance d'avoir une grand-mère qui m'a appris à lire pendant les longs hivers de pluie et des crues incessantes qui coupaient les chemins et rendaient la route de l'école impraticable. J'y allais d’ailleurs de façon irrégulière. Les appréciations sous la rubrique assiduité de mon bulletin scolaire en témoignent : "médiocre" - "très médiocre" - "moyen". Je n'ai plus de famille dans les parages, pour autant que je m'en souvienne. Il est donc logique que je n'y revienne pratiquement jamais, sauf pour y chercher des images effacées de mon enfance. Et il n'y en reste rien que deux vieilles colonnes de briques au milieu des champs cultivés. Elles y sont toujours, debout, pour monter la garde à l’entrée d’un chemin qui ne mène nulle part, sans pouvoir même pas passer entre elles. C’était, dans le bon vieux temps, l’accès à la propriété d'un riche notable de la région. Mes parents n'en étaient pas originaires. Ils venaient de la Tierra de Campos. Mon père ainsi que ma mère ont traversé la vie comme en s'excusant de devoir travailler si dur pour un salaire presque inexistant. Ils sont tous deux morts sans abri et sans fortune dans la chaleur de la maison de leur fille, entourés de l'amour de leurs petits-enfants. Je me sens donc relativement loin du discours nostalgique propre aux récits d’aventures de l’enfance à jamais disparue.
Je sais que, de manière obscure, confuse, incompréhensible je ne suis pas lié de naissance à tel endroit, à tel milieu, à telle ville, capitale ou province, si ce n'est qu’administrativement parlant, parce que c’est bien ce que disent mes papiers. Papiers pour lesquels j’éprouve une totale indifférence. Et j’en suis bien content. Ce sont mes affaires ... Ces vastes collines et ces champs à perte de vue ne m'émeuvent pas au-delà des choses intimes que je garde dans mon esprit et dont je ne peux pas partager la vision avec presque personne. Avec une émotion immatérielle, nichée dans un coin du grenier de ma tête, qui revient par le simple fait de me concentrer et de revivre sans effort l'attente nocturne du retour de mon père après ses corvées d'été, au clair de lune, assis sur les genoux de ma mère, qui me raconte des histoires d'une voix chaude et légère, comme si elle était capable d'envelopper le noir de ces heures dans de petits paquets de magie séduisante. Et l'écho des pas de mon père quand il prend le détour du chemin bordé d'arbres fruitiers et tapissé de pierre broyée et de charbon concassé ... Évidemment, la commune actuelle n'est plus la même que lorsque j'étais un enfant. Mais le clocher de son église exhalait, chaque fois que je le voyais avec mes yeux d’alors, un halo de respect qui me ravissait, capable de transcender toutes les difficultés, de surmonter toutes les contingences. Un secret templier non encore dévoilé, capable de rassasier l’appétit de mystère du petit enfant que j’étais. Le concert silencieux de ses vieilles pierres dans ma tête défraichie m’invite, depuis longtemps, à revisiter avec curiosité ses contours, tesselles minimes du souvenir en jachère de ma première enfance.

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Il est fâché d'être fâché. Pithecanthropus Erectus, ministricule espagnol des transports. Il remue, s’agite, éructe. Il est droit sur ses pattes, haut, ferme, mais à l'intérieur, ça remue et ça grouille : la chiasse, en imaginant qu’un jour il faudra rendre des comptes, quand le boss ne sera plus en place pour protéger ses sbires. Quand la bande aura été chassée du pouvoir à coups de pied au cul. On peut rêver …

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