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lundi 30 août 2021

Poubelle de l'histoire (fouille rapide).

Je faisais allusion dans un billet précédent à la mondialisation, au Nouvel Ordre Mondial (« new world order ») annoncé par David Rockefeller il y a trente ans et plus récemment présenté comme une réalité très proche par un prince de ce mondialisme, Klaus Schwab, très intéressé par la question de la religion. Comme Mustapha Menier dans la dystopie de Huxley (Le meilleur des mondes), Schwab et les siens ne peuvent pas permettre la survie de la foi chrétienne telle qu'elle a été connue jusqu'à présent, la seule religion qu’ils admettent est celle de la ruche technologique planétaire, unifiée dans la communion des réseaux 5G. Aux chiottes, l'Arménie dépecée ! Vive l'Afghanistan taliban qui fera place nette ! (pour plus de solennité dans la pitrerie ridicule, mettre la voix gâteuse de Deux Gaules à Montréal). Toute autre foi serait considérée comme un défi intolérable. Des jours arrivent sûrement, jamais vus auparavant dans l'histoire du monde. Dans la bataille qui a déjà commencé à être livrée, le Léviathan d'un réseau planétaire se battra qui, comme l'anneau de Sauron dans l'œuvre de Tolkien, tentera de les gouverner tous, contre une alliance humaine qui ne peut pas gagner si elle se passe du religieux. La grande tâche du moment présent consiste à rien de moins que de résister à l’effacement d’un monde dans lequel, soit dit en passant, les grandes et le petites croyances doivent apprendre à vivre ensemble d'une manière imaginative et multiforme si elles ne veulent pas disparaître définitivement. 


vendredi 27 août 2021

Qui embrasse la brume agit comme un fou (Angelus Silesius)

 


Fin août 2021. Revu trois versions de Ben-Hur : la première, classique, le Ben-Hur de William Wyler, une seconde réalisée par Miklós Rózsa et la dernière, plus récente, celle de Bekmanbetov ; reçus des ebooks des théologiens Urs Von Balthasar, Henri de Lubac et le protestant Rudolf Bultmann avec ses thèses qui remettent en cause les miracles de Jésus et les considèrent comme des symboles ou des mythes ; feuilleté plusieurs PDF d’un inclassable Teilhard de Chardin ; un arrière-goût d’injustice après la lecture amusée des « mémoires jamais écrites » de J. Marsé avec ses commentaires ravageurs à propos de ce pauvre J. M. De Prada, qui n’est pas ma tasse de thé, mais enfin… Il y a quelques années, un roman de ce monsieur De Prada, Las máscaras del héroe, m’avait légèrement déçu mais plus tard, poussé par ses articles pleins de références aux philosophes Jacques Maritain et Jean Guitton (copieusement conspués dans nos années jeunes) ou à des réflexions sur Bernanos (étudié à fond, loin des sentiers battus, par Juan Asensio) et Mauriac (lisez aussi vite que vous le pourrez l’indépassable Jacques Laurent : Mauriac sous De Gaulle) je me suis décidé à consulter à
plusieurs reprises le classique de Charles Moeller, Littérature du XXe siècle et christianisme. J’ai récupéré également, avant notre prochain retour à Bordeaux, le film Risen (Kevin Reynolds, 2016), dans lequel Clavius, le centurion romain est chargé d'exécuter Jésus et de garder le tombeau. Après la disparition du cadavre, il entame une enquête à la demande de Pilate qui l'amène à découvrir Jésus dans une pièce, entouré de ses disciples et leur montrant les plaies de la crucifixion. Clavius, profondément impressionné par ce qu'il vient de voir, abandonne tout et devient disciple du Christ mais n’accompagne pas les apôtres qui se préparent à répandre la Bonne Nouvelle dans le monde entier. Il entame un voyage mystérieux et solitaire - fin du film – ignorant où il le mènera. L'homme d'Europe occidentale du XXIe siècle ne semble plus destiné à accepter la rencontre avec le Christ que si elle se déroule dans des conditions exceptionnelles, comme celles de Clavius dans le film. La rencontre inattendue avec le Christ, la foi en Lui, semblent impossibles pour l'homme occidental contemporain, collé à son portable, à ses logiciels, à ses séries Netflix. Tiens, Netflix ! Quand on parle du loup … on en voit une multinationale américaine en principe totalement réfractaire à tout message religieux d'apparence traditionnelle qui a lancé une série comme comme Messiah (2020). Dans cette fiction, un personnage mystérieux d'origine inconnue, Al-Massih, apparaît soudainement au Moyen-Orient et gagne en notoriété pour une série de miracles apparents qu'il a accomplis et pour sa capacité à attirer les foules, ce qui attire l'attention et l'inquiétude du Mossad et de la CIA. La série a beau avoir été reçue de manière ironique et presque humoristique par certains critiques (Al-Messih apparaît en fouteur de bordel comme tout Messie qui se respecte, à l’œcuménisme purement vestimentaire genre survêtements Nike ou Adidas), elle a néanmoins produit un effet étonnant sur une partie non négligeable du public. Des gens presque exclusivement non-croyants, lecteurs et cinéphiles, d'un niveau culturel élevé reconnaissent qu'une série ou un film ne les avait pas impressionnés de la sorte depuis très longtemps. Netflix a décidé en mars 2020 de l'annuler et de ne pas lui donner la continuité attendue, invoquant des données d'audience insuffisantes, des difficultés de tournage de toute sorte, y compris sanitaires liées au Covid19 pour justifier sa décision. Comme quoi, les rumeurs selon lesquelles ce film serait islamophobe ont suffi pour arrêter des investissements considérables, prévus et annoncés. Pourtant, il ne faut pas un génie de la déduction pour se rendre compte que cette multinationale, qui a investi dans des deuxième et troisième saisons de séries bien moins prometteuses d’une idéologie complètement mondialiste et anti-religieuse, n'a pas voulu soutenir un projet éventuellement favorable au mystère d’une foi historiquement hostile, tout comme son adversaire islamique, à l'avènement de la mondialisation anglo-saxonne (langue anglaise partout dans le monde et soumission économique aux USA) et, par là même, source intarissable de conflits.



samedi 7 août 2021

Dégoûts informulables de la mi-août pandémique


Depuis Marx et ses travaux sur le socialisme scientifique, « être de gauche » cela signifie :

Comprendre que les rapports de production et d’échange capitalistes, fondés sur la (grande) propriété privée de capitaux, sont historiquement obsolètes ; qu’ils entrent en contradiction avec la nature et le niveau de développement des sciences et des techniques. Qu’ils constituent désormais un frein au développement de ces forces productives ; qu’ils empêchent leur mise en œuvre efficace en vue de résoudre les grands défis de l’humanité - alimentation, logement, éducation, climat, environnement, santé… ; qu’ils aggravent même ces problèmes ou les provoquent directement, par les effets pervers de la concurrence et de la course au profit.

Comprendre que ces rapports de production doivent dès lors être remplacés par des rapports socialistes, c’est-à-dire fondés (principalement) sur une propriété collective des moyens de production, permettant leur mise en œuvre suivant une planification rationnelle et suivant des priorités définies démocratiquement.

Comprendre qu’un tel changement, dans la mesure où il porte atteinte aux intérêts des classes possédantes et dans la mesure où celles-ci contrôlent, par leurs réseaux, les « opinions publiques » , ne sera pas un « accouchement sans douleur » ; qu’il passera par des luttes potentiellement violentes, où les classes sociales qui souffrent le plus du système actuel ont un rôle historique à jouer ; et qu’un régime transitoire de « dictature du prolétariat » devra empêcher, aussi longtemps que nécessaire, tout retour à la « dictature de l’argent ».

Être de gauche, ce que je revendique, c’est comprendre tout cela (être un communiste - titre dont je ne suis pas digne - c’est en outre consacrer sa vie à l’organisation et à l’éducation des classes populaires en vue de ce changement historique).

Pourquoi ce long préambule ? Pour expliquer, premièrement, qu’à mes yeux « être de gauche », ne signifie pas être opposé à toute autorité, encore moins à toute régulation. Sous le régime économique actuel l’Etat n’est justement pas en mesure d’imposer avec l’autorité et l’efficacité qu’il faudrait les mesures régulatrices qui permettraient de répondre aux urgences sociales, climatiques, culturelles : la redistribution des richesses et des revenus, le développement des transports publics, une urbanisation respectueuse de la qualité de vie et de l’environnement, un service éducatif ambitieux et équitable, une politique de santé préventive solide, des hôpitaux bien fournis en personnel et une capacité de réaction efficace en cas d’urgence sanitaire (confinement, testing, vaccination) ou météorologique (déblaiement, relogement). Quand bien même des hommes et des femmes politiques intègres et soucieux du bien commun arrivent parfois au pouvoir, malgré l’emprise idéologique des classes privilégiées sur les média donc sur les élections prétendument « démocratiques », ils n’ont guère la possibilité d’agir efficacement. Car les véritables maîtres du jeu, ceux qui possèdent la capacité industrielle et financière pour agir, ce sont les détenteurs de capitaux. Si un politicien décidait de réquisitionner l’usine belge produisant les vaccins Pfizer, afin d’accélérer la vaccination chez nous et, surtout, dans les pays du tiers monde, on assisterait dès le lendemain à une fuite massive de capitaux et à une vague de délocalisations d’entreprises.

Deuxièmement, « être de gauche » ne signifie pas que l’on place « la liberté » au-dessus de toute autre valeur. Depuis les révolutions américaine et française, la liberté est l’étendard de la bourgeoisie, si bien nommée « libérale ». Marx & Engels écrivent dans Le Manifeste : « Partout où elle a conquis le pouvoir, [la bourgeoisie] a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses “supérieurs naturels”, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du “paiement au comptant”. Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce ». Même l’antiracisme, le féminisme, les mouvements LGBT, l’abandon de l’enseignement classique, la légalisation du cannabis et de l’avortement… ne sont, en ce sens, pas du tout contraires aux intérêts de la bourgeoisie ; il ne s’agit somme toute que de la poursuite de cette rupture historique de « tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses “supérieurs naturels » » (constat objectif qui n’enlève évidemment rien au fait que certaines de ces « libérations » soient des progrès réels).

Troisièmement, le socialisme, en tant que régime économique et politique, ça ne sera pas l’autogestion de petites entreprises ou une société composée seulement de petits artisans. La mise en œuvre responsable, planifiée, rationnelle des formidables moyens de production qui ont été développés par le capitalisme et qui continueront de l’être à l’avenir, nécessitera des grandes organisations industrielles, logistiques et administratives. Par exemple, on ne remplacera pas des millions de camions par des convois de trains et une production locale sans recourir à une gestion performante et à toute la puissance de l’intelligence artificielle, appliquée à une collecte et à un traitement instantané d’informations relatives à la consommation, aux stocks, aux flux. Et donc même dans le petit magasin au coin de votre rue, il faudra passer par le paiement électronique, afin que les systèmes de gestion centralisés puissent faire suivre les marchandises dans un flux minimisant les gaspillages énergétiques. Bref, être de gauche ne s’oppose pas à la modernité ni à la science, mais intègre au contraire ces progrès au service du bien commun.

En conclusion, à ceux qui me disent que le passe sanitaire ou l’obligation vaccinale sont des « intrusions étatiques excessives » et des « atteintes à nos libertés individuelles », je réponds que je conteste et combats l’Etat capitaliste en tant qu’il est l’instrument qui organise et préserve le pouvoir du Capital. Mais que, lorsque cet Etat se trouve contraint, par extraordinaire, de jouer modestement le rôle que nous préconisons pour un futur Etat socialiste — en créant l’enseignement obligatoire, en organisant la sécurité sociale ou en imposant une vaccination contre la Covid — je ne vais pas lui contester ce droit, mais au contraire regretter qu’il ne le fasse pas avec l’énergie, l’efficacité et le souci de l’intérêt de toutes les classes sociales, que nous sommes en droit d’attendre d’une société moderne.

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Je conçois qu’on manifeste contre des injustices pour des réformes mais défiler contre un vaccin qui sauve des vies et contre un passe sanitaire qui protège, il faut avoir atteint un taux de stupidité jamais égalé à ce jour ! La guerre ouverte contre le vaccin ou contre le passe sanitaire se place ouvertement du côté des deux concepts les plus fumeux et galvaudés qu’on puisse imaginer : la « liberté » et la « vérité ». Au nom de la liberté on devrait pouvoir aussi réclamer le droit de tuer, voler, violer, de rouler sans ceinture de sécurité, de fumer dans des lieux publics ou de se droguer au volant … et pourquoi pas, le droit répandre librement un virus dans la population. Et la liberté, alors, qu’est-ce qu’on en fait ? De circulation de biens et de personnes, bien sûr, la liberté d’expression, de laisser s’affronter toutes les opinions, vraies ou fausses, choquantes ou non, etc. Mais tout cela étant si beau et merveilleux, pourquoi il faut partout des lois, rarement crédibles à terme (loi Gayssot, Ley de Memoria Histórica, d’ici peu remplacée par une Ley de Memoria Democrática) pour effacer jusqu’à la racine la liberté de penser et d’interpréter et pour décrédibiliser une vérité qui s’avère, la pauvre, incapable partout de résister aux attaques de cellezesseux qui s’étranglent à force de l’invoquer ? Tout l’argumentaire des censeurs est fondé principalement sur le mélange entre les faits et le récit qu’on en fait et l’action et l’argumentaire des défenseurs de la liberté et de la vérité est fondé sur leur distinction. Au moins laissez-nous penser et raconter comment on pense ! Il y a un monde de différences entre ce qu’on dit et ce qu’on fait sauf pour la mouvance woke qui tend à imaginer que le contrôle du dit efface à volonté ce qui a été fait et conditionne ce qui pourrait être fait à l’avenir. La confusion entre la parole et l’action fait que les gens qui défendent la liberté ou la vérité sont vus par l’opinion publique comme des défenseurs de la possibilité de faire n’importe quoi ou de dire n’importe quoi.

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Le virus est fabuleusement dangereux et contre lui on n’a pas de remède efficace, par conséquent, on ne pourra le contrôler que par la vaccination de masse, obligatoire le cas échéant, ou le confinement, la vaccination étant de loin préférable. Si je pense cela, ce n’est pas parce que je fais confiance à la bande à Sánchez ou que j’écoute SER, station radio pro gouvernement, je ne fais normalement ni l’un ni l’autre (sauf pour les infos locales), mais parce que j’essaie de comprendre le consensus scientifique mondial. Dans tout ce que j’ai lu chez les minimiseurs ou les anti-vax, à part les mauvais arguments scientifiques, les pires arguments consistent à penser que le gouvernement veut nous confiner ou nous imposer le passe sanitaire pour nous contrôler, nous surveiller, nous ruiner, nous pourrir la vie, etc. Le passe sanitaire est une façon d’imposer la vaccination dans un pays qui est ravagé par l’antiscience et où de gens en vue (Miguel Bosé, l’immonde conne Victoria Abril, entre autres) y sont récalcitrants. Le gouvernement, dans la large mesure où il sert les intérêts capitalistes, mondialistes, laquai de Soros (premier interlocuteur reçu par cette sous-merde de PS) et de lobbys peu présentables en société bienpensante, veut que les gens puissent travailler et produire de la plus-value. Pour cela, ils doivent être en bonne santé. S’il existait un remède miracle, il serait rapidement imposé, même s’il en coûtait à Big Pharma, qui n’est pas l’essentiel du grand capital. L’attitude des gouvernements est une série de mesures maladroites et incohérentes visant à limiter les dégâts dus au virus tout en préservant autant que possible l’économie, c’est à dire les profits. Mais il n’y aurait qu’une lointaine volonté de contrôle ou de surveillance, qui existe déjà et depuis bien longtemps. Et tous les réflexes individualistes des gens qui mettent leur liberté au-dessus de la santé de tous sont parfaitement en accord avec l’idéologie dominante ultra-libérale. Les prises de positions et les manifs négationnistes, ici et là, sont une insulte à la misère du monde. Dans le reste du monde, les gens pleurent pour avoir des vaccins et meurent d’en manquer (tiens, à Cuba, par exemple, ou en Algérie), pendant que les petits bourgeois gâtés chez nous les refusent. Il existe des restaurants, des hôtels, des places dans les avions, généralement first class, des voitures de TGV, des stations de sport d'hiver, des yachts, des clubs de golf, des universités, des services de transport par hélicoptère, des assurances maladie, des modèles de voitures, etc. auxquels vous n'accédez que si vous pouvez présenter un passe, la preuve d'un compte bancaire très bien alimenté. Il faudrait que les militants anti-passe sanitaire se mobilisent contre toutes ces atteintes aux libertés individuelles et cette division de la société en deux catégories : ceux qui ont du fric et ceux qui n'en ont pas.

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Plongé dans la (re)lecture parallèle des livres de G. Morán, Miseria, grandeza y agonía del PCE 1939-1985, et de celui de M. Martorell, Jesús Monzón. El líder comunista olvidado por la historia. Lecture bouleversante et difficile, ceci parce que cela. L'impression d'être à la fois très proche et à des années-lumière de ces femmes et de ces hommes-là. Ou plutôt : comme dans un roman de science-fiction où les habitants de deux univers parallèles très semblables l'un à l'autre peuvent se voir, ont l'illusion qu'ils pourraient presque se toucher, mais sont à tout jamais incapables d'entrer en contact ni même de se comprendre vraiment. D'où la frustration et le chagrin. Autre chose me frappe. Dans le gros volume Akal du livre de Morán est présentée dans les dernières pages, la lente dissolution d’une organisation entre les mains d’un secrétaire général, vieux et aigri, dissous lui-même comme du sucre dans les eaux troubles de la socialdémocratie pourrie. Quoi qu’il en soit, les personnages qui apparaissent tout au long de ces deux livres donnent l'impression d'appartenir à une race plus ancienne, quaternaire, plus solidement posée sur la terre, avec de vrais visages dont on ne parvient pas à croire, quelques générations plus tard, qu’elle a pu aboutir à ces grappes de politiciens professionnels actuels, ces ectoplasmes menteurs, ignorants, bavards et provocateurs sur quoi l'on tombe immanquablement dans les médias, la rue et les marchés bio. Il est heureux que ces hommes-là et que ces femmes-là n'aient pas su, ni même pu deviner, qu'ils souffraient, se battaient et mouraient pour permettre plus tard à ça d'exister – si toutefois on peut parler d'existence dans le cas de ces fantômes grotesques qui piaillent de trouille haineuse devant le premier fasciste homophobe hétéro-patriarcal passant devant leurs muselières.

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Les suprémacistes, pour donner le ton et faire entendre leur cause à l’intérieur, interprètent les différences (matériellement inexistantes) entre une population espagnole homogène et intégrée comme une guerre entre races, bien étudiée par des spécialistes bien vivants et non répudiée par le progressisme humaniste et démocrate. Ils ont mis à distance l’ennemi jusqu’à lui dénier les droits humains les plus élémentaires. Les Castillans, Andalous, etc. sont différents des Basques ou des Catalans pas simplement culturellement mais aussi physiologiquement. Du primitif à mille pour cent, mais pas suffisant pour provoquer du scandale en Europe. Leurs langues, parlées pour une minorité sont omniprésentes pour symboliser la supériorité morale spécifique à chacune des deux « nations ». La persécution actuelle de la langue commune depuis des siècles est vue comme un moyen de purification individuelle et collective, la clé du nouveau cerveau des hommes, femmes, trucs, lgtb, xyz, etc. nouveaux… Avec cela, la « déshumanisation » imaginaire du compatriote vu et vécu comme ennemi fondamental a été l’un des facteurs décisifs des crimes sordides du terrorisme. J’apporterais pour preuve supplémentaire, dans l’ignoble et le nauséabond, plus que les fêtes organisées pour accueillir chaque assassin libéré de prison, la profanation répétée et systématique des tombes des assassinés, autant de corps ennemis qu’on ré-assassiné allègre et lâchement pour nourrir sans cesse une haine politique, culturelle et raciale qui ne fait pas de quartier.

* pied de photo : Dégout informulable. Être milliardaire suprémaciste n'admet pas la moindre brimade ! Vous ne verrez jamais la sale gueule de ce mec sur le journal soi-disant satirique El Jueves...


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Portrait-robot d’un gouvernant espagnol, cireur de bottes : cynique autant qu’incompétent, stupide, perfide, enfantin, dément …  Mais il n'est pas seul ! L’ignoble secte socialdémocrate supposée espagnole possède en abondance des spécimens pareils. Et ils sont partout : dans les administrations, dans les institutions, dans les entreprises publiques, partout. Ils ont un formatage sectaire administré verticalement, un système d’exploitation prédéfini pour attaquer toute forme de réflexion rationnelle. Contre la prolifération de ces nuisibles il n'existe qu'un seul vaccin efficace connu : celui administré par chaque électeur avant les urnes. A pleurer, parce que là, le phénomène se répète de manière clonique. C'est le jour de la marmotte, à répétition.
La dictature de la bêtise brutale et suicidaire ne cède que lorsqu'il y a une baisse des conditions de vie quotidienne des proportions systémiques, proche de l’abîme capable à peine de provoquer un réajustement dans une fraction significative de l'électorat. Et tout recommence pour se répéter. Voilà le sinistre mécanisme dans lequel nous sommes confortablement installés depuis des années. Le discours du populisme soi-disant de gauche engendré par la sous-merde nord-américaine se répand comme la vermine chaque jour un peu plus, du moins de la part des hautes intelligences autoproclamées qui prétendent diriger notre Europe.

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« En démocratie on reconnaît le droit à la différence, mais jamais la différence des droits. »  

F. Savater

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Caritat, caritat, senyora,
caritat pel meu germà,
que va néixer sense braços
i no se la pot pelar

J. Marsé, Ronda del Guinardó

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« A. Garzón, comme de juste, ne s'était aperçu de rien non plus, je crois, que personne. »

(Phrase attrapée au vol d’une émission radio trahissant une délibération au sujet du tourisme en chute libre, au conseil des ministres espingouin)

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Un affreux petit laideron /Aussi conne à la voile qu'à l'aviron. (Destinataire au choix)

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« Le cœur est le tombeau des amis morts. L’accès n’en est pas public. » Claude Durand

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Souffler n’est pas jouer !



¡Comido por no comer!
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Énième reprise (because relecture fortuite) pour finir ce sinistre billet en gaité : Blavier, ses fous. Réédition, revue et augmentée, de la sensationnelle bibliographie des fous littéraires d'André Blavier, oulipiste et pataphysicien.

ANDRÉ BLAVIER Les Fous littéraires, Editions des Cendres, 1147 pp.

«Voir Blavier», cette mention est familière à tous les amateurs de catalogues de livres anciens. Elle renvoie le lecteur à la monumentale bibliographie qu'André Blavier avait publiée en 1982: les Fous littéraires. Aussi la nouvelle édition de ce livre culte était-elle attendue. Chercheur exemplaire, expert en annexes, notes et autres addenda, André Blavier a «considérablement augmenté» sa réédition de nouvelles entrées. Face à cette somme superbement illustrée, on est bien loin de l'austérité qui accompagne le genre bibliographique. C'est à la fois un essai et une anthologie dont le ton et l'écriture doivent beaucoup à un écrivain qui fut l'un des plus beaux fleurons de la Wallonie littéraire et qui est décédé au début de l'été.

Bibliothécaire à Verviers (Belgique), André Blavier a commencé à s'intéresser aux fous littéraires dès l'âge de 21 ans. Simultanément, il découvre les romans de Queneau: notamment les Enfants du Limon (1938) dont le héros, Chambernac, entreprend une Encyclopédie des sciences inexactes. La coïncidence est de taille et marque le début d'une passion pour l'œuvre de Queneau, dont Blavier dira plus tard qu'elle fut pour lui une alternative à la mort volontaire. En août 1949, il débute avec l'auteur du Chiendent une longue correspondance (Lettres croisées, 1949-1976, Editions Labor, 1988), puis, en 1952, entre au Collège de 'Pataphysique où il assumera les plus hautes fonctions. La même année, il cofonde, avec Jeanne Graverol, la revue Temps mêlés, où il donne sa première conférence sur les fous littéraires. Il sera aussi l'un des membres fondateurs de l'Oulipo.

A lire la décapante introduction où l'humour et l'érudition rivalisent, le lecteur comprendra que l'intérêt de Blavier et Queneau pour les fous littéraires n'est pas une simple perversion de bibliophile dans la tradition ouverte par le XIXe siècle avec Charles Nodier, Octave Delpierre ou Charles Brunet. Queneau ne l'entendait pas ainsi et le pataphysicien Blavier pas plus. Ici, pas de confusion «pseudo-lyrique» à la manière surréaliste entre folie et génie poétique. Blavier ne sacrifie donc pas à «la tarte-à-la-crème de l'authenticité» et nous livre bien plus une histoire de la folie littéraire, véritable descente dans les rayons des oubliés et dédaignés du savoir officiel.

Comment distinguer une passion normale d'une passion délirante, se demande Blavier. Un fou littéraire, ou plutôt un hétéroclite, est par définition un auteur non lu et sans disciples. Ecartant les fous manuscrits, Blavier ne recense que les fous imprimés, généralement à compte d'auteur. Aussi les paranoïaques l'emportent-ils sur les schizophrènes. Comme Queneau, il écarte les mystiques délirants et les adeptes du saint-simonisme. Et, déjà, ce catalogue compte plus d'un millier de pages. On reste pantois et plutôt rêveur devant les théories les plus excentriques et les projets fumeux. La plus récente recension date de l'année dernière, c'est De l'impertinence de procréer d'un écrivain belge, Théophile de Giraud, «anthologie universelle du Pessimisme» dont l'encre urticante est déjà recherchée par les collectionneurs (1).

Les Fous littéraires s'ouvre sur la partie «Myth(étym)ologique», consacrée à toutes les publications qui ont tourné autour de l'idée de langue originelle (la langue adamique). Si, comme le rappelle André Blavier, cette partie est dominée par Jean-Pierre Brisset, auteur de la Natation ou l'art de nager appris seul en moins d'une heure et surtout de la Grammaire logique, le bibliographe rappelle les projets de Joseph Bouzeran, qui fut destitué de sa chaire de rhétorique pour avoir professé ses thèses linguistiques. Ce philologue, auteur d'un Essai de linguistique raisonné ou De la philosophie du verbe dans la Trinité catholique, connut Charenton. Il y eut aussi Charles Callet, qui reconstitua «la langue de l'Hominien» à l'aide de quatre phonèmes primitifs: «le meuglé, le sifflé, le grogné en R et le grogné en K, Gre, Gny». Charles-Joseph de Grave qui entreprit de démontrer qu'Homère et Hésiode étaient belges. Délires étymologiques, langue gauloise ou ligure, Volapük, phonologie fantastique, inutilité de l'orthographe, tous ces réformateurs sont à la recherche du phonème originel, de l'unité perdue, de l'Atlantide verbale. Tout cela avec parfois le projet de fonder une langue universelle reposant sur un idiome nouveau, voire sur des notes de musique (le «solrésoldomido» de Sudre), ou sur une orthographe numérique (le «Multifaire» de Plantade).

Mais les «bigarrures de l'esprit humain» s'étendent aussi aux «Cosmogones», «prophètes, visionnaires et messies» (fin(s) du monde et arrivée de l'Antéchrist), aux «Quadrateurs» aux prises avec Euclide ou Fermat, aux «Astronomes et météorologistes» (J.-M. Boisseau, Point d'appui d'Archimède trouvé, 1847). Les «Persécutés, persécuteurs et faiseurs d'histoires» trouvent en Berbiguier et Tapon-Fougas leurs plus célèbres représentants (lire, de Blavier, Occupe-toi d'Homélies, Labor). Tous rivalisent de trouvailles avec les savants, médecins, hygiénistes, inventeurs, bricoleurs et autres candidats à tout. Romanciers et poètes ne sont pas oubliés. Auguste Boncors, auteur des Odes triomphales (1938), fut comparé à Lautréamont, Jean-Baptiste Bousmar (1745-1834) «innova» dans la versification et Jacques Lambrecht renouvela la prose avec Jugulaire, Wellingtonienne en vingt-deux épigées (1902). La recherche de la gloire les occupa souvent, comme sir Jean George Tollemache Sinclair, auteur de Larmes et sourires (1 023 pages), luxueux ouvrage hors commerce qu'il fit parvenir aux académiciens français et aux journalistes. Mais la postérité les a tous envoyés se faire fiche et, pour écrire ce catalogue Blavier, en a rempli des dizaines de milliers.

(1) PAS & Penninck Diffusion, Belgique 

JEAN-DIDIER WAGNEUR