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mercredi 11 janvier 2017

Des drapeaux noirs dans la pénombre ...



In memoriam
Il est des jours où l’on est foncièrement découragé. Le spleen despotique, atroce, dont parle Baudelaire plante sur nos crânes son drapeau noir.
Début janvier, deuxième-troisième semaine, depuis des années, je recevais assidûment le retour de vœux de mon maître et ami Paco Hernández. Une collègue proche m’apprend hier qu’il est mort la veille de l’épiphanie ! Claudio Magris a écrit que « celui qui a eu son jour », comme dit le roi Lear, a senti, au moins une fois, la grandeur et la signification de son existence. Grâce à lui, moi aussi j’ai eu mon jour (inoubliable soutenance de thèse en présence de Claude Simon !) et j’en ai conservé le souvenir, avec la même objectivité reconnaissante « qu’on contemple l’étendue d’un paysage ». 



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Galette des rois et fèves indésirables
J’ai supprimé de Facebook-Twitter les traces d’une longue liste d’indésirables. Libéré, en principe, de l’obligation sociale de la politesse, je ressens la simple apparition même involontaire du nom ou de la gueule d’un de ces « contacts » pire que la piqûre d’une tarentule : immobilisation rigide des membres, catatonie, aboulie intense ... 
 
Remémorer mes liaisons ("amis") indépendantes de toute hiérarchie devient une forme de guérison qui fait retourner la force mystérieuse de l’imagination en lui donnant libre cours. Et de bons souvenirs viennent se greffer sur l’effet dévastateur de l’image d’épouvante du pignouf ou la pétasse entraperçus en ligne qui m’avaient fait flotter in statu moriendi … 

Retour donc au combat, conscient que, dans le théâtre permanent et public de la vie sociale, l’état maladif de défaite ne bénéficie pas du statut ambivalent de crainte-respect mais relève uniquement de la pitié. Récupération immédiate, donc, par le seul exorcisme de penser aux gens qui m’aiment bien, de l’efficacité symbolique du sarcasme en pagaille … 


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Le drapeau noir flotte sur la marmite
Nous vivons dans un tourbillon de transformations où les idées passent d’un camp à un autre dans un tremblement incessant. Tout change et tout fluctue dans nos cieux traversés par des drones et des satellites. Mais la figure grimaçante de la mort est toujours là. Notre « vie » ne dépasse pas quelques années. Le poison communautaire nous est inoculé dès la naissance. L’individu doit immédiatement accomplir les rites bénéfiques d’orientation de son énergie vers l’activité, payant de son existence, à la fin, pour cette irruption qu’il n'a pas demandée, au sein des humains. 

 
Fatigue des pratiques sociales : apprendre, apprendre à plaire, à séduire pour réussir, à contrefaire subtilement l’adversaire pour mieux s’en débarrasser … Catharsis de groupe qu’on appellera cohésion sociale par les détenteurs des pouvoirs (gérants des calendriers de l’existence des autres, figée à dates fixes !) et des solides béquilles du respect et de la crainte. Et le meilleur remède qu’on ai inventé contre le respect et la crainte, c’est encore l’écriture !

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