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mardi 22 juillet 2025

Comment se débarrasser des vautours (politiques) en essaim

 Benjamin Lemoine

                                                                                                                   Antonio Elorza



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La maladie politique qui nous étouffe, la main tendue de ceux de qui on détesterait être proche, la sympathie de certains vis-à-vis desquels on sent surtout l’envie de rester aussi loin que possible, les journées de guerre partout, l’angoisse sourde qu’on ressent par le génocide en Palestine, le pédantisme et le charabia « idéologiques » où que l’on mette les pieds, tout cela éclipse durablement les petits plaisirs quotidiens de somnoler dans l’oisiveté, d’apprendre (beaucoup), de parler (de moins en moins) et d’écrire (un tout petit peu), de rêver de voyages comme Larbaud, en pratiquant les langues des pays séjournés et en n’étant pas seulement amoureux à Alicante d’une charmante Ella mais aussi des sonnets de Malherbe, des sentences de N. Gómez-Dávila ou des labyrinthes de la vieille ville d’Oran.

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Les deux corps du roiIl semblerait qu’il circule une singulière version élaborée par l’une des formations politiques qui font tenir debout la coalition au gouvernement selon laquelle P. S., sur le plan personnel, serait une pure crapule, sans besoin d’une longue enquête pour le prouver, mais sur le plan professionnel on aurait affaire à un combinard étonnant et, surtout, que le critiquer enchanterait la droite et l’extrême droite « espagnoles » et pourrait précipiter sa chute avec la convocation d’élections anticipées. Elle préfère, constamment préoccupée par ses propres besoins et intérêts, tenir pour négligeables les déshonorants reniements à répétition de ce même P. S., menteur compulsif, considérant surtout son aversion présente au rituel électoral, pas très favorable ni à sa personne ni à ses prétendues qualités. Elle lui assure, donc, son soutien inconditionnel, « produit des circonstances », comme elle-même l’affirme sans sourciller.

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Fidèles à leur habitude, quelques raclures de bidet flanquées par pas mal d’ovnis et de plusieurs revenants, s’alarment dans leur habituel pathos rhétorique visant à affirmer en disqualifiant, que des leaders de la droite et de l’extrême droite, de l’église, des conservateurs, des gangs violents de mangeurs d’enfants à Noël et au nouvel An et des philatélistes radicalisés conspirent contre le « gouvernement légitime » (n’est-ce pas !) en vue de le renverser. On chercherait en vain dans la prose de ce manifeste aussi provocant qu’inepte un indice quelconque de connaissance sérieuse de la réalité sociale espagnole depuis des années. On y décèle sans peine, en revanche, la confirmation de l’état de dégénérescence idéologique avancée atteint par des gens qui se sont toujours fait forts de « former l’opinion » ou de « représenter le peuple ». Enfermé dans sa solitude, Big Boss (el Puto Amo) réfléchit, apocalyptique et agonique, à son habitude, à la meilleure manière d’échapper au traquenard ourdi par les méchants, tendu par les forces obscures. Il semble n’avoir pu, malgré son désir d’y arriver, accéder au statut de grand leader incontesté et universellement aimé, devant se contenter du soutien inconditionnel de quelques fantoches crépusculaires qui ne provoquent que le dégoût et le mépris et se sont condamnés par l’arrogance de leur geste purement rituel à l’impuissance et à l’indécence. Ils croient combattre toujours pour la gauche et le progrès au moment même où ils incarnent parfaitement le dédain de l’autocrate tout en l’entretenant.

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Le champ lexical des stars médiatiques du sanchisme pour éventer la bonne nouvelle par le biais du commando de « l’opinion synchronisée » est émaillé de mots et d’expressions tels que : « parti exemplaire », « transparence », « sabotage », « fange », « fausses nouvelles », « réponse immédiate à », « tolérance zéro », « complot », « féminisme », « homophobie », « mémoire », « mémoire historique », « mémoire démocratique », « devoir de mémoire », « gouvernement de progrès », « légitime », « droite déjà extrême », « extrême droite », « fachosphère », « nazis », etc. Ce vocabulaire n'est pas chiche de grandiloquente dissimulation, et ces quelques formules déposent autour du néant centripète dont ils partent des éléments cardinaux qui délimitent un champ de signes se resserrant sur ce qu'il est possible de penser et de ressentir en pareille circonstance. Aucune liberté, zéro débat : il convient et il suffit de déposer sa lourde croix verbale dans les sarcophages prévus à cet effet. C'est un questionnaire à choix unique que la meute analphabète brûlée de lumière artificielle remplit consciencieusement, fidèle jusqu'au bout à ce qu'elle aura été jusqu’à la fin, un troupeau de laborieux adorateurs du faux et des célébrants serviles du vide, de grossiers personnages qui se sont fait une place à la seule cène qu'ils connaissent, la scène médiatique servile et bien rémunérée. Je n'imagine pas, de manière efficace, une formule pour décrire, pour formuler l'insignifiance de ce monde de pourris. Chacun des mots serait à arracher au sérieux du dictionnaire lui insuffler une dose de sublime ridicule, mais ce serait vouloir rendre un semblant d’existence à ceux qui ne le méritent pas. Ils ne font qu’occuper une scène. Les admirations et les stars d'une époque en disent long sur elle. La mémoire « démocratique », est partout particulièrement convoquée, fût-ce à titre privé, peut-être parce qu'elle a, avec la culture et « les discriminations », ce que les professionnels du wokisme ont toujours convoité durant toute leur existence avec un entêtement admirable : le flou conceptuel absolu. Qui permet de saper fermement ce qu'ils détestent ou d’encenser durablement leurs lubies. Et pour cela, il n'est nul besoin d'être « cultivé, subversif ou révolté », comme l'affirment les crétins qui bavent d'admiration quand ils s'alignent sur les positions (prétendument) progressistes des leurs politiciens professionnels préférés. C'est tout le contraire, bien entendu : il faut être servile, illettré et tenu par le conformisme le plus poisseux, c'est-à-dire, depuis les années 70, un anticonformisme théâtrale, spectaculaire, bien rodé qui n'impressionne que les naïfs et les nigauds. Un ersatz de féminisme. Une volonté farouche de s'attirer les sympathies du « camp progressiste » sous le trompe-l’œil de l’anticonformisme (absolument conforme) et les bénédictions d’une gauche mal nommée qui n’est en réalité qu’une une droite déguisée, sensible jusqu'à la sensiblerie. Prétendant jusqu'à l’exténuation à se voir « rebelle » alors qu'elle a été le plus efficace promoteur de l'idéologie impériale anglo-américaine qui s'est diffusée après 1968 sans aucune véritable objection. Mais elle a perdu en partie son influence sur l’information générale et sur l’actualité : on est maintenant plus vite informé des événements par les réseaux sociaux que par les médias professionnels. Ceci dit, les professionnels de l’imposture ne se lasseront jamais d’exposer leurs âneries, les malfaiteurs leurs crimes, et les affreux leurs horreurs, mais au moins, on est plus largement édifié sur leurs agissements.

 

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