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lundi 17 avril 2023

Constats intemporels et véridiques.

Parcourez nos faubourgs et regardez les antennes plantées en forêt très dense sur les balcons et les terrasses des immeubles. L'individu est mort. Ou moribond. Il ne reste que la masse qui, chaque jour, reçoit sa vérité courant sur les ondes. De son réveil à l'heure du sommeil, elle est plongée dans un bain de propagande, sans posséder les connaissances, ni l'esprit critique qui lui permettraient de se défendre. Aussi n'est-il pas surprenant que pendant de très longues années l’immonde Bourbon chef de l'Etat ait été la plus grande vedette de la radio et de la télévision, rompue à toutes les ruses et à toutes les malices d'un art qui demande, en effet, plus d'astuce que de sincérité, plus de roublardise que de raison, plus de trouvailles de mots que de juste mesure. Toute une caste politique à ses pieds. Cadeaux médiatiques. Léchage de cul généralisé. Nul n'aime plus les cadeaux que les politiciens bons à rien, les corrompus et les terroristes assassins impunis au sein de la sphère politique, revendiquant un statut à part et dont le public ne se préoccupe plus une fois les infos avalées et le yaourt digéré.

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Credo politicard : ne jamais s'excuser, ne jamais rembourser, ne jamais démissionner, et accessoirement, toujours rejeter la responsabilité de ses propres crimes sur les exécutants crétins qu'on aura choisis. C'est une loi de l’État de ne jamais reconnaître ses torts et de ne jamais réparer ses erreurs. Présidents, ministres, législateurs se transmettent ainsi un héritage de forfaits et d'imprudences, souvent criminelles, auxquelles personne n'essaie de remédier, pour ne pas diminuer la croyance des citoyens dans l'infaillibilité des pouvoirs publics.

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La bonne traduction du ricain qu’on voit dans les films « To serve and protect », c'est « SE servir et SE protéger ».

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L’abjecte engeance des ministres Frankenstein. C'est une des denrées dont nous sommes le mieux pourvus. Nous en avons je ne sais pas combien au juste, car je n'occupe pas mon esprit de ces balivernes. Je sais seulement que, de temps à autre, on en nomme de nouveaux. A part trois ou quatre qui sont chers au public en raison de leur physique et des polémiques imbéciles (et criminelles, comme la loi d’excarcération systématique des violeurs et des pédophiles) qu’ils suscitent, leurs noms sont ignorés du peuple. Sont-ils gros, maigres, chauves, ventrus, bigles, costauds, malingres ? On l'ignore, comme on ignore à quoi ils servent, à part encaisser des salaires de rêve que rien ne justifie. Des gens bien renseignés qui donnent dans la politique m'assurent qu'un certain nombre n'a rien à foutre toute la sainte journée. Cette oisiveté eût été bienfaisante pour la chose publique, mais par malheur, pour faire comme les autres, ces excellences se donnent un directeur de cabinet, un sous-directeur, des attachés, des conseillers par centaines, presque tous sortis de lieux où l'on enseigne que le temps n'est plus où les fonctionnaires servaient l'Etat, mais tout au rebours, qu'ils doivent se servir de l'Etat pour asservir les citoyens qui, par définition, sont imbéciles et incapables de se conduire seuls. Et puis ils font des décrets pour apprendre aux autres ce qu'ils ne connaissent pas eux-mêmes et pour leur enjoindre de se plier à des obligations dont ils ne savent ni la raison, ni l'effet.

Tant que le désespoir, la colère et la soif de vengeance ne s'en prendront pas, unis, à la mafia étatique comme à ses laquais, le Pouvoir, assuré de l'impunité, pourra continuer à se moquer de nous… Toutefois, bien que le mal de l'un ne console pas l'autre du sien, je dois dire que tout le monde, à part les ministres et leurs créatures, se plaint amèrement de tout. Les ouvriers, lorsqu’il en reste, se plaignent inutilement de la hausse du prix de la vie et ils assurent que les majorations de salaires ne rétablissent pas leur situation. Les paysans se plaignent vainement d'être les parias de la société, de peiner pour un gain qui, transcrit en salaire et divisé par le nombre d'heures durant lesquelles ils ont travaillé, met la journée de labour, de semailles ou de moissons à un taux aussi misérable qu'humiliant. Les cadres, c'est-à-dire ceux qui encadrent les autres durant le travail, se plaignent stérilement d'être volés par le fisc et par la sécurité sociale, qui trouvent chaque année un nouveau prétexte et imaginent une nouvelle brimade pour les priver de ce qui en toute justice devrait leur être assuré en raison de leurs connaissances, de leurs responsabilités et même de leur simple utilité. Les policiers se plaignent amèrement, parce qu'on les expose aux insultes, aux coups, aux projectiles meurtriers, tout en leur interdisant d'accomplir leur mission. Les commerçants se plaignent douloureusement, parce qu'ils sont assassinés de taxes arbitraires, de contrôles absurdes, de règlements iniques. Les médecins se plaignent... Jusqu'à présent, ces mécontentements ne sont pas conjugués car les traîtres à leur électorat et les corrompus gardent les rênes en main. Les nationalistes de tout poil, en bons tricheurs sionistes indécents, ne veulent pas s'avouer qu'ils ne sont que de fragiles fétus de paille qu’un souffle de révolte suffirait à disperser. Ils ont les prétentions, les aigreurs, les susceptibilités des grands seigneurs pour étonner leur voisinage complexé et croient compenser par des acrimonies et par des vantardises l’inévitable déclin de leur puissance réelle.

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De beaux yeux qui sourient et un beau regard souriant. Il faut du temps et de l'attention pour explorer leur surface réfléchissante. J'ai assez regardé ses yeux. J'ai regardé ses jambes (ah, ces jambes quand on se connaissait à peine !), j'ai caressé chaque soir ses pieds, j'ai regardé ses mains, j'ai regardé son sourire, j'ai regardé son corps de mille manières, avec attention et amour, et désir, et timidité, et j'ai vu ses yeux regarder, et me regarder. Je les ai assez regardés pour eux-mêmes. Les yeux sont la première chose qu'on voit, du visage et du corps d'un être aimé, ils sont toujours là, toujours présents, toujours actifs, car ils nous regardent et nous les regardons pour explorer un intérieur plus intime sachant qu'il est difficile de regarder quelque chose qui nous regarde et qui nous voit. Les yeux sont en avance sur le corps qui les porte, ils entrent en nous avant que les nôtres se portent à la rencontre de celui qui nous saisit. Qui voit le premier a l'avantage et éblouit l'autre. Nous ne voyons le plus souvent dans les yeux de l'aimé que l'amour que nous cherchons en vain en nous-mêmes. Je les ai vus me regarder et je les ai regardés pour mieux les voir. Je les ai vus me voir, ça oui, et j'ai vu ce qu'ils voyaient, car j'ai su déchirer le voile que les yeux mettent normalement à d’autres yeux, et quand je les ai vus me voir, j'ai compris ce qu’ils venaient chercher en moi. Ses yeux m'ont vu et mes yeux l’ont vue, en eux passe et repasse une lente musique vibrante et obstinée que les heures se chargent de varier. Il faut du temps pour qu’elle se révèle à nous et nous parle : tu donnes, tu reçois, tu reprends, tu évites, tu fuis, tu contournes, et le reste entrecroisé nous est donné comme un fulgurant hiéroglyphe. Je n'oublierai pas cette première fois où, depuis le couloir du bus qui nous ramenait à la maison, elle avait jeté comme un harpon sur moi son regard souriant, en attendant ma réponse à une rapide question « ce siège côté couloir est libre ou occupé ? ». Notre tout premier dialogue, la toute première entaille qui s'est faite en moi, qui s'est frayée un chemin jusqu'au plus profond de ma pensée. Elle y est restée des années. Toujours ouverte. J’espère qu’elle n’aura jamais envie de la colmater, que ses yeux resteront toujours attentifs au regard que je maintiens sur le plus infime recoin de son âme.

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J’aime le vent. Quand il souffle, et fort, comme ces deux derniers jours, une autre âme semble habiter le monde. Nous ne sentons plus seuls. Des pans entiers de nos rêves reviennent et passent en nous à toute vitesse. Nous nous sentons des voyageurs immobiles à côté des arbres qui s’agitent comme des vagues à marée haute. Le vent c’est l’Esprit soufflant partout décollant le moi du moi, remettant le temps à sa place, nettoyant les mauvais présages. Le ciel est gris, noir, bleu par moments très brefs, nos fleurs, les érables japonais, les magnolias, le kumquat magnifique, les pots fraichement réachevés, tournés et préparés trempent partout sous la pluie, et les mésanges boudent un peu les boules de graisse dont elles raffolaient il y a encore quelques jours. Nous sommes seuls et heureux, sauf que les enfants nous manquent.

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Je me souviens l’été à Royan il y a quelques années : la petite A. frappait aux portes du monde ! On ne la voyait pas, on ne l’entendait pas mais on la sentait déjà là. Puis elle était là ! Je n'ose même pas essayer de penser ce qu’éprouvaient M. et N. Faire apparaître un être qui n'était pas là l'instant d'avant. Créer un basculement dans le Temps, poser le pied d’une vie commune ailleurs. Ils faisaient apparaître une âme supplémentaire ! Et s’ils allaient en prendre l'habitude ? Elle est là, la petite fée. Une voix nouvelle : « Voici le monde, voici le temps, ouvre les yeux. Tu traverseras le temps comme personne. » On devait désormais se détourner de soi-même, l’apprendre à vivre. Notre petite A. Bien née, bien nommée. La vie aux prises avec le temps, la substance même de la vie. Les nouveaux venus s'annoncent en criant ! Seigneur, c'est moi, je suis ici, avec Vous, de ce côté-ci du monde ! Et immédiatement la parole suit, et les regards, le corps, les autres, les noms, le récit et la poésie du monde.

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Entrer dans une église, s’effondrer sur un banc, s’y accrocher comme à un radeau. Tête brûlante, corps accablé, mains emboîtées… Simplement épuisé, épuisé de questions, de peurs, d’incompréhensions, de non-sens, de vide… Fatigué de savoir, de faire semblant, semblant d’être sûr, d’être fort, d’être courageux, d’être… C’est quoi ce monde Seigneur, c’est quoi toutes ces bêtises, toutes ces saletés, toutes ces souffrances ? Souvenirs d’enfance, menaces de fragilité sénile… Et se mettre à prier... Mal, bien sûr, mal, évidemment, car prier pour soi, pour les siens, demander, réclamer… Et rien à offrir ! Comme si la Croix était un tour de magie du PMU, une loterie gagnant-gagnant. Il fait frais en ces murs immémoriaux, et soudain des notes s’élèvent, un chant se fait entendre, un appareil répète des cantiques de la messe grégorienne… Au même instant, une porte latérale s’entrouvre et une lueur subite éclaire le visage du Sauveur, souffrant et apaisé, qui va bientôt, encore un fois, ressusciter. Au loin, le bruit de l’actualité : des bombes et des cris des martyrisés et, sur les murs antiques défilent les corps suppliciés, les visages tuméfiés, les victimes cassées de toutes les guerres… Une lutte sublime s’engage entre la beauté de la musique baignant l’église et la douleur de la vie dehors. Et bientôt plus un bruit, une violente pluie de silence colle au sol les chimères et les fantasmes. Seuls les pas d’un enfant résonnent. Il se dirige vers une statue de Marie, un cierge à la main. Maladroitement, il tente de l’allumer, le fait tomber, le ramasse hâtivement, le fixe finalement avec difficulté sur son pic. La flamme chancelante illumine alors son visage barré d’un immense sourire. Un sourire plus grand que les doutes, les échecs et toutes les infamies du monde. Un sourire plus grand que tout. Un sourire d’innocence plein d’espérance.

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J’ai toujours détesté les manifs en vrac, la politique vociférante, quand j’étais encore dans la vie active, c’est plus simple à présent que je vis retraité dans une ville sans histoires, pour le moment, dans le passé, côté rédempteurs professionnels du monde, on était aussi bien servi. Internet se charge de m’instruire de ce à quoi j’échappe. Ça me révulse, cet étalage d’imbécillité moutonnière, satisfaite de se montrer, qui ne varie guère au fil des ans. Et l’insupportable verbiage médiatique qui l’accompagne, parlant de « tensions » pour ne pas dire violences ou agressions, de « dégradations » pour ne pas dire saccage, vandalisme et pillage. Quand on ne peut mentir franchement, tout faire pour amoindrir, édulcorer, minimiser. Le pays voisin s’enfonce dans une spirale délirante, comme si repousser l’âge de la retraite à 64 ans était un crime contre l’humanité, alors que cet âge est déjà de 64-65 à 67 ans dans tous les autres pays d’Europe. L’argument que « les gens » sont mécontents ne vaut rien, on a déjà constaté plus d’une fois que cela ne crée pas forcément une masse plus importante que celle des silencieux. L’argument des sondages serait plus sérieux, si les sondages étaient exacts, ce qui reste à vérifier, et une majorité serait contre cette loi. À Bordeaux, des sauvages ont mis le feu à la porte magnifique de la mairie. Aussitôt certains médias, avec leur sens habituel de l’objectivité, ont accusé « l’extrême-droite », contre toute vraisemblance. En effet les arrestations n’ont pas confirmé du tout ce profil fantasmé. Certains établissements scolaires du secondaire et du supérieur semblent maintenir leurs traditions de pots-de-chambre idéologiques. Une fois de plus, une clique de clowns bloque les bâtiments et les directions se gardent bien de les virer comme il faudrait, c’est à dire à grands coups de pieds au cul. Naturellement côté personnel, enseignant et autre, tous les tire-au-flanc se réjouissent de l’aubaine. Y compris ceux qui, étant ainsi payés à ne rien foutre, ne protestent pas moins contre les rudesses de l’ultra-néo-libéralisme…