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vendredi 31 décembre 2021

La voilà, la seconde imparable qui nos fait basculer dans les feuilles d'un nouveau calendrier !

 

Hommage personnel à Michel Audiard et à Ernest Raynaud, dit Tréno, pour envoyer aux pelotes les lugubres connards (P. Iglésias, J. L. Abalos, I. Celaa et tutti quanti) honorés récemment par le Grand Préposé aux Colifichets de notre illustre gouvernement. Traîneurs de relents, chiures, sous-merdes … gredins décorés de cette fanfreluche de la Grande Croix de l’Ordre de Charlie III par leur bouffon en chef. Pas de vœux pour eux tous, raclures de bidet ! (Consulter, SVP, cette entrée de 2017)

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Fin d’année, continuation du cycle : une information dangereusement biaisée, complètement dépendante des subventions de l’État, victime de la mainmise des grands patrons et représentant une vraie menace pour la liberté d’expression…  Des médias, devenus de pures armes de propagande politique, religieuse et économique qui permettent de constater le rôle pervers des subventions et des pots de vins déguisés de mécénat. Des politiciens verbeux, inutiles, incompétents, autant de marionnettes des grands patrons et des lobbyistes déguisés d’altruisme. Un dramatique naufrage du système d’éducation transformé en outil d’endoctrinement gouvernemental : niveau en chute libre, enseignants sous-payés, diplômes en carton, harcèlement, violence dans les classes … Pratique disparition de la liberté d’expression et surveillance de masse : censure, réseaux sociaux à la botte. Néobanques et finance décentralisée : une évolution du système bancaire qui risque de faire couler les banques traditionnelles … Regarder en arrière donne le frisson. Quand j’étais petit, pour le vieux monde ancré dans le catholicisme, l’homme était pour les soi-disant chrétiens le centre de gravité de tout, le plus beau fruit de la création : tous les hommes étaient libres et égaux en dignité, même si les restrictions dans la sphère politique limitaient dans la pratique le développement individuel. Devenu senior, comme on dit aujourd’hui, force est de constater que, pour le progressisme, l’homme-femme-machin-truc genre-non-genre-transgenre n'est que de la viande à code-barre et qu'il y en a des égaux plus égaux que d’autres, reflet d’une obsession purement verbale depuis l’origine de l’invention trinitaire magique : égalitude, libertesse, fraternitance.

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Je voudrais un jour assister à la messe de minuit du 24. Et en latin encore ! La messe en latin existera-t-elle encore dans nos contrées wokefellerisées ? Petit, j’ai assisté souvent à la messe à l’ancienne. Le curé la disait en latin, dos au public. Les fidèles étaient très nombreux et de tous âges. Ils n’avaient pas la vue sur ce que faisaient les officiants, mais il leur restait les mots de la liturgie, mystérieux et solennels. Et des chants. Des gens en retard continuaient d’entrer en se signant, marquant d’une brève génuflexion. Dans mon village, quand j’étais enfant, on allait à la messe tous les dimanches. Nous avions notre place, au fond près d’une porte au fond de la nef, donnant directement sur la rue. C’était l’espace pour les incrédules, qui malgré tout voulaient se faire voir, mais qui foutaient discrètement le camp derrière la foule compacte pendant le sermon qui expliquait l’évangile, pour se calmer et fumer une clope. Ils ne bougeaient jamais au moment de la communion. Moi, j’étais à côté de mon père, rasé et habillé de dimanche. Le curé, qui n’avait encore vu passer Vatican II, ne s’en émouvait pas de ce comportement de ses ouailles paysannes et il disait sa messe comme il l’avait toujours fait. J’aimais vraiment ces chants en latin auxquels je ne comprenais pas grand-chose. Surtout le Kyrie Eleison à plusieurs voix et le Credo : les mots « visibilium omnium et invisibilium » m’impressionnaient et m’invitaient à serrer très fort le bras de mon père. Debout, assis, à genoux, sur des prie-Dieu si raides qu’ils niquaient les rotules. Communion, recueillement dans une odeur d’encens, odeur que j’aimais bien et que je n’ai jamais oublié. Ite, missa est… Et on se retrouvait sur le parvis de l’église avant l’apéritif. Les cloches sonnaient. On rentrait à pied chez nous où nous attendaient d’autres odeurs délicieuses : celles du lapin qui rôtissait doucement, accompagné de pommes de terre du jardin. Tout cela a disparu. À jamais.

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Dans δημοκρατια, on a démos et cratos, le peuple et le pouvoir. Définition exotérique pour les braves gens : le pouvoir exercé par le peuple. Définition pour ceux qui ont le sens de l'humour. En réalité, le pouvoir exercé sur le peuple, et même contre. La forme pouvoir du peuple permet aux facétieux de rappeler la différence qui existe entre génitif objectif et génitif subjectif. La démocratie n'est pas incompatible avec la comédie électorale donnant aux électeurs l'illusion de choisir ceux qui les tyranniseront, parmi ceux déjà sélectionnés par ceux qui les tyrannisent. Pour les sophismes, voir le camarade Jean-Jacques Rousseau, l'homme qui commençait par écarter tous les faits avant d’en tirer des conclusions !

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La « mémoire démocratique » contre le soulèvement de juillet 36 relève de l’histoire. À dormir debout. Si vous allez au fond des choses, ce n’était pas gagné d’avance car le projet de coup d'État du général Mola n’était pas unanime et rassembleur. Franco, plus malin, avait son propre truc dans sa tête et n'était pas dans le coup et, par conséquent, il n'y avait aucune garantie, au départ, de pouvoir compter sur les troupes africaines du Maroc. Le traditionalisme, étant monarchique par définition, ne coïncidait pas avec le coup républicain de Mola ; et la Phalange, pastiche du fascisme, pensait mener la danse à sa façon. Le PSOE a réussi à mettre tous ces crabes dans un même panier par l’assassinat de Calvo Sotelo le 13 juillet. Ils voulaient depuis leur coup à eux, en 34, pour jouer à se faire peur, d'une guerre civile révolutionnaire comme celle de la Russie et, finalement, ils l'ont eue. On allait voir ce qu’on allait voir ! Magouilleurs, incompétents, corrompus, ils l'ont perdue. Dégagez, il n’y a rien à voir !

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Facebook n’en finit pas de proposer des pages de « sagesse » où la platitude le dispute à la niaiserie, avec des « pensées » et des « maximes » précieuses et inépuisables.

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La seule limite à mon optimisme, c’est que quand la gauche pourrie, celle de l’opportunisme et de la trahison à l’électeur de bonne foi, sera morte, j'aurai disparu aussi. Ce dont la « génération F. González » ne s’est pas aperçue, c’est à quel point le machiavélisme tactique est corrupteur, combien il détruit la confiance qui est le fondement de l’engagement collectif. Et elle ne l’a toujours pas compris. Sánchez a fait par calcul – idéologie, il n’en a aucune – les yeux doux à Podemos, comme si les coups bas de ce clan d’hurluberlus contre les socialistes n’avaient jamais existé, comme si les socialistes d'aujourd’hui pouvaient faire confiance à celui-là même qui, depuis sa tribune du congrès parla de chaux vive et de corruption et terrorisme d’état et qui a fait tout ce qu’il a pu pour les vassaliser. Hier, quand il était en position de force, il exigeait des socialistes une fidélité qui lui donnait tactiquement le contrôle du groupe parlementaire. Aujourd’hui, en position de faiblesse, il ouvre sa gueule dans les médias pourris des gaucho-suprémacistes pour cracher sur la droite extrême en vrac et en détail. Il courtise les ex-flingueurs basques et s’occupe de vider les différentes poubelles, aujourd’hui remplies à ras bord, de l’histoire. Tant que cette génération sera là, il n’y a aucune chance de voir la gauche se redresser. Ces gens-là sont incapables de construire quoi que ce soit, parce qu’ils ont oublié – ou n’ont jamais appris – l’importance de la vertu en politique : tenir sa parole, ne jamais se compromettre sur l’essentiel, conditions de la confiance, et la confiance, condition de toute construction de long terme. La continuité, l'action dans la durée, ils en sont incapables. Le PSOE ressuscité grâce à la charité (désintéressée) des Ricains et des Allemands (désintéressés), n’a jamais été un « intellectuel collectif ». Parce que ces gens-là, sortis du néant, ont fonctionné par « coups » tactiques qui durent ce que durent les roses, et se fanent ensuite pour être remplacées par le « coup » suivant. L’intégration dans L’OTAN, la désindustrialisation, l’ambiguïté avec les gangsters nationalistes (un coup, j’organise le GAL, un coup après, je gouverne grâce au soutien des marques blanches de l’ETA) … Pareil avec le pitre émérite couronné : des années intouchable par la grâce de toute la caste progressiste complice, enrichie sous son aile, et subitement tombé en disgrâce parce que l’extrême gauche (ce sera quoi, exactement, ce truc ?) demande sa tête. Cacochyme peut-être, mais qu’est-ce qu’il aura rigolé ! Et des syndicats soumis comme des toutous au pouvoir qui leur donne des os à ronger et corrompus jusqu’à la caricature. Tout cela illustre parfaitement le délitement de « la gauche ». Depuis des années, « la gauche » a eu suffisamment de temps pour travailler à un projet, pour développer une vision cohérente de l’Espagne. Elle n’a rien fait, sauf s’adapter aux délires séparatistes. Elle était trop occupée à magouiller les candidatures aux municipales, aux parlements autonomes, aux générales, aux européennes. Et avant chaque l’élection, le seul débat qui vaille dans « la gauche » est celui de placer quelqu’un – peu importe qui, peu importe son programme, peu importent son projet ni sa personne – là où il faut. Quelqu’un de moins en moins « raisonnable » – c’est-à-dire, venant de la galaxie oligarchique – cela va sans dire. On propose des « primaires » entre candidats sans projet, sans programme, qui n’ont à montrer aux électeurs que leur gueule et un certain nombre de propositions démagogiques destinées à caresser tel ou tel segment de l’électorat dans le sens du poil. « La gauche », celle des classes moyennes plus ou moins progressistes, des jeunes, des fonctionnaires et des enseignants – majoritairement gauchistes – nourris au lait du « felipismo » et devenus de vieux donneurs de leçons, celle qui a ouvert la porte à tous les communautarismes, à toutes les capitulations, à toutes les démissions au nom de la tactique, est mourante. Quand elle disparaîtra, après de prochaines élections ce ne sera certainement pas quelque chose à regretter. Bientôt les pitoyables Sánchez, les immondes Ruffians, les pathétiques Belarras, les ordures Bildu, quitteront la scène pour aller réfléchir, bien rémunérés par l’État génocidaire, à toutes les bonnes choses qu’ils auraient faites… s’ils avaient su quoi faire. Une bonne raison d’être optimiste en cette fin d’année 2021 !

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Parmi les (re)lectures de ces derniers 24 mois, tout me lasse et me fatigue de plus en plus, au point que pour 2022 j’envisage sérieusement la démission de ma situation de retraité commentateur répétitif pour moi-même. A part quelques favoris reparcourus (Céline, Bloy) : le dernier volume du journal de Muray, Ultima Necat IV ; les quatre livres – impressionnants ! –  que voici : Feu rouge, de Maxime Kantor ; Le siècle juif et La maison éternelle, de Yuri Slezkine et l’amer et irremplaçable Évangile du bourreau des frères Vaïner. Du Léautaud, relu à l’occasion. Un Alain Badiou lesté de verbiage superflu mais intéressant : son essai sur Saint-Paul. Pour avaler les durs fins d’aprèm de décembre : du Claude Simon. Quelques trucs de Flaubert, de Balzac, intemporels, avant d’aller au cinéma pour Illusions perdues et impossibilité de visionner Eugénie Grandet à cause de déplacement imprévu ; du plus lourd : la correspondance – extraordinaire Éditions Krisis ! –  Jünger et Schmitt ; les textes érudits, très beaux, de Louis Charbonneau-Lassay, de son cycle sur le Christ (bestiaire, vulnéraire, floraire et lapidaire) et son remarquable site, ici ; le cahier de l’Herne consacré à Heidegger ; quelques blogs permettant de découvrir facilement les œuvres d’auteurs latins et grecs obscurs, oubliés ou jadis réservés aux spécialistes (voir l’entrée Catastérismes du 23 juin 2020) ; des pavés à finir (Porcs 2, de Nabe ; le dernier Houellebecq, Anéantir) et d’autres titres dont l’énumération serait sans grand intérêt, sauf la très belle édition d’un texte de Chardonne (Le ciel de Nieflheim) introuvable et trop cher (plus de deux mil euros !) mais proposé récemment au public à un prix raisonnable par Éditions 8. Je laisse de côté, exprès, des livres occasionnels, des essais mille fois revus, des bouquins techniques, des films et des feuilletons (re)vus, très nombreux, à cause du méchant virus sino-américain, chinois ou américain tout court, va savoir ! dont la fin n’est pas à prévoir mais dont la victoire grandiose contre lui a déjà été célébrée à plus d’une reprise par l’andouille totale à qui le cirque électoral a permis de présider le gouvernement de mon vieux pays.



lundi 20 décembre 2021

Voici venu le temps de Noël ...

 

Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
A luy n’avons que faire ne que souldre.
Hommes, icy n’a point de mocquerie;
Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre.

                                                            Françoys Villon, Frères humains

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L’indocile s’est depuis longtemps éteint en moi. J’accepte bien des contraintes sans vraiment croire en leur utilité, juste histoire qu’on me foute la paix. Ça n’a rien d’héroïque, je sais, mais les inutiles actes de pseudo-bravoure, je les laisse à ceux qu’ils amusent. J’ai toujours su que même les dragons sont vulnérables et mortels mais je me vois privé de la capacité de faire que les moutons deviennent des loups … Ça simplifierait tant de choses ! Les politicien européens au service de leurs maîtres américains se sont donné pour tâche de réactualiser le passé à leur façon. Belle formule du laboratoire social pour activer un ersatz de mémoire filtrée qu’ils prétendent « historique ». À force de stupide insistance, l’apologie d’une telle mémoire fabriquée finira par réveiller les plus oublieux… On découvrira qu’il y a beaucoup de passé dans le présent, surtout quand on le ressuscite dans le dessein de répéter les mêmes horreurs de la main des pires fils de pute à vocation de bourreaux qui se renouvellent de génération en génération. Seul nuage à l’horizon : pasticher les bourreaux du passé appartenant à la propre secte afin de les faire revivre pourrait faire se réveiller les candidats à victimes du présent qui, à un certain moment, ne se résigneraient plus à jouer le jeu de l’intimidation ni à suivre docilement le chemin vers l’abattoir.

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Je ne jamais eu l’envie ni le besoin de danser comme un con dans des discothèques pourries, sur des musiques débiles ! Pendant mes insomnies, je songe aux temps disparus de ma prime jeunesse, au monde des premières années énergiques, sonores et visibles encore dans ma tête avant qu’y apparaissent et disparaissent tant d’êtres qui ont occupé mon existence bien longtemps après, au cours de ces années rapidement écoulées depuis.

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Éternel retour. Certains tueurs en série crèvent. D’autres sont remis en liberté. Des gens indignés postent des tweets ravageurs et des photos de tombes profanées. De tels actes m’ont toujours estomaqué. Quelle merde faut-il avoir dans la tête, le cœur et l’âme pour saccager des tombes comme celles de G. Ordóñez, M. A. Blanco et tant d’autres dans les cimetières ? Ils attaquent le fascisme ! Et quelle mauvaise symétrie surtout. Ils sont approximatifs de père en fils, ces profanateurs ! Leurs bourreaux de pères sont devenus des héros publics, et on sent comme un devoir d’attaquer leur sectarisme lâche de tueurs par derrière à l’heure où des médias subventionnés, des bobos et des chacals badigeonnent de merde la mémoire des victimes depuis des années. Les victimes qui ont survécu, handicapées, traumatisées à vie, leurs familles, personne ne les connaît ou très peu, ou bien, si connues, on les ensevelit sous les crachats (Ortega Lara, un vrai record : depuis la première seconde après sa libération !), la société n’en a que foutre, ou que dans l'anonymat, de leur douleur, de leurs névroses, de leur déchéance. Elles ne représentent pas un ennemi réel pour les familles de leurs bourreaux, inlassables corbeaux croissant à la soi-disant vengeance parce que leurs chers enfants sanguinaires doivent faire de la prison, eux, les si courageux combattants pour le socialisme et pour l’indépendance, ou parce qu’il faut des kilomètres pour leur rendre visite dans leurs cellules, à ces pauvres chéris, alors que la seule visite pour les proches des lâchement massacrés reste, et souvent très loin de leur domicile, les tombes d’un cimetière perdu quelque part. Parfois, courageusement profanées, ça oui, il faut le reconnaître.

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S’empouvoirer
, avez-vous dit ? Dieu soit béni, quel mot bancroche ! Les soviets tragiques reviennent, farceurs, mais cette fois sans l’électricité et avec l’écriture inclusive …

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Bilans sur la presse internationale du retrait d’Afghanistan. Américains et Britanniques, leurs vassaux, sont connus pour leurs opérations tordues partout dans le monde. Ils se donnent tous les droits, au nom des « droits humains » et de la « démocratie », bien entendu. De Dresde à Bagdad ou à Kaboul. Ils n’ont jamais été condamnés, fut-ce devant l’opinion publique, pour leurs crimes contre l’humanité. Ils sont sans aucun scrupule. Et leurs crimes n’ont jamais profité qu’à leurs lobbys pourris. Les plus ignobles massacreurs de musulmans de l’histoire humaine se sentent pousser une noble sensibilité et comme des pointes d’indignation pour les Ouïgours musulmans chinois. Ben, voyons !

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Quand Tacite relate l’entrée en fonction de Tibère, il ne peint pas la foule des anonymes, ceux qui se précipitent dans l’esclavage forment l’élite de l'époque. Le texte dit : « … at Romae ruere in servitium consules, patres, eques. Quanto quis inlustrior, tanto magis falsi ac festinantes, vultuque composito, ne laeti excessu principis neu tristiores primordio, lacrimas gaudium, questus adulationem miscebant. » C’est-à-dire, qu’à Rome, tout se précipite dans la servitude.  La soumission enthousiaste au pouvoir, c’est d’abord le fait des plus illustres et rien n’est plus servile qu’une assemblée d’inlustriores ignobles. « Le gouvernement devenait tous les jours plus odieux à ses sujets accablés et moins redoutable à ses ennemis. Les taxes se multipliaient avec les malheurs publics ; l’économie était plus négligée à mesure qu’elle devenait plus nécessaire ; l’injustice des riches faisait retomber sur le peuple tout le poids d’un fardeau inégalement partagé, et détournait à leur profit tout l’avantage des décharges qui auraient pu quelquefois soulager la misère. L’inquisition sévère qui confisquait leurs biens et exposait souvent leurs personnes aux tortures décidait les sujets de Valentinien à préférer la tyrannie moins compliquée des Barbares, à se réfugier dans les bois et dans les montagnes ou à embrasser l’état avilissant de la domesticité mercenaire. Ils rejetaient avec horreur le nom de citoyen romain, autrefois l’objet de l’ambition générale. (…) Quand un même moment aurait vu périr tous les Barbares, leur destruction totale n’aurait pas suffi pour rétablir l’empire d’Occident ; et si Rome lui survécut, elle avait vu du moins périr sa liberté, son honneur et sa vertu. » (E. Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l’empire romain). Rome n’a pas été détruite en un jour, même s’il y a eu des épisodes spectaculaires, comme le sac de la ville par les Wisigoths en 410. Cette disparition de l’empire romain nous apparait aujourd’hui comme une tragédie exemplaire, comme la tragédie politique par excellence, en sorte que l’expression la chute de Rome nous sert à désigner de manière générale la destruction de la civilisation par la barbarie. Mais ce qui nous semble rétrospectivement une perte épouvantable n’apparaissait pas nécessairement comme telle à ceux qui l’ont vécue. Pour la majorité des sujets de l’empire, sa disparition a très probablement été un objet d’indifférence, voire de soulagement. Nous vivons actuellement dans un monde composé d’Etats-nations, forme politique qui semblait celle vers laquelle tendait l’histoire, même sous les apparences les plus aberrantes : états-nation sortis de la baguette magique du caprice impérialiste, fragmentant de vraies nations, ou directement de la Bible, chassant du territoire le peuple qui occupait les lieux depuis des millénaires.


L’Europe actuelle semble plutôt pencher pour un espace politique dans lequel les frontières seront fondamentalement instables, les centres de pouvoir faibles et mal déterminés, les souverainetés partagées. La forme politique qui semblait naturelle, faite d’une nation homogène et d’un Etat fort, sera désormais considérée plutôt une exception dans la déjà très longue histoire de l’humanité, et rien n’assure qu’elle sera plus qu’une parenthèse. Certes, cette forme politique a ses avantages mais elle n’est pas pour autant un bien sans mélange. Ou, pour le dire autrement, l’effondrement de l’Etat n’est pas toujours un mal si grand. Considérons l’Etat qui nous est le plus proche, l’Etat espagnol. N’est-il pas évident que cette vaste structure ressemble de plus en plus à l’administration impériale finissante, avant la chute de Rome ? Accaparée par des oligarchies qui poursuivent leurs propres intérêts aux dépens de ceux de la population qu’elle est censée servir ; de moins en moins capable de remplir correctement ses fonctions essentielles, protection et éducation, et cependant sans cesse plus dispendieuse et despotique dans ses exigences. La rapidité, l’allégresse même avec lesquelles l’appareil socialo-communiste s’est mis en branle après le pacte pour la formation d’un gouvernement transversal font un pénible contraste avec la lenteur, l’impréparation, l’indécision de la politique sanitaire, qu’il s’agisse des masques, des tests ou des vaccins. Et de fait l’épidémie de Covid a mis en pleine lumière à quel point il était facile de nous priver de libertés bien réelles en échange de la promesse de biens illusoires. Passivité et mollesse d’âme également au moment de faire respecter la loi sur l’ensemble du territoire ex-national qui encourage tous les abus de pouvoir, préparés de longue main par un battage médiatique qui nous a habitués à croire que la solution à nos principaux problèmes se trouve toujours hors de nos mains et dans celles d’une caste de politiciens professionnelle, lointaine et irresponsable mais supposée bienveillante. Espérons que le caractère lointain et irresponsable de cette caste, chaque jour plus évident, ainsi que son caractère bienveillant et démagogue, ne nous empêchent de chercher notre salut collectif et de la stopper au plus vite avant qu’elle nous impose un joug à perpétuité, comme nombre de pays de l’Amérique latine le connaissent, certains depuis trop longtemps. Cet état de choses a aussi été préparé à bas bruit par l’acceptation d’une discipline de parole (global narrative control) de plus en plus stricte et arbitraire, indigne d’un peuple libre et effectivement incompatible avec le fonctionnement des institutions représentatives. Rien n’indique que nous soyons sur le point de nous reprendre et de secouer les chaînes du despotisme qui s’installe. Bien au contraire, notre soumission intellectuelle aux ruffians politicards se complète avec la conviction hypnotique que nous devons « sauver la planète », imposée comme une évidence, et nous prépare pour demain des contraintes de tout ordre qui risquent fort de faire passer la période actuelle pour un temps bucolique d’insouciance et de liberté primesautière.
Devrions-nous vraiment nous sentir accablés à l’idée que cette Espagne-là pourrait disparaitre ? L’effondrement qui est en cours pourrait aussi signifier un nouveau commencement pour nos descendants et les générations qui viendront après. Un nouveau commencement dans l’obscurité et les difficultés de toute sorte, mais aussi peut-être dans une liberté retrouvée. L’Espagne fut précieuse, une grande et belle chose, autrement elle n’aurait pu durer si longtemps, pas la caricature grimaçante et sinistre qu’elle semble devenue : prenons garde de ne pas nous attacher inutilement au nom lorsque la chose a disparu. Aristote estimait que l’univers était éternel ce qui implique que tout recommencera toujours, sous une forme à chaque fois différente. Périodiquement, quelque catastrophe, humaine ou naturelle efface de la surface de la terre les nations et les civilisations existantes et provoque un nouveau départ. Si nous prenons en compte le fait que la dégénérescence et la décrépitude sont le destin des corps politiques aussi bien que des corps de chair, cet effacement périodique nous apparaitra davantage comme une bénédiction que comme une malédiction. Il nous faudra beaucoup de sérénité et de distance critique par rapport au but que nous cherchons à atteindre : nous libérer de l'amas de gouvernants incompétents, ignares et corrompus qui nous font mal aujourd’hui, sans pour autant se faire beaucoup d’illusions, ou jamais très longtemps, sur ce que nous pourrons accomplir.