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dimanche 26 juin 2022

Vacances convalescentes

 


Indifférent aux tribulations de la tourbe militarisée célébrant la Saint Martial à Irun avant de repartir en vacances, on lira avec profit, avachi dans sa chaise de jardin, le désopilant En attendant le roi du monde d’Olivier Maulin

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Nostalgie de Bordeaux. On a toujours été, R. et moi, des flâneurs. On toujours aimé regarder de près les espaces urbains, les écouter, trouver un refuge dans la foule. Nos yeux ont suivi les rues, les passants, les maisons, nos oreilles suivant nos yeux, nous indiquant où se porter. On se promenait, on déambulait, on se perdait sans s’être jamais perdus puisque nos flâneries n’avaient pas de but. On circulait avec nos portables, petits, légers, presque invisibles, c’est-à-dire inaperçus mais en même temps signe distinctif du touriste urbain s’il en est. Nos caméras numériques étaient comme le prolongement de notre regard, elles suivaient nos déambulations sans rien nous imposer, elles faisaient partie du mouvement de nos corps. Tout flâneur se fond dans l’activité de la ville, se blottit dans la foule, accompagne le mouvement des gens, voyage avec eux. Il les suit, un moment, voulant rentrer au plus profond d’eux-mêmes, et puis continue, se tourne vers d’autres qui lui livrent, de loin, sans le savoir, leur histoire. Walter Benjamin écrivait du flâneur : « La foule fait naître en l’homme qui s’y abandonne une sorte d’ivresse qui s’accompagne d’illusions très particulières, de sorte qu’il se flatte, en voyant le passant emporté par la foule, de l’avoir, d’après son extérieur, classé, reconnu dans tous les replis de son âme. » C’est ainsi que nous nous portions vers les gens, que nous apercevions des visages qui nous contaient une vie. La flânerie, l’art du touriste retraité, nous fait entrer dans toutes les vies. Grâce à nos portables qui se confondent avec nos yeux, nous nous intégrons à tout ce que nous voyons. Une idée générale presque obligatoire prétend que le touriste ne s’approprie rien, ou sinon sur le mode mercantile, qu’il reste extérieur au monde, et s’en revient chez lui, pour raconter au bureau, photos à l’appui, les couchers de soleil, les bains de mer, et quelques anecdotes teintées d’exotisme. Or, le touriste s’approprie tout. Ses images raconteront toutes les histoires, des vies, des fictions de vie. Il est l’observateur de Baudelaire, « un prince qui jouit partout de son incognito. »  De cette flânerie parmi les gens, qui n’est pas non plus une errance, on vous pardonne tout. Vous êtes un élément observateur, à prendre en considération. Vos promenades dans la ville créent une double impression : celle de l’image sur le fichier numérique et celle d’un étranger au milieu de cette foule, qui la contemple avec innocence. De là vient la grande poésie des photos et des vidéos non professionnels, de cette innocence avec laquelle on regarde le monde, de cette sympathie qu’on projette vers les gens. C’est de cette attitude que naissent les mouvements étranges, les envolées poétiques : les vieilles pierres, les jeunes garçons jouant au foot, cette calèche avec une belle mariée sous l’œil protecteur de son époux, des monuments avec des files d’attente interminables pour les visiter, tout ce qui parle encore, après deux années de pandémie terribles, de la vie en mouvement d’une ville, de tout ce qui rend vivant l’inanimé quand on le contemple longtemps après. Les gens, les pierres, les rues, s’animeront sous nos yeux si nous regardons à nouveau ces images, si nous les arrêtons quand elles défilent, trouvant en leur sein des choses qu’on n’avait pas vues sur le moment. Les fictions entrevues par le flâneur se poursuivent : tout son travail, c’est aussi de « faire dire des histoires aux images. » C’est ce que nous faisons à chaque fois sur nos passages dans la ville de Bordeaux, sur nos flâneries bordelaises. Nous regardons après, ensemble ou en famille, des centaines de photos. C’est immédiatement la leçon de choses. L’Histoire. Les rues inchangées. La ville blottie contre la pierre sèche et le choc de l’explosion d’une nouvelle géographie urbaine vers le XXIe siècle. L’aura d’un passé toujours là, qui fascine, avec quelque chose de mystique qui s’en dégage et, subitement, les lignes nouvelles créant des nouveaux paysages urbains du Bassin à Flot et Bacalan. La Gironde et le phare de la cité du Vin comme un repère guidant les pas du promeneur, lui donnant sa position dans la ville, lui indiquant toujours le chemin vers la mer proche. Nous avons toujours privilégié un Bordeaux très urbain, dominé par les bâtisses, où règnent les sons et le vacarme, mais aussi l’équilibre et la vitalité de ce qui est en train de se construire, animés de l’élan des nouvelles générations. Mais c’est aussi un lieu habité par la nature ! Dans d’autres villes, il y a des traces de nature, des arbres, des jardins, des parcs ; à Bordeaux, c’est la vraie nature qui domine. Elle indique la proximité de la mer par où se fait, immédiatement, la sortie de la ville. Avec une lumière, une limpidité et une clarté capables d’indiquer suffisamment la netteté des choses. Et comme par art de magie, c’est pendant nos séjours que les paquebots de croisière et les plus beaux voiliers passent sous le pont Chaban.
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Cancel culture. Le défaitisme et la haine de soi ont un double visage. D'une part, la conviction que le Blanc est le coupable absolu de tous les crimes, alors que l'homme blanc est très exactement aussi territorial, agressif, et conquérant que ses congénères de n’importe quelle autre couleur de peau. Son seul crime est d'avoir atteint un niveau de développement économique, culturel, technologique et humain supérieur, selon l’échelle du capitalisme partout triomphant et envié, à celui d’autres civilisations. Cette supériorité lui a permis de coloniser une bonne partie de la planète avec un bilan de résultats dont le détail n’est pas précisément à faire sans nuances. L'incapacité de l'Afrique à émerger de la corruption, de la guerre civile et de la pauvreté depuis la décolonisation semble démontrer que même avec ses motifs égoïstes, l'homme blanc a plus fait pour le développement de l'Afrique que les Africains eux-mêmes. Pourquoi ? Parce que le colonisateur exploiteur avait compris que pour s'en mettre plein les poches, il lui fallait une base économique prospère. Ce qui signifie respect des contrats et des droits de propriété, monnaie stable, ne pas traiter la main d'œuvre trop mal, etc. Chose que visiblement n'avaient pas compris les Dada, Bokassa, Mobutu et autres pillards du même style. Bref, la victoire de l'homme blanc n'est nullement due à ses instincts soi-disant plus meurtriers que ceux de ses concurrents, mais à ce que sa civilisation a atteint un stade lui permettant de vaincre ses concurrents. Imaginez un instant que Bongo, Biya, Sassou-Nguesso, Gnassingbé ou les gentils islamistes de Daesh aient eu la bombe atomique, ils en auraient fait un usage fort peu philanthropique, tout non-blancs qu'ils sont. La question intéressante est : pourquoi l'élite qui contrôle les médias, la culture et l'éducation parvient-elle à produire des générations de blancs convaincus de leur culpabilité, et donc de leur infériorité morale, alors que c'est faux, ce n'est pas dans leur intérêt, et ce n'est sans doute pas non plus dans l'intérêt des non-blancs, premières victimes de cette longue liste de dictateurs corrompus. En d'autres termes : comment ce virus létal qu'est le wokisme se propage-t-il et parvient-il à étouffer l'organisme qu'il parasite ? Sans doute parce que l'Occident darwinien, tout en créant des richesses, laisse sur le carreau un nombre croissant de ce qu’on appelle aujourd’hui les « exclus ». Ils le sont en un sens très relatif. Ils ont des téléphones portables, des voitures, des logements et des aides et allocations de plusieurs sortes. Mais ils lorgnent sur la richesse des autres et ils brisent le lien moral avec les générations futures. C'est le thème du roman de Houellebecq Les particules élémentaires. Ils sont, en d'autres termes, prêts à la redistribution ininterrompue, bien installes dans la mentalité après-moi, le déluge, dont la version inépuisable de l'Etat-Providence hypertrophié est le dicton de Keynes « à long terme, on est tous morts. » Il ne leur manque qu'un alibi moral, et cet alibi est celui de l'infériorité morale de l'homme blanc. Il permet de délégitimiser la richesse, puisqu'elle résulte du capitalisme, de l'impérialisme et de l'exploitation du tiers-monde, donc de s'en emparer, après avoir donné le signal du départ au pillage. Durant la Révolution Française, on délégitimisait la propriété des tyrans, puis on s'en emparait allégrement. Au moment où tout ce qui était pillable a été pille et qu’apparaissait la famine, un certain Bonaparte en profitait pour monter le bout de son nez. Rien de tel qu'une idéologie qui dit que votre ennemi est un tyran, en l’occurrence un inférieur, pour s'emparer impunément de ses biens. Le deuxième visage de la haine de soi, c'est la morale pseudo-hédoniste qui conduit, au nom de la recherche du plaisir personnel redéfini exclusivement comme une rébellion, a une irréversible dégradation de l'individu. Cet autre visage a pour nom drogue, films misérabilistes, backrooms, étrons exposés dans les musées, « seule et bourrée, je veux rentrer chez moi » (sola y borracha quiero volver a casa, slogan imbécile des profondément imbéciles femmes du surréaliste gouvernement sanchiste), que sais-je encore... et ce n'est pas un hasard si les franges de la population qui s'autodégradent de la sorte sont également les plus fidèles suppôts de l'idéologie de l'infériorité de l'homme blanc. Quoi de plus logique, si l'on considère appartenir à un groupe inférieur, que de s'autodétruire ? Les esprits perspicaces auront noté la prolifération de SDF dans les villes, belle preuve au passage des effets néfastes de la pseudo solidarité contre l’exclusion avec sa brochette d’allocations partout ; ils se seront aussi rendu compte qu'il n'y a pratiquement ni Noirs, ni Jaunes, ni Arabes parmi cette population. Cette espèce de morts vivants a été conduite à la déchéance par son propre refus de participer au processus de création de quoi que ce soit, parce que des idéologues criminels leur ont appris à haïr les valeurs (telles que le travail) qui président à cette création. Ces mêmes idéologues criminels leur ont inculqué la morale de l'autodestruction, c’est à dire une pseudo-rébellion contre l'ordre établi, en fait contre leurs parents bourgeois et bobos et plus généralement contre des institutions telles que la famille, représentant la communauté humaine à laquelle ils appartiennent. La tragique ironie est que, puisque cet ordre établi stipule qu'ils doivent être autonomes et subvenir à leurs propres besoins, ces pauvres intoxiqués du neurone en concluent que leur révolte passe nécessairement par l'autodestruction.

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Les extrêmes sont toujours fâcheux, mais ils sont sages quand ils sont nécessaires. Ce qu'ils ont de consolatif, c'est qu'ils ne sont jamais médiocres et qu'ils sont décisifs quand ils sont bons. » Cardinal de Retz, Mémoires, II partie, Edition Pléiade, p. 108

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Lassitude et morosité dans l’angoisse. On peut toujours se dire que c'est l’angoisse de l’attente de l’avis des médecins, pour R., le temps qu'il fait, la canicule, la nuit qui tombe de plus en plus tard... Non, c'est l'âge et le temps qui passe, les fantômes qui vous assaillent à peine a-t-on fermé les yeux, le dégoût des choses quotidiennes, trempées dans la peur et piégées par la dégoûtation écœurante des miasmes politiques. Il paraît qu’il faudrait s’en protéger, s'entourer de rituels personnels, de propitiations dérisoires et vaguement inutiles … Stratégies d'évitement, échappatoires, faux-fuyants, procrastinations. La plupart des tâches que nous impose la vie en société, rançon de notre confort ou de notre sécurité, sont passablement fastidieuses. Je comprends à présent ce vieux voisin, célibataire indolent et rustaud, qui, sur ses vieux jours, se donnait rarement la peine de répondre au téléphone et laissait s'entasser sur sa vaste table de cuisine le courrier qu'il n'ouvrait plus. En ces temps de bougeotte frénétique, je suis bien content de ma sédentarité quasi recluse. La solitude pascalienne dans sa chambre, j'y parviens assez bien, parmi des livres où nul regard étranger ne passe plus. En compagnie de mes bons hôtes muets, seul, au fond avec moi-même. Délectation narcissique : « Quand nous lisons, nous ne cherchons pas des idées neuves, mais des pensées déjà pensées par nous, à qui la page imprimée donne le sceau d'une confirmation. » C'est ce qu'écrivait Cesare Pavese, qu'on ne peut guère évoquer sans songer à sa fin, sans songer à la nôtre : « Scenderemo nel gorgo muti. » Envie de relire les Essais de Philippe Muray, dont les vitupérations et les détestations sont toujours d'actualité. À peine effacées (surtout, des enregistrements de vidéosurveillance !) les scènes de chaos près du Stade de France qui abritait la finale de la Ligue des champions, il faudrait citer intégralement ses "olympiades de la terreur", texte publié il y a plusieurs années dans le magazine Label France et repris dans Rejet de greffe (Exorcismes spirituels I, Les Belles Lettres) : « Ce qu'il y a quand même de fascinant, dans tout cela, ce qu'il y a d'attirant presque, ce sont les mille facettes de la bêtise éternelle que le sport incarne : la stupidité du muscle intensif, le crétinisme de la force, la niaiserie de l'exercice méthodique, l'optimisme absurde du dépassement de soi et de la répétition de ce dépassement, la sottise de la performance comme argument. Et j'oubliais l'insanité suprême, le rêve sportif absolu de la grande fraternité des peuples ; laquelle d'ailleurs, sur le terrain, se traduit automatiquement par son contraire radical (c'est, Dieu merci, le destin de toutes les bonnes intentions), c'est-à-dire le chauvinisme le plus sordide. Cela m'a toujours réjoui, moi, d'apprendre la défaite de la France à telle ou telle répugnante compétition internationale, à cause de la tête catastrophée de la plupart de mes concitoyens. » Un jour simplement imprudent, il serait aujourd’hui très dangereux de reprendre ces réflexions à voix haute, alors que le bon peuple, les supporteurs sans billets et les policiers qui tapent fort et sans raisons ont cédé la protagonisme aux banlieusards, pillards et voleurs qui ont fait que la Seine-Saint-Denis devienne largement une enclave martienne où se pratiquent d’autres formes du sportisme abrutisseur que dénonçait déjà Sébastien Faure en d'autres temps. Qui habet aures audiendi, audiat.

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Visites réitérées sur Facebook, où l'on ne trouve pas grand-chose qui vaille qu'on s'y arrête. Beaucoup de temps perdu. Intéressant, cependant, pour les chercheurs de l’avenir d'un point de vue sociologique : la sottise ordinaire, les goûts des autres et le kitsch à tous les étages. Bons sentiments et misère intellectuelle, sans parler des « amis » qui vous invitent à ceci ou à cela. Comme pour les sites porno ou les émissions d’Hanouna : on y va pour juste voir et on en redemande. À part ça, météo toujours bien ancrée dans la canicule. Chez les enfants, des activités de fin d’année scolaire, déplacements, jurys, prévisions pour l’année à venir. Pour A., fin du lycée, préparation du séjour en Irlande, musique. On ne s'en lasse pas...

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 Nostalgie de nos plaisirs touristiques minuscules. Droit à la paresse. Petites églises dans des bourgs paisibles, malheureusement presque abandonnés : L’Espagne vidée, la France profonde. Art roman ou gothique, quelques curieux chapiteaux, évocation de miracles, de foi disparue dans les catacombes, des merveilles à portée de main où la pierre blonde prend des tons dorés dans les lumières de fin d'après-midi, si humbles qu'elles semblent se cacher parmi les maisons qui les enserrent. Silence des hameaux, paix des pâturages. Au bord des routes, des arbres nous faisaient signe... J'avais, pour alimenter mon blog des tas de notes archivées au fil des ans, fort de mon admiration pour la machine internet, merveilleux outil d'émancipation et d'éveil, et de ma confiance en l’efficacité des fichiers informatiques. Mais des raisons inattendues, à part mon hédoniste paresse, un assez bien fondé nihilisme et le fait que ce qui se produit dans le vaste monde et qui présente le moindre intérêt (sale guerre d’Ukraine, dissimulée depuis 2014 par des média larbins du système, crises socio-économiques postpandémie, etc.) échappe à mes capacités de provoquer où que ce soit des réactions efficaces, au-delà d’une détestation, finalement toute verbale, de l’empire anglo-américain, m’ont poussé, découragé, à condamner ces précieuses notes à l’oubli plutôt qu’à la publication systématique et ordonnée. A qui ça pourrait intéresser ? En réalité, cet état de morosité s’explique aussi (par lucidité ?) non parce qu'il n'arriverait rien qui ne pût me susciter une analyse sociohistorique pertinente, capable de provoquer des glapissements de colère chez les pourris au pouvoir mettant au clair certains mécanismes, mais parce que j’ai l’impression que tout ce qui aujourd'hui arrive est déjà arrivé hier et que bis repetita non placent. Quoique, pour être plus exact, ce qui fournit en événements tragiques l'information, que je relève de préférence dans des médias ouverts au débat, sérieux et soucieux de déontologie, c’est-à-dire, pas nécessairement de mon bord mais indépendants des clan oligarchiques, et honnêtes, ne soit que la continuation logique de ce que nous avons déjà vécu, lu, vu. Les actions humaines sont cycliquement cumulatives et celles qui nous sont plus proches nous paraissent toujours un peu plus grosses, un peu plus effrayantes, un peu plus désolantes, pour le dire en trois mots : un peu pires. C'est peut-être toujours la même chose, seulement notre l’impression à nous, à chaque fois, oublie, prise sur le vif, les impressions du passé et s’agrippe à ce qui se passe au présent qu’il nous a été donné de vivre. Alors, que faire ? Des notules, des gribouillages, des anecdotes. Copier, comme Bouvard et Pécuchet, les âneries et les subtilités des autres, ce qui n'est qu'une façon d'assumer humainement notre propre bêtise, plutôt que de prétendre l'exorciser à soi tout seul. A quoi bon développer ? « Développées, les entrailles de l'homme mesurent neuf mètres. Enveloppées aussi. » (Louis Scutenaire, Mes inscriptions). Un blog, surtout à prétention littéraire ou mémorialiste, devient l'exutoire des chieurs d'encre impuissants, comme moi, des impubliés, des impubliables, des à qui la page-écran convient mieux que le volume imprimé. Paresse, donc, assumée au final sans trop de remords. 

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Il est bien connu que les comédiens de nos jours contribuent volontiers à la science politique, et je viens de lire sur les réseaux cette citation attribuée à un pauvre bouffon ignare, Alvaro Morte : « Mon personnage de Juan Sebastián Elcano (1476-1526) est très à gauche et nullement totalitaire ».  C’était, ouf, on a eu peur, « pour que la droite ne se l’approprie ». Il est tout de même plus modeste que le récemment disparu Jean-Louis Trintignant : « Tous les grands progrès humains se sont faits avec la gauche, il ne faut quand même pas l’oublier. » En effet : la domestication du feu et du bétail, l’invention de la roue, de l’écriture, de la métallurgie, de l’imprimerie et de l’électricité, la découverte de l’Amérique et j’en passe, sont certainement l’œuvre exclusive du génie fertile de la gauche. Cette affirmation pleine de discernement me rappelle une autre citation émanant d’un collègue de Trintignant, le non moins regretté Jean-Pierre Bacri : « Vous savez, je suis de gauche toute la journée, pas besoin d’être un héros pour ça : il me suffit de considérer l’intérêt général avant le particulier, de préférer le respect de l’individu aux lois du marché. Plus concrètement, d’essayer à chaque coin de rue d’être attentif à l’autre, à l’étranger, d’être tolérant. » En toute modestie : la bonté, le désintéressement, la générosité, l’altruisme, la tolérance, la sollicitude, sont des vertus exclusives de la gauche, dont la droite ingrate est hélas dépourvue, la nature est ainsi faite. On a parfois l’impression qu’à l’instar de monsieur Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, l’homme de gauche tombe dans la stupidité verbale sans en avoir la moindre conscience, il déconne comme il respire. Il se voit si parfait qu’il ne peut seulement concevoir que l’on puisse ne pas penser tout à fait comme lui. Il est très ouvert à l’Autre, sauf quand l’Autre n’a pas les mêmes idées. Il adore la Différence, sauf sur le plan énonciatif.


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Nihil novum sub sole. Chamfort (et la tempête sur la France !) raconté par Marmontel in Mémoires, III, Livre XIV, pp. 185-193

 Nous avions à l’Académie françoise un des plus outrés partisans de la faction républicaine : c’étoit Chamfort, esprit fin, délié, plein d’un sel très piquant lorsqu’il s’égayoit sur les vices et sur les ridicules de la société, mais d’une humeur âcre et mordante contre les supériorités de rang et de fortune, qui blessoient son orgueil jaloux. De tous les envieux répandus dans le monde, Chamfort étoit celui qui pardonnoit le moins aux riches et aux grands l’opulence de leurs maisons et les délices de leurs tables, dont il étoit lui-même fort aise de jouir. Présens, et en particulier, il les ménageoit, les flattoit, et s’ingénioit à leur plaire ; il sembloit même qu’il en aimoit, qu’il en estimoit quelques-uns dont il faisoit de pompeux éloges. Bien entendu pourtant que, s’il avoit la complaisance d’être leur commensal et de loger chez eux, il falloit que, par leur crédit, il obtînt de la cour des récompenses littéraires, et il ne les en tenoit pas Quittes pour quelques mille écus de pension dont il jouissoit : c’étoit trop peu pour lui. «  Ces gens-là, disoit-il à Florian, doivent me procurer vingt mille livres de rente ; je ne vaux pas moins que cela. » À ce prix, il avoit des grands de prédilection qu’il exceptoit de ses satires ; mais, pour la caste en général, il la déchiroit sans pitié ; et, lorsqu’il crut voir ces fortunes et ces grandeurs au moment d’être renversées, aucun ne lui étant plus bon à rien, il fit divorce avec eux tous, et se rangea du côté du peuple. Dans nos sociétés, nous nous amusions quelquefois des saillies de son humeur, et, sans l’aimer, je le voyois avec précaution et avec bienséance, comme ne voulant pas m’en faire un ennemi. Un jour donc que nous étions restés seuls au Louvre, après la séance académique :

- Eh bien ! Me dit-il, vous n’êtes donc pas député ?

- Non, répondis-je, et je m’en console, comme le renard des raisins auxquels il ne pouvoit atteindre : Ils sont trop verts.

- En effet, reprit-il, je ne les crois pas assez mûrs pour vous. Votre âme est d’une trempe trop douce et trop flexible pour l’épreuve où elle seroit mise. On fait bien de vous réserver à une autre législature. Excellent pour édifier, vous ne valez rien pour détruire. 

Comme je savois que Chamfort étoit ami et confident de Mirabeau, l’un des chefs de la faction, je crus être à la source des instructions que je voulois avoir ; et, pour l’engager à s’expliquer, je feignis de ne pas l’entendre.

- Vous m’effrayez, lui dis-je, en parlant de détruire ; il me sembloit à moi qu’on ne vouloit que réparer.

- Oui, me dit-il, mais les réparations entraînent souvent des ruines : en attaquant un vieux mur, on ne peut pas répondre qu’il n’écroule sous le marteau, et, franchement, ici l’édifice est si délabré que je ne serois pas étonné qu’il fallût le démolir de fond en comble.

- De fond en comble ! m’écriai-je.

- Pourquoi pas ? repartit Chamfort, et sur un autre plan moins gothique et plus régulier. Seroit-ce, par exemple, un si grand mal qu’il n’y eût pas tant d’étages, et que tout y fût de plain-pied ? Vous désoleriez-vous de ne plus entendre parler d’éminences, ni de grandeurs, ni de titres, ni d’armoiries, ni de noblesse, ni de roture, ni du haut ni du bas clergé ? 

J’observai que l’égalité avoit toujours été la chimère des républiques, et le leurre que l’ambition présentoit à la vanité ; mais ce nivellement est surtout impossible dans une vaste monarchie ; et, en voulant tout abolir, il me semble, ajoutai-je, qu’on va plus loin que la nation ne l’entend, et plus loin qu’elle ne demande.

- Bon ! Reprit-il, la nation sait-elle ce qu’elle veut ? On lui fera vouloir et on lui fera dire ce qu’elle n’a jamais pensé ; et, si elle en doute, on lui répondra comme Crispin au légataire : « C’est votre léthargie ». La nation est un grand troupeau qui ne songe qu’à paître, et qu’avec de bons chiens les bergers mènent à leur gré. Après tout, c’est son bien que l’on veut faire à son insu : car, mon ami, ni votre vieux régime, ni votre culte, ni vos mœurs, ni toutes vos antiquailles de préjugés, ne méritent qu’on les ménage. Tout cela fait honte et pitié à un siècle comme le nôtre ; et, pour tracer un nouveau plan, on a toute raison de vouloir faire place nette.

- Place nette ¡ insistai-je, et le trône ? et l’autel ?

- Et le trône, et l’autel, me dit-il, tomberont ensemble : ce sont deux arcs-boutans appuyés l’un par l’autre ; et, que l’un des deux soit brisé, l’autre va fléchir.

Je dissimulai l’impression que me faisoit sa confidence, et, pour l’attirer plus avant :

- Vous m’annoncez, lui dis-je, une entreprise où je crois voir plus de difficultés que de moyens.

- Croyez-moi, reprit-il, les difficultés sont prévues et les moyens sont calculés. Alors il se développa, et j’appris que les calculs de la faction étoient fondés sur le caractère du roi, si éloigné de toute violence qu’on le croyoit pusillanime ; sur l’état actuel du clergé, où il n’y avoit plus, disoit-il, que quelques vertus sans talens, et quelques talens dégradés et déshonorés par des vices ; enfin, sur l’état même de la haute noblesse, que l’on disoit dégénérée, et dans laquelle peu de grands caractères soutenoient l’éclat d’un grand nom.

Mais c’étoit surtout en lui-même que le tiers état devoit mettre sa confiance. Cet ordre, dès longtemps fatigué d’une autorité arbitraire et graduellement oppressive jusque dans ses derniers rameaux, avoit sur les deux autres ordres non seulement l’avantage du nombre, mais celui de l’ensemble, mais celui du courage et de l’audace à tout braver.

- Enfin, disoit Chamfort, ce long amas d’impatience et d’indignation, formé comme un orage, et cet orage prêt à crever ; partout la confédération et l’insurrection déclarées, et, au signal donné par la province du Dauphiné, tout le royaume prêt à répondre par acclamation qu’il prétend être libre ; les provinces liguées, leur correspondance établie, et de Paris comme de leur centre l’esprit républicain allant porter au loin sa chaleur avec sa lumière : voilà l’état des choses. Sont-ce là des projets en l’air ?

J’avouai qu’en spéculation tout cela étoit imposant ; mais j’ajoutai qu’au delà des bornes d’une réforme désirable la meilleure partie de la nation ne laisseroit porter aucune atteinte aux lois de son pays et aux principes fondamentaux de la monarchie. Il convint que, dans ses foyers, à ses comptoirs, à ses bureaux, à ses ateliers d’industrie, une bonne partie de ces citadins casaniers trouveroient peut-être hardis des projets qui pourroient troubler leur repos et leurs jouissances. “Mais, s’ils les désapprouvent, ce ne sera, dit-il, que timidement et sans bruit, et l’on a, pour leur en imposer, cette classe déterminée qui ne voit rien pour elle à perdre au changement, et croit y voir tout à gagner. Pour l’ameuter, on a les plus puissans mobiles : la disette, la faim, l’argent, des bruits d’alarme et d’épouvante, et le délire de frayeur et de rage dont on frappera ses esprits. Vous n’avez entendu parmi la bourgeoisie que d’élégans parleurs. Sachez que tous nos orateurs de tribune ne sont rien en comparaison des Démosthènes à un écu par tête, qui, dans les cabarets, dans les places publiques, dans les jardins et sur les quais, annoncent des ravages, des incendies, des villages saccagés, inondés de sang, des complots d’assiéger et d’affamer Paris. C’est là ce que j’appelle des hommes éloquens. L’argent surtout et l’espoir du pillage sont tout-puissans parmi ce peuple. Nous venons d’en faire l’essai au faubourg Saint-Antoine ; et vous ne sauriez croire combien peu il en a coûté au duc d’Orléans pour faire saccager la manufacture de cet honnête Réveillon, qui dans ce même peuple faisoit subsister cent familles. Mirabeau soutient plaisamment qu’avec un millier de louis on peut faire une jolie sédition.

- Ainsi, lui dis-je, vos essais sont des crimes, et vos milices sont des brigands.

- Il le faut bien, me répondit-il froidement. Que feriez-vous de tout ce peuple en le muselant de vos principes de l’honnête et du juste ? Les gens de bien sont foibles, personnels et timides ; il n’y a que les vauriens qui soient déterminés. L’avantage du peuple, dans les révolutions, est de n’avoir point de morale. Comment tenir contre des hommes à qui tous les moyens sont bons ? Mirabeau a raison : il n’y a pas une seule de nos vieilles vertus qui puisse nous servir ; il n’en faut point au peuple, ou il lui en faut d’une autre trempe. Tout ce qui est nécessaire à la révolution, tout ce qui lui est utile, est juste : c’est là le grand principe.

- C’est peut-être celui du duc d’Orléans, répliquai-je ; mais je ne vois que lui pour chef à ce peuple en insurrection, et je n’ai pas, je vous l’avoue, grande opinion de son courage.

- Vous avez raison, me dit-il, et Mirabeau, qui le connoît bien, dit que ce seroit bâtir sur de la boue que de compter sur lui. Mais il s’est montré populaire, il porte un nom qui en impose, il a des millions à répandre, il déteste le roi, il déteste encore plus la reine ; et, si le courage lui manque, on lui en donnera : car, dans le peuple même, on aura des chefs intrépides, surtout dès le moment qu’ils se seront montrés rebelles et qu’ils se croiront criminels : car il n’y a plus à reculer quand on n’a derrière soi pour retraite que l’échafaud. La peur, sans espérance de salut, est le vrai courage du peuple. On aura des forces immenses si l’on peut obtenir une immense complicité. Mais, ajouta-t-il, je vois que mes espérances vous attristent : vous ne voulez pas d’une liberté qui coûtera beaucoup d’or et de sang. Voulez-vous qu’on vous fasse des révolutions à l’eau rose ?

Là finit l’entretien, et nous nous séparâmes, lui sans doute plein de mépris pour mes minutieux scrupules, et moi peu satisfait de sa fière immoralité. Le malheureux s’en est puni en s’égorgeant lui-même, lorsqu’il a connu ses erreurs.

 

dimanche 19 juin 2022

Araignée du matin, chagrin ; araignée du midi, souci ; araignée du soir, espoir ...

Attente de diagnostic. L'âge exige ses droits et nous rappelle combien notre passage ici-bas est plus dérisoire que nos accomplissements et combien nous devons faire preuve de réel attachement pour prendre soin des gens que nous aimons. L'événement de mai dernier m’a rappelé également combien serait vide mon existence si ma bien aimée R. venait à me manquer, à ne plus se tenir à mes côtés, à me priver de sa force, son amour inconditionnel et sa délicate affirmation dans chaque difficulté de la vie quotidienne.

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L’Europe est morte et on peut même ajouter qu’elle ne renaîtra pas de sitôt. Elle était née de la volonté des peuples européens de se construire une façon de coexister, de créer, de produire, de rêver à un monde meilleur, après que les guerres de religion avaient fait éclater la Chrétienté médiévale. L’Europe est née avec des conflits et des traités et elle avait risqué l’engloutissement après les deux guerres mondiales dévastatrices jusqu’à l’espoir d’une nouvelle étape, semblant renaître de ses cendres, en 1990. Espoir brisé sur des écueils majeurs : la soumission totale au modèle américain, l’impossible construction d’une Union Européenne autrement que sous la forme d’union monétaire, les guerres de Yougoslavie et, pour finir, le rejet de la Russie. La prosternation générale des dirigeants européens devant le modèle américain dépasse l’imagination. Or, par leur messianisme politique, par leur manque de profondeur historique, par leur absence de sens du compromis, les Etats-Unis sont étrangers à l’Europe et de véritables prédateurs à l’échelle mondiale. Le capitalisme mondial, contrariant ses origines, doit se financer partout à l’américaine. Une Amérique qui a entraîné les cinq continents dans des guerres sans fin, en particulier au Proche-Orient, et nous a exposé à leur effet en boomerang, à commencer par les vagues migratoires. Comme si un dogmatisme ne suffisait pas, les Européens en ont ajouté un second, celui du fédéralisme européen. L’esprit de réconciliation des années 1950 avait créé des institutions pour la coopération. Ce qui se passe à partir de 1990, c’est cependant une profonde idéologisation du projet : depuis 30 ans, l’Union Européenne se construit comme une immense machine bureaucratique, gouvernée par des non-élus pour qui la production de normes devient une fin en soi. L’économie européenne est bien moins performante que ce qu’elle pourrait être.
Et elle a raté le tournant de la troisième révolution industrielle même si Klaus Schwab chante qu’il en est, lui, à la quatrième. Et, surtout, l’UE est impuissante à imposer les intérêts de ses membres dans les relations internationales. Au début des années 1990, les guerres ethniques de Yougoslavie ont montré l’absence d’une quelconque volonté européenne. S’il y en avait eu une, ces conflits auraient été empêchés avec une réelle force d’interposition et faisant jouer la diplomatie. Mais des intellectuels abjects, des médias inqualifiables et, finalement, des politiciens douteux ont transformé l’éclatement de la Yougoslavie en un affrontement entre les méchants Serbes et les autres, par définition gentils. Aucune notion, dans les chancelleries américanisées des années 1990, de ce que l’Europe était un creuset susceptible de surmonter des différends entre catholiques et orthodoxes hérités de la vieille chrétienté. Aucune reconnaissance envers la Serbie, grain de sable dans la machinerie guerrière hitlérienne au printemps 1941. Non, rien que la énième pitrerie d’un BHL ou du bouffon Cohn-Bendit déclarant que la guerre du Kosovo était la « guerre d’unification de l’Europe », alors qu’elle était le signe que son agonie avait définitivement commencé. Au moment où se déroulaient les guerres de Yougoslavie, la Russie sortait trop affaiblie du communisme pour pouvoir participer à un règlement du conflit. A partir de l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, la Russie a été capable de refaire ses forces. Toute l’Europe aurait dû s’en réjouir. En particulier parce qu’un nouveau rayonnement russe permettait de contrebalancer l’influence américaine. Mais ce qui l’a emporté, c’est une russophobie hystérique de plus en plus affirmée, qui culmine avec l’attitude de nos pays dans la guerre d’Ukraine, acte de décès de l’esprit européen. En outre, l’univers mental européen a été façonné par 40 à 50 années de mantras gauchistes de plus en plus agressivement stupides. Une part non négligeable des élites autoproclamées croit maintenant dur comme fer aux âneries acides que déversent médias, experts sociologues et autres chercheurs subventionnés de plateau télé.

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Quatre années de Sánchez au pouvoir ! Que pourrait-on ajouter à propos de sa volte-face surprise en faveur du Maroc, revirement diplomatique forcé par le vol de son portable, cible du logiciel espion israélien Pegasus ? Attaché aux restes putrides de la gauche bobo-podémitique, bousiers infatigables des excréments mini-patriotiques de chaque communauté autonome, se gavant d’argent du contribuable dans des postes aux fonctions surréalistes mais, ô combien, grassement rémunérés. Lié à la racaille suprématiste catalane championne de la mainmise sur les deniers de l’État, du détournement du 3% sur le moindre marché public, des coups d'État rigolos en veux-tu en voilà. Fort honorablement associé aux fiers producteurs de cadavres de l'ETA, devenus ses partenaires privilégiés, ces virtuoses de la bombe-ventouse, habitués au meurtre, au kidnapping et au racket mafieux en tant qu'outils sophistiqués de ségrégation de la population, arbitres partant de la pensée, flingue en main, pendant les longues années dorées du bipartisme du Bourbon Débonnaire. Et ça risque de durer encore quelque temps … Putain de trou à rats de merde ! Ce gouvernement qui pompe dans un cynisme total ses concitoyens a quelque chose de fascinant : il est l'image même des machines, dans Matrix, qui cultivent les êtres humains pour mieux les dévorer. L'illusion est parfaite, tout le monde continue de croire en l'Etat comme en un dieu essentiel. On dirait que les Espagnols veulent vraiment vivre avec une idéologie autodestructrice comme gouvernail… Avant de fermer ce bref billet, j’entends le caniveau appeler de toutes ses forces l'immonde Mónica Oltra, plaque d’égout du gouvernement autonome valencien présidé par un mec à côté de qui une bite semble intelligente ; il semble aller de soi que les membres et les proches de la même famille idéologique, sans se désolidariser de ces tristes personnages qui se conduisent de manière si honteuse, mériteraient également de figurer dans les poubelles de l’histoire dont les électeurs n’auraient jamais dû les faire sortir. Que nenni ! Vous n’y êtes pas du tout ! Ils festoient en public en célébrant les exploits de leur vice-présidente, mise en accusation pour des broutilles forgées de toutes pièces par des nazillons …

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Refus de lire le gros pensum d’une conne à la retraite, disciple d’une inimaginable enflure (de la « Complu » !), à la retraite aussi. Ils sont comme ça, nos universitaires à la retraite, toujours assurés d'avoir une quelconque importance, au point d'en devenir indispensables. Ils doivent s'imaginer plus ou moins qu'après leur mort ils seront accueillis en paradis par les sanglots de reconnaissance et les tremblements de gratitude de tous les vrais écrivains sur lesquels ils auront tristement grouillé leur vie durant, tels des bataillons de larves sur une charogne baudelairienne.

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Relus deux livres de G. Lenotre (Le tribunal révolutionnaire ; Le baron de Batz) que j’avais achetés à Bayonne, chez Gilbert Arragon, un joli lot en très bon état. J’avais eu avec lui de drôles de discussions à propos de son mystérieux pseudonyme « G. » qui cachait, à en croire ce vétéran bouquiniste, un indiscutable « Gaston ». Ma curiosité me poussant à aller voir plus loin, il semble bien que la BNF se trompe sur le prénom et le nom de plume de G. Lenotre. Théodore Gosselin dira lui-même que : « Le G. que j’ai mis devant ne signifie ni Georges, ni Guy, ni Gaston, ni même Gédéon, comme certains le croient et le disent, mais tout simplement Gosselin, qui est mon nom de contribuable. » Quant à Lenotre, il n’a pas d’accent circonflexe, tout inspiré qu’il soit du nom, séparé et avec circonflexe, du jardinier André Le Nôtre, son arrière-grand-oncle en l’occurrence. Tout cela n’est pas bien grave et ne change rien à la truculence et l’érudition de ses écrits. Théodore Gosselin fut bien élu à l’Académie Française sans jamais y siéger, une crise cardiaque qui devait l’emporter lui empêcha de prononcer son discours de réception. A. Mathiez, le grand historien de la Révolution, dans un long article d’une rare férocité (M. G. Lenôtre [toujours accentué !] peint par lui-même ou l’élève des jésuites qui renié ses maîtres) démolit l’œuvre et la personne de celui que Franck Ferrand élit sur Europe1, en 2013, « pape de la petite histoire » et toujours réédité, à la grande satisfaction de tous ses nombreux amateurs. 


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« Pouvoir créer de l'argent ex nihilo, c'est s'approprier une fraction indéfinie de la masse monétaire globale, donc réduire indirectement les dépôts du public. » Eustace Mullins
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“Al Emérito se le colmó de elogios y cualidades que ni le pasaban por la cabeza a él mismo, aunque acabara creyéndoselo. No hagamos trampas al solitario; no lo inventó Franco, ni la Transición, fuimos nosotros quienes nos lo fuimos construyendo a la medida de una sociedad crédula y susceptible de volverse importante. Él siguió a lo suyo, como siempre, sin detectar que esa sociedad había madurado más que él. Y entonces ocurrió lo inevitable; apareció el original, cuando creíamos que teníamos al fin una copia perfecta.”
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“… los protagonistas de ayer ya no tienen edad para aspiraciones políticas que no sean comederos”
Gregorio Morán, La pelea con nuestra historia, Vozpopuli 17-06-2022

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J’ai toujours utilisé avec Adèle, dès qu’elle est née, l’espagnol chaleureux d’un monde disparu, chargé des arômes, des voix, des histoires et des chants des miens, des nôtres, pour qu’elle reconstruise dans son imaginaire un territoire dans lequel ses grands-parents vivaient leur lointaine (et heureuse !) enfance, avant de devoir assister impuissants au festin des cochons …

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jeudi 9 juin 2022

Billet éclair ...

 

 

“¡Qué llena de aventuras está la vida! Es monótona solo para los monótonos. Puede que ya no haya ardientes dragones, anillos mágicos o varitas de hadas para interferir en su curso o influir en nuestro camino, pero las relaciones de los hombres son mucho más complicadas y diversas que las de Yove, y en el juego de las pasiones y en la disposición de los espíritus más creativos, que tienen así una esfera proporcionalmente mayor para sus acciones, hay encantos de hechicería social más potentes que toda la nigromancia de Merlín y el fraile Bacon.





«How full of adventure is life! It is monotonous only to the monotonous. There may be no lon ger fiery dragons, magic rings, or fairy wands, to interfere in its course and to influence our career; but the relations of men are far more complicated and numerous than of Yove, and in the play of the passions, and in the devises of creative spirits, that have thus a proportionately greater sphere for their actions, there are spells of social sorcery more potent than all the negro mancy of Merlin and Friar Bacon»




Benjamin Disraeli, Tancred o New Crusade



 

lundi 6 juin 2022

Las plantas nos enseñan el suave morir de los paganos (Theodor Däubler)

Deux juin. Rosa rentre à la maison. Au revoir, l’hôpital, à bientôt quand même, médecins et personnel hospitalier si dévoués, tous  attelés à leur tâche et à quel point ! Voici un mois qui commençait pour elle un bien triste et pénible parcours contre la même bête qui dévora mon père. Une courte visite médicale, à notre retour de Séville, avait enclenché la course contre la montre. Après une longue intervention, apparemment, tout pourrait aller bien, pour autant que les analyses pertinentes déjà entamées depuis quelques jours soient nickel, et que, donc, l’espoir soit capable de reposer sur des bases bien fondées. Généralement, le cancer pâtit auprès des gens plus ou moins proches mais on a tendance à croire qu’il n’a aucune raison de s’occuper de nous et que les oncologues dont il assure le métier sont capables de miracles à chaque fois. C’est pourtant un compagnon d’une exemplaire fidélité, qui vous prend par la main dès votre jeunesse et ne vous abandonne qu’en dernière extrémité. Il y a d’abord le cancer des autres, généralement plus âgés que soi mais pas toujours, sans doute pour nous habituer à sa présence avec le moins de brutalité possible ; puis arrive le sien propre, voire celui des siens. On préférerait des amis moins constants que celui-là ! J’accompagne toujours Rosa lors de sa tournée effrayante de consultations diverses. Tout d’un coup, me reviennent en mémoire les mots prononcés le 24 septembre 1977 : « Je fais la promesse solennelle de t’aimer, de t’être fidèle, de te chérir pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie … » Et la vie continue à côté de vous, traînant derrière les griffes de la maladie, dans la solitude et la nudité essentielle propres de l’être humain.

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Ceux qui aiment intensément l’écriture (libre) pour soi constituent, sans qu’ils le sachent peut-être, une société secrète. Le plaisir d’écrire à propos de tout et une envie de critique permanente, sans âge, les rassemblent. Leurs choix ne correspondent jamais à ceux des intellos attitrés, des professeurs ni des académies. Ils ne se soumettent pas à la dictature du goût des autres et vont se loger plutôt dans les interstices et les replis du socialement visible, dans la solitude, l’oubli, les confins du temps, les zones d’ombre. Sans possibilité d’être récupérés par les vraies valeurs nauséabondes, imposées partout, propres et spécifiques à l’empire du Bien anglo-américain, restant fidèles à leurs convictions sans aucune passe ou permission de qui que ce soit. Ils tapent dans la réalité sans être rattrapés par la folie du monde, faisant preuve, par le geste même d’écrire pour soi, d'insoumission permanente à laquelle, par paresse ou par peur du jugement souvent imbécile d’autrui, ils devraient renoncer normalement par respect ou par trouille s’ils étaient victimes du succès ou de la notoriété sociale.

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On ampute des morceaux à l’Ukraine, affirment les partisans des valeurs universelles d'une Ukraine qu'on ignorait si essentielle au bon fonctionnement de l’univers. Drame chez les « gentils » du tout à l’égout occidental ! Le dépeçage de l’ex-Yougoslavie n’avait pas choqué grand monde, si ma mémoire est bonne … Et puis l'histoire de la méchante Russie et la gentille Ukraine commence à tourner au vinaigre pour la gentille Ukraine et il va devenir difficile de monopoliser les antennes médiatiques sur le sujet pour distraire l'attention du peuple des vrais enjeux qui le concernent vraiment. En effet, comment continuer à hypnotiser le citoyen si la Russie termine la guerre dans quelques semaines après complète annexion de l'est ukrainien russophone et russophile ? Reconnaître la victoire russe, constater la déroute de Zelensky, éventuellement assister à son renversement par un coup d'état mené par l'état-major des armées ukrainiennes conscient du chaos vers lequel ce dirigeant fou mène son pays, évaluer l'énorme gâchis financier en envoi d'armes aux milices nazies, juger le sacrifice des vies civiles et militaires ukrainiennes uniquement dû au prolongement imbécile du conflit voulu et entretenu par l'OTAN : autant de sujets qu'il vaudra mieux passer sous silence. Une résurgence covidienne pourrait faire opportunément l’affaire pour éviter que le peuple cogite sur ses vrais motifs d’inquiétude : son pouvoir d’achat qui fond comme neige au soleil, sa sécurité dans la vie de tous les jours, l’immigration qui lui donne l’impression d’être un exilé sur son propre sol, la déliquescence de l’instruction de ses enfants, entre autres. À moins que la Covid ne laisse son tour à une variole du singe ? Ça ne serait pas mal, ça, une bonne petite variole. D’abord, ça apporterait un peu de changement dans la terminologie. Ensuite le mot fait peur, même si en l’occurrence la variole du singe est à la fois moins transmissible et moins létale que la vraie variole, et qu’elle se guérit toute seule. A moins évidemment que son virus ait été bidouillé entretemps, grâce à des techniques d’augmentation de moyens dont des laboratoires américains situés – comme c’est bizarre – en Ukraine, sont passés maîtres…

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Perles cultivées de chez Carl Schmitt in Glossarium, El Paseo

La señal de la cruz produce mayores radiaciones de uranio que todos los fabricantes de bombas atómicas. Me hago la señal de la cruz sobre el desorden de mis afectos y emociones, y veo a Cristo caminar sobre las aguas.

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Siento que este es uno de los momentos de mi vida en los que lo personal-privado y lo universal-general coinciden en los hechos y la sombra de Dios que todo lo dispone roza mi pequeña vida. Debo decírselo a mi hija para tener testigos, tal y como los padres de Joseph de Maistre en el año 1772 le dijeron a su hijo, que estaba jugando: niño, ha habido una gran desgracia, el papa ha disuelto la orden de los jesuitas. ¿Cómo aprehender la profundidad de este momento? ¿Durante cuánto tiempo lograré mantenerme en esa profundidad? [al margen, copiado de una carta a su hija: “¡Mi niña! Te escribí esta carta solamente para comunicarte algo cuyas consecuencias solo se sabrán en los años venideros. No va a interrumpir tus alegrías ni tristezas. Pero debes conocerlo. El gran y no poco importante filósofo Joseph de Maistre lo supo en su niñez y nunca lo olvidó”].

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Certains alertaient déjà avant la fin du siècle dernier que l’école avait cessé de remplir sa fonction principale, celle de structurer l’intelligence et l’expression des élèves pour devenir un système de dés-instruction ... À l’école primaire on n’apprend plus à lire ni à écrire : les deux tiers des élèves ne le savent plus ... Cela s’inscrit dans un relativisme généralisé des valeurs morales, des cultures, des religions et des manières de s’exprimer, aucune manière de vivre n’étant jugée supérieure à une autre ... On a démoli tous les repères normatifs. On a sapé l’enseignement de la philosophie, de l’histoire, de la langue et de la littérature ... Globalement, on fait des élèves des ignares qui ne parlent et ne comprennent qu’un seul idiome, celui des jeux de leurs portables ... Une formation sacrifiée au nom d’un utilitarisme à courte vue qui empêche d’accéder aux idées générales. Il n’y a pas un élève sur cent capable de bâtir une phrase complexe ... Une attitude qui va jusqu’à bannir toute discipline ... tout ce qui est contrainte est jugé comme un mal. C’est comme ça qu’on ramène les enfants à l’animalité. Profs et élèves vivent enfermés dans une même Google Classroom à échelle mondiale. L’objectif est d’éduquer les gosses à travers les écrans, et que ce soit Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft qui s’occupent de leur éducation. Autant dire, les gosses auront l’éducation choisie par les Gafam, et les profs auront très peu de marge de manœuvre. A terme, le prof ne sera présent que comme nounou. Un désastre.

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Commencé Les bouffons. Roman des temps révolutionnaires, consacré à la folie révolutionnaire, chute de Robespierre, etc. et le surprenant En attendant le roi du monde, d’Olivier Maulin, dont je compte bien inclure dans un prochain billet quelques notes de lecture.

Hubert Monteilhet replonge son lecteur dans cette époque de cauchemar avec destruction systématique, par des Français, de tous les vestiges de leur passé, à commencer par les édifices religieux, « manie des plus originales, que l’on n’avait encore notée chez aucun peuple, le passé étant au contraire dans le monde entier source d’inspiration et de respect. » Note surprenante sur une « supériorité des Chouans sur les Vendéens », les premiers préférant les actions de guérilla, les autres, plus classiques au moment de faire la guerre, se faisant écraser : « Dans une guerre civile, toute organisation est vulnérable, alors que de petits groupes décidés, opérant au sein de populations passives ou favorables, entretiennent aisément une insécurité permanente. » Les moyens de la tyrannie n'étaient pas encore à la hauteur de ses intentions affichées ; l’oligarchie née « des Lumières » a changé progressivement cet état de choses. Parallèlement, furent créés des certificats de civisme. Les gens faisaient la queue pour obtenir ce bien précieux, censé mettre à l’abri du pire, en attendant les cartes de citoyen, les certificats de vie, de non-émigration, de résidence, sans parler des certificats d’indigence … Peu à peu, toute la France était certifiée d’une façon ou d’une autre, et une absence de ce genre de papier était devenue suspecte. De plus, dans les villes, les propriétaires étaient tenus d’afficher la liste des résidents, afin de faciliter les visites domiciliaires de jour ou de nuit. Dans ces conditions, et c’était sans doute le profond dessein des autorités de ce nouveau régime policier, plus personne n’était en règle si l’on se donnait la peine de gratter un peu. Bonaparte, bon fils de la chienlit révolutionnaire, affirmait lui aussi que les crimes collectifs n'engageaient personne. Faut évidemment que les criminels appartiennent aux bons groupes. En matière d’assassinat, les responsabilités se diluent jusqu’à l’impunité à proportion de la foule des exécutants. Les vrais "patriotes" mettaient leur point d’honneur à tuer et à détruire, mais ils avaient en principe honte de voler, laissant ce soin aux financiers et aux commissaires. Il y avait quelque chose, dans les principes révolutionnaires, qui faisait perdre à l’homme toute dignité et tout caractère humain. Quand on cherche désespérément un côté positif à la Révolution jacobine, on n’en aperçoit guère, tout compte fait, qu’un seul : elle aurait plutôt diminué, de façon très provisoire, les ordinaires embarras de Paris. L’historien doit être honnête et ne jamais refuser un compliment mérité. La Révolution, c’était une mort vulgaire pour tout le monde, dans un bain de sang général, chacun ambitionnant d’être le dernier assassin à rester en vie. Il n’y a pas de plus grande erreur que d’imaginer que tous les hommes marchent à la carotte et au bâton, qu’on peut les manœuvrer à loisir en faisant appel à leurs instincts les plus troubles et à leurs plus bas sentiments. La pauvre langue contemporaine n'est qu'un retour aux sources. La Révolution, en avilissant la pensée, avait gâché le style, devenu délayage, verbiage, barbouillage et enflure. A tel point que le lecteur ou l’auditeur ordinaire avait du mal à comprendre du bon français et qu’il fallait maintenant lui redire deux ou trois fois les plus banales pauvretés pour qu’elles pénètrent son esprit déshabitué de la réflexion. On pouvait déjà hésiter entre Béria et Dzerjinski. Saint-Just affectionnait la formule : « Dans une prison, il y a trois murs de trop. » La cruauté, la veulerie, le cynisme, la lâcheté, la fourberie, la vanité, la bêtise, la médiocrité, la paresse, l’irresponsabilité, la bassesse, l’arrogance, le sadisme avant la lettre, la passion de l’argent et du jeu, le goût de l’alcool, des filles ou des gitons, se le disputaient à l’envie. Mais par-dessus tout, un même sentiment marquait la plupart des visages et y avait laissé ses honteux stigmates : une peur abjecte d’être puni et l’infâme détermination de faire n’importe quoi pour couper au châtiment.


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Portrait à la Dorian Gray d’un premier ministre espagnol sans raison ni conscience, menteur sans remords, dans la pure recherche égoïste et abstraite de son intérêt, déconnecté de la réalité du terrain. Ce mec me dégouté un peu plus à chaque apparition. Oui, vraiment, ce mec me dégoute. Son arrogance, son égoïsme, son assurance, tout chez lui me répugne. Bluffeur compulsif, visqueux de flagornerie, de complaisance et d'obséquiosité avec ceux qu'il considère nécessaires dans l’adversité, féroce dans le triomphe, tantôt lâche et tantôt cruel, toujours hypocrite et doué pour toutes les bassesses, ne respirant que fourberies et reniements, obsédé par ses intérêts immédiats, intellectuellement borné comme une taupe, aussi calculateur qu’imprévoyant, ne songeant qu’à jouir au maximum entouré de sa smala de lèche-culs, gibiers de bordel (Abalos et son infect Koldo) et rats d’égout mélangés, sans âme, sans esprit, sans humour, sans générosité, sans raffinement et sans culture, ne comprenant rien aux choses en dehors de la basse politique politicienne, sous-merde woke-progressiste de la dernière génération socialdémocrate capable encore de vampiriser le peu qui reste d’une classe ouvrière à l’agonie et d’une classe moyenne souffrante sans répit. Comme par malheur il prétend avoir fait des études, docteur d’emprunt, il s’empresse, pris de vertige, de retourner avec hargne ses capacités de prestidigitateur contre une société imbécile qui a toujours fait les frais de son parcours de tricheur. La véritable élite éclairée de la politique, du savoir ou de la science a toujours tendu la main au peuple, au contraire des vermines démagogiques de son genre, se réclamant sans cesse de ce pauvre peuple pour le mieux trahir dans l’impunité la plus totale.


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Bribes de 
Guerre, Louis-Ferdinand Céline

Ça se branlait donc dès que ç’avait un peu bu et dormi, ça s’enculait peut-être aussi l’allié, parce qu’à l’époque chez nous c’était pas encore très répandu comme mise en scène.

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 … elle était bandatoire de naissance

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La paix quoi. Le canon de là on l’entendait presque plus. On s’est assis sur un remblai. On a regardé. Loin, loin c’était toujours du soleil et des arbres, ce serait le plein été bientôt. Mais les taches de nuages qui passaient restaient longtemps sur les champs de betteraves. Je le maintiens c’est joli. C’est fragile les soleils du Nord. À gauche défilait le canal bien endormi sous les peupliers pleins de vent. Il s’en allait en zigzag murmurer ces choses là-bas jusqu’aux collines et filait encore tout le long jusqu’au ciel qui le reprenait en bleu avant la plus grande des trois cheminées sur la pointe de l’horizon.

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Dans un enclos on voyait des [ouvriers] et tous les moines, des vieux, travailler. Ils s’en faisaient pas. Ils taillaient des espaliers. C’était le jardin de leur maison mère. Dans les sillons par-ci par-là un paysan soulevait le paysage avec son cul. Ça fouillait la betterave.

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C’est écœurant quand on a vu pendant des mois les convois d’hommes et de tous les uniformes défiler dans les rues comme des bancs de saucisses, kakis, réserves, horizons, vert pomme, soutenus par les roulettes qui poussent tout le hachis vers le gros pilon pour con. Ça part tout droit, ça chantonne, ça picole, ça revient en long, ça saigne, ça picole, encore, ça pleurniche, ça hurle, c’est pourri déjà, un coup de pluie, voilà le blé qui pousse, d’autres cons arrivent en bateau, il mugit, il a hâte de tout débarquer, sur l’eau il virevolte le grand souffleur, tourne du cul, le beau navire dans la jetée, le voilà reparti fendant les vagues écumantes en chercher d’autres… Toujours contents les cons, toujours à la fête. Plus qu’on en écrabouille mieux les fleurs poussent, c’est mon avis. Vive la merde et le bon vin. Tout pour rien !

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Tant qu’il y a du vice y a du plaisir.

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Les deux jetées sont devenues toutes minuscules au-dessus des mousses cavaleuses, pincées contre leur petit phare. La ville s’est ratatinée derrière. Elle a fondu dans la mer aussi. Et tout a basculé dans le décor des nuages et l’énorme épaule du large. C’était fini cette saloperie, elle avait [répandu] tout son fumier de paysage la terre de France, enfoui ses millions d’assassins purulents, ses bosquets, ses charognes, ses villes multichiots et ses fils infinis de frelons myriamerdes. Y en avait plus, la mer avait tout pris, tout recouvert. Vive la mer !

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C’est drôle y a des êtres comme ça ils sont chargés, ils arrivent de l’infini, viennent apporter devant vous leur grand barda de sentiments comme au marché. Ils se méfient pas, ils déballent n’importe comment leur marchandise. Ils savent pas comment présenter bien les choses. On a pas le temps de fouiller dans leurs affaires forcément, on passe, on se retourne pas, on est pressé soi-même. Ça doit leur faire du chagrin. Ils remballent peut-être ? Ils gaspillent ? Je ne sais pas. Qu’est-ce qu’ils deviennent ? On n’en sait rien du tout. Ils repartent peut-être jusqu’à ce qu’il leur en reste plus ? Et alors où qu’ils vont ? C’est énorme la vie quand même. On se perd partout.

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Lecture de Rafael Chirbes (Diarios: A ratos perdidos 1 y 2)

"Vivimos momentos sombríos. La gente se cree progresista, porque vota PSOE, y eso les permite defender posiciones de individualismo a ultranza y justificar el pelotazo, la rapiña: a ratos lo más negro;  otros, lo que es simplemente estúpido: la pegajosa bobaliconería de la gente de bien, la clase media franquista que tanto odiábamos, ahora se ha refugiado en el socialismo; los franquistas furiosos han empezado a aparecerse con el halo romántico de quien mira la vida a contrapelo, esa mirada sesgada, la posición hirsuta, los correajes y pistolas, los socialistas son más de colegio de monjas."

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"La dignidad, en la pasividad del sufrimiento. La humillación te eleva, te dignifica. Un hombre sacado a rastras, borracho, golpeado delante de su hijo, encuentra su dignidad, el espacio de piedad que Dios le concede. Pasa de víctima a mártir. Se abre hueco en el almacén de los símbolos"

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"Resulta curioso lo poco que se ha comido en la narrativa española que ha escrito la gente de mi generación, honrosas excepciones aparte, entre ellas, una vez más, ese foráneo, o foramontano, que es el hirsuto Sánchez-Ostiz. Los habitantes de la Umbría de su invención, que tantos disgustos le ha dado, devoran toneladas de morros y magras con tomate. La mayoría de los personajes de la novela española de mi tiempo pertenece al cupo de bajtinianos personajes cerrados que no comen ni excretan."

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" sufrimiento y las destrucciones padecidas por los perdedores. Hans Erich Nossack: Interview mit dem Tode (1972); HeinrichBöll: El ángel callaba; Hermann Kasack: La ciudad detrás del río (al parecer, la novela decisiva sobre el tema, no la he leído, ni siquiera sé si está editada aquí); Peter de Mendelssohn: La catedral"

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"un novelista olvidado, del que nadie se ocupa, y cuya visión es imprescindible. Se llama Gert Ledig, y sus novelas son El órgano de Stalin y La revancha (P.S. He leído la novela, aquí titulada Represalia, algún tiempo después de escribir estas notas), que se desarrolla durante un bombardeo de una hora en una ciudad innominada. En su libro Europa en ruinas, Hans Magnus Enzensberger recogió visiones de testigos extranjeros, pero no de los propios alemanes."

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"Son fiestas en el pueblo. Hasta aquí me ha llegado el ruido de los fuegos artificiales (ni siquiera me he asomado a la ventana para verlos), y, ahora, la música que anima el baile llega hasta casa desde el fondo del valle. No soy de este pueblo, ni quiero serlo. En Valverde tuve la sensación de que – a la contra de las fuerzas vivas, en continua pelea – lo era, me interesaba el bienestar de aquel pueblo, la felicidad de la gente. Aquí me da exactamente igual. Viven satisfechos en su deriva hacia lo peor. Allá ellos. Al principio, me sedujeron las palabras de la lengua materna, el tono de voz, los cuerpos que eran cuerpos que parecían sacados del pozo de mi infancia, cierta manera de estar en el mundo, pero no he tenido tiempo para hacerme la ilusión de que recuperaba algo de ese brillo, de que volvía a él. Lo que el amago de convivencia aquí me ha echado a la cara es el conjunto de razones por las que nunca quise vivir en esta puta tierra"

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"Jünger, que había pertenecido a las SS" (??)

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"aunque Céline hubiera escrito sus Bagatelles llamando a masacrar a los judíos"

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"Los cristeros mexicanos, su furor carnicero; los fundamentalistas musulmanes, que degüellan a sus víctimas con la misma técnica que a los corderos que se comen en la fiesta del profeta, en el Mouloud.”

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"En el siglo XXI se es joven hasta los ochenta."

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"En el libro sobre Gil de Biedma, Dalmau nos cuenta las estrategias de mercado de los señoritos catalanes: escalar la montaña de la posteridad abriéndose paso a hachazos en el mundillo literario gracias a su privilegiada red de relaciones; pactar unos con otros la escala del prestigio; crear lo que, si no estuviéramos hablando de gente culta y procedente de buenas familias, llamaríamos un grupo mafioso. Tal como lo cuenta Dalmau, la cosa acaba cobrando un toque cínico, mezquino: la carrera literaria, qué mal suena eso. Asegurarse la crítica en el periódico, la benevolencia del crítico que la escribe, la página de la enciclopedia, el capítulo en el libro de historia de la literatura. Ponerse bien los unos a los otros, citarse, concederse espacio en los artículos, en las colecciones de narrativa o de poesía, concederse los premios literarios. La red. ¿Dónde está todo aquello de un mundo mejor, que – a quienes en su momento los leíamos confiados – nos empujó a ser lo que somos?, ¿qué queda de lo que nos contaban ellos mismos a quienes éramos por entonces adolescentes?, ¿solo fueron estrategias de un grupo de señoritos aburridos y vanidosos? Había que luchar por la verdad, por la justicia, por los pobres, por lo que fuera, menos por uno mismo. Ese era el mensaje, esos eran los principios."

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 "los árboles tienen raíces, los judíos tenemos piernas."

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Lecture d’Imre Kertész (Sauvegarde, Actes Sud)

Les humiliations physiques de la vieillesse. Je ne l’aurais jamais cru, mais la vieillesse arrive d’un coup. D’un jour à l’autre, presque d’une minute à l’autre. L’attitude physique change soudain et on ne peut rien y faire. Une envie d’uriner vous prend brusquement et il faut lui céder tout de suite sous peine de souiller son linge de corps. Quelle humiliation. La pire catastrophe, c’est l’impuissance, alors qu’on n’a pas perdu son attirance pour les femmes. Une autre catastrophe, c’est l’insomnie. Il est trois heures quarante-deux du matin et je n’ai pas encore fermé l’œil.

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Je m’abîme dans la fabrication de textes que je lis avec bonheur et étonnement – je ne les comprends pas toujours, mais ils sortent de ma plume, cette petite boîte qui répond au nom d’ordinateur.

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Ce qu’on fait aujourd’hui de la démocratie n’a pas grand-chose à voir avec la res publica ; je parlerais plutôt de démocratie de marché. Avec un peu d’autodiscipline, c’est une forme d’existence très agréable, mais elle prendra vite fin, à cause de son évolution insolente vers la centralisation de l’argent et du pouvoir ; alors c’en sera fini de l’autodiscipline et de la douceur de vivre. N’est-ce pas une sorte de fascisme discret qui nous attend, avec parure biologique, restriction totale des libertés et relatif bien-être matériel ?

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Un illuminé monomaniaque prend le pouvoir, les véritables détenteurs du pouvoir et de l’argent voient une bonne opportunité dans sa personne et dans ses convictions, et les foules cèdent à leurs véritables penchants – la haine, le sadisme meurtrier, la servilité, le faux héroïsme et, surtout, la possibilité d’accaparer tout ce qui reste.

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Mon Dieu, Rousseau s’est trompé ; il n’a même pas su juger sa propre nature.

La souffrance, seule la souffrance est sérieuse. Je crains que Magdi ne souffre, et je ne peux soulager sa souffrance qu’en souffrant avec elle, ce sera alors une souffrance double, tant pour elle que pour moi. Les choses sont plus simples quand on n’aime pas.

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La maladie n’a rien à voir avec nos conceptions – en fin de compte, la maladie n’a rien à voir avec nous, tout au plus, elle nous tue. Elle n’a rien à voir avec la morale, avec nos actes, elle n’a aucun rapport avec nos vertus ou nos fautes. Les cellules sont aveugles et nous gouvernent d’une manière absurde. C’est pourquoi la vie est une chose moyennement sérieuse. On accorde à notre vie une bien plus grande importance qu’elle n’en a en réalité. En réalité, une vie humaine égale zéro. C’est un cas particulier de l’espèce, qui ne mérite même pas d’être mentionné. Nous sommes les seuls affectés par cette vie, soit parce que nous l’aimons, soit parce que c’est la nôtre.

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M. dit qu’elle n’a pas encore compris ce qui lui arrivait ; sauf qu’il n’y a rien à comprendre. Je me rappelle ma conversation avec le cancérologue. Les yeux brillants, il m’a expliqué le fonctionnement des cellules dans l’organisme. Ces cellules existent et agissent de manière autonome, selon leurs propres lois ou, si l’on préfère, au gré de leurs caprices. Elles s’associent ou se séparent, provoquent ou subissent des mutations, etc. Et quand je lui ai dit que c’était terrible, il m’a regardé d’un air étonné et m’a demandé pourquoi l’horreur de la déchéance physique nous menace, nous allons devenir laids, faibles, nous allons glisser hors du monde.

Tous les matins, j’ai envie de pleurer, de pleurer sur M.

Toute relation humaine est illusoire. La famille : questions d’héritage, de fortune. L’amitié : paroles chaleureuses, impuissance, inaction. Parfois une joie mauvaise. L’amour : il se volatilise sans laisser de trace. Et pourtant quelque chose existe, il arrive malgré tout qu’un acte s’épanouisse. Mais toujours de manière inattendue et généralement pas là où on l’attendait, pas de la part de la personne en qui on avait placé toute sa confiance.

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L’homme est incapable de respecter les principes moraux qu’il a lui-même édictés, dans la vie tant sociale que personnelle. L’homme construit sa vie sur le mensonge, parce qu’il ne peut pas faire autrement. La mort met fin au mensonge, mais elle ne le remplace pas par la vérité, elle sert tout au plus à l’effroyable prise de conscience du mensonge.

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Automne mortel. Le soleil brille. Le monde agonise. Hier, dans le tramway, au milieu des gens, j’ai eu soudain l’impression de ne pas être entouré d’êtres humains. Puis je me suis dit : mais oui, bien sûr, ce sont des hommes nouveaux, une espèce qui n’a jamais existé auparavant. Leur incroyable brutalité. Leur lâcheté. Leur bêtise grégaire. Leur méchanceté envers l’individuel. La soif de sang qui réagit au moindre signe de faiblesse, toujours prête à tuer. Cette scène connue des pogromes m’a souvent laissé songeur : on insulte, on bouscule, mais on attaque seulement quand la personne est à terre. Je n’ai pas osé concevoir ce fait répugnant dans toute sa réalité. Je pensais que l’instinct humain commandait d’épargner un homme à terre (voire de l’aider à se relever). Il est tout à fait clair que le monde doit disparaître. Mais ce n’est qu’une prescription morale. La réalité est que le monde est tombé au niveau des animaux et que rien ne pourra freiner sa chute.

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Le roman ressemblera à un tableau de Turner. Les contours nets s’estompent dans le brouillard au fond duquel on devine une lueur mystérieuse : l’existence même.

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L’antisémitisme tenu en bride pendant de longues années remonte du bourbier de l’inconscient, comme une éruption de lave et de soufre. Manifestations anti-israéliennes dans le monde entier. À vrai dire, il ne faudrait pas accepter de nommer les événements avec les mots des journaux. Le fait que de jeunes gens se fassent exploser avec volupté (soit dit en passant, il paraît que leurs familles touchent vingt-cinq mille dollars) montre que le fond de la question n’est pas de créer un État palestinien. Par ce geste, ils se désignent comme des perdants de l’existence. Leur acte révèle une amertume qui ne peut s’expliquer par la ferveur nationaliste. Il faudrait laisser tomber les mots qui renvoient à la raison. Comment comprendre que l’Argentine [ !] puisse être le théâtre de manifestations anti-israéliennes ? Par le fait qu’environ deux mille ans d’antijudaïsme se sont cristallisés en une vision du monde

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J’ai toujours considéré mon art comme une distraction solitaire qui ne concerne que moi et mon dieu, et dans une très faible mesure le prétendu et inexistant lecteur. Si la vie égale mon existence – ce qui, je pense, est indéniable – je n’aurai pas vécu pour rien. Du point de vue de l’achat et de la vente, de la consommation, il se peut que j’aie vécu pour rien ; après tout, la créativité éthique finira probablement par disparaître en tant que valeur, puisqu’elle est le résultat d’une activité solitaire et aristocratique ; seule la bêtise est démocratique, ainsi que les statistiques de vente.

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Dans un nombre incalculable de beaux endroits (Stockholm, par exemple), chaque fois à des conférences qui n’avaient aucun sens, mais partout arrivaient les chacals qui vivent des conférences organisées dans le monde entier – mais quel monde ! Cela doit aller de pair avec la démocratie : le même consensus ressassé partout passe pour une activité culturelle. On ne peut s’empêcher de devenir sceptique ou cynique. La plupart penchent pour cette dernière possibilité. Et la vie s’éloigne de plus en plus ; on la cherche avec une longue-vue.

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Selon lui, cette histoire illustrait le fiasco complet de la hiérarchie des sentiments, car sa femme aimait son petit-fils et sa famille stupide, inculte et déclassée et seulement loin derrière, en dernière position, son mari

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Le fait est que la guerre en Irak a apporté un certain changement dans le consensus ouest-allemand – et même l’a fait carrément disparaître. Les sentiments anti-américains qui plongent leurs racines dans les sous-sols moisis des passions se déchaînent. On entend dire que la condamnation de la politique d’Israël n’est pas de l’antisémitisme. Et cela a donné naissance à une nouvelle hostilité envers les juifs, dont les perspectives ne sont pas plus favorables que celles de l’ancienne.

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 Un professeur d’économie m’annonce fièrement qu’il n’a jamais vu un seul de ses élèves échouer. En revanche, une année, c’est la classe entière qui a connu l’échec ! Cette classe était entièrement convaincue que le socialisme est une idéologie qui marche, personne n’étant ni pauvre ni riche. Un système égalitaire parfait.  Le professeur dit alors : « OK donc, nous allons mener une expérience du socialisme dans cette classe. A chaque contrôle, on fera la moyenne de toutes les notes et chacun recevra cette note mpyenne. Ainsi personne ne ratera son contrôle et personne ne caracolera avec de très bonnes notes.  Après le 1er contrôle, on fit la moyenne de la classe et tout le monde obtint un 13/20.  Les élèves qui avaient travaillé dur n’étaient pas très heureux au contraire de ceux qui n’avaient rien fait et qui eux étaient ravis. À l’approche du 2e contrôle, les élèves qui avaient peu travaillé en firent encore moins tandis que ceux qui s’étaient donné de la peine pour le 1er test décidèrent de lever le pied et de moins réviser.  La moyenne de ce contrôle fut de 9/20 ! Personne n’était satisfait.  Quand arriva le 3e contrôle, la moyenne tomba à 5/20.  Les notes ne remontèrent jamais alors que fusaient remarques acerbes, accusations et noms d’oiseaux dans une atmosphère épouvantable, où plus personne ne voulait faire quoi que ce soit si cela devait être au bénéfice de quelqu’un d’autre.  A leur grande surprise, tous ratèrent leur examen final. Le professeur leur expliqua alors que le socialisme finit toujours mal car, quand la récompense est importante, l’effort pour l’obtenir est tout aussi important tandis que si on confisque les récompenses, plus personne ne cherche ni n’essaie de réussir.  Les choses sont aussi simples que cela.

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« Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. Il en résulte que — sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites — il n’est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité. Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux. »

Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques

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