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mercredi 27 décembre 2017

jeudi 21 décembre 2017

Quelques rayons de soleil inattendus à cette heure-ci ...


et




 ... chaque intérieur de la maison minutieusement organisé comme une mise en scène sans à peine souffrir qu’on y touche (pour le sapin ou pour la crèche !) ou qu’on esquisse même le geste d’y porter la main …



et dans mes souvenirs je sens être héritier
d’un palais somptueux fait de lumière,
d’un solide château fort, aux remparts imprenables, dont le donjon remonte jusqu’au ciel ;
de riches vêtements comprenant des tuniques brodées par des mains d’ange ;
et des mains de mamans enfermant d’autres mains
dans le creux de leurs paumes
dans de gestes uniques arrosés de paroles pour m’apprendre à prier …
 

Parentés par alliance ... et paternité d'une citation

En écrivant tous les jours les lignes de son laborieux journal, Léautaud fait le portrait de soi-même, note ses idées, ses lubies, ses projets, ses opinions sur les autres et sur lui-même.
Témoin des détails insignifiants et de douloureux débats intérieurs, il se révèle, se montre sans aucune complaisance, critique de manière amusée et cynique un univers de pitres[1] qui se veut impressionnant. La lecture des milliers de pages de ce monumental Journal nous montre un homme de goût à l’esprit fin et au jugement équilibré. Or, il traîne péniblement une injuste réputation d’envieux[2]. Pour qu’elle reposât sur des fondements sérieux il faudrait démontrer qu’il bien a voulu pour lui-même des biens ou des honneurs d’autrui qu’il n’a pas eus.

Cette lecture et les témoignages les plus divers, aussi bien de gens si peu doués pour la louange que Galtier-Boissière, Gide ou Valéry, ses amis problématiques, ou Ernst Jünger, que des personnalités telles que Marie Dormoy, qui l’a connu intimement, laissent voir un être austère jusqu’au dénuement qui avait horreur des compliments[3]. Il fait la sourde oreille à l’insistance bienveillante de Mirbeau – qui n’était pas précisément un tendre – qui veut faire le nécessaire pour qu’il puisse avoir le Goncourt pour le Petit Ami en 1903, de même qu’il résiste aux pressions de Lucien Descaves pour la même raison après la publication de In memoriam (1905).
Évoquant le mythe de l’écrivain que les gens imaginent heureux parce que dépositaire des lumières humaines, Léautaud prétend que l’homme heureux, au contraire, c’est « le bon employé qui rentre chez lui le soir, met ses pantoufles, dîne, lit son journal, se met au lit, baise sa femme et s’endort, absolument ignorant de cette passion d’écriture… On se dit que c’est lui qui est dans la norme, lui qui est le sage, et le plus triste, c’est que ce qu’on se dit là est la vérité. Car le naturel humain, et la condition du bonheur, ce n’est pas l’esprit, c’est la bêtise » (Journal littéraire).
Et pourtant, ce n’est la première ni sans doute la dernière fois que l’art se venge d’un homme de talent qui prétend le mépriser, car nous pouvons dire, sans trop jouer sur les mots, que si pour nombreux écrivains l’écriture est une raison de vivre, pour Léautaud vivre était surtout une raison d’écrire.[4]



[1] Sauf Mallarmé, de qui il laissera dans son Journal cet épitaphe flatteur : « Celui-ci fut mon maître… il était unique » (10 septembre 1898) ou Verlaine, à qui il a offert secrètement des fleurs…
[2] Pour Alain Verjat (auteur - en 1975 ? - d’une excellente thèse sur Le Canard Enchaîné), dans un manuel habituellement utilisé par des élèves espagnols du supérieur, les copieux volumes du Journal de Léautaud « componen el retrato lamentable de un escritor fracasado, envidioso, estrecho de miras y de pocos vuelos. Sin embargo, Paul Léautaud es un hombre de gusto, de juicio muy fino y de opiniones ponderadas cuando no le ciega la envidia» (Cf. « La escritura autobiográfica », pp. 1322-1323, in Historia de la literatura francesa, Del Prado, J. (coordinador) Madrid, Cátedra « Crítica y estudios literarios », 1994).Il est vrai que cet éreintement n’est pas fait sans nuances : « No se puede entender la vida literaria de la primera mitad del siglo sin hacer un rodeo por los apuntes notariales de esta obra, desigual, pero muy rica en apuntes, datos y juicios sensatos » (ibid.).
Robert de Flers traite Léautaud de « voyou » et Léautaud – qui enregistre lui-même le fait dans son Journal avec le découpage de l’article insultant – lui répond : « Parce qu’on écrit la vérité sur ces gens, parce qu’on ne s’occupe pas de leur plaire, parce qu’on fait sa carrière sans rien leur demander, parce qu’on n’est pas un pied plat comme la plupart de ceux qui les entourent, parce qu’on a écrit toute sa vie pour toute autre chose que l’argent, on est un voyou de (sic) lettres. » (Journal littéraire, 22-2-1927).
Un autre portrait peu flatteur pour notre homme a été tiré par Charles-Henry Hirsch (et, encore une fois, enregistré par l’intéressé amusé): « On le dirait vêtu de vieux habits de clown. Sa tête, à la chevelure sale et clairsemée, loge dans un cerveau qui les déforme, un bric-à-brac de citations cyniques, de souvenirs rancis et de propos diffamatoires onze fois sur douze.» (Théâtre de Maurice Boissard, II).
[3] «Il faudra bientôt mettre dans son testament, après la recommandation: ni fleurs, ni couronnes, ni discours, cette autre prière: ni monument, ni plaque de maison, ni nom à une rue, ni surtout, grands dieux!, Société d’Amis qui se font de la gloriole sur votre compte, sans qu’on n’y puisse plus rien.» (Journal littéraire, 23-7-1931). On lui attribue la paternité de la devise fièrement affichée en manchette du  Canard Enchaîné par son directeur, Tréno (Ernest Raynaud) :  
« La Légion d’Honneur, 
il ne s’agit pas de ne pas l’avoir, il s’agit de ne pas la mériter. »
[4] « ÉCRIRE D’ABORD, J’Y SACRIFIERAIS  L’UNIVERS (…) Je n’ai vécu que pour écrire. Je n’ai senti, vu, entendu les choses, les sentiments, les gens, que pour écrire. J’ai préféré cela au bonheur matériel, aux réputations faciles. J’y ai même souvent sacrifié mon plaisir du moment, mes plus secrets bonheurs et affections, même le bonheur de quelques êtres, devant le chagrin desquels je n’ai pas reculé, pour écrire ce qui me faisait plaisir à écrire. Je garde de tout cela un profond bonheur.» L’exception à cette règle : « Il nous vient quelquefois un dégoût d’écrire en songeant à la quantité d’ânes par lesquels on risque d’être lu »…