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dimanche 19 janvier 2020

Morosité hivernale...




Faute d'envie d'y revenir plus fréquemment par morosité hivernale. Comment ne pas se lasser de commenter la médiocrité ambiante ? Que mes fidèles amis me pardonnent. Surtout les (le et la, ne chipotons pas sur le genre) récemment retraités, les veinards... Allez, que tout ce qui se passe (de moche) ne nous empêche pas de passer de bons moments !

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« Le suffrage universel est un bonneteau périodique dont les cartes sont tenues par des gredins. » Léon Daudet, La Police politique,1934, p. 109.    
Il est amusant de constater que ce même « système de 78 » imposé en Espagne par Kissinger et par les sociaux-démocrates allemands (effrayés par la révolution des œillets du Portugal) pour fermer la voie aux communistes s’est empressé de leur ouvrir les portes aujourd'hui d’un gouvernement de coalition autoproclamé “de progrès” (ne riez pas, ayez une pensée pour la réflexion classique à propos de la distance entre ce qu’on a la prétention d’être et ce qu’il s’avère qu’on est réellement). Les oligarchies catalano-basques ont jeté à la poubelle une constitution dont ils se torchaient ostensiblement avant même son entrée en vigueur mais qui leur a été extrêmement utile. Elles sont bien contentes, nos oligarchies, de ce qu'on appelle l'état de partis. L'État des partis, la démocratie est autre chose, est un système juridico-politique allemand mis en place à Weimar et imposé après par l'armée victorieuse à l'Europe vaincue en 1945 : il supprime la représentation politique à travers le système électoral proportionnel et convertit les partis politiques en organes de l'État titulaires de la souveraineté (lire A. Garcia-Trevijano !). Vu par Carl Schmitt, dans l'État des partis, il n'y a pas de loyauté envers la Constitution ou l'État ou le Peuple ou la Nation. Uniquement envers l'intérêt d’un parti. Étant un système particulier, c'est un système plein de pièges comme en témoignent l’Allemagne de 33 ou l'Espagne de 36, deux peuples, soit dit en passant, éduqués à la servitude volontaire (Étienne de la Boétie). Nous ne sommes plus en 36, même pas en 45. La crainte aujourd’hui, pour ne pas dire la trouille, c’est l’instauration de la dictature du propriétariat mondialiste. Le gouvernement du prétentieux farceur du bonneteau espagnol pourrait faire rire s’il n’était pas tragiquement cynique. Je ne manque pas une occasion de poser la question à des amis enthousiastes de l’immédiat gouvernement de progrès à propos de l’état actuel de la Grèce après le passage des Tsipras, Varoufakis et compagnie… Retraites réduites à néant, pays vendu aux enchères, l’enfer partout. Et, rebelote ! les conservateurs une fois de plus aux commandes. Tant de micsmacs pour de si maigres résultats ! Pour ce qui est de l’Espagne, rien de ce qui alimente les réflexions des commentateurs paraît vouloir se remonter aux sources. 
Car rien de ce qui arrive aujourd’hui n'aurait été possible si auparavant le système politique espagnol n'avait pas dégénéré en un système grossièrement partitocratique, pire encore, un système corrompu dont la voracité des castes politiciennes pour s’emparer des institutions n'est comparable qu'à leur sectarisme rampant et à leur myopie. Invoquer à ce stade le sens de l'état semble pathétique. Pedro Sánchez n'est qu’un des derniers rebondissements de cet état de choses. Temps de désespoir. Crainte que mon attente de la réaction salvatrice qui arrêterait la course de mon pays vers l’abîme ne soit qu’une chimère. De plus en plus, j’en viens à penser que les Espagnols ne votent que ce qu’ils méritent. Un ami me demanda récemment si ça ne me gênait pas d’avoir un type sans scrupules et sans aucune honte de soi-même pour président. C’est vite dit. Nul me paraîtrait plus adapté. Nul, comme l’ont été ses prédécesseurs, enchanteurs qui, depuis plus de quarante ans, mènent au son entraînant de la flûte les Espagnols vers la noyade finale. Je suis désolé, mais celui qu’ils ont choisi en 2019 ne me dérange ni plus ni moins que les autres. Il faut dire que qui que ce soit à sa place connaîtrait, quoi qu’il fasse (y compris incorporer à son gouvernement à des farceurs de Podemos, ces mêmes rigolos ex-couteux-entre-les-dents qui l’empêchaient de dormir il y a quelques semaines) ou ne fasse pas, le même rejet de la part d’un peuple devenu au fil du temps ingouvernable tant il est gangrené jusqu’à la moelle par un séparatisme forcené né du racisme suprématiste auquel vient s’ajouter une haine de soi nourrie par le rejet de sa propre histoire et par l’éternel retour à la guerre civile* et à ses aléas. Même l’Union Européenne nous pisse dessus sans vergogne (Iglesias, vice-président du conseil, dixit). Mais que fait-on à part en attendre l’impossible ? J’attends avec impatience les louanges des zartistes, des zintellectuels de gôche et de bonzesprits en général. Les excuses à tout manquement à la décence. Les rappels à l’héritage reçu… Le progressisme qui mise sur l’esbrouffe et les effets spéciaux. Podemos est là avec ses potes PSOE, bonjour la diversitude et la liberté retrouvées ! Et puis, on peut rêver, on voudrait moins de taxes, moins de prélèvements mais plus de redistribution, de meilleurs salaires et retraites et des services dits « publics » partout et pour tout le monde. On veut le beurre, l’argent du beurre, le cul de la crémière et le sourire de son mari.


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Les USA et l'entité sioniste depuis leur création respective, n'ont jamais respecté le droit international. L’assassinat du général iranien Soleimani est un épisode de plus. Les USA ont exécuté sur le sol d'un état souverain tiers le général d'un pays avec qui ils ne sont pas officiellement en guerre en représailles-prévention d'attaques contre leurs intérêts et s'en félicitent. Même Salvini est d’accord ! Et devenu très pote avec Trump... Contre les tyrans iraniens chiites, des ringards qui croient en un Dieu unique. En revanche, leçon de modestie fièrement affichée :                                                                                                
« Nous avons été les premiers, nous les Israélites, à trouver un Dieu unique, donc un Dieu intelligent. Nous sommes sans doute un peu plus intelligents que les autres, car comment expliquer autrement que nous ayons tant d'ennemis... Les juifs, partout dans le monde, prennent souvent les meilleures places, et cela on ne peut pas nous le pardonner. On dit encore : « Ces sales juifs, ils gagnent trop de millions. » Qui le dit ? Les jaloux. Car cet argent, les juifs ne l'ont pas volé. » (Propos d'Arthur Rubinstein à Jacques Chancel dans Radioscopie 2).

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Y a urgence ! Cordons sanitaires donc contre le choléra droite-extrême droite-extrême-extrême droite ici ou là. Parmi les âneries que mâchouillent constamment nos amis rebelles subventionnés, mon slogan préféré est sans conteste : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » D'abord parce qu'il a l'ancienneté pour lui : on imagine que c'est ce qu'a dû grommeler le premier homme qui, ramassant un gros os d'animal, a eu l'idée de s'en servir comme gourdin pour intimer le silence à son voisin de grotte. Mais c'est surtout son côté aporétique qui me réjouit. Parce qu'enfin… Si l'on proclame que les ennemis de la liberté doivent être privés de liberté, cela signifie que l'on devient soi-même, à l'instant de la proclamation, un ennemi de la liberté. Donc, en tant que tel, on devrait, quasi simultanément, être de facto privé de sa liberté d'expression. Mais alors, il n'y a plus personne pour réclamer la suppression de liberté pour les ennemis de la liberté. Si bien que le bâillon que l'on vient tout juste de nouer tombe de lui-même, et que notre réduit-au-silence peut de nouveau réclamer la suppression de liberté pour les ennemis de la liberté, etc. : le serpent croyait mordre à pleins crochets sur le réel, il a juste attrapé le bout de sa queue. S'il pouvait se la bouffer et s'auto-empoisonner, ça ne ferait de peine à personne. La phrase du bon Saint-Just aurait gagné en signification et en exactitude si ce brave homme avait plutôt dit :"Plus de tête pour les ceux que nous considérons comme les ennemis de la république". Elle eût conservé sa logique lorsqu'il fut à son tour considéré comme tel par d'autres, tout aussi sanguinaires que lui. Comme quoi on peut gagner en exactitude quand on perd en concision. Pouvoir se mordre la queue doit pourtant être un truc dont certains doivent rêver... Saint-Just fut plus simple : une fois condamné à mort, il refusa de se défendre, considérant, par principe, que "le peuple", seul représentant de la liberté, ne pouvait s'être trompé en le condamnant. Il était tout de même plus con que la moyenne. Assez de se prendre la tête à tout instant, allez, retour au sérieux : en Yankeeland, royaume du gros attardé Rouquemoute I, on considère que le cher Antonio Banderas est Noir. Une bonne femme au gouvernement espagnol ne veut plus de son poste car elle n'est pas racialisée juste au moment où il s'avère que nous sommes des Noirs ! Il suffit de regarder la tronche de Trump pour se faire une idée de ce que doit être un Blanc aux yeux de son électorat... Où en sommes-nous ? On était bien d'accord que les races n'existent pas ! On y perd son latin, langue parlée en Amérique du Sud, comme tout président américain (du Nord) sait très bien... Quant à moi, je me vois sans problème associé par ma coloration cutanée à un comédien de talent comme Dieudonné Mbala Mbala.


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« Il faut penser historiquement. Et là où l’on a tant prié, là se trouve à proximité le divin d’une manière tout à fait spéciale », M. Müller, Martin Heidegger. Ein Philosph und die Politik. Ein Gespräch, p. 213.

«El huracán que sopla a través del pensamiento de Heidegger, comparable al que después de milenios nos azota todavía desde las obras de Platón, no procede del siglo, viene de las antigüedades más lejanas, y lo que deja lleva el estigma de la consumación, aquello que, como todo lo consumado, recae en el tiempo primigenio». H. Arendt, Martin Heidegger ist achtzig fahre alt, en Arendt, Menschen in finsteren Zeiten, p. 184.


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Y en a qui ont tant souffert, pleurez dans vos chaumières, braves gens ! Groupes, peuplades, ethnies, confréries… On pourrait réclamer pour leurs héritiers une rente ou un tribut à vie, ad libitum infinitumque. On pourrait financer un biologiste pour prétendre que les souffrances psychiques ou physiques, réelles, imaginaires ou exagérées, s'intègrent au code génétique et se traduisent par une terrible prédisposition à la souffrance qui exige compensation économique – la repentance, c’est de la gnognotte – dans les siècles des siècles.


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Dans mes vieux jours, espèce de Robinson urbain, serais-je devenu provincial et agoraphobe, près de mes sous et chauvin ? 


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Bien sûr, le mépris social n’a jamais vraiment disparu – consubstantiel qu’il est à la nature de certaines catégories d’individus : des blogs à cracher dessus, tant la hargne du menu peuple y est à vomir – mais il s’était fait beaucoup plus discret, prudent, retenu, se rabattant largement sur la sphère privée. Evidemment, dans les conversations on n’en pense pas moins, on pense même toujours rigoureusement la même chose – le mépris du pauvre, du sans études, du « sans dents », de l’habitant du quartier pourri fier de son pauvre bout de drapeau espagnol ou français (les séparatistes, expression d’une guerre latente à peine larvée, méritent déploiement et respect) fièrement ficelé au balcon de sa cahutte – mais on en réservait l’expression à un entre-soi choisi. Car le mépris social n’était plus à la mode encore récemment, en tout cas médiatiquement, remplacé qu’il était – dans notre société moderne inapte à la mesure et à la nuance – par une survalorisation de la figure de la victime « peuple » abstraite, du précaire, du squatter, du chômeur en fin de droit… Les temps actuels sont à la compassion lacrymale et à la « solidarité », mais purement déclamatoire. Les temps où l’on essaie de nous faire pleurer sur les exclus, les étudiants « fils d’ouvriers », sur « l’argent sale » et « la corruption » (de ça dépend qui), l’argent qui pourrit tout… Tout le monde s’en fout plein les fouilles, comme d’habitude, mais le discours est au misérabilisme bienveillant envers les « losers » de la mondialisation. Les socialistes ibériques existent encore et, tout en menant des politiques capitalistes depuis qu’ils existent, ils doivent bien tenter de justifier encore ce nom, tandis que, de leur côté, les libéraux, ayant raflé toutes les mises, peuvent bien accepter de cohabiter avec quelques discours « sociaux » qui ne mangent pas de pain, ni de brioche. 




Les médias, eux, se complaisent à flatter généreusement un « petit peuple » dont ils ne sont pas sortis et qu’ils ne connaissent pas et ce avec d’autant plus d’empressement que ce dernier avait le bon goût de voter à gauche et de respecter les dogmes de la bien-pensance mondialiste. Hélas cette tendance risque de n’être que temporaire, et, trop violemment bousculés dans leur existence quotidienne par les soubresauts mondialistes et l’invasion migratoire, les « ploucs », les « prolos » blancs hétérosexuels se sont mis à dériver dangereusement vers le conservatisme et l’identitarisme nationaux tant honnis… Ils ne méritent donc plus d’être défendus, même purement symboliquement. Coupables de voter pour Vox, les chômeurs non identitaires d’une petite identité « historique », des Espagnols tout court, ne sont désormais plus des victimes du capitalisme mais des consanguins attardés et des fascistes. De la même façon, les fonctionnaires – dont le vote systématique pour le PSOE risque de se voir ébranlé – ne sont plus les nobles défenseurs du service public, mais d’infâmes parasites surnuméraires. Pour les technocrates des politiques de design, il n’y a maintenant plus de « prolétaires », plus de pauvres, mais des « ploucs », et l’existence des pauvres n’est qu’une fiction. Les masques peuvent enfin tomber, il n’est plus nécessaire de prendre des gants, de faire semblant. Les socialistes espagnols donnent dans le n’importe quoi populiste et la droite se consterne quand elle retrouve la mâle assurance des Soros et des capitaux financiers apatrides du côté des rigolos périphériques. La réussite financière, la rapacité, l’accumulation matérielle, la spéculation et l’usure reprennent leurs droits et peuvent désormais être encensés sans gêne (comme aux temps du vautour Solchaga !) dans un pays dirigé comme une « start up » par un président, lui aussi à l’idéologie de design. Certaines résistances morales subsistant malgré tout, on voit des Leguina ravissants, nourris au sein du politiquement correct et de la langue de bois des bons vieux temps, vouloir ressusciter la socialdémocratie vraie des vraies du bon vieux temps. Porca miseria !


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Rappelons pour mettre les rieurs de notre côté qu’en 1924 Staline définissait le fascisme comme « l’organisation de combat de la bourgeoisie disposant de l’appui actif de la social-démocratie ». J. Staline, Zur internationale Lage, in Inprekor 30.09.1924, nº 127, p. 1684





(*« Tous les grands événements et personnages de l’histoire du monde se produisent pour ainsi dire deux fois… la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce sordide… » 
Énoncé liminaire de l’étude de Marx sur Le Dix-Huit Brumaire de Louis Bonaparte.