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jeudi 19 mars 2020

L'humanité est une maladie de la terre...




Fête des pères en réclusion obligatoire. Que faire ? Je n’en sais rien mais une chose me paraît évidente, c’est qu’il faudra raison garder. Se montrer prudent, prendre certaines précautions, certes, mais éviter la panique qui n’a jamais fait qu’empirer les choses. En ce qui me concerne, je ne compte pas changer grand-chose à mon mode de vie. J’ai peu de contacts sociaux, je ne serre pratiquement jamais de mains, j’ai la foule en horreur, il faudrait donc que je manque terriblement de chance pour attraper cette foutue bestiole. Là où les gens font toujours ce qu'ils veulent, on sera donc plus exposé à la contagion. Le nombre de contaminés est dix fois, cent fois plus élevé que ne le disent les chiffres officiels ... Lecture matinale de la presse franco-espagnole : d'accord avec Rivarol en ce que celui qui connaît plusieurs langues a simplement plusieurs mots pour une même idée. À l'exception de deux langues sacrées, le latin et le grec, et du toujours attachant basque où certaines "idées" résisteraient bien à une mécanique de la pluralité au moment de les rendre explicites. 

Jean Rostand : « L'humanité est une maladie de la terre. Sur les planètes saines, il n'y a pas d'hommes. » 

Et après les quarantaines ? 

« Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernements seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie ? » (Charles Baudelaire, Fusées


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L’orthodoxie régnante peut changer à un moment donné, et devenir, pourquoi pas, proche de vos « idées » sans être moins étouffante pour une pensée libre. L’astucieux manœuvrier Juan Carlos s’en est mis plein les poches. D’accord. Il ne pensait qu’à baiser et à l’oseille. Toujours d’accord. Comme quand on le prenait pour un con à ses débuts, le fait que tout le monde répète la même chanson n’est pas plus réjouissant quand on est d’accord avec la chanson : certains esprits n’en sont pas moins réduits à l’état de cyniques « gramophones ». Et ses nombreux complices ? Et les fortunes construites sous son aile ? Maintenant, il y a urgence, assurent les caniches de Soros, peu touchés par les mesures de confinement, vu leur condition d’animaux de compagnie qu’il faut promener chaque jour. Les aboyeurs professionnels qui s’appliquent on ne peut mieux à monter le soufflet de l’unanimité progressiste chez les gentils, les dans-le-vent, les anti-machin ou pro-chose, à imposer tout de suite leurs indignations téléguidées, leur façon d’exprimer, tous ensemble et à la commande (casserole en main, tweet rapide), leur exécration pour celui qui, intouchable jusqu’à la veille, leurs papa-maman ont adoré comme le Midas de leurs vies. Et des anciens terroristes et des toujours de plus en plus racistes, bref des fous dangereux hostiles à toute notion de raison ont le culot de dénoncer comme des réacs, des fachos, des fanatiques qu’il faut haïr à tout prix, tous ceux qui rechignent à avaler leur potion dégueulasse. Le fait que le roi émérite soit un fieffé prédateur ne fait pas automatiquement du couple opportuniste Sánchez & Iglesias des hommes d’état, du pitre Rufián quelqu’un de bien ou du ridicule raciste Torra juste quelqu’un d’humain. 

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Mort d’Ernesto Cardenal, chantre de la Cuba de Castro. À Cuba, d’après l’apologétique progressiste, les gens sont égaux. Formellement. Réellement ils ne sont égaux que dans le non-droit. La médecine, l’éducation gratuites. Et alors ? Elles ne valent pas grand-chose ! La culture y est absente depuis presque le début de « la plus belle aventure du XXe siècle ». Transformés en esclaves les gens deviennent, à juste titre, apathiques. Écrasés par le pouvoir, surveillés par leurs voisins, sans libre arbitre. Une grande île tombée en miettes. Des siècles de culture accumulée perdus en un rien de temps. Crasse partout. Ruines. Mafia voleuse et incompétente au pouvoir pour les siècles des siècles… 

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Une personnalité est un individu qui ne ressemble à aucun autre, avec un monde intérieur singulier. 

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Retour en arrière sur les responsabilités de certains intellectuels dans les massacres des derniers temps, en Syrie, au Yémen, en Afrique. Partout. Je dis bien « certains ». BHL et autres merdes. Et une fois bien délimité le profil de ce qu’on peut considérer « méchant par excellence » : Saddam Hussein, Bachar el Assad, Qasem Soleimani … Depuis la fin de la seconde guerre mondiale que les méchants par excellence de l’époque ont perdue, qu’on m’explique un peu qui n’a pas essuyé de défaite au XXe siècle. Hitler, dans son bunker. Mussolini, pendu par les pieds. Lénine, laissé à l’agonie par ses camarades de parti, privé de sa langue, réduit à l’impuissance. Churchill qui s’est battu pour la puissance de l’empire britannique, réduit à néant. De Gaulle, arrivé chez Churchill après la plus terrible défaite de l’histoire de son pays : « Je suis ici pour sauver l’honneur de la France ». Il ne pouvait pas ignorer que l’honneur perdu ne se restaure plus. Il put voir de son vivant l’empire français tomber en loques et « sa » cinquième république lui tourner le dos. Staline, mort paralysé incapable de bouger, entouré de ses vassaux et inconditionnels accourus à son chevet comme une volée de charognards. Il faut bien payer la fête de la civilisation et de la démocratie, remboursables en roupies de sansonnet. De la bonne rhétorique mais sans changements tangibles dans la réalité. La seconde guerre mondiale contre les totalitarismes a provoqué moins de morts que la victoire du monde démocratique civilisé. De 1945 à 2020 il est mort plus de monde que dans les deux guerres de quatorze à quarante-cinq. Les morts de l’Indochine française, dans les années cinquante. Avant Dien-Bien-Phu et le Vietnam dans ses phases américaines. Les morts de la guerre d’Algérie. Les risques de reprise d’un conflit mondial lors du conflit de Suez de cinquante-six (avec les dizaines de milliers de fellahs morts, avant, à le construire). Des affrontements entre l’Inde et le Pakistan britanniques. Morts de la Birmanie, du Ceylan. Ceux des colonies portugaises. Et des événements de Rhodésie, du Kenya. De l’Indonésie hollandaise. Le Kolimantan. Les victimes de la guerre six années d’affilée au Congo belge. Le Katanga, ça vous parle ? Madagascar, en quarante-huit et le Cameroun en soixante. La Malaisie en soixante-trois. Guerres pour et après les indépendances. Guerres et haines intestines entre les peuples « émancipés ». Les diamants, l’or, le cuivre, le zinc… Voilà ce qu’il y a toujours derrière les proclamations pour la civilisation et la démocratie. Les guerres yéménites ont duré de soixante-deux à soixante-dix-neuf avant de revenir en gloire tout récemment jusqu’à aujourd’hui même. La Lybie et le Tchad. Le Maroc et l’Algérie. Le Laos, les Philippines. Les guerres tamoules en Birmanie. L’histoire terrible de la république du Bangladesh. Arabes et Juifs. Des noms sinistres. Bokassa, Mobutu, Amin Dada… Le génocide au Rwanda. Des carnages en Irak et en Afghanistan et encore en Ukraine. Le Haut Karabagh, l’Abkhazie, la Tchétchénie, l’enfer des Balkans, le drame toujours présent de la Palestine. L’écrasement de la Syrie laïque. Un million par ci, un million par là… Sinon, les droits de l’homme se portent bien.
 

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Entendu dans un sens large, les Castillans (Asturiens, Andalous, etc.) ont toujours été une colonie intérieure des Basques et des Catalans. Le moteur perpétuel de leur progrès. Une partie conséquente chez les uns et chez les autres voudrait l’indépendance aujourd’hui. Vis-à-vis de qui ? Et ils se laissent bruyamment conduire vers l’abîme ! Plus des trois quarts du Royaume (sic) d’Espagne voudraient bien un peu d’harmonie sur un plan global, homogène, pour l’ensemble. Bâtir un pays prospère et uni. Mais au seul énoncé du problème, la vielle bique social-démocrate gravement contaminée d’encéphalite spongiforme par les suprématistes concurrents se met à courir et à sauter… 

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L’abolition de l’histoire est une sorte de pitoyable liberté pour ceux qu’elle délivre effectivement de tout devoir d’empirisme vis-à-vis du passé. Cette liberté, faite d’irresponsabilité et de disponibilité à tout ce que les maîtres réels du monde voudront bien faire d’eux, les progressistes subventionnés des médias y tiennent plus qu’à la prunelle de leurs yeux. Quiconque en critiquerait la vacuité en rappelant l’existence constante de l’histoire charnelle (et non purement mémorielle !) sous la forme des données nombreuses et terribles qui nous tombent dessus depuis la nuit des temps, sera taxé de nostalgie réactionnaire à moins que ce ne soit de penchant au fondamentalisme religieux, sinon au fanatisme apocalyptique, au fascisme (!). Cette abolition de l’histoire en bénéfice des escroqueries de la mémoire, qui pour la grande masse des gens constitue seulement un plaisant repos, est aussi pour le progressisme subventionné un travail : celui d’effacer les traces des conflits réels et des choix possibles qui s’y sont succédé, d’y substituer les faux antagonismes rétroactivement exigés par la propagande du moment. On gagne des guerres rétroactivement ! On voit bien ici la contribution du barbare yankisme précurseur dans la réécriture du passé comme dans la fabrication de faux combats pour le présent et si vaillant à pousser vers le bas des murs qui étaient déjà en train de tomber.


mardi 3 mars 2020

Sous tes mégots, la mer ...




Plaisir d’écrire pour soi et de partager de personne à personne. Catherine Pozzi, fille d’un chirurgien ami de Proust, envoie à Jean Paulhan deux feuilles de papier avec des poèmes. Celui-ci veut les publier. Elle réagit immédiatement : « Cher Paulhan, Je vous étonne ou je vous choque, en vous jurant que mes vers allaient à l’ami, non au grand Directeur ? Je perdrais le plaisir d’en faire pour mon plaisir si vous les imprimiez – voici mon refus. » À qui l’absence de reconnaissance publique du silence fait-elle peur ? 

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La mort de quelqu’un qu’on aime bien contient la nôtre. À la mémoire de Markos Balentziaga, ami du coeur.

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Lucidité ludique de certaines formes de désenchantement : se contenter d’observer entre jubilation et sarcasme, parfois avec aigreur, les allées et venues des clans au pouvoir où que ce soit, tant convoité partout par les marionnettes, tous et toutes esclaves du caprice de la fortune et des magouilles des plus puissants que soi-même. 

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Je ne veux plus relayer les accusations presque unanimes contre le Céline avant ou après 1945 malgré ce qu’on sait de la déportation et des massacres. J’ai presque honte d’avouer que cela ne me détourne pas de lui, de sa manière de communiquer à l’écrit romanesque sa photo du monde tel qu’il le voit. L’entreprise d’asservissement des humains, en gros et en détail, la plus abjecte, le communisme – auquel j’ai adhéré par manque d’instruction et de formation suivie – est toujours populaire dans ses variantes le plus cocasses et criminelles, et on voudrait qu’un antisémite soit le diable parmi les diables ? Ajoutez au tout que les souffrances des victimes des zeures-les-plus-sombres d’il y a belle lurette sont devenues autant de prétextes exhibés sans repos pour infliger à d’autres victimes bien actuelles d’autres souffrances non moins terribles, la déportation des Palestiniens, après le vol de leurs terres, les tortures et les pires humiliations dans la bande de Gaza, camp de concentration à ciel ouvert. La ténacité du « méchant » Céline à cracher par le verbe illuminé contre l’ordure humaine me le rend plus proche du Qohèleth que de l’optimisme soi-disant humaniste, et combien bouffon et criminel, des officiellement décrétés « gentils ». 

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Proust et Léautaud en harmonie totale 

« Quelle n'a pas été ma tristesse d'apprendre que vous avilissiez la petite magistrature spirituelle dont votre goût et votre élévation et justesse d'esprit vous investissent en couvrant de votre approbation l'être le plus immonde, le plus dénué d'intelligence, de style, de grammaire, de sensibilité, d'originalité (ose-t-on dire après cela de talent?) qui existe, le premier publiciste qui me fasse comprendre le sens du mot innommable, car j'ai quelque dégoût à le nommer, M. Léautaud. Personnellement je ne le connais pas, j'ignore tout de lui. Mais j'ai lu un livre de lui qui s'appelle Amours et si vous ne trouvez pas que c'est la chose la plus atroce, la plus imbécile qui existe, l'un de nous deux est devenu fou. » (Lettre à Léo Larguier, fin 1906-début 1907) 


Détestation dont on trouve aussi des traces dans le libre de Serge Koster, Sérénité du dédain, PUF, p. 95 (« Léautaud, un zoolâtre dans son placard »). Cet être qui « se fai[sai]t faire des pardessus sans poches et tir[ait] des crins de sa doublure » n’avait rien, l’homme ou le style, pour plaire au Marcel dans son trou de liège… Pour Léautaud, le style de Proust, c’était du charabia. 

Conseil de visite : http://proust.elan-numerique.fr/

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Le gros problème dans notre boite de pétri progressiste européen, c’est qu’à force d’utiliser la peur à toute les sauces on finit par avoir un troupeau de moutons hystérique prompt à la cavalcade effrénée au moindre bruissement dans les hautes herbes. Nos gouvernants rendent ainsi leurs esclaves complètement fous, alternant le fouet et la pommade a un rythme effréné. Interdits les rassemblements (Barcelone, Venise... fermeture du Louvre, Salon du Livre) pour lutter contre le méchant virus, mais rassurez-vous quand même petits moutons, vous pouvez aller bosser dans les entreprises de moins de 5000 personnes par bureau. Ou voir votre match préféré ou prendre bus et métros sans problème. Les effets commencent à poindre : panique généralisée et hystérie planétaire. Sur une chaîne télé, on interroge les gens pour savoir s’ils ont peur d’aller au boulot. On aurait pu les interroger pour savoir s’ils ont peur d’aller en vacances… Comme quoi, le milieu où le méchant virus prolifère reste celui de la connerie. Et pas de virus sous les tropiques, cette méchante bestiole craignant le chaud, pire que tout pour elle ! Du coup, le réchauffement climatique pourrait être une solution définitive !!  La peur crée la panique. La panique engendre des comportements irrationnels, ce dont les gouvernements en profitent pour tester leur marge de manœuvre et faire avaler n’importe quoi au « peuple souverain ». À qui profite cette hystérie autour du coronavirus ? À l’ignorance, à la bêtise, à l’avidité. Depuis la dernière guerre mondiale, la science a été capable de gérer extraordinairement bien les pires risques de pandémie, comment, alors, s’inquiéter avec ces agitations dignes du pire obscurantisme pour ce virus qu’un potentiel vaccin, sans doute en cours d’étude, finira par mettre hors d’état de nuire ? 

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Notre gouvernement actuel et le président qui l’a formé ont au moins un point commun avec ceux qui l’ont précédé : ils ne conviennent pas à une large moitié des Espagnols. Pour certains, il y a urgence à les remplacer, pour d’autres il faut respecter les institutions, qu’ils maudissaient avant d’arriver au pouvoir, et attendre que les échéances électorales permettent de leur choisir des successeurs. Si tout gouvernement est, quoi qu’il fasse, en mesure de mécontenter beaucoup de monde, il est bien plus délicat d’en trouver un qui satisfasse ne serait-ce qu’une courte majorité. Il y a à cela une multitude de raisons. La principale étant qu’on attend beaucoup trop de gens qui somme toute ont un pouvoir très réduit et certainement pas celui de faire le bonheur de tous. Ambition d’autant moins réalisable que tous n’ont pas la même conception du bonheur ni de la manière d’y parvenir. A cela, il faut ajouter les irréconciliables contradictions que cultivent les partisans de ces multiples conceptions. En gros, on veut tout et son contraire. On souhaite un renouvellement du personnel politique mais on reproche aux nouveaux venus soit leur inexpérience soit leur appartenance à de vieilles familles politiques. On exige l’égalité tout en réclamant de voir ses mérites personnels reconnus et récompensés. Les gens réclament de l’honnêteté mais n’ont rien à cirer que le président ait fait coïncider de manière considérable des passages de sa thèse de doctorat avec des sources non citées ou qu’il soutienne tout et son contraire devant les médias ou au parlement. On veut la tranquillité publique sans que les forces de l’ordre aient recours à la force. On aspire à un pouvoir stable mais les élections répétées à tous les échelons (municipal, autonome de chaque région, national) n’annoncent la moindre mesure de réforme d’une loi électorale clanique et absurde. On exige « du progrès » sans reprocher leur incohérence aux gouvernants qui, comme tout un chacun, sont les héritiers des pires idéologies ineptes et meurtrières. Et ils s’en réclament sans honte et sans complexes… Tout ça ne date pas d’hier. La Fontaine, avec ses grenouilles qui demandaient un roi, était allé chercher son modèle chez Ésope, fabuliste qui serait né il y a quelque 2640 ans. C’est dire l’ancienneté du problème ! Pour qu’un pouvoir, quel qu’il soit, satisfasse, il lui faudrait un très large consensus sur les buts à viser et la manière d’y parvenir. Or ce genre de consensus non seulement n’existe plus mais, du fait de la configuration même de l’État et de notre Constitution, a de moins en moins de chance d’apparaître en ce que ce régime favorise l’atomisation de la société en une multitude de minorités régionales aux intérêts contradictoires. A l’inverse, une forme de consensus présente l’intérêt de réduire les oppositions. Dans le règne ambivalent du populisme férocement manichéen du pour et du contre, ceux qui sont contre ne s’unissent généralement que par leur rejet à quelque chose ou à quelqu’un. Quand ils parviennent à renverser le pouvoir qu’ils haïssent, ils se divisent à l’infini et quand le bazar devient anarchique, il arrive qu’un nouveau pouvoir fort apparaisse. Tout ça pour dire que le gouvernement idéal n’a dans les temps qui courent que le défaut de ne pas pouvoir exister davantage que le consensus qui le rendrait populaire et cela d’autant plus dans ce qu’on appelle l’État providence qui par définition se trouve en charge d’assurer le bonheur de ses citoyens. Si gouverner se bornait à exercer des fonctions régaliennes, assurer la sécurité extérieure, l’ordre public, définir le droit et rendre la justice, gérer les finances publiques etc., il me semble que les points de friction, sans disparaître, seraient moins nombreux tant il est plus aisé de s’entendre sur quelques points clairement définis que sur tout. Personnellement, vu que j’ai la chance de mener une existence qui grosso-modo me convient, je me contenterais de ce type de pouvoir. Contrairement à beaucoup, le gouvernement actuel ne me déplaît ni ne me plaît pas plus que ceux qui l’ont précédé depuis quelques décennies qui, en tentant de satisfaire des attentes déraisonnables et hors de leur portée et progressivement gagnés par une corruption rampante et impunie, nous ont amené à la situation absurde que nous connaissons aujourd’hui. 

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Je ne vais pas m’étendre trop mais je veux préciser quelque chose à ceux qui me parlent de conflits inévitables entre collègues. Deux grandes peaux de vaches féminines – l’une plus peau de vache que l’autre, quand même des plus vicieuses de ma fac de lettres ! – et moi, nous ne nous appréciions pas particulièrement. Haine sortant du tréfonds de moi-même : de classe, de formation, de tempérament, de tout… C'était même un euphémisme, tant nos rencontres semblaient l’occasion de se vouer télépathiquement une haine mutuelle. Et bien tenace, hélas. Elles avaient pour elles la publicité facile et bien organisée de leur réseau… En fait, ce qui me rendait en colère chez elles, c’est la facilité avec laquelle elles pouvaient démolir ou bâtir des réputations à partir de rien pour former leur propre narratif, comme on dit aujourd’hui, le répandre comme des galettes de mazout sur une plage et, ce faisant, voler la vraie réalité des gens de peu qui n’avaient pas leur mot à dire ni les moyens de réfuter leurs histoires. Elles construisaient leurs ragots en toute impunité. C’était des batailles d’un microcosme trou du cul si on veut mais bien plus graves que ça n’en a l’air vu la répétition du phénomène… 

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Au fil des ans, les connaissances quittent la conscience, l’écorce du savoir tombe progressivement en miettes. On finit par mépriser presque tout. Cette impression collée dans la tête d’avoir eu un devoir à accomplir, toute sa vie. Se battre pour l’égalité. Pour la justice. Changer les choses en ce monde. Et, puis, à un moment donné, on se rend compte que l’exclu est rendu satisfait de lui-même par la compassion qu’on lui porte. Il se prend pour le point de référence de la société, il commence à être presque fier de cette exclusion et s’attendrit de sa propre condition, qu’il exhibe pour être écrasement majoritaire… Ce narcissisme fait de lui un bœuf d’abattage, de l’appât pour plateaux télé. Au fil des ans, on se demande à qui donner sa sympathie… 

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Comment distinguer le Catalan de l'Espagnol ? Et ces deux lascars du prototype de Basque ? Objectivement, nul ne saurait le dire. Ils vivent ensemble depuis des siècles, portent majoritairement les mêmes noms de famille, regardent les mêmes chaînes de télévision, aiment les mêmes boissons et partagent un même engouement pour le football, chôment et travaillent à peu près sur le même calendrier. Entre autres. Mais maintenant, on les fait accroire qu’il existe des mondes spécifiques pour les uns et pour les autres, des manières d’être qui n’ont rien à voir, et que pour que triomphe l’un il faut à tout prix écraser les droits de l’autre. Pour le moment. La notice du médicament « indépendance » permet de voir clairement que pour être efficace il faut commencer par écraser ses voisins vu qu’on est nettement meilleur. Le mode d’emploi de ce remède ne laisse pas d’ouverture au doute. Ici même et partout dans le monde connu. Avant-hier, dans l'ex-Yougoslavie, hier à peine, au Rwanda. Et au jour d’aujourd’hui … à quoi bon continuer ? On ignore délibérément le sens des mots. Surtout, l’un des plus fétides. Démocratie. Appliqué avec du zèle partout, tout le temps, à n’importe quoi. Avec férocité infatigable, par les loups séparatistes ibériques transformés médiatiquement en doux agneaux provoqués par le monstre fasciste. Symboles du dévouement pour leur peuple. Pour plus de démocratie. Et pour l’indépendance et, bien entendu, pour le socialisme. Des mots, ce n’est pas ça qui manque dans la panoplie des bouchers ! La guerre froide et les longues années du régime du petit général allié des alliés – si utile, et si longtemps, aux intérêts catalans et basques – paraissaient avoir gelé le pourrissement, le rapide processus de décomposition des années trente mais ça reprend de plus belle en ce début de siècle post histoire. Avant la chute du mur de Berlin, on parlait de « dégel ». Ça faisait partie du vocabulaire qu’on entendait quand j’étais jeune. Le mur tombe : là, dégel total. Une fois le pack encombré de « -ismes » et de « -ances » décongelé, le pourrissement reprend. L’histoire, fallait s’en débarrasser au plus vite. Pour mettre en place la « mémoire ». Avec ses gentils mensonges qui permettent de suivre n’importe quel chemin.

Quand on entend « l’histoire aurait pris un autre chemin si… » nous sommes sûrs et certains qu’on nous fait perdre notre temps. Les méandres de la mémoire permettent, par contre, de si joyeux voyages pleins de nostalgie. L’indépendance ! Maintenant que la mondialisation s’impose partout ! Est-ce vraiment malin de se battre pour l’égalité en Espagne ? Quelle partie d’échecs où les gens jouent-ils contre eux-mêmes, à la fois pour les noirs et pour les blancs… Les plus franquistes entre les franquistes, les abjectes bourgeois catalano-basques, veulent voir une Espagne à genoux, des Espagnols humiliés se repentant de leur passé franquiste ! Eux ! Vas-y que je te fasse la leçon ! Fautifs qu’ils sont, ces affreux franquistes, d’avoir gagné la guerre civile… Ayez l’obligeance de leur en pardonner ! Et la répression. Aïe, aïe, aïe, comme c’est navrant ! Et le développement de la Catalogne et du Pays Basque grâce aux millions que le régime leur a apporté ! C’est à en gerber. Le calcul et le lucre révoltés contre le lucre et le calcul. Les usuriers et les banquiers contre les paumés espingouins. Les plus riches, le mieux lotis, tenant par les couilles les ploucs centralistes « castillans ». Les renards sionistisés de la suprématie ridicule de leur ethnie ou de leur intelligence de tricheurs pleins aux as crachant sur une constitution d’emprunt (allemand) qui leur garantit de jouer éternellement les premiers rôles. Le monde à l’envers. Quel sera le dernier acte de la décomposition de la social-démocratie espagnole ? Enlevez la Catalogne et le reste du vieux pays s’écroulera comme un château de cartes. Amputez le Pays Basque et tout partira en vrille. Bismarck en son temps disait déjà que l’Espagne était indestructible puisque les Espagnols eux-mêmes se voyaient dans l’incapacité de la détruire.


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Pourquoi demander au « peuple » d’accepter le sacrifice d’un concitoyen déjà assassiné ? Parce que tout le monde dans l’univers mafieux doit subir la catharsis du meurtre. Communier par le sang, comme dans les tribus de l’antiquité. On atteint la maturité dans la prise d’un scalp ennemi. Ou, dans la sous-merde de notre quotidien, dans la souillure persistante des tombes des assassinés. Ça valait aussi bien pour le grotesque univers stalinien que pour le cauchemar cubain ou pour le pauvre pantin héroïquement descendu par derrière ou plastiqué au Pays Basque. Il faut transgresser tous les tabous sociaux pour arriver à palper l’argent du contribuable, pardon, la construction du socialisme… 

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Les télés suprématistes sorties de la cornue du labo de la transition mettent en état de marche de par le vaste espace de l’état espagnol des racistes en quête de patrie, des nationalistes genre terroir et des soi-disant radicaux de gauche. On glisse dans les ténèbres, on reprend de zéro avec les mêmes erreurs… Tout pour rien : y a-t-il une évolution de l’esprit de génération en génération, peut-on la prévoir ? La nôtre, d’évolution, pousse dans la barbarie raciste et finira bien par s’arrêter et par mourir d’épuisement sans lien entre les générations une fois que ces liens familiaux auront été dynamités par la plus complète déshumanisation de la main des clans et des partis de progrès. Ce lien des générations était jusqu’à présent renforcé par les morts. Les père-mère devenaient les fils dans la rime continue de l’histoire, le mourant regardait droit devant lui appelant à sa mémoire les maillons de son histoire. Les petits toutous de Soros font pipi quotidiennement sur l’arbre généalogique de chacun – y compris du leur – en terre de Palestine ! 

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