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lundi 2 juillet 2018

Canto que a nadie ha de interesar es éste / Ahí reside su júbilo (Guillermo Quiñonez)


Si je savais où est le chemin de Damas, j’irais m’y promener …
Plus de trois semaines de silence après mon dernier article. Qu’allez-vous penser de moi ? Que je me suis enfoncé dans une crevasse de l’oubli ou que les récents avatars politiques du royaume – très particulièrement dans la taïfa catalane désormais gouvernée par un individu au dessous de tout et une mafia « nationale » qui adore la division de la population entre les atterrés et les ravis – ont paralysé ma plume ? On a fini par s’y habituer … Après quelques jours d’épouvante à la perspective des secousses sismiques que provoquera inévitablement le nouveau gouvernement de vendeurs de miracles, d’une parfaite soumission envers le suprématisme et les politiques identitaires des différentes taïfas, il serait plus exact de dire que mon long silence s’est dû à la lecture et relecture de plusieurs textes mis de côté ou en ligne et à l’inertie dont les divers loisirs liés au retour du beau temps m’ont gratifié. Je pourrais aussi légitimement invoquer les nombreux déplacements pour des raisons familiales. Me revoilà, donc, prêt à recommencer aujourd’hui, gâteux (?), gâté (!), dominé par la vie et les choses … 

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Il y a quelques jours, reçu roman, puissant et féroce, parfois règlement de comptes, entièrement en espagnol, d’un ancien élève français qui méritera, à n’en pas douter, un nombre croissant de lecteurs. On en reparlera ...
J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas trop si je ne le fais pas tout de suite. 



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Je ramène de Bordeaux un magnifique livre de Jacques D’Arribehaude (Un Français libre). Avec des lignes impayables à propos de la tarte à la crème mai 68. Et des portraits de ses protagonistes. Pas d’idées. Des hommes. Du personnel. En vrac et en détail. Didier Goux les évoque magistralement, ces héros de pacotille copyright machin 68 : « … dans le fond, que sont-ils devenus sinon des rentiers du système ? Cohn-Bendit, malgré sa dégaine d’écolo bon teint, sa gouaille, n’est jamais qu’un parasite qui se paie sur la bête qu’il critiquait. Serge July est devenu un patron de presse aux goûts forts luxueux qui continue d’affecter d’être un gauchiste. Alain Geismar est devenu inspecteur général de l’Éducation nationale, puis le cabinet du secrétaire d’État à l’Enseignement technique, Jean Glavany, en 1992. Il a été conseiller, chargé de l’éducation, l’université et la recherche, auprès de Bertrand Delanoë jusqu’à sa retraite. [Que dire des sinistres pitres Benny Lévy ou Romain Goupil ?]  Il n’y a guère que Jacques Sauvageot pour avoir été fidèle à ses convictions, ce qui l’a conduit à vivoter en accumulant les petits boulots jusqu’à ce qu’il trouve un poste d’enseignant à l’École des Beaux-Arts. « Que reste-t-il de tout cela, dites-le-moi ? » comme chantait M. Trenet. Pas grand chose ! Le plein emploi est loin d'être en vue, la population vieillit, la production industrielle s'est déplacée vers l'Asie, la population s'est communautarisée, quant à l'ordre moral... Alors faire un remake de 68 quand tout a changé me semble aussi raisonnable que d'essayer de cuisiner un bœuf bourguignon avec des carottes et du lait. » 
Sous les pavés, il y avait l’entreprise … Ce que mai 68 illustre avant tout, c'est la formidable capacité du capitalisme à absorber sa contestation, à marchandiser son opposition, et en dernière instance à se nourrir des armes dirigées contre lui.
 
Pour approfondir ce sujet récurrent :

Ludivine Bantigny,  
Mai 68, De grands soirs en petits matins, Seuil

Régis Debray,  
Mai 68, une contre-révolution réussie, Fayard/Mille et une nuits
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Difficultés d’un Basque du Sud, « Français de cœur », pour se faire naturaliser.
On peut avoir des papiers français tout en haïssant la France, qu'on soit « de souche » ou « de papiers ». Attaché à la France, à sa langue, à sa culture, à ses terroirs, à son histoire par des liens affectifs solides, mon collègue et ami de longue date a demandé récemment à se faire naturaliser. Il estimait réunir toutes les conditions pour devenir Français sans être né en France. On lui met toute sorte de bâtons dans le roues … Test de langue, test d'histoire, enquête de voisinage, tout bon. Mais pas suffisant pour les organes préfectoraux. Pour le moment, il doit se contenter de rester Européen. C’est déjà ça. Européens, les Français, les Espagnols, les Italiens, les Portugais le sont par définition, comme les antilopes, les bovins ou les girafes sont ruminants. Nous appartenons à un ensemble à l'origine ethniquement et culturellement plutôt homogène, constat qu'on ne saurait faire pour des continents comme l'Afrique, l'Amérique ou l'Asie. Cette relative homogénéité se voit doublement niée à coups de directives et autres règlements contre les particularités (nationales) minoritaires et par la remise en cause des spécificités qui fondent les états nation européens, déjà polyethniques, mais qu’on voudrait dissoudre encore et pour toujours dans l’eau chaude de la mondialisation.

Renversement des étals des marchands du temple : la colère

Identifiée à un péché capital condamnable au même titre que la haine ou que l’envie, je croyais la colère qui m’a longtemps envahi presque définitivement calmée. Presque. Avant, je la ressentais comme une fureur première et atavique, au fur et à mesure qu’elle fulminait ma tête, pareille à celle de Roland déracinant tous les arbres de la forêt, dans l'Arioste. Mais, hélas, la colère efficace, comme la grâce du même nom, possède une indéniable beauté. Celle de faire rire, par exemple. "Attention, je peux faire rire !" s'exclamait Céline lorsqu’il sentait dans l’air la menace d’une saloperie imméritée, à lui adressée. Et la colère, même sans ressentiment et cantonnée à un acte de libération intime, laisse des marques dans le corps… et dans la tête, accompagnée de l’impérieuse nécessité d’y répondre. Surtout quand elle s’éveille devant une situation d’une ignoble violence ou d’une stupidité sans limites. On en vient à se demander si la plus efficace forme de réponse ne serait, justement, l’humour. Provoquer le rire, qui contient déjà, le mot « ire » comme renforcé. Rien à voir avec Homère ou Platon (leur θυμός / thymós !) ni avec la némésis d’Aristote ou « juste colère » (νέμεσις ou Némesis, si nous l’associions à la déesse…) mais lente exploration dans les parages de la hargne/rage accompagné de la rancœur et des encouragements de la plus mauvaise humeur … On aura compris que je me sens infiniment plus proche de la colère émotive et vociférante de Céline, de la gouaille manichéenne de Daudet (le gentil gros Léon, pas son papa, Alphonse) ou des tremblements de terre verbaux de Bloy (encore un Léon = lion !) que de la sagesse calme de Montaigne, tout maire de Bordeaux qu’il fût.



Appartenant au cercle de savoirs pontifiants (thèse, machins divers), il m’a toujours été insupportable de réprimer un mouvement d’humeur quand une manifestation de bêtise arrogante de la part des gens qui manifestement usurpent ces savoirs ne se conforme pas aux règles de la sociabilité ordinaire (exactitude, respect des autres lorsqu’on s’engage dans une conversation ou un débat, dur labeur pour se documenter) : à lettré, lettré et demi. Réaction d’ailleurs normale dans la confrérie professorale où il arrive souvent à l’érudit de retrouver plus docte que lui avec l’impression inévitable de vivre dans un monde de faux savants.



Écrire quelques lignes de temps en temps, pour mettre en pièces le souvenir des crétins et des méchants qu’il m’a été donné de connaître. Plaisir décrire sans obligation de publication et même renonçant presque complètement à cette hypothèse, seulement au nom de ce qu’il peut rester en moi de fierté. Une attente qui ne cherche pas à aboutir. Une sorte d’errance au fil des souvenirs. 
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Cenadores del Senado, carabiniers d’opéra comique ...

Uno no ha tenido suerte con los senadores que el azar ha ido proponiéndole conocer a lo largo de su vida. El primero, de origen castellano de padre, era un fulano de una remota tierra de Galicia sin oficio ni beneficio en su avanzada madurez. El hombre, acérrimo maoísta cristiano (!), modesto de alcances por no haber salido nunca de su aldea ni hablar, aparte del galego y del limitado castellano paterno, lengua alguna aun siendo doctor en no sé qué chorrada, estaba convencido de que España – el Estado español – era una “cárcel de pueblos”, sin haber dado nunca alcance geopolítico al término en singular, pues nunca había franqueado el Pirineo para contrastar la cantinela. Vagas cosas de Lenin en edición de bolsillo, poster del inevitable Che con chinchetas sobre el catre de la casa (digo, de la “celda”). Al viajar a Madrid, ser traducido al idioma opresor y ver las orejas ajenas con pinganillo, se cree igoal a Kissinger. Ahí sigue, alardeando de su incompetencia en todo, con un grueso cartapacio en la mano que seguramente lleva lleno de folios en blanco, echando de menos el bocadillo de choped que le llenaba la cartera de pequeño, antes de ser estadista ...

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Otro fue tiempos ha compañero de oficio pocos años. Profesor de matemáticas. Siempre con las manos en los bolsillos. Ni un libro, ni un apunte. En sus clases, los alumnos (machos) se convertían en ciervos en berrea, no por instinto reproductivo sino por falta de propuestas pedagógicas válidas, que dirían un experto y una experta, desde una perspectiva de género. Las chicas, más pragmáticas, se liaban un peta o jugaban a las cartas mientras sus congéneres arrancaban un radiador o escupían por la ventana, previo sofoco de la habitual gimnasia gutural, tan fatigosa. La convocatoria extraordinaria de exámenes de septiembre le parecía una afrenta personal (“¿otra vez?”): no iba. Nombrado director del centro, ejerció unos pocos meses y su partido centenariamente honrado le propulsó alto inspector con rango de olentzero (joan zaigu). Desde el Senado del Reino, ejerció la nadería como nadie, antes de partir raudo a una jubilación y al justo olvido (administrativo y de los otros).
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El tercer caso es posiblemente el más mejor. Aupado al Senado por votos de “la gente” empezó a nutrir de sandeces su muro en esa red propiedad de un tío con cara de longaniza caducada, el tal Zuckerberg. ¡Ahí, ahí! Fotos, mensajes, proclamas de rebelde con nómina senatorial. A diario. A cada momento. A fuer de vasco en ejercicio, pero solidario, los mensajes se enriquecen con plegarias del común (“¡tú si nos representas!”, “oso ondo!”) enalteciendo la labor del tribuno que casi no se “apalpa” de contento. Y rebelde, rebelde como él solo: inconformista y tal. Antifascista. Benito y su amorosa Clara se dejaron colgar por los pinreles en la repisa de la gasolinera de Milán de puro miedo – por anticipación – a nuestro senatore banderizo. ¡Qué ejemplo para las posteridades! Pero, me digo yo, en mi soliloquio, rebelde o no ¿un senador no es parte del tinglado? Si en las partes rebeldes del cuerpo de uno entran desde el ojete hasta las uñas de los pies y el vil bandullo, que bien requieren gasto, cremas y afeites para el buen funcionamiento de la percha global, para el funcionamiento de la Monarquía de las Autonomías, además de los pepés gurtelianos, de los “honrados por antonomasia” y de los novísimos nuevos, ¿no son necesarios estos tíos (y tías) que conducen y arropan – contra sueldo y mercedes a porfía – a la manada del pueblo soberano en el transcurso del encierro cotidiano de la vida? Juntos podríamos ¡ya lo creo! ... mandar a paseo a tantos vendedores de lociones y crecepelos.    
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Elles s’étaient mises en réputation dans le public par un verbiage spécieux soutenu d’un air imposant. Lesage (paraphrasé).

Voilà bientôt quatre ans que j’ai quitté les lieux si durement conquis de l’enseignement supérieur (?). Au hasard d'un clic pour une visite au mur d'un ami enseignant, je revois une vieille huile rance mais bien huilée, ressemblant comme deux gouttes d’eau à une version moche de Rika Zaraï collée à sa cuvette de bidet. En compagnie d'une collègue à elle, parfaite connasse prétentieuse, porteuse de fonds de tiroir et de rogatons théoriques, qui ont répandu il y a longtemps une fausse rumeur selon laquelle cette conquête se devait à mon appartenance à un soi-disant clan influent. Elles, dignes membres du chenil de pavloviens habitués à baver leurs adulations et à japper leurs enthousiasmes à la moindre crotte d’un membre distingué de leur abject requinat … Mûr déjà, au moment de la « conquête », après plus de quinze ans de bouteille à l'époque, ni l’encens ni l’insulte n’ayant plus guère d’importance, j’aurais dû faire comme dans un défilé de condoléances quand on n’a pas grand-chose à dire : s’incliner dignement et passer vite. Mais non : je croyais avec ferveur à l’adjectif supérieur accolé à « enseignement » comme à un postulat, à un article de foi. 


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Revue aussi, par la même occasion, sur fesse bouc, la meilleure représentante en vue du requinat, ma Madame Pestefeu préférée, au trombinoscope du sieur Zuckerberg : toujours là, comme le dinosaure de Monterroso. Facétieusement habillée, ses fringues variolées faux jeune cachant à peine une laideur maussade que des couches successives de maquillage ne font qu’accentuer. À deux doigts de la retraite, sa vacuité mentale grassement rémunérée continue à rependre la pestilence des charrettes de fumier qu’elle confond avec des cours d’enseignement supérieur. Ses traits, affichant le sourire, révèlent des vieilles grimaces de voluptuosité périmée. Mythomane, presque toxicomane du mensonge, elle affiche des études aux USA avec la cachotterie ajoutée de se prétendre célibataire, par vice de forme. Sans le savoir, elle est depuis longtemps morte, incapable de sauter à la corde de la vie autrement que – par tradition d’imbécilité – quand elle tourne et retombe effilochée au rythme imposé par ses complices, l’espèce odieuse et vile des collègues de corporation, pénible caste effroyablement sonore écrasant toute possibilité de pensée …


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De vagues traces de lui sur Internet. Quelques années à partager un bureau étroit mais confortable, donnant sur la voie ferrée. Des confidences, des milliers de cafés pour refaire ensemble le monde. Excellent gestionnaire au secrétariat d’un département dont la tête d’un Baptistin Lachaud aurait été peut-être préférable à celle du cyclothymique lustucru perpétuellement aigri aux prétentions de gouverneur de Barataria qui détenait la direction. Des années d’expérience politique directe (secrétaire d’État, des postes de responsabilité au gouvernement autonome basque, etc.) l’avaient rendu sceptique sur presque tout. Après son départ à la retraite, silence sur la ligne. Pas un mot. Peut-être un choix de vie ? La tranquillité, mutisme et silence absolus, sans devoir se dévorer le foie au quotidien en faisant face aux contingences du petit-jeu universitaire ... À deux reprises, en presque dix ans ! il a pris soin de détourner la tête pour éviter mon regard, sans me rendre un éventuel bonjour que je n’aurais pas hésité à lui rendre quitte à lui adresser moi le premier. Nez au sol, tête basse, on a passé chacun sa route loin des dangers de l’évocation d’une soi-disant amitié entre nous. 

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