J'aime

jeudi 17 septembre 2020

Quoi que nous fassions ...

 

« Quoi que nous fassions, c’est toujours plus ou moins, en vain » Günther Anders

***

Rentrée 2020. De retour en Euskal Herria. Chaque matin au lit avant de me lever je repense à la question si ce ne sera pas trop dur de vivre dans la maison d'où les enfants sont déjà partis. Et je me dis non, au contraire. Parce qu'ils ne seront plus là mais on se remettra à les attendre. Durant toutes ces années, j’ai su en me levant, en me couchant, où était chacun dans la maison quand ils l’occupaient avec nous. J'entendais mentalement leur respiration, je les sentais vivre. La maison n'a pas beaucoup bougé ces quinze dernières années. Les enfants, si : Bordeaux, Valenciennes, Saintes, Périgny, retour à Bordeaux… Depuis 2004, chaque jour ou presque la maison respirait différemment attendant leur arrivée avec leur bébé, leur enfant plus tard, leur ado toute seule encore plus tard… pour passer des vacances ensemble. Quelquefois, je me rappelle le silence de la chambre de ma fille, face à mon bureau, à Behobia. Elle faisait des études à Bordeaux. Sa maman avait pleuré doucement sur le quai la première fois qu’elle l’avait vue partir en train vers son dur labeur d’hypokhâgneuse… Ils habitent récemment plus près de nous. À Bordeaux, on est à peine à trois kilomètres. Et à un peu plus de deux heures de la frontière. Ma petite fille vient d’avoir quatorze ans. En mars le confinement a commencé. Tant de projets volatilisés ! Le matin, le soir, la journée, je sens de nouveau les pièces vides, une impression de désert sous un soleil silencieux, plus beau que jamais. C'était quasi palpable. Personne ne respirait. Toute cette place pour nous… C'était à la fois trop grand et trop petit. Et grand retour aussi de la canicule !

***

L’âge est entré sur la pointe des pieds dans nos vies. Et cette « nouvelle réalité » que la joyeuse prestance des gens au pouvoir veut nous faire avaler, n’en est que plus dure à supporter.


***

Cette longue période de mars à la mi-septembre aura été l’occasion pour tous de mesurer assez justement la valeur des institutions que nous payons à grand frais, grosses ponctions et profussion de taxes. On aura ainsi pu constater l’impossibilité criante de faire respecter les décrets gouvernementaux par des catégories de population dissipées en opposition à un véritable sur-zèle sur d’autres catégories de population, essentiellement les plus solvables et qui ne mettent pas le feu à des poubelles, ne vandalisent pas les lieux publics, ne font que survivre en silence sous l’œil amusé des voyous au pouvoir.


***

« Le monde, que nous habitons, est dur, froid, sombre, injuste et méthodique, ses gouvernants sont ou des imbéciles pathétiques ou de profonds scélérats, aucun n'est plus à la mesure de cet âge, nous sommes dépassés, que nous soyons petits ou grands, la légitimité paraît inconcevable et le pouvoir n'est qu'un pouvoir de fait, un pis-aller auquel on se résigne. Si l'on exterminait, de pôle en pôle, toutes les classes dominantes, rien ne serait changé, l'ordre instauré voilà cinquante siècles n'en serait même pas ému, la marche à la mort ne s'arrêterait plus un seul jour et les rebelles triomphants n'auraient plus que le choix d'être les légataires des traditions caduques et des impératifs absurdes. » 

François Caraco, Bréviaire du chaos

***

La caste aux manettes, sentant le délitement et la perte rapide de confiance et de légitimité, accélère dans la fuite en avant et enfile frénétiquement comités débiles, plans à la con et mesures idiotes composées pour moitié d’une verdolâtrie destructrice et pour moitié d’une aspersion hystérique d’argent public vers les copains et les coquins.

***

Le langage comme signe extérieur de richesse, marque de position sociale, politique et instrument de pouvoir. Un homme puissant a une parole puissante, qu’il dise la vérité ou des conneries. S’il parle au nom d’un groupe de poids, sa parole est d’autant plus influente y compris sur ce groupe même. C’est le premier caractère de ce que les hindous appellent une caste, structure sociale qui existe sous des formes diverses dans toutes les sociétés humaines. Ça n’a rien à voir avec l’immobilisme. La sous-caste podémite d’hier fait partie de la caste tout court d’aujourd’hui. Or toute langue de caste est une langue de bois qui cherche à s’imposer à la plus large population possible pour la dominer. Toutes les vieilles rengaines sur le peuple, le progrès, le genre, la grandeur de ceci ou de cela, des centaines d’expressions obligatoires pour se faire accepter socialement provoquent sous nos yeux, dans la tête des moutons préalablement formatés par les médias des réflexes conditionnés … Nous voilà, aux sons de mots de Pavlov, prêts à saliver, à éprouver la nécessité et le bonheur d’appartenir au troupeau, à suivre avec obéissance la maffia bergère où tout le monde parle mouton, mais un mouton progressiste, d’appellation contrôlée.


***

Noam Chomsky caractérise les couches érudites comme « la partie de la population la plus endoctrinée, la plus ignorante, la plus stupide » (Discours prononcé au Nicaragua, cité in Bruce Robbins (dir.), Intellectuals. AestheticsPolitics, Academics, University of Minnesota Press, Minneapolis, 1990). Le plus souvent, l’autoproclamé progressiste « ayant fait des études » nourrit de mépris envers les moins cultivés son désaccord idéologique. Avec ses pairs, l’opposition aux jugements de valeur contenus dans ses prises de position politiques l’incite à discréditer le statut professionnel des opposants concurrents et, par là même, à mettre en cause la totalité de ses fonctions intellectuelles. C’est la dialectique des crétins, autrement appelée de la supériorité morale de la gauche en général sur toute forme d’expression de droite. Il est préférable, pour le "supérieur cultivé" de gauche, de s’en remettre aux institutions hégémoniques, aux appareils d’État sûrs et stables, aux coutumes et croyances imposées depuis l’école dans une longue expérience de la tyrannie et de la terreur. Le grand malheur qui s’est abattu sur nos sociétés européennes modernes provient des utopies "supérieures de gauche", pavées de bonnes intentions dans la tête de ces intellectuels humanistes qui ont inventé de dangereuses formules abstraites dont les différentes tentatives d’application ont engendré les effusions de sang et les massacres de masse les plus effroyables dont ils rejettent cyniquement la responsabilité. 

***

Conversation avec X. Toujours magistral, sur le ton de l’évidence, péremptoire et simplificateur. Surtout, ne pas laisser sentir à qui que ce soit qu’on peut en savoir plus long que lui ! Gobeur des pires âneries des chaînes télé où on lui dicte à la fois ce qui est et ce qu’il faut en dire. Imbu d’opinion et féru du monopole podémisé de la réalité et de son interprétation. Toujours prêt à tomber dans les travers des fanas indépendantistes catalans. « Qu’ils se sentent à l’aise avec nous ! ». Te sentirais-tu à l’aise chez eux, avec tes libertés amputées sans manières, en coup de poing permanent, par ta condition « d’Espagnol » ? Putain de merde de saloperie de con, condamné à perpétuité par le seul fait d’être né Espagnol dans cet ersatz de pays de ploucs qui vit éternellement dans la fiction de se croire supérieur bien qu'inexistant ! Dans cette Catalogne corrompue, pourrie jusqu’au trognon, il y voit – comme son admiré couple faisandé Sanchez / Iglesias – une nation déjà constituée, hélas dévorée par la méchante Espagne. Avec l’infatigable leurre du peuple supérieur, ondoyant et divers, avec sa culture et sa langue, rapproché arbitrairement à l’Espagne et prêt à tenter – sans jamais dépasser le stade de la tentative théâtrale, sans peur du ridicule – de se constituer en État-nation centralisé, réplique à l’échelon régional, insipide, féodal et corrompu d’une maquette chimérique d’État jacobin. Un simple avatar sous-jacobin, à peine une copie conforme. Avec ses seigneurs locaux au sein d’une Europe allemande qui ne rêve que de fédéralisme partout…  À sa manière. Ça finit par tourner au vinaigre quand on aborde le sujet de la porte-parole de la droite populaire foutue à la porte à coups de pompe au derrière par un insignifiant Casado Machin. Je lui avoue que je m'en balance, moi, de cette bonne femme comme de ma première paire de chaussettes, mais quand même ! Docteure d'Oxford avec une thèse dirigée par Sir John Elliott et publiée plus tard par l'Oxford University Press... ! Voilà des défauts qu’on ne pardonne pas facilement en Espagne, en général, et dans la politique espagnole en particulier. Toute chose surpassant par sa taille celle du voisin doit être éradiquée du corps social pour ne pas froisser les gens. Sauf dans le foot, dans le sport et dans la vie politique, là, privilèges et différences – surtout de salaire ! – sont les bienvenus et unanimement applaudis. Rideau. N'en jettez plus, la coupe est pleine.

***

« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.

En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur –qu’il faudra entretenir– sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.

L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »

Günther Anders, L'obsolescence de l'homme, Encyclopédie des nuisances



***

« Céline ? Je le place très haut. Et je l'ai dit depuis longtemps. Il y a plus de vingt ans, la télévision sarroise est venue à Paris. Ils ne trouvaient personne pour parler de Céline. J'ai dit : « Mais oui... » Il n'y a que moi qui en ai parlé. Proust et Céline ce sont les deux grands écrivains français de la première moitié du XXe siècle. Je me souviens qu'on me disait de Céline que c'était un salaud. J'ai dit : « Un salaud ? En art, ça ne veut rien dire, salaud. » Pourquoi est-ce si extraordinaire ? Parce que c'est très bien écrit. Parce qu'il y a une musique, parce qu'il y a une cadence. Voilà ! C'est tout. » Claude Simon, prix Nobel de littérature en 1985, Le Monde des Livres, 19 septembre 1997
***

Céline. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le courant n’est pas passé entre Jünger et Céline, les deux écrivains réchappés des tranchées. « Il y a, chez lui, ce regard des maniaques, tourné en dedans, qui brille comme au fond d’un trou », dit-il de ce personnage bileux et vindicatif après leur rencontre dans Paris occupé (Journal, 7 décembre 1941). Horrifié par l’apologie du crime de masse à laquelle se livre l’auteur du Voyage au bout de la nuit, Jünger y décèle un « homme de l’Âge de pierre » appâté par l’odeur des charniers putréfiés. Quelques années plus tard, apprenant que le pleutre Dr. Destouches a préparé son exfiltration vers l’Allemagne sitôt le débarquement allié annoncé, Jünger note, un brin acide, dans son Journal : « Curieux de voir comment des êtres capables d’exiger de sang-froid la tête de millions d’hommes s’inquiètent de leur sale petite vie. » Abécédaire Jünger http://www.causeur.fr/abecedaire-junger-26249.html

***

Recul sur la « carrière politique » du Président du gouvernement espagnol et son ascension. 2003 : Il n'est pas élu aux élections municipales de Madrid. 2004 : il finit conseiller municipal grâce à deux démissions. 2008 : il n’est pas élu député. 2009 : il finit député grâce à la démission de Pedro Solbes. 2011 : il n’est pas élu député. 2013 : Il est à nouveau député grâce à la démission de Cristina Narbona. 2018 : Président par intérim du gouvernement grâce à la démission de Rajoy en raison d'une motion censure « constructive » et de la promesse d'élections dans les plus brefs délais. 2020 : Président d'un gouvernement espagnol d’estrade qu’il a lui-même présenté comme le reflet du meilleur de la société espagnole. Défense de rire. Il dépend, pour durer, du bon vouloir, à la fois, de la prétendue gauche radicale Podemos (dont il avait une peur qui lui enlevait le sommeil - c'est ce qu'il a affirmé devant les caméras !), des nationalistes basques (seuls à savoir ce qu'ils veulent dans cet asile de fous) et des indépendantistes catalans (les fous de l'asile)… 
***

Qu'un mafieux soit de gauche ou d'ailleurs n'a qu'une importance secondaire, mais ceux qui osent dire de leur vivant qu’il y a énormément de mafieux de gauche se font normalement agonir d'injures. Allez comprendre pourquoi…