***
Chacun suit son propre chemin, mais dans la même forêt ... Paisajes en tartana de hojalata
Rue Gaston Marchou. Nous avons fait nos adieux
en esprit à cet appartement et à tout ce qu’il contenait. Nous n’avons pris, en
le quittant, que les livres et les objets ménagers d’usage courant et du linge.
Les enfants s’occuperont de la vente du mobilier. Il est peu probable que nous revoyons
un jour ces intérieurs que nous – Rosa pour l’essentiel, rendons à César … ce
qui est à Rosa ! – avions si joliment transformés en maison à nous.
Comme celle d’Irun. Cet adieu n’est pas facile. Mais peut-être cela nous
aidera-t-il au moment où il nous faudra aussi quitter des lieux plus chers pour
prendre la route incertaine de la fin du (court) parcours en commun le cœur
plus léger. Partagé entre la nostalgie et le devoir, j'éprouve un sentiment de
bonheur lorsque je réussis à écrire exactement ce que j’ai l’intention d’exprimer,
dans un français grammaticalement et syntaxiquement inaltérable. J'aime la
langue que cela produit à l'occasion, dont il m'arrive d'être fier, mais je
n'éprouve jamais autant de plaisir que lorsque cette langue que j'écris est
simple et directe : quand j'écris français, en français. Mon ambition était
depuis des années sans doute là : parvenir à passer d'une langue apprise parce
qu’aimée, et prise comme amante tout jeune, à une langue capable d’exprimer des
émotions ressenties dans ma langue maternelle, sans solution de continuité,
sans que cela se voit, ou, du moins, sans que cela ne vienne déranger la
lecture d’un francophone natif, sans anneaux dans le nez mais, de
naissance. Peu à voir avec le fameux « bilinguisme », tel qui l’entendent ceux
qui n'ont aucune idée de ce qui est parler et vivre dans une
langue voulue, notion qu'on devrait réserver à toute personne qui se
montre capable d’une suffisante mental bilocation. Toutefois, la voie
n’est pas toujours facile, elle est même pleine d’embûches ; c'est évidemment
la bonne bilocation qui est comme un Graal à atteindre. Quand on écrit une
langue sans traduire la nôtre, on évite les modèles statiques comparables pour
éviter l’informulable, proche de celui qu’on entretient plus ou moins
volontairement en parlant. Quand cette langue privée, directe, nous permet de
rêver, de nous exprimer, d’aimer et de souffrir sans barrière linguistique, de
confier dans une langue sans l’ambivalence propre/originelle, c'est toujours un
miracle. « Privée », parce que langue créée en partant d’une langue maternelle
arrivée à très bien se fondre dans l’autre langue, sans la heurter, en tentant,
au contraire, de disparaître, de se fondre en elle, ou au moins de se faire la
plus discrète possible. Je me demande vraiment laquelle des deux je préfère … C'est
entre ces deux embrassements que j’ai essayé d'exister.
***
***
Aujourd’hui les « occidentaux »
ne reconnaissent et ne soutiennent plus le droit des peuples à disposer
d’eux-mêmes, seulement le droit d’Israël à disposer des peuples.
***
***
***
Le Sanchezland a, paraît-il, un régime représentatif. Quand je vois ceux qui sont censés me représenter, je me dis qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne plus ou bien que les électeurs sont devenus bien laids ces dernières années.
***
Le sionisme est une barbarie qui se fait
passer pour un projet d’avenir. Cette escroquerie sécuritaire est un marqueur
d’ensauvagement fanatique de la pensée, au service du mal absolu. Le sionisme
est une dystopie qui glorifie l’extermination : le discours des sionistes est
frappé d’une telle indignité, d’une telle immoralité et d’un tel sans-gêne,
qu’ils expliquent pourquoi la base, pourquoi la population saine de la planète
a le sain réflexe de se détourner de tout soutien à Israël. Le soutien au
sionisme est essentiellement un fait d’élite qui touche les caciques du
journalisme subventionné, de la politique, de l’art (subventionné aussi) ou une
réaction épidermique pustuleuse qui gangrène les cercles ethno-identitaires,
rongés par un sentiment d’insécurité raciale. Hamas par-ci, Hamas par-là. Le
seul amas que le monde peut voir
chaque jour est bien celui des cadavres de femmes et d’enfants de Palestine. Je
sais que je ne peux rien, mais je m’oppose dans la mesure de mes nulles forces
à ce que des milliers de Palestiniens continuent de s’empiler pour satisfaire
la goinfrerie territoriale, la gloriole messianique et l’appétit génocidaire de
ces gens-là. Le sionisme fait régresser la pensée à un stade de validation
pré-néandertalien de la loi du plus violent et du plus obscène. Ce contre-feu
civilisationnel est anti-humain. Il insulte les valeurs les plus élémentaires. Je
le rejette sans appel ....
[1] On insiste trop sur le fait que, d’après les gens qui le connaissaient de près ou de loin, le bourreau était quelqu’un de bon avec ses goûts, sa musique préférée, ses vêtements, etc.
Ma vie se déroule dans ma tête rebelle au sommeil comme un film qu’on rembobine sans cesse, sans metteur en scène, ni héros, ni aventures, seulement le bruit légers des volets d’une maison, à côté, qui grincent doucement dans le vent. Souvenirs des heures de lecture accumulées. En vain ? Et une lente rumination du choc entre sagesses biblique et chinoise. Dans Proverbes (30 : 18-19), des versets que je consulte rapidement pour rendre en leur littéralité : « Il y a trois choses qui sont trop merveilleuses pour moi, et même quatre que je ne comprends pas : le chemin que suit l'aigle dans le ciel, celui du serpent sur le rocher, celui du navire en haute mer et celui de l'homme chez la jeune fille. » Très poétique, ça donne envie d’encadrer quelque part ces images ! Après un instant à remuer dans l’enthousiasme provoqué par la mémoire, je vois revenir la fraîcheur désabusée du scepticisme d’un proverbe chinois, lu quelque part mais qui arrive au bon moment : « Un homme ne laisse pas plus de traces dans une femme qu'un oiseau dans le ciel. » Les deux rives se font face, étrangères l’une à l’autre, mais l'une et l'autre me sont pour quelques instants abordables : la rive biblique, plus chargée de rêverie tourbillonnante, et la rive chinoise, chargée de désillusion. Je me remets à revivre mes peurs, mes angoisses, j'entends les os de mes genoux craquer me tournant et me retournant au lit, mes nerfs se tendre, et mes pensées tourner à vide comme des flocons virevoltants. Je me lève dans le noir en fixant les yeux sur mes pieds. Dans une tête qui réfléchit, il y a aussi quelqu’un qui regrette quelque chose. Et c'est ainsi que les nuits finissent, en me donnant envie de tout reprendre, tout en me faisant comprendre à moi-même que ce sera inutile de vouloir revivre ce qui n’est plus … Alors je laisse voler mes pensées dans leur débâcle pour en conclure que mon dernier rêve n'était qu'un songe vite oublié.
***
(…)
À l’église, le soir. Silence profond. L’autel est plongé dans la pénombre. Je sens que Dieu est présent, tel un ministre dont on doit respecter les horaires de réception, et je m’étonne de ce qu’il trouve le temps d’être ici, à l’église, alors que le monde l’attend et le cherche partout…
Sándor Márai, Journal T1, Les années hongroises 1943-1948
***
On remarque qu’il y a une fonction
croissante entre l’insanité du discours et le niveau moral et intellectuel des
exécutantes des basses œuvres : plus le discours est mensonger, débile ou
déconnecté du réel, plus les agents envoyés en première ligne sont idiots,
tordus ou vicieux. Mais ça revient au même.
***
Vente de l’appartement de Bordeaux en marche. Je me souviens quand j'avais neuf ans, et que mon père avait décidé de quitter El Vivero. L'enchantement qui me prenait à la vue des terres, trop colorées en jaune et en vert, visitées par la lumière de la mi-mars, au loin, au fur et à mesure qu’on s’éloignait de la maison, dont l’image rétrécissait à vue d’œil, me porte toujours dans ma vie, aujourd'hui. La vision des champs effaçant les contours de la maison qui les accompagnait depuis des années m'écrasait littéralement. J'avais presque peur de quitter ce que je voyais, je scrutais les images avec l'espoir de déchiffrer une énigme qui semblait insondable, sans commencement ni fin : j’entendais tout le temps le mot nos-tal-gie. Notre petite maman pleurait. Je n'avais jamais entendu le mot “nostalgie” alors, mais il me paraissait évident que quelque chose de caché allait se révéler à moi si j'avais suffisamment de patience et de sagesse, de prudence et de courage. Les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes, confrontés qu'ils sont à des objets, des situations, des compositions ou des discours dont ils ne peuvent ni tout à fait s'emparer ni complètement se débarrasser, et qui les cernent en les enveloppant d'un invisible mystère. Là, presque soixante ans après, j’ai peur de renouveler l’expérience, sauf que cette fois-ci, c’est R. qui va éclater en sanglots au moment où on devra fermer nostalgiquement la porte pour la dernière fois. C'est dans la redécouverte de cette nostalgie, quelques années plus tard, quand on a quitté Behobia, que ce chagrin de l’abandon d’un lieu cher s'est réincarné, et pour toujours je crois bien. Les temps changent, ou plutôt c'est nous qui changeons face à eux, ou avec eux ; lentement mais sûrement, nos goûts se transforment, nos besoins changent, nous nous adaptons à l'être qui évolue en nous sans nous indiquer une quelconque destination, et il faut qu'un axe au moins soit stable, devant lequel nous inclinons nos désirs. Une fois que les orages de ces deux dernières années se sont calmés, quand on a jaugé l’importance des dégâts et qu’on a évalué notre situation par rapport aux marges de manœuvre réalistes dont on dispose dorénavant, une partie de moi s'est détachée sans hésitation et avec soulagement de ce morceau d’une ville qui nous a tenu à cœur depuis tant d’années. Notre Bordeaux de 1977, jeunes mariés ! Cet appartement, on va s’en séparer par impatience, de ma part, et à contre-courant plutôt qu'à contre-cœur, de la part de R. Mon étonnement a été grand, d'avoir pris si facilement une décision particulièrement difficile, si opposée à tout ce qui nous avait motivés jusqu'alors : un joli pied à terre bien situé et à proximité des enfants, qui habitent rive droite … Des traits simples, des gestes méticuleusement médités avaient suffi à R. pour, d'un seul souffle, emplir l'âme et l’espace de ces lieux.
Les Espagnols avaient interrompu leurs vacances l’année dernière en juillet et avaient fait gagner les élections à « la droite », bête noire de la véritable droite social-démocrate, muée en sanchisme indécent, qui s’est arrangé pour rester au pouvoir moyennant les pactes contre-nature les plus inimaginables. Moi, ce qui me choque c’est l’état de la population espagnole, corps constitués compris, partant dans le mur et croyant que ce pays survivra à un sanchisme gangstéril, toxique et déchaîné soutenu par une poignée de fidèles envers et contre tout. Remettre les clés du pays à ce ramassis de tarés de la coalition soutien du gouvernement, c’est déjà une lâcheté et signe d’un pays de dingues prêts à sacrifier leur avenir, leur sol pour une clique bourgeoise et corrompue, et suprématiste, sur les bords périphériques de cet étrange zoo que l’Espagne est devenue. L’économie va s’écrouler tél un château de cartes bâti sur les sables mouvants du globalisme qui valorise des sociétés non créatrices de valeur pour promouvoir les innovations technologiques de rupture au nom du principe de la destruction créatrice du Capital. Les Espagnols acceptent d’étouffer entre les murs de leurs villes dans lesquelles les clandestins sans papiers, débarqués en catastrophe chaque jour sur nos ports et aéroports côtoient les populations zombies locales, désireux d’assouvir leur rêve de vie, enfoui dans leur inconscient, et de toucher des aides généralisées. Les arrivées massives depuis l’Afrique subsaharienne et surtout du Maroc, depuis que notre « président à vie » est devenu vassal sans complexes de leur roi, risquent de tout faire chavirer. Ce temps révolu où nos capitales respiraient la paix du crépuscule à l’aube, jusqu’au milieu des années 80, avant que toute vie normale ne cesse, se drapant depuis lors progressivement dans la monotonie virulente propre d’une salle ville moyenne de province américaine. Nous voilà asservis volontaires de l'empire le plus abjecte de l'histoire, petits singes imitateurs des enragés trumpistes ou des électeurs de la vieille momie tarée. On est vraiment au bout du rouleau. La crainte des actes de violence et des attentats et la contrainte des mesures de contrôle social depuis le Covid ont fait le reste pour ternir l’ambiance sur l’ensemble du pays et aggraver les finances d’un état des autonomies en déconfiture qui devra imposer la respiration quotidienne à plusieurs communautés autonomes pour combler les déficits des budgets municipaux, autonomes et de l’administration centrale. Avec des médias acquis à la cause du wokisme et du sionisme pendant qu’Israël tue en masse, sans sourciller, des civils à Gaza.
من النهر إلى البحر
من المياه للمياه