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mardi 29 juillet 2014

Des leurres et des hameçons...

" L'anglais, vecteur du libéralisme économique et de la mondialisation, langue de la puissance dominante et du principal théâtre des innovations technologiques et sociales contemporaines, est perçu comme la langue de la modernité. Dans une société où le nivellement dans les faits n'a pas fait disparaître les hiérarchies ni les classifications dans les esprits, où la demande d’égalité renforce le besoin de se distinguer symboliquement, employer cette langue ou, du moins, émailler sa conversation de mots qui lui sont ostensiblement empruntés, c'est s'accaparer cette modernité, pour pratiquer " l'entre soi ", se différencier des " autres ", de ceux qui n'appartiennent pas aux mêmes groupes professionnels ni au même milieu social, qui eux parlent la langue nationale, dont l'École en deux siècles a fait la langue de tous. Pour le cadre débutant ou le jeune dialoguant sur les réseaux sociaux, il s'agit là d'une façon de s'éloigner du " commun ", beaucoup plus accessible, évidemment, que celle qui consisterait à s'exprimer, comme continuent de le faire les élites administratives, en " français soutenu " ; et peut-être aussi, pour ceux que le système scolaire a méconnus et humiliés, avec ses perpétuels classements et notations, une manière de prendre leurs distances, de régler confusément quelques comptes... "
Daniel Gouadain, Le leurre du laissez faire

dimanche 20 juillet 2014

Réflexion à l'adresse d'un pauvre diable...



... qui a le bonheur de voir son dur labeur d'une trentaine d'années à brasser de l'air traduit en quatre périodes sexennales donnant lieu à des suppléments de rémunération à ajouter mensuellement  à son traitement de base :

"Dentro de 24 horas mi artículo habrá sido leído y olvidado sin producir una crisis, sin originar un motín, sin dejar siquiera en el cerebro de los lectores un precepto moral que encamine sus pasos por la vida, una idea útil o una enseñanza práctica".
Yo y mi sirviente Julio CAMBA 

Au demeurant, une grande partie de cette friture, soi-disant bourrative cuistance intellectuelle, est oubliée avant même lecture sans trop peser sur l'estomac de qui que ce soit, y compris son auteur lui-même...



retour paresseux...

Rouvrir une fenêtre fermée depuis deux mois !
Je laisse pour une meilleure occasion la mise au pilori d'une idiote complète de mon département (quel que soit le nom réel qu'une "entité" semblable devrait porter) qui encaisse impunément des sous du contribuable en échange de sa bave collante comme de la glu...
Il faut une certaine sérénité, même dans l'injure, pour nettoyer à fond une raclure de bidet.
Avant la promenade en bord de mer, un clin d’œil en direction de Baudelaire, sa conception de progrès, la chose qui donne le plus à penser aux progressistes de tout poil, méritant bien le détour :  

Il est encore une erreur fort à la mode, de laquelle je veux me garder comme de l’enfer – je veux parler de l’idée du progrès. Ce fanal obscur, invention du philosophisme actuel, breveté sans garantie de la Nature ou de la Divinité, cette lanterne moderne jette des ténèbres sur tous les objets de la connaissance ; la liberté s’évanouit, le châtiment disparaît. Qui veut y voir clair dans l’histoire doit avant tout éteindre ce fanal perfide. Cette Idée grotesque qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne, a déchargé chacun de son devoir, délivré toute âme de sa responsabilité, dégagé la volonté de tous les liens qui lui imposait l’amour du beau : et les races amoindries, si cette navrante folie dure longtemps, s’endormiront sur l’oreiller de la fatalité dans le sommeil radoteur de la décrépitude. Cette infatuation est le diagnostic d’une décadence déjà trop visible.
Demandez à tout bon Français qui lit tous les jours son journal dans son estaminet ce qu’il entend par progrès, il répondra que c’est la vapeur, l’électricité et l’éclairage au gaz, miracles inconnus aux Romains et que ces découvertes témoignent pleinement de notre supériorité sur les anciens ; tant il s’est fait de ténèbres dans ce malheureux cerveau et tant les choses de l’ordre matériel et de l’ordre spirituel s’y sont bizarrement confondues ! Le pauvre homme est tellement américanisé par ses philosophes zoocrates et industriels qu’il a perdu la notion des différences qui caractérisent les phénomènes du monde physique et du monde moral, du naturel et du surnaturel.
Si une nation entend aujourd’hui la question morale dans un sens plus délicat qu’on ne l’entendait dans le siècle précédent, il y a progrès ; cela est clair. Si un artiste produit cette année un œuvre qui témoigne de plus de savoir ou de force imaginative qu’il n’en a montré l’année dernière, il est certain qu’il a progressé. Si les denrées sont aujourd’hui de meilleure qualité et à meilleur marché qu’elles n’étaient hier, c’est dans l’ordre matériel un progrès incontestable. Mais où est, je vous prie, la garantie du progrès pour le lendemain ? Car les disciples des philosophes de la vapeur et des allumettes chimiques l’entendent ainsi : le progrès ne leur apparaît que sous la forme d’une série indéfinie. Où est cette garantie ? Elle n’existe, dis-je, que dans votre crédulité et votre fatuité. Je laisse de côté la question de savoir si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerai pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue.
Charles Baudelaire, Curiosités esthétiques, Exposition universelle, 1855.