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dimanche 16 octobre 2016

Le Prix Nobel de litté 2016, c'est de la dynamite !




Avec, avec ...
Bob avec le futur Prix Nobel de Physique
Bob avec Saint Jean-Paul II
Ce que reproduit ce comité, sous une forme bénigne, c’est la    dérive commune des institutions d’une société en phase terminale. 
Elles se mettent toutes, à un moment donné, à faire autre chose que ce pourquoi elles existent; elles deviennent des tumeurs cancéreuses.  
La Poste suisse vend des sucreries ou des services bancaires tandis que sa mission de base s’effiloche, ralentit, renchérit et finit par être «outsourcée». 
L’armée italienne est devenue une organisation humanitaire: elle ne défend plus ses frontières mais aide au contraire les clandestins à les franchir.  
En France, le ministère de la Culture devient une vitrine à pétasses qui ne lisent rien, tandis que l’Education nationale met en place le désapprentissage du français écrit et la déculturation des indigènes. 
Les hôpitaux compensent leurs couacs médicaux par des cellules d’accueil et d’accompagnement, les tribunaux et les prisons (on l’a vu dans Antipresse 45) se prennent pour des confessionnaux voués à la rédemption des pécheurs, tandis que ceux qui sont payés pour œuvrer justement à cela — les prêtres, pasteurs et autres «autorités spirituelles» — se muent en travailleurs sociaux. Les polices se veulent rassurantes et «cool», les cuisiniers vous promettent des expériences mystiques, les musées investissent des millions dans les gadgets technologiques en laissant décrépir à fond de cave des trésors fabuleux et les fabricants de voitures se font les champions de l’environnement.

Bref, comme l’a prédit Dutronc, tout le monde rêve d’être une hôtesse de l’air et tout le monde finit dans ce que j’ai appelé le syndrome du boucher végétarien.

Bob avec un gentil Monsieur qui lui met son badge pour le parking de la Maison Blanche
  

Un grand merci à http://www.antipresse.net/


mardi 4 octobre 2016

La vignette de "l'homme qui bêche" ...



La vignette de l'homme qui bêche ...

Sevré de sa Provence, Alphonse Daudet donnait l’illusion d’y passer encore quelques minutes chaque semaine en m’emmenant chez Creste et Roudil, qui tenaient rue Turbigo une boutique de comestibles à l’enseigne : Aux Produits du Midi. On trouvait là de la bonne huile, de la vraie – qui n’a rien de commun avec l’horrible fabrication vendue sous ce nom dans la plupart des épiceries –, et, suivant la saison, des primeurs, des pois chiches, des petits artichauts tendres, ou des melons, ou des pêches alberges, même du menu gibier. Séparé du monde par une cloison de verre, le terrible cache, fromage frénétique, conservé entre des feuilles de vigne ou de mûrier, concentrait en lui-même ses arômes délectables et redoutés. Les fruits confits d’Apt alternaient sur les étagères avec les calissons d’Aix et les berlingots de Carpentras. À époques espacées, cette gourmandise des amis de la mer, la poutargue des Martigues, conglomérat d’œufs de mulet, plus rare comme saveur immédiate et horizon de goût que le caviar, selon mon humble avis, faisait son apparition. Encouragé par ses compatriotes – était-ce les Creste ou les Roudil ? avec les associés on ne sait jamais -, mon père emplissait ses poches et les miennes d’une foule de petits paquets. Il ne savait pas répondre : « Non, merci, j’en ai assez. » Moi, j’ai appris à le dire, mais avec mécontentement et même colère, ce qui fait sursauter le marchand, tandis que les acheteurs experts savent refuser dans un sourire. Nous rentrions à la maison chargés de provisions inutiles, mai si fiers de nos achats qu’il était impossible de nous gronder.
En revenant, nous passions par les Halles, pavillon du poisson et des coquillages, où il était bien malaisé de résister aux invitations si pittoresques des marchandes qui pataugent en galoches dans l’eau et les épluchures : « Vous n’aimez pas les huîtres, eh ! le monsieur qui a un monocle : en voilà des fraîches et puis des belles … Et du bouquet pour votre jeune homme. Regardez-moi si c’est limpide, mon garçon. » De nouveau nous nous laissions faire, comblés cette fois de sacs de papier jaune et gris, d’où montait une odeur de marée. Inutile d’ajouter que souvent on nous collait des horreurs, des laissés-pour-compte de la veille ou l’avant-veille. On abusait de ma candeur et de la myopie paternelle. Il fallait prendre un fiacre.
En route, on s’arrêtait généralement passage Choiseul[1], á la librairie d’Alphonse Lemerre. 
Quel charmant souvenir j’ai gardé de ce bruyant ami du Parnasse, de son robuste visage barbu, de son large rire aux grandes dents et des conversations ou discussions qui se menaient autour de lui, dans cette vaste pièce remplie de livres d’où montaient, vers l’étage supérieur, des petits escaliers en colimaçon ! Désirée Lemerre, mon vieux camarade, habite encore là, mais je n’y vais jamais, de crainte d’y retrouver trop de chers souvenirs et de me mettre à pleurer, comme un imbécile, devant la fameuse vignette de l’« homme qui bêche. » Il en a creusé des tombes, l’animal, depuis qu’il travaille, infatigable, au seuil de la célèbre maison !
  
Léon DAUDET, SOUVENIRS ... Fantômes et vivants

[1] Au 67, passage Choiseul s’était installée, en 1899, la famille Destouches. Louis baptisera cet endroit passage des Bérésinas :  « Au passage des Bérésinas, dans les étalages, partout, y avait des nombreux changements depuis que j’étais parti… Un projet était à l’étude pour amener l’électricité dans toutes les boutiques du Passage ! On supprimerait alors le gaz qui sifflait dès quatre heures du soir, par ses trois cent vingt becs, et qui puait si fortement dans tout notre air confiné que certaines dames, vers sept heures, arrivaient à s’en trouver mal…Cloches !… Sous cloche qu’on était ! sous cloche qu’il fallait demeurer ! Toujours et quand même ! Un point c’était tout !… »