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mercredi 30 novembre 2022

Hobe da berandu inoiz baino ?


 « C’est drôle la nuit comme les âmes s’y retrouvent » 

« L’Anarchie c’est fragile comme tout » 

Céline, Londres

« Seuls les fous et les solitaires peuvent se permettre d’être eux-mêmes. Les solitaires parce que leur plaisir ne dépend de personne… Les fous parce que le plaisir des autres, ils s’en foutent… »

Charles Bukowski

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Personne n’attend plus de moi quoi que ce soit si ce n’est de continuer sagement dans les encombrantes occupations ordinaires. Mes parents, qui ont déjà trouvé depuis longtemps l’apaisement définitif dans la mort, qu’est-ce qu’ils attendaient de moi ? On voudrait bien, à la naissance de quelqu’un, que tout fût réglé d’avance. Comme sur un cadran gradué. On nous exigeait, enfants, la sagesse alors qu’on ignorait tout de la vie. On nous demandait des gestes censés porter notre attachement à la religion, alors que la religion s’avère la seule activité réellement libre à condition qu’elle vienne véritablement du for intérieur de chacun, pas comme la table de multiplication. Une fois que vous Lui avez permis d’entrer chez vous, Dieu n’est pas bavard. Seul à seul avec Lui, comme l’Antigone d’Anouilh avec son garde, les réponses se feront attendre. Qu’est-ce qu’on attendait de moi ? Toujours autre chose... Peut-être. La pire, des choses : qu’on soit content de vous et que vous y preniez goût. Ça vous oblige à adopter une ligne de conduite très dure à soutenir. Presque septuagénaire, je dois reconnaître que mon intelligence aura prouvé son incapacité pour ce qui est provoquer du malheur chez les autres, son incompétence quant à faire fructifier les affaires juteuses, sa nullité pour tirer profit de la politique, en y participant ou préférant une tendance à une autre, bref une absence totale de qualités en ce qui concerne des manières de s'avantager, de se construire une carrière au détriment de quelqu’un. J’ai toujours eu un penchant pour m’enchaîner à l’incertitude. En proie à la curiosité, j’ai voulu savoir ce qui se cache derrière les règles absurdes de la vie commune, voire de l’existence. Et comme la curiosité a quelque chose de salé, cela m’a ouvert un appétit de plus en plus fort pour connaître les raisons des choses et leurs causes. De franchir des obstacles, de monter de plus en plus haut pour trouver le trésor d’une réponse ...

La curiosité ! Autant dire la montagne la plus élevée au monde, valant le tour de tous les Annapurna ! Et tout compte fait, après tant d'allées et venues et tant de micmacs,  finir par se précipiter sur les flancs de ces montagnes chimériques les poches presque vides. C'est l'évolution normale des choses j'imagine, passé un certain âge, surtout quand la retraite s'éternise. Quoique. Les circonstances sont autres, mais on continue sa vie avec les mêmes gestes qu’avant. On se lève au matin, on se rase, on escalade les étages de la maison, on va se promener. On ouvre son ordinateur, on relève les factures, on jette un œil aux réseaux sociaux, à la presse, aux blogs qu’on trouve intéressants. Et pourquoi pas quelques lignes sur son propre blog ? On bâcle une histoire, on ressort une citation. Et quelle était donc cette pensée géniale qui me trottait dans la tête cette nuit ? Et ce projet d’essai à rédiger en profondeur et dans le détail sur… ? Des lectures. Des relectures. Comment, pourquoi et pour qui faire tout ça ? Peut-être pour ne pas voir le mur du temps qui va vous tomber sur la gueule comme à tout le monde. Le bonheur, comme les heureuses rencontres, n’arrive que par surprise…

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Des historiens américains, sous la conduite de Murray Rothbard, de Ralph Raico, de John V. Denson, de Smedley Butler et de bien d'autres, ont montré que l'Etat américain a progressé en cruauté, en pression fiscale, en législation infernale, en aventurisme militaire depuis surtout Lincoln et la guerre de Cuba. Que son interventionnisme devenu systématique a eu des conséquences catastrophiques, y compris au niveau démographique, juridique, écologique, économique avec un endettement astronomique, sociétal avec une violence folle et des prisons pleines, etc. La catastrophe s'est renforcée sous Woodrow Wilson et les deux Roosevelt et tout président s'est vu comme un social engineer, un ingénieur du social chargé de refaire le monde à son caprice, c'est-à-dire de le démolir, de le polluer, de le saigner à blanc sans oublier de le contraindre à suivre ses « règles ».

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Lecture de Londres, après lecture de Guerre : la destruction par la lucidité à base de sarcasme cru ou le roman-fresque années trente face à notre époque de roman-moitrinaire (Pol Vandromme), face à « notre bel aujourd’hui ». Ces deux livres offrent, sous le nom de littérature, mieux que ce qui nous est offert sous cette même étiquette en ce moment au-delà et en deçà des Pyrénées. Quand j’étais jeune, la littérature « engagée » avait déjà fait d’énormes ravages depuis des années mais le wokisme actuel ne représenta pas précisément une réaction salutaire. Bien au contraire, il est à l’origine d’autres maux (mots !) fondés sur de nouveaux sophismes de vérité, d’utilité sociale, de liberté, de justice, de fraternité, de sauvetage de la planète qui exècrent la beauté au passage et crachent sur la notion même de littérature. Il est bien préférable, si on en a le choix, un engagement personnalisé portant sur des lectures libres, c’est-à-dire un dégagement, à ces niaiseries répercutées stupidement de par le monde entier par toute sorte de fanatiques. Sans prouver (pas le temps, ni l’envie) l’avilissement de ces ersatz de littérature égarés dans la mauvaise politique de notre temps, il est sans doute intéressant de découvrir ces textes des années trente qui combattaient déjà en leur temps les représentants auto-désignés du Camp du Bien de la Cité. Le problème posé, reposé à chaque fois avec Céline, est celui de savoir s’il faut, pour être bien vu, apprécié par la postérité, manualisé, posé en exemple, etc. accommoder toute une production littéraire aux exigences d’une manière de penser dominante : Malraux, Sartre ou Camus ont illustré à leur façon exemplairement cette question. La politique a fait du premier « le fabricant d’une petite escroquerie verbale de tribun qui connaît la musique » (Jacques Laurent) et elle a conduit le second aux ubuesques entretiens avec David Rousset.
Quant à la portée politique du troisième, je conseillerais la lecture de Jean-Jacques Brochier et son Albert Camus, philosophe pour classes terminales. Commun dénominateur : ces trois géants engagés étaient capables tous les trois d’emporter le succès editorial et l’adhésion sur de graves questions par le seul effet contagieux d’engouements passagers. Le cas Céline, c'est aut'chose. Je vois, après un rapide parcours de la presse « spécialisée », plus flic que la moyenne, qu’il faut comme d’habitude cracher sur lui avant de lui reconnaître le moindre talent. Ouf ! On l’a échappé belle ! Ne seriez-vous pas choqué dans ces textes par la violence faite aux femmes, par le langage  malpropre de ces putes, de ces maquereaux, par cet univers sordide de la marginalité et du meurtre, d'un monde plutôt envisagé comme gigantesque système carcéral ? Attention ! C’est le même Céline de Bagatelles avec sa leçon magistrale de style annulée rétroactivement par des idées impardonnables … Quand on pense à Monsieur René Bousquet, pour ne citer qu’un exemple, sans leçon de style à donner mais avec des idées accompagnées de faits qui n’ont pourtant pas entamé l’amitié d’un François Mitterrand, et de tant s’autres, on est tenté de rêver à ce qu’auraient pu faire nos censeurs-thuriféraires actuels ! Brillant, toujours méchant et moqueur, Céline n’a cessé de combattre la guerre, les partis, la politique, les bourgeois avant-gardistes, les pétainistes et tout un microcosme accoquiné avec l’occupant pour faire des affaires avec lui. Tout cela semble si vieux ! Si un Bousquet haut fonctionnaire ou un Papon haut fonctionnaire sont sortis immaculés d’une époque terrible qui a valu à d’autres, pour beaucoup moins, l’exécution ou l’indignité nationale, on voit mal pourquoi le crime de Céline écrivain serait imprescriptible à perpétuité. Il a écrit exactement ce qu’il pensait de son époque pour être généreux et poète quand il le fallait et assez lucide pour reconnaître certains penchants peu reluisants de notre condition humaine, au lieu de se faire chantre des illusions établies, glissant suivant le courant, sans manquer d’être cruel voire injuste envers ceux qui lui paraissaient mériter son dégoût.
Chaque mot, chaque phrase qu’il a écrits restent les empreintes d’un voyage pénible à travers ses propres tripes où il y a plus à prendre que dans la lumière artificielle de tous nos paradis américano-progressistes d’aujourd’hui, notre modernité que Michel Leiris a qualifié un jour de « merdonité ». Il a été taillé du même bois qui faillit se transformer en potence pour Villon et en bûcher pour beaucoup d’autres, comme Pound, par exemple. Pas d’engagement ni de mission historique pour Céline, conscient de la servitude et de la destruction qu’ils entraînent. Ces éditions ne sont peut-être pas rigoureuses (lire, si on veut, l’article accablant pour Gallimard, Genèse d’un best-seller. Quelques hypothèses sur un prétendu ‘roman inédit’ de Louis-Ferdinand Céline, Giulia Mela et Pierluigi Pellini) mais rendent toujours possible l’accès au Céline poète et virtuose de la langue. Je ne partage pas l'opinion de ceux qui voudraient ces textes réservés à une confrérie d’érudits et de spécialistes. Après plus d’un siècle à réfléchir sur la définition de littérature, nous voilà revenus, forcés par la scholastique actuelle, à nous poser la question de ses qualités morales ! Il me semble que ces deux textes ont été superbement construits capables de supporter le poids du bâtiment « littérature » juste au moment ou d’autres ne pensent qu’à le faire voler en éclats, à le détruire à force de néant discursif et de nullité fictionnelle. J’ai bien aimé, au fil des pages de Londres, les appels, avertissements et  interpellations répétés au lecteur pour lui transmettre des émotions, des confidences, des surprises :

- c’est moi qui vous promène, faut pas que je vous égare

- vous remarquerez vous-même que je ne parle plus du tout de mon oreille et de la façon que je bourdonne

- Je jacasse, je m’embrouille. Ça m’empêche de vous montrer le quartier dans les attractions comment il était.

- Il ne faudrait point d’ailleurs que je vous attriste

- Je sais la profondeur des choses. Je ne dirai rien, voilà tout

- J’aime bien vous raconter Londres, mais je me souviens quand même de mon histoire

- Je fignole et j’arrive pas à vous terminer

- faut que je continue quand même

- je raconterai. Si je suis devenu un peu méchant par la suite, c’est qu’il a bien fallu

- vous visiterez avec moi

- Mais ça n’a pas duré. Je dirai comment

- rappelez-vous les mecs

- Rentrons dans notre récit

- Je vous dis tout ceci pour que vous alliez vous promener un peu si des fois je vous ennuie

- Faudrait bien que je vous donne ici l’impression du paysage

Ce sacré Ferdinand, héros que le narrateur promène dans ses romans, vit aux antipodes du héros professionnel, résultant d’un brusque renversement de l’art d’écrire et d’exister, qui brûle dans une prose toujours proche de ce qu’elle raconte, qui bataille avec une existence sordide, allant du plus vile à la mélancolie la plus tendre (« La Tamise c’est beau. C’est la nuit du monde qui coule, sous les ponts. Ils se lèvent comme des bras pour qu’elle passe ») pour présenter « la petite âme des choses », évoquant la guerre loin des supercheries héroïques, avançant d’un beau pas de marche vers le « bout de

nuit » sans prétendre en trop savoir sur l’au-delà mais laissant entendre un roulement de tonnerre intérieur (« dans l’intérieur on a des voix, des espèces de présences plutôt, qu’attendent qu’on aye fini de mentir »). On nous réveille brusquement des songes les plus anciens de la civilisation qui illustrent l’île de Robinson, le domaine d’Augustin Meaulnes ou le jardin de Combray : le monde est un objet auquel il faut, tragique et inévitablement, se heurter. Mais en le faisant devenir, au passage, un sujet de ricanement, une sottise bourgeoise. Des charges d’onirisme avec le roi Krogold (la passion de ce mythe a longtemps hanté Céline « par bribes, saillies et morceaux ») font bifurquer vers l’insolite l’angoisse accumulée des bêtes apeurées, des visages difformes, des fantômes bancals, toute l’humanité grinçante et louche des souteneurs et des tapins au manoir du capitaine Lawrence. Et Marx, magistralement résumé et la longue péripétie avec l’anar Borokrom (« Il trouvait des petites anarchies Borokrom pour tous les âges. Il aurait rendu libertaires les souris blanches et les abeilles, s’il avait pu les approcher » / « il était bien documenté sur les mouvements de la politique. Il m’a instruit comment il y avait des classes sociales et je m’en étais jamais douté ») qui restitue ce que pourrait éprouver un terroriste toujours prêt à frapper. Ces moyens romanesques pour quoi faire ? Pour quel univers romanesque ? Pour quelle noble cause ? Car, Céline n’espère plus en l’avenir, ni pour ses monstres ni pour qui que ce soit. Ça, son lecteur le sait. Il a accepté son destin, il a voulu fatalement se jeter contre les moulins agités par la fatalité de vents terribles. Les catastrophes immédiates qu’il vivra et celles que nos générations auront en héritage nous inclinent plutôt à trembler avec lui qu’à l’accabler de reproches, de formules-péage obligatoires, pour se dédouaner à chaque fois qu’on parle de lui. L’apocalypse se rapproche (Klaus Schwab, Georges Soros, Bill Gates et Noah Harari … ne vous suffisent-ils pas comme cavaliers messagers des pires calamités ?) et on se paye le luxe de cracher à la figure de ceux qui l’ont annoncé ! C’est Malraux, et non Céline, qui est au Panthéon... Les blablas grandiloquents, truculents, cachent sous des couches de soi-disant héroïsme les pires férocités. Celui qui les annonce et les dénonce avec passion, arbitrairement isolé et condamné à vie, se voit injustement reprocher servir les dieux sauvages que tout le monde a mis en placé et longtemps adorés. On veut à force de barbouiller l’histoire de bonisme sentimental, sévère et pur, réussir ce que la déesse Raison avait entrepris depuis des siècles : l’abolir. Tendance impossible de contrer sauf à passer pour un pervers malfaisant. Exit, donc, tout matérialisme historique, toute dialectique, Madame l’Histoire est trop cruelle, trop violente : à effacer d’urgence ! Au cours de cette lecture, j'ai souvent pensé à mon ami J. F., qui professe une grande dévotion (« Ça, c’est un écrivain ! Je serais toujours fan, à mort ! »). pour Malraux (comme mon musicologue et jeune romancier préféré, Christian F.) à qui il compare, à son avantage, d’autres littérateurs, y compris la dernière lauréate du prix prestigieux portant à jamais le nom de Monsieur Dynamite. Pourtant, la sauce mix Malraux, mijotée au gaullisme, manquait déjà de saveur pour le goût hétérodoxe du Mitterrand des années soixante-dix : « Pour les hommes de mon âge qui l'ont lu à vingt ans et ne l’ont pas relu à quarante, survit un certain Malraux, celui de La Condition humaine et de L’Espoir qu'ils n'ont pas cessé de ranger parmi les chefs d’œuvre malgré une imprudence commise il y a peu. Ayant ouvert La Voie royale, le livre m'est tombé des mains. Une piété persistante m'a fait oublier ce mouvement d'humeur, comme elle a estompé l'accablement causé par Le Musée imaginaire, la stupeur tirée des Antimémoires, l'ennui distillé par Les Chênes qu'on abat. Mes réserves de foi ne sont pas épuisées, puisque j’y recours encore. Après tout, Barrès, son maître, comme il l'est d'Aragon, n'a pas davantage économisé les livres inutiles. Reste aussi que Malraux est cet incomparable conteur que j'ai eu la chance d'entendre à Crans-sur-Sierre, quelque soir d'une douce semaine de juin 1956. A la lueur des bougies du chalet suisse où nous dinions, les sabots des chevaux mongols frappèrent le sol de Samarcande. Je me demande, à ce propos, si Malraux n'appartient pas à cette lignée d'écrivains dont le génie s'exprime tout entier dans la conversation et se dissipe dans l'écriture. Les contemporains de Chamfort le considéraient comme le premier d'entre eux. Chateaubriand accordait ce rang à Joubert, Léon Daudet éblouissait ses auditeurs. Privée de l'éclat du verbe, qu'est devenue cette primauté ? Notre Malraux de 1933 était fichtrement actuel avec son rythme syncopé de cinéma déjà parlant, avec ses reportages à façon de roman. Mais le personnage a, par la suite, éclipsé l'œuvre ; on n'a plus remarqué que lui et on les a pris l'un pour l'autre. Regrettable quiproquo. » (François Mitterrand, La Paille et le Grain, Flammarion). Les lecteurs incapables de découvrir les manigances derrière chaque masque héroïque auront du mal à partager cette opinion. Et encore Malraux fait partie d’une époque dans laquelle les grands écrivains ne manquaient pas ! Une sorte d’âge d’or : Proust, déjà à part, Morand, Montherlant, Bernanos, Drieu, Giraudoux, Mauriac, Chardonne, beaucoup d’autres encore et Céline, les surpassant tous. La littérature épousait son temps. Aujourd’hui, l’œuvre d’un « écrivain important » fatigue comme une rengaine, tout effort théorique (nouveau roman) éveille la risée et on se contente des inventaires léthargiques autour de la célébration de soi-même. On célèbre (médias !) des auteurs repliés dans la crainte d’être mal vus, de l’anathème, dans le tremblement ratatiné de souvenirs douteux, dans la sclérose des ambitions mesquines. 

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Ruminations post-Londres. La montée de puissances irrationnelles du wokisme, avec son catalogue de vérités importées des USA, assénées sommairement partout, nous dessinent la carte d’un monde inconnu traçant ses circuits et déployant ses fastes sans donner quoi que ce soit en échange, à part son infect radotage. Nada. Rien du tout.

Même pas le vieux dictum biblique et proudhonien destruam et aedificabo, face à l’instabilité politique généralisée et aux sandales qui éclaboussent son personnel à échelle mondiale. La bienpensance n’offre que des cataclysmes de bric et de broc qui ne détruisent rien du tout, qui ébrèchent sans démolir, qui se moquent de cultures et d’apprentissages « hérités » parce que leur passion du « cancel » se dissout dans la vocifération haineuse, dans des cris de meute (réseaux sociaux financés par des élites pourries) à l’encontre de qui menacerait la fabrication mensongère et l’artifice de leur impossible « radicalité ». Une subversion de luxe pour parvenus. Au sein de chaque prétendue rupture prévalent les pires traditions et les mots tournent plus que jamais à vide. Les avant-gardes semblent exténuées. Les charmants colifichets du passé, genre Prix Nobel de littérature, avec la grosse tirelire qui va avec, coupent net tout élan vers l’écriture. Les révolutions dans les lettres se ramènent à des exercices de style : on récompense les textes bien sages, bien léchés, l’écriture décorative et sans muscle, à peine fardée de fumisteries progressistes, maquillage indispensable, en ce quart de siècle, pour cacher le néant et la folie. Que valent ces sous-merdes, ces rempaillages de nombril suintant contre les fureurs toujours iconoclastes d’un Céline, son génie incandescent et fébrile, son écriture pointilliste de dentellière, ses émotions de poète battant dans chaque page, son désespoir grimé et hilare voire vénéneux ? Il crée un monde romanesque cohérent et particulièrement efficace parce qu'il croit à ce qu'il fait, parce que son choix peut lui autoriser des emprunts multiples (à la poésie, à la philosophie, etc.) et créer ainsi un univers romanesque avec l'appoint cardinal de personnages d'une nature donnée, devenant ce qu'ils deviennent sous l'influence de leur entourage, sous le fouet de leurs passions, et dans le contexte de leur société. Il y a des ingrédients politiques ou des pensées philosophiques mais un roman, c'est tout autre chose qu'un manifeste politique ou un traité de philosophie. Des éléments politiques ou des composants philosophiques, quelquefois les deux, ne peuvent prétendre à prévaloir au détriment du conte, de la fable, de l'utopie, du mythe, de l'ensemble des singularités qui disent l'obscurité et la profusion d'un être humain, d'une époque, d'un univers. Révéler les dédales d'une sensibilité, ses inaptitudes, l'impuissance de ses désirs, c'est une affaire immense et il faut du génie, d'une autre sorte que celui qu'exigent d'autres formes artistiques, pour la mener à bonne fin. Un vrai roman, quand il ne reste pas à la surface et quand il creuse les cavernes de l’humain sans mensonges est, à sa manière, l'épopée d’une époque épouvantable.

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Dans la préface à De l’or, de la boue, du sang, Edouard Drumont fait cette observation : « Ce qui, dans le livre, fera le plus de bien aux intelligences attentives, c’est le rapprochement établi entre les anarchistes d’aujourd’hui et les terroristes de jadis. Tous ces violents, injuriés maintenant par le bourgeois jacobin, ont été glorifiés jadis par le bourgeois jacobin désireux de se nantir. Ravachol s’est appelé Fouché et il a été duc et grand-croix de la Légion d’honneur. »

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Un triste sire détrousseur de cadavres. Cancre dans une école privée religieuse et, plus tard, auteur d’une thèse polémique (plagiat), considérablement merdique, dans cette même université, aussi rancunier que roublard, ce monsieur représente l'élite des fonctionnaires de la social-démocratie madrilène ; il s’est singularisé par sa capacité de mutation et de nuisance sans en avoir branlé une en dehors du métier de politicien professionnel, dans le marécage politique. Papa, haut fonctionnaire (directeur général de l'INAEM du Ministère de la Culture) avec Felipe González. Maman haut placée dans la Santé, chef de service. En sus de sa nullité professionnelle et de son manque de connaissances, à peine dissimulés par la nuée de consultants en tout genre l’entourant, la jeune promesse partie pour se construire un avenir au sein de la section socialiste du quartier de Tétouan (Madrid) dont il habitait dans la zone bourgeoise (d’après Joaquín Leguina, ancien Secrétaire Général de la Fédération Socialiste de Madrid, dans son livre Historia de una ambición) a fait toujours montre d’un caractère magouilleur et cynique, intrigant au petit pied et calculateur. Un personnage qui s’humilie délicat devant les puissants suprématistes périphériques catalans et basques et qui se dresse implacable, plein d’arrogance et de morgue, au-dessus des humbles mortels de « la droite » vouée aux ténèbres de l’histoire. La constitution sous la férule de ce fieffé menteur à la tête d’un gouvernement de dissolution nationale, inimaginable ailleurs qu’en ce royaume de taifas, fera voler en éclats ce vieux pays après dynamitage de sa Constitution : amnistie pour les putschistes catalans de 2017, justification publique du détournement de fonds publics si c’est pour de fins nobles sans enrichissement personnel (?!), remise en liberté des pires canailles assassins, non repentis, très long etc.

« Quand vient l'orgueil, vient aussi l'ignominie ; mais la sagesse est avec les humbles. » 

(Proverbes)



mardi 25 octobre 2022

Octobre. Petite pluie abat grand vent ...




« Le préjugé de croire que toute vérité entraîne l’obligation d’en faire un jeu de la pensée, c’est-à-dire de la passer au crible de quelques habitudes mentales, devient encore plus gênant lorsqu’il n’est que le fruit d’une déformation scolaire ; un des caractères les plus frappants du monde actuel est la multitude de ceux qui, sans être doués par la nature d’une intelligence tant soit peu supérieure, se croient obligés de faire semblant de penser à tout propos, en revêtant leur inintelligence d’une phraséologie apprise, en quoi ils atteignent souvent une habileté comparable à celle d’un prestidigitateur ; la sottise, ainsi dissimulée sous un fatras d’artifices rhétoriques et avancés avec un aplomb aussi irresponsable qu’imperturbable, est volontiers prise pour de l’intelligence, voire de la richesse intellectuelle, conformément à la conception médiocre et toute quantitative de la culture.

Frithjof Schuon, L'œil du cœur

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Justice pour Lola ? De l’Etat aux médias, l’ordre policier de ceux qui nous gouvernent consiste à toujours maintenir le désordre établi. Pourtant, qu’est-ce qu’on se révolte pour ce qui se passe en Iran, au Qatar, que sais-je encore … ! Quand il n’y a pas de risque, on a tous les courages. Autant pleurer sur la mort d’Abel, sur les victimes de Gengis Khan, de la peste noire ou des inondations en Australie. Ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est le respect de la vie et, en principe, la protection de la vieillesse et de la maladie. Carnassiers et charognards semblent indispensables à l’équilibre de la nature. Or, l’empire du mal s’installe là où l’homme redevient cet animal qui dépèce les cadavres, pille les tombes et s’approprie les habitations d’autrui… On a du mal à comprendre pourquoi une société si libérale et éprise d’égalité et de justice depuis deux siècles a si vite laissé place, avec l’installation du Bien partout véhiculé par la mondialisation, à une prolifération d’intouchables bêtes fauves au-dessous de la bête, de sadiques et de satyres, dont l’envieuse méchanceté et l’infâme corruption sont apparemment l’état normal. Misère de nos sociétés porteuses de messages stériles !

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Voter halal ou bouffer de l’étranger ? (un titre de l’Obs d’il y a plus de dix ans !) Les Français ont voté halal après l’exécution à bout portant, en pleine tête, de Myriam, 8 ans et demi, de Gabriel, 3 ans et demi et d’Arié, 6 ans, par Mohammed Merah. Les Français ont voté halal après le Bataclan. Les Français ont voté halal après Charlie Hebdo. Ils ont voté halal après la compote niçoise. Revoté halal après l’égorgement du père Hamel, du colonel Beltrame et de Laura et Mauranne, 20 ans. Puis les Français ont encore revoté halal après la décapitation de Samuel Paty. Après le martyre de Lola, les Français iront s’activer narcissiquement dans une grande marche façon #jesuischarlie dont on voit aujourd’hui les splendides résultats : #jesuislola fera aussi bien. Et ils revoteront halal. Car ils n’en ont rien à foutre, de Lola. Strictement rien. Tous ces événements le prouvent assez : rien ne peut fléchir l’indifférence d’une opinion publique lobotomisée à jamais.

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Chaque petite fille émerge d'un océan de possibilités comme un nouveau monde, une véritable άναδουμένη (« émergée de la mer », surnom d'Aphrodite), comme compagne, comme épouse, comme mère ou grand-mère, sœur ou cousine. La relation du père avec la fille est pourtant la plus surprenante, la plus énigmatique, la plus impuissante et la plus belle de toutes les relations humaines imaginables. Un fils est, au mieux, un double, un oμooύσιoς (identique) ou oμoιoύσιoς (semblable). Une fille, c'est tout autre chose. Ce lien, au-dessus de ces destinations individuelles et derrière elles, est le plus sublime et le plus intense.

C. Schmitt, Glossarium

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Dégoûts médiatiques. Dernier dégoût télévisuel français (BFMTV). Pensée américanisée jusqu’au tréfonds : la paix ne doit pas être garantie par des contrats ou des pactes mais par des sanctions. L'unité, la paix et la stabilité reposent sur des « règles » énoncées par ceux-là même qui veulent, depuis leur entrée dans l’Histoire, transformer le monde en butin pour eux-mêmes. Dernier dégoût radiophonique espagnol (Cadena SER). Je me laisse casser les pieds, exprès, un bon bout de temps. Dialogue chaotique entre une conne complète, plusieurs fois ministre, et un garçon gris, moche et chétif en apparence, originaire du quartier madrilène de Vallecas, baratineur à en crever, visiblement entré en politique histoire d’améliorer son train de vie. Il connut son moment de gloire et un énorme succès grâce à un certain contexte historique et à un moment politique advenu quand le bipartisme espagnol risquait de s’effondrer et, en bonne mesure aussi, grâce au soutien financier et médiatique de pouvoirs discrets mais redoutablement efficaces. Intronisé vice-président, au sommet du pouvoir sanchiste, il fit en profiter sa femme, placée par lui aux commandes d’un ministère de trop, et partagea son ascension en alignant amis et proches, curieux catalogue de gens sans cervelle, devant une social-démocratie médusée, déjà partie en vrille. À sa chute, pas mal teintée de grotesque, chasse à courre contre lui : des politiciens trahis, des ex-copines, des amies ingrates, toute une cohorte qui lui en veut pour de multiples raisons et tient à lui faire payer cher ses agissements …

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Le 28 juin 1914, l’héritier de la couronne de l’Empire austro-hongrois est abattu lors d’un attentat terroriste à Sarajevo (alors Serbie). Seulement quatre semaines plus tard et après un ultimatum, l’Autriche déclarait la guerre à la Serbie alors que ce pays avait accepté 13 des 14 points dudit ultimatum. Les fous au pouvoir avaient décidé de faire la guerre et les « causes » immédiates du conflit n’étaient rien d’autre que des alibis emberlificotés, comme c’est souvent le cas. La politique des alliances transforme alors un conflit local en une guerre mondiale à effets dévastateurs. La Russie active son alliance avec la Serbie et annonce la mobilisation, ce qui conduit l’Allemagne, alliée de l'Autriche, à déclarer la guerre à la Russie ; La France est venue au secours de la Russie et la Grande-Bretagne au secours de la France, formant deux camps : la Triple Entente (France, Royaume-Uni et Empire russe) contre les deux grands empires d’Europe centrale, l’Allemagne et l’Autriche. Plus tard, l'Italie, le Japon, l'Empire ottoman et d'autres pays se joindront d’un côté ou de l’autre. Quatre ans plus tard, le tableau était effroyable : les cadavres de 17 millions de personnes gisaient dans les champs d’Europe sans que personne ne se souvienne de la véritable raison de leur mort. Et la réponse aux « plus jamais ça ! » des pacifistes ne tarderait pas à venir : un second conflit apocalyptique qui réduira l’Europe à néant.

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Internet, donde todo individuo tiene derecho a hacer sus necesidades en público y en ocasiones con gran éxito de audiencia. (Gregorio Morán)

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« Ils meurent par séries sur les routes, à chaque épidémie de grippe, à chaque vague de chaleur, à chaque erreur de ceux qui falsifient leurs aliments, à chaque innovation technique profitable aux multiples entrepreneurs d’un décor dont ils essuient les plâtres. Leurs éprouvantes conditions d’existence entraînent leur dégénérescence physique, intellectuelle, mentale. On leur parle toujours comme à des enfants obéissants, à qui il suffit de dire : « il faut », et ils veulent bien le croire. Mais, surtout, on les traite comme des enfants stupides, devant qui bafouillent et délirent des dizaines de spécialisations paternalistes, improvisées de la veille, leur faisant admettre n’importe quoi en le leur disant n’importe comment ; et aussi bien le contraire le lendemain. »

Guy DEBORD, In girum imus nocte et consumimur igni (Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu)

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Entendu à un lucide retraité, Prof des Universités, fils d’instituteurs, à la retraité à Gradignan : « À quoi bon aujourd’hui perdre son temps à l’Université, où se revendent à la sauvette des stocks inépuisables de connaissances abîmées… ? »

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Ceux qui ont compris quelque chose ne se précipitent pas d’aller le dire à la télévision ou aux chaînes radio. Ils s’en foutent de la notoriété et des éloges des intellectuels de journaux. Dire une vérité, ce serait porter de l’huile là où est le feu, elle serait éteinte à la seconde par les pompier pyromanes de service partout.

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Cette société abjecte signe une paix durable quand elle offre le pouvoir, avec les meilleures places de son sinistre spectacle, à ses ennemis les plus déclarés.

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L’œuvre complète des penseurs d’élevage, que l’on commercialise triomphalement à cette heure de la marchandise décomposée, n’arrive pas à cacher le goût des produits frelatés qui les ont nourris.

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Notre culture disparaîtra. Elle avait trois qualités : elle aimait et respectait le Beau, habitude prise chez les Grecs. Elle aimait et respectait le Droit, habitude prise chez les Romains ; elle aimait et respectait l’Homme, habitude prise très tard et avec force difficultés chez les Chrétiens. Par le respect de ces trois symboles : l’Homme, le Beau et le Droit notre culture occidentale a pu devenir ce qu’elle a été. Et maintenant qu’on tient à l’effacer, elle perdra la part la plus précieuse de son héritage : l’amour et le respect de l’Homme. Sans cet amour et sans ce respect, la culture n’existe plus. On devient des bêtes d’élevage.

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Plus dure sera la chute.
Au cours de ces années, le sanchisme a éclairé parfaitement la sélection des individus par une hiérarchie secrète dans la pourriture. Patxilopèse n’est pas le seul. Tels sont les héros du socialisme. Autour du premier cercle du gang de Sánchez, s’est formée un cénacle de cercles extérieurs, de succubes de troisième ou quatrième catégorie. Ils sont la Fourberie voulant se faire passer pour la Droiture. Pour diaboliser leurs adversaires, ils ont tous en commun de prêcher partout les bons sentiments. Ajoutons à cette déchéance institutionnelle, la lâcheté chronique des journalistes qui ont peur de se couper de leurs subventions. Au lieu d’être au service du peuple, ils se changent insidieusement en serviles adulateurs du dernier crétin arrivé au pouvoir, en simple troupeau de caniches. À l’impératif de vérité, ils substituent le devoir d’obéissance. Habile dans le coup du bonneteau à toute vitesse devant des millions d’électeurs, Sánchez promène de mur en mur les ombres chinoises qui sont le spectacle même de la caverne de Platon : des ombres portées d’une réalité dont ils ne connaîtront jamais que les apparences, au travers de ce jeu habile et sublime du montreur de marionnettes qu’est, depuis sa truculente arrivée au pouvoir, ce grand prestidigitateur d’un socialisme discrédité jusqu’à la caricature. Les trocs pitoyables de notre « transition » politique des années soixante-dix, avec une gauche devenue complice des marchandages de la honte, agréèrent l’apparition de pitoyables individus de tout bord créant une « nouvelle » classe politique qui, par son silence, trompa sciemment le peuple. Ce fut une connivence dramatique dont les effets se font toujours sentir. La traversée bourbonienne de ces années a été pour le moins déshonorante. Plus gravement, elle a été celle d’un pays entier qui, par conformisme, n’a voulu rien savoir et doit maintenant payer le prix d’un passé fardé, emplâtré, et ravaudé par toutes les chirurgies esthétiques de la fausse mémoire. Quand c’est trop tard, c’est trop tard… 
Sauf que notre leader bien-aimé, notre cher Pedro à nous, s'occupe de tout. Tour à tour, agent atlantiste sous la botte des Américains, champion des « valeurs » UE, soutien de la veuve et de l’orphelin et en même temps des pauvres et des « classes moyennes laborieuses » (sic), ce petit politicien,  instrument des lobbies successifs qui ont financé son parti (CIA, social-démocratie allemande), aurait pu, une fois chef du gouvernement, démontrer par son action politique une vision historique se dévouant à la grandeur de la nation. Il n’en fut rien. Politicien magouilleur de la plus basse espèce, il mit l’État au service de ses calculs minables. À la traîne des Américains dans la guerre d’Ukraine et fâché en même temps avec Algériens et Marocains, il asservit son pays se roulant aux pieds de l’OTAN avec ses bases d’occupation, acceptant non pas le maintien mais l’accroissement significatif du budget militaire, ne faisant qu’accroître le chômage et la vie chère. Toucheur de peuple, il n’a d’autre contact avec ses semblables que sa poignée de main. À quoi rêve-t-il ? À conserver le pouvoir, à paraître, à flotter le plus longtemps possible comme des bouchons à la surface de l’eau – et à se graisser la patte en attente d’une sinécure à l’extérieur. Manipulateur d’exception, ce monsieur a fait ses classes à l’école de l’embrouille, là où l’on vous enseigne l’art de duper vos interlocuteurs, tout en s’attirant l’admiration des foules, par le recours constant à deux armes magiques, le culot et le baratin sans s’embarrasser de rien : faire toutes les promesses, n’en tenir aucune, prétendre tout et son contraire,  parler le plus possible… pour, à force de déclarations, créer la confusion dans les esprits et pouvoir toujours s’en tirer, à la manière des prestidigitateurs. « Des messieurs à gibus fumant le cigare me veulent du mal. Je suis blanc comme neige. Je n’ai jamais rien caché. Tout ce dont on m’accuse, je m’en suis déjà expliqué. On me fait encore un mauvais procès, en me ressortant à chaque fois les mêmes dossiers. On m’en veut parce que je réussis et que je suis le meilleur et le plus beau. » Grand illusionniste de ce joyeux premier quart de siècle, Sánchez est assuré que jamais personne ne pourra le confondre dans un « direct » à la télévision, où il a studio ouvert et des lèche-culs de service en veux-tu en voilà. Il peut tranquillement y faire ses plateaux, sélectionner à sa guise ses contradicteurs, faire caviarder un reportage où il n’apparaît pas à son avantage ou commander une ridicule série documentaire à sa gloire. Et narguer ensuite le journaliste qui aurait l’impudence de vouloir le présenter tel qu’en lui-même. Une amoralité insondable, un défi permanent dans la pratique du cynisme, une même propension à recourir au mensonge pour parvenir à ses fins, réduire ses adversaires, réussir contre eux tous les mauvais coups. Combien de temps faudra-t-il avant que l’Espagne ne se lasse de ce baratineur, de son total mépris du peuple qu’il prétend servir, mais qu’il sait toujours mieux duper grâce à des stratagèmes qu’il ne se lasse plus d’exploiter ? Avant d’appeler qui que ce soit au gouvernement, une enquête serrée devrait être faite par principe. Je ne comprends pas comment les socialistes parfaitement informés prirent le risque il y a déjà quatre ans d’introduire un aventurier au sommet de l’État. Des centaines de cadres honnêtes et capables ont été pris en tenaille par un gros tas d’opportunistes implacables qui, alliés aux marginaux et aux démagogues de toute race et de tout pelage, ont converti cette organisation historique en un parti de zombies …

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Je suis exercé de longue date à mener une existence discrète et insaisissable. Sous le toit, dans ma bibliothèque où s’élèvent dans les rayons des centaines de livres, pareils à des soldats penchés dans leur tranchée, j’ai quelquefois la sensation d’être au cœur d’un navire gisant au fond des eaux. Tout un transatlantique de culture qui sombrera corps et biens dont la coque repose sur le sable et qui sera prochainement engloutie à jamais. Bientôt, je ne pourrais plus relire ces livres, rassemblés en des années de travail et de patiente attention. Annotés, cent fois consultés, ils ont constitué le trésor de ma mémoire qui fléchit. À mesure que nous vieillissons, la mémoire prend des rides, des ombres et des lumières plus fortes. Après l’éblouissement impressionniste de l’adolescence, c’est le clair-obscur des paysages dans le brouillard qui marque le temps qui passe. Mon sang-froid me fait rester en ces lieux et y revenir pour me replonger dans la terre de mes rêves. Tant de moments heureux qui s’éloignent pour toujours entraînant avec eux les occasions manquées et les moments d'enthousiasme !

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À la télévision, on n’entend que cette gauche résiduelle genre woke qui, pour se protéger d’avance des retombées à venir de sa propre corruption, y va à fond dans la culpabilisation des autres. Entendre ces gens-là parler d’intégrité a de quoi faire rire.

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Comme je viens d’écouter depuis une demi-heure les mêmes jérémiades sur le livre menacé par Internet, j’ai rappelle que ni la Bible, ni les Évangiles, ni les présocratiques grecs n’étaient des livres, et qu’ils ont traversé les siècles. Sempiternelle confusion du produit et de son enveloppe, du bonbon au chocolat et de la boîte, de la sardine et de la conserve. L’aluminium de la boîte n’est qu’une reliure in-folio. Quel que soit le flacon, c’est toujours la chair de l’esprit qu’on déguste. Désormais, ordinateurs, tablettes et smartphones porteront bien plus Platon que le livre imprimé, devenu totem et réceptacle de la sous-culture des élites férues de soupe rallongée.

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La règle la plus constante qui préside aux agitations d’un gouvernement d’incapables, ce à quoi on les reconnaît sans peine, est que les résultats sont toujours à l’inverse des vœux.

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Jésus-Christ, qui ne perdait jamais son temps avec l’esthétique ou la musique, parlait cependant des fleurs des champs à ses apôtres avec une émotion communicative. Sa seconde passion était l’ornithologie, que saint François a conduit au sommet de la perfection appelant par leur prénom tous les petits oiseaux du coin, qui lui répondaient en gazouillant dans leur langage.


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Autre question digne d’intérêt : celle du réalisme en littérature. Écrivant pour ma satisfaction personnelle, sans aucune prétention d’être jamais publié, je me rends compte que la réalité n’est pas directement littéraire. Ou bien elle est plate et ennuyeuse, ou bien elle paraît relever de l’extravagance, ou bien elle ne fait pas vrai parce qu’elle bouleverse les idées reçues et les usages consacrés. Le travail de l’écrivain soucieux d’être édité consiste donc à mettre en scène, naviguant entre les écueils, une réalité artificielle qui fera plus vrai que le vrai. Je m’efforce, quant à moi, d’être vrai dans la sobriété et dans le respect de mon premier lecteur, qui est moi-même.

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Pour mon ami d’Irun J. G. V. : berak badaki nik badakidala eta nik badakit berak badakiela... Y a-t-il en France des territoires « hors de la République » ? Il y a des quartiers entiers où on ne fout plus les pieds, même la journée. On ne sait pas trop combien de gens y vivent car ils ont rapatrié toute leur famille élargie. Les chiffres ne veulent plus rien dire et les autorités donnent l’illusion d’avoir le contrôle. Les écoles de ces quartiers sont des taudis et le commerce a pris depuis longtemps la fuite. La police n’y met plus les pieds et les gangs règlent leurs comptes et font leur business tranquilles. Une fois par an, un ministre débarque avec son préfet et les caméras pour annoncer une connerie et balancer une formule choc qui fera le buzz pour quelques semaines.  Et hop, le lendemain le business reprend. Les gens qui ne peuvent plus ont abandonné ces quartiers, tout sacrifiant sur l’autel de la paix sociale. Le plus grand problème, c’est que cette situation n’est même pas reconnue. Ça n’existe pas, ce sont uniquement des sentiments subjectifs ! De ce point de vue-là, c’est pire que tout : on ne veut même pas voir une réalité en face. Des profs qui se font décapiter, c’est aussi une des exceptions culturelles françaises. Le tout avec l’institution qui demande de ne surtout pas faire de vagues. Si un prof fait des vagues, il va envoyer des messages supers négatifs et on lui reprochera de ne pas tenir sa classe. Une fois par an, et pour se donner bonne conscience, on organise une petite minute de silence qui sera reprise par les médias avec un petit mot d’un ministre et voilà : affaire réglée ! Reste les quartiers encore préservés, sécurisés avec moults caméras de surveillance, parfois clos et avec gardiens à l’entrée, dont les heureux habitants ont accès aux écoles privées et aux conforts de la vie moderne. Les enfants du ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, étudient à l’École alsacienne, établissement privé d’élite à l’abri de tout risque de « communautarisme » …

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samedi 24 septembre 2022

Rentrée 2022 : éternel retour.

 

Août. Nous avons un rapport fusionnel avec notre maison. Mais après un long séjour sans la quitter, trop prolongé, nous vient l’envie de changer d’air. Les trop courts passages d’amis, ceux, périodiquement rythmés par leurs vacances, de nos enfants, d’un voisin qui sonne, nous comblent. On aime énormément la partager, la faire admirer de près. Mais cela ne suffit plus : il faut qu’on parte loin pour la regretter, car on l’aime trop. Alors dès le matin du jour choisi, Rosa cajole ses plantes, on astique les meubles, on referme les volets : fuyant notre solitude nous la refermons sur la sienne. Et déjà un sentiment de tristesse m’envahit. J’ai l’impression d’abandonner une vieille maîtresse qui m’a donné sans compter tant de bonheurs, de la trahir. Alors je caresse une dernière fois certains objets, chaque meuble, je lui dis, d’une voix qui s’étrangle, « t’inquiète pas ma belle, je reviendrai dans quelques jours… tiens bon ! » Et on part sans se retourner, les yeux humides…

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Septembre. À notre retour d’Alicante, nous la retrouvons, le lendemain, inondée de lumière. Mais l’émerveillement est vite effacé à cause d’une stupide histoire de travaux de réfection avec un entrepreneur capable de vous gâcher l'existence. Puni, comme à l’école ! Ni plaisir en entendant de la musique ni plaisir d’écrire un peu après tant de jours d’absence. Pouvoir faire des phrases ! Habituellement, je m’en lasse pas. Cette fois-ci, cela devra attendre. Toute capacité de réflexion part en fumée après une discussion un peu « vive » - comme je les aime, tout de même - quand on tente de me prendre pour un con. Je ne suis pas diplomate pour un sou, ni faux cul. La parole donnée a toujours, pour moi, une signification. Les engagements par écrit, ça a force de loi. Dans le cas contraire, autant retourner chacun à sa caverne ronger son os. Pouvoir faire des phrases ! Quelque chose dont je ne m’en lasse pas. Voire, comme le dit le regretté Jean-Luc Godard dans une interview, parler pour ne rien dire. Et de plus en plus quand on se voit vieillir. Rien d'important, de neuf, de singulier, de surprenant. Simplement, polyglotte, se fondre dans les langues et accepter de n'avoir rien à dire qui n'ait déjà été dit cent fois, mille fois. Quelque chose qui dise le moins possible. Comme dans une langue morte, à la limite de l'extinction de voix. Disparaître complètement dans l'épaisseur de la langue. Je n'y parviendrai pas ce matin ! Tant pis, j’irai me promener en ville pour quelques heures comme le fou à qui l'on a permis de quitter l’asile et je me promènerai au soleil, au fur et à mesure que l’exaspération disparaît et que ma tête récupère enfin un peu de calme sous la lumière triste de septembre.

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Les progressistes sont donc pour la peine de mort. Mais attention, seulement pour les délits les plus graves : les délits d’opinion. Comment disaient-ils, au fait ? Ah oui : tolérance. Et puis « je suis Charlie ». Et, surtout « Vous n’aurez pas ma haine » et tout ça. Mais pour Daria Douguina, que dalle. Elle mérite bien son terrible sort, cette sorcière anti-woke !

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Visite à San Baudelio de Berlanga. Je ne suis pas en mesure de prouver que le Dieu des catholiques existe. Mais ce qui est sûr, c’est qu’Il leur a inspiré de sacrés chefs-d’œuvre. Qu’Il a fait germer du cœur et de la main de l’Homme des splendeurs inouïes. Des splendeurs non seulement infiniment supérieures à toutes les autres créations humaines, mais d’une toute autre nature…


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À l’instar des autres régimes politiques, la démocratie n’est que la caractérisation d’un rapport de force social à un moment donné. Ce n’est ni un paradis ni un idéal à atteindre à tout prix et surtout pas une « valeur ».

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Puisque le nom de tyran est le plus odieux de tous les noms, on ne doit le donner qu’à ceux des princes ou des simples citoyens qui ont acquis, n’importe comment, la faculté illimitée de nuire. Malgré la possibilité de déposer périodiquement un bout de papier dans une urne, on doit donner indistinctement le nom de tyrannie à toute espèce de gouvernement dans lequel celui qui est chargé de l’exécution des lois, peut les faire, les détruire, les violer, les interpréter, les empêcher, les suspendre, ou même seulement les éluder avec assurance d’impunité. Que ce violateur des lois soit héréditaire ou électif, usurpateur ou légitime, bon ou méchant, un ou plusieurs ; quiconque, enfin, a une force effective, capable de lui donner ce pouvoir, est tyran ; toute société qui l’admet est sous la tyrannie, tout peuple qui le souffre est esclave.

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230e anniversaire de la République. J'ai toujours trouvé admirable l’efficacité avec laquelle la France a révélé au monde son histoire des deux derniers siècles. À commencer par la vente efficace à sa propre jeunesse, à travers le système scolaire, d’une telle camelote. Les Français auraient inventé la démocratie moderne. Et Napoléon se serait consacré à la répandre partout sur les terres d'Europe. Ses successeurs auraient poursuivi cette noble tâche et ils auraient héroïquement écrasé le dragon incarnant le Mal au 20e siècle, le nazisme, grâce aux courageux garçons de la Résistance. Ils ont laissé entrer les Allemands chez eux pour mieux les avoir, malins qu’ils étaient. Colonies ? Eh bien, les Anglais peuvent si l’on veut en avoir davantage mais, au moins, dans les colonies françaises, les droits de l'homme et de la plante étaient respectés. C'est à peu près ce que l’on trouve dans des manuels, dans des livres, dans des films et des documentaires, etc. Les campagnes napoléoniennes ont bel et bien provoqué quelques millions de morts, civils et militaires, et alors ? Les doléances et réclamations des colonies n’ont pas toujours été satisfaites au goût des populations locales ? Bon, peut-être. Curieusement, la défaite à plate couture de 1870, répétée  à une plus grande échelle en 1940, après le malentendu de la « victoire » dans la Première Guerre, sauvée de justesse par les alliés, n’entament non plus en rien l'enthousiasme inexplicable des élites au pouvoir. La plus petite « petitesse », l’abandon honteux des populations et des territoires d’outre-mer, du Viêtnam à l’Algérie a été habillé par le génial vendeur de mythes, fier donneur de leçons à l’univers, qu’était De Gaulle comme de « la grandeur ». Et dans le vaste monde, il a gardé une image splendide, ce géant vide. Comprenne qui pourra… Paradoxes de l’histoire, en quelques années, un stupide système idéologique destructeur imposé par la gauche américanisée a poussé avec succès la population à avoir de plus en plus honte d’elle-même, de sorte que la véritable et magnifique histoire de ce pays que j’aime passionnément reste ensevelie sous de grosses couches de gravats de falsification. Gaullienne, jadis, et d’ignominie woke, naguère.


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Droits historiques. On discute depuis quarante ans sans discontinuer des « droits historiques », ô combien mystérieux, propres aux territoires foraux de notre Communauté autonome basque, auxquels la Constitution espagnole fait référence dans sa première Disposition Additionnelle : « La Constitution protège et respecte les droits historiques des territoires foraux. La mise à jour générale dudit régime foral sera effectuée, le cas échéant, dans le cadre de la Constitution et des Statuts d'Autonomie ». Sujet passionnant. Car, ces droits historiques ne sont pas détaillés ni datés. En quelle année ou dans quel siècle prennent-ils effet en tant que droits historiques ? Comportaient-ils aussi des obligations, sans doute ? Apparaissent-ils dans la Loi Paccionada de 1841 ? Se trouvent-ils développés dans les conseils provinciaux (Diputaciones Forales) qui existaient sous le régime de Franco en Biscaye, Navarre, Alava ou Guipuscoa ? Il n'y a pas eu, à l’époque, d'objection de la part des non-nationalistes basques à la loi d’Amélioration du régime du Fuero de Navarre, qui allait dans la direction opposée à celle de ces territoires foraux bien qu'il soit évident qu'elle consacrait des privilèges qui rendaient lettre morte la soi-disant égalité de tous les Espagnols en droits et en devoirs. On en est donc loin d’un droit historique clairement défini d’autant plus que son interprétation n’est pas fixée dans des textes, n’étant qu’un concept immatériel d’origine exclusivement politique. Plus précisément, ce que les nationalistes basques interprètent à un moment donné en tant que droit historique, c’est ce que le reste des politiciens espagnols ont dû jusqu'à présent prendre pour acquis sans contestation. Ils n’ont jamais eu la prétention d’en savoir davantage que les nationalistes basques eux-mêmes ! On croit généralement que ces nationalistes rêvent d’un retour dans des parages idylliques d'agriculteurs, d'éleveurs, de pêcheurs et de marins, fermés, sans aucune trace de culture au-delà de leur langue rurale fragmentée, où l’étranger n'a jamais un mot à dire. Or, c’est parfaitement faux ! Ils savent pertinemment ce rêve impossible et ils essaient sciemment d'amener à un nirvana partagé les indigènes d'autres régions espagnoles, convertis en tour de passe-passe en héritiers légitimes d'une identité basque nouvelle mouture, basée sur une utilisation héraldique (terme développé il y a plus de cinquante ans par J. L. López Aranguren) de la langue autochtone que chacun doit exalter à défaut de savoir s’en servir, et surtout sur l’abandon des veaux d'or (politiques) socialistes au profit d’une majorité parlementaire du parti-guide, le PNV, pour ne pas le nommer. La mise à jour des droits historiques est établie dans l'ensemble du corpus juridique de la Constitution de 1978, qui établit l'égalité de tous les Espagnols, sans distinction de sexe, de religion, de race ou d'autres conditions qui y sont exprimées. La race, dans le cas des Basques, pourrait être expliquée en détail par l’éminent Aitor Esteban, porte-parole au parlement de Madrid qui tenait, il y a une éternité, à s’y exprimer en basque. En aucun cas, un statut d'autonomie, dérivé de la Constitution 1978, ne peut, de quelque manière que ce soit, aller au-delà du fait que Basques, Andalous ou habitants de l’équivalent en Espagne de Trifouilly-les-Oies sont égaux en droits et en devoirs. Car la Disposition Additionnelle est clairement exprimée : « dans le cadre de la Constitution et des Statuts d'Autonomie », sans que les prérogatives de chaque statut d'autonomie puissent violer ce cadre. En droit constitutionnel nous sommes tous libres et égaux devant la loi. Hélas, personne n'accepte de livrer cette bataille contre l’absurdité évidente. Bataille bien au-delà de la politique. Bataille urgente ? On ne pourra pas continuer à admettre éternellement, sous prétexte de « droits historiques » non déterminés par une loi spécifique, que certains sont plus égaux que d’autres en cette Espagne, devenue Grand Cirque, éblouie un moment par les pirouettes d’un Sánchez, acrobate au sol sans pareille mais sans talent comme chef de l’exécutif ni décence aucune comme simple citoyen. 

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Évacuation des eaux usées. Sánchez, homme qui tient parole, s’était porté publiquement garant de l’exécution intégrale des peines pour les terroristes ; il s’était  prononcé solennellement contre la formation d’un gouvernement de coalition avec Unidas Podemos… « qui l’empêcherait de dormir la nuit, comme 95% d’Espagnols » ; il avait courageusement affirmé sans sourciller que l’Espagne ne méritait pas que ses services de renseignement  tombent sous le contrôle d’un Pablo Iglesias vice-président du gouvernement ; pactiser, lui, avec les indépendantistes ? jamais au grand jamais : « je peux vous le répéter cinq fois si vous le voulez bien » ; il y a eu, selon ses déclarations, en 2017 en Catalogne un délit de rébellion caractérisé ; plus jamais de grâce pour des motivations politiques … ; pas question d’augmenter les impôts … À quoi bon continuer ? La liste est pourtant bien longue … La rumeur prétend qu’il postule une place à l’internationale socialiste. Ils ne savent pas la chance qu’ils ont, ces veinards de socialos !

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With shame and scoundrel. Biden à l'ONU alors que son pays occupe 1/3  de la Syrie et après avoir détruit la Libye et l'Afghanistan et bombardé la Yougoslavie : « La Russie a violé sans vergogne les principes fondamentaux » de la charte de l'ONU avec une « guerre brutale et inutile » en Ukraine, a déclaré le président Joe Biden aux dirigeants mondiaux dans un discours à l'Assemblée générale des Nations Unies. Raisons sans vergogne d'envahir un pays et de lui déclarer la guerre. Exemple numéro un. La chaudière d'un cuirassé explose opportunément dans la baie de La Havane et les États-Unis accusent l’Espagne  du naufrage. La même Espagne qui les avait aidés dans le passé à obtenir leur indépendance. Pour remercier cette générosité dans le passé, ils lui déclarent la guerre illico et envahissent Cuba avec les milliers de morts correspondants. Pareil à Puerto Rico, Guam, aux Philippines et au reste des colonies espagnoles en Asie et en Amérique, annexées en 1898. Exemple numéro deux. Après la chute de l'URSS en raison de la stratégie d'usure de Regan, les États-Unis se sont consacrés à saigner l’ensemble des républiques exsoviétiques suivant une théorie selon laquelle l’Union, et surtout la Russie, en mille morceaux constitue quelque chose d’essentiel pour l'Amérique. Après avoir triché et trahi leurs promesses, ils rapprochent de plus en plus l'OTAN de la Russie armant des groupes tout comme ils avaient armé les talibans (y compris Al-Qaïda, plus tard) pour que la Russie perde la guerre lors de l’occupation de l'Afghanistan, pays frontalier. Ils tentent la même chose en Syrie, mais en attendant, ils font la promotion d'un coup d'État en Ukraine et installent un gouvernement fantoche pro-nazi tandis que leurs oligarques et même la famille Biden y font de juteuses affaires, les armant et les soutenant dans leur guerre civile contre les régions pro-russes, bombardées et terrorisées, provoquant un exode des Ukrainiens russophones.

Cette dynamique se poursuit, malgré les logiques protestations russes jusqu'au moment où le président-marionnette Zelensky demande l'installation de l'arme nucléaire sur son territoire et l'adhésion à l'OTAN, le tout au nom de la démocratie tout en préparant une ultime offensive contre la résistance russophile dans l'Est. Poutine déploie alors son armée pendant des semaines sans pouvoir modifier la situation d'un iota. Eh bien, tout cela n'est pas une cause légitime pour une intervention militaire russe selon les USA, exemple planétaire de légitimité quand c’est eux qui légitiment. Leurs médias et ceux de leurs alliés qui se soumettent à cette stratégie agissent donc de concert pour présenter les évènements sous une même couche de vernis. Les Américains font la guerre à la Russie par armée interposée, leur forme de guerre préférée, malgré le fait qu'avec cette guerre ils ruinent les pays européens, leurs « alliés », prolongent et transforment une intervention militaire en une nouvelle guerre à grande échelle, augmentent de façon exponentielle les victimes et les morts et rendent même possible une guerre nucléaire. Les gauches européennes sont trop occupées par l’écriture inclusive et les affaires de genre, transgenre et métagenre … Ne les attendez donc pas. 

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L’état-providence ou la social-démocratie qui s’est mise en place voilà un siècle, meurt étouffée partout sous le poids de sa dette. Plus elle se développait, plus elle augmentait ses dépenses pour fonctionner et plus elle limitait la croissance de son assiette. C’était voué à l’échec et depuis la crise de 2008, elle ne vit plus que d’expédients. Il est désormais acquis qu’elle ne peut plus sortir de cette dérive et que le bout du rouleau n’est plus très loin. Le financement et le maintient en condition de fonctionnement de ce système s’appuyait sur une domination du monde par l’occident sur le plan technologique, économique, financier, monétaire et, au besoin, militaire. Cette domination sans partage est désormais terminée, nous ne pourrons bientôt plus faire payer notre système par les autres. La guerre d’Ukraine est une tentative de prolonger ce système, mais, sans préjugé de l’issue du conflit, elle en marquera surtout la fin. Enfin, le développement économique s’est appuyé sur des ressources énergétiques abondantes et bon marché. C’est, au moins pour un temps, terminé, surtout du fait de choix idéologiques toxiques. Il faudra des années pour inverser cette tendance chez nous. Aggravé par des problèmes migratoires et culturels, la crise qui s’amorce ira au-delà de l’hiver et il est difficile de dire sur quoi elle va aboutir. Les partis dits de gouvernement étaient intellectuellement structurés pour un monde qui n’est plus, leur désaffection est donc logique. Son dernier représentant, Sánchez,  va sans doute connaitre un destin politique qui finira mal pour tout le monde. Quelle que soit la violence politique dont il va user, et elle sera extrême, le sol se dérobe sous ses pieds. Mais vu le personnage, personne ne le plaindra.

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L’Esprit souffle où il veut. Je voudrais t’avoir dans mes bras jusqu’à ton dernier souffle. Voir tes yeux jusqu’à ce qu’ils ne voient plus, et même au-delà. Nous avons respiré ensemble tant d’années ! Ne pouvant aller de l’autre côté avec toi, je m’arrêterai au seuil, effaré de constater que mon chemin continue, que mes yeux voient encore, ébloui par la lumière d’amour blessé qui émanera de ton corps à l’instant même où tu le quitteras, si jamais tu devais le quitter dans les heures ou les jours qui viennent. (Hospital Universitario de Donostia, notes du 30-05-2022)

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« Je ne crois pas à la peur de la mort. Je rappelle le raisonnement d’Épicure : quand nous sommes, la mort n’est pas, et quand la mort est, nous ne sommes plus ; nous ne rencontrerons jamais la mort, nous n’avons rien de commun avec elle. Ce raisonnement est simple, il est convaincant et exact. La seule peur que nous puissions avoir, c’est celle de la mort des autres, de ceux qui nous sont chers. Et la seule peur que nous ayons pour notre propre compte, c’est la peur de la souffrance. » Michel Houellebecq (conférence)

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J'étais donc à la terrasse du jardin à lire Jacques Darribehaude et à écouter une cantate de Bach (Jagdkantate, que ma fille adorait qu’on écoute ensemble quand elle bûchait à côté de ma chambre de travail), et je me suis aperçu que j'exultais de nous retrouver toujours ensemble. Quel extraordinaire sentiment ! Pas exactement un sentiment, d’ailleurs. Une intense vibration interne, une tension intime du corps, un abandon à l'instant, une plénitude joyeuse et parfaite. C'est bien sûr indescriptible.

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Je passe des moments, la nuit, à me rappeler une fois de plus ce vieil homme, musulman, qu’on avait vu un jour à Hendaye, sur le quai de la gare déserté, déployant son tapis usé jusqu’à la trame, pour réciter ses prières du jour. Je pensais à ce qu’elles promettent, ces prières, à ce qu'elles rendent possible, bien que je sache parfaitement que ce genre d'expérience n'est pas envisageable en dehors du cadre solide d'une foi très référencée et d'une discipline impeccable. J’ai bien essayé d’ouvrir toutes les portes qui se sont présentées à moi quand j’étais enfant. Sans jamais oublier tout à fait, en foi et en discipline, les enseignements de mes parents, ressuscités périodiquement en moi  longtemps après leur disparition. Et au beau milieu de la nuit, des fois, j’essaie d’expérimenter par moi-même la puissance d’une modeste prière. Je n'en reviens toujours pas. Je demande vaguement un peu de paix intérieure et elle vient presque immédiatement. En outre, si prier pour demander semble ridicule (malgré l’invitation de Mathieu, « demandez et l’on vous donnera »), et surtout égoïstement mesquin, je suis en mesure d’affirmer qu’au plus profond de la nuit, mon angoisse s’envole en quelques instants. Et que je me remets à respirer apaisé comme si j’avais échappé à un dangereux étouffement venu de nulle part.

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