J'aime

lundi 6 juin 2022

Las plantas nos enseñan el suave morir de los paganos (Theodor Däubler)

Deux juin. Rosa rentre à la maison. Au revoir, l’hôpital, à bientôt quand même, médecins et personnel hospitalier si dévoués, tous  attelés à leur tâche et à quel point ! Voici un mois qui commençait pour elle un bien triste et pénible parcours contre la même bête qui dévora mon père. Une courte visite médicale, à notre retour de Séville, avait enclenché la course contre la montre. Après une longue intervention, apparemment, tout pourrait aller bien, pour autant que les analyses pertinentes déjà entamées depuis quelques jours soient nickel, et que, donc, l’espoir soit capable de reposer sur des bases bien fondées. Généralement, le cancer pâtit auprès des gens plus ou moins proches mais on a tendance à croire qu’il n’a aucune raison de s’occuper de nous et que les oncologues dont il assure le métier sont capables de miracles à chaque fois. C’est pourtant un compagnon d’une exemplaire fidélité, qui vous prend par la main dès votre jeunesse et ne vous abandonne qu’en dernière extrémité. Il y a d’abord le cancer des autres, généralement plus âgés que soi mais pas toujours, sans doute pour nous habituer à sa présence avec le moins de brutalité possible ; puis arrive le sien propre, voire celui des siens. On préférerait des amis moins constants que celui-là ! J’accompagne toujours Rosa lors de sa tournée effrayante de consultations diverses. Tout d’un coup, me reviennent en mémoire les mots prononcés le 24 septembre 1977 : « Je fais la promesse solennelle de t’aimer, de t’être fidèle, de te chérir pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie … » Et la vie continue à côté de vous, traînant derrière les griffes de la maladie, dans la solitude et la nudité essentielle propres de l’être humain.

***

Ceux qui aiment intensément l’écriture (libre) pour soi constituent, sans qu’ils le sachent peut-être, une société secrète. Le plaisir d’écrire à propos de tout et une envie de critique permanente, sans âge, les rassemblent. Leurs choix ne correspondent jamais à ceux des intellos attitrés, des professeurs ni des académies. Ils ne se soumettent pas à la dictature du goût des autres et vont se loger plutôt dans les interstices et les replis du socialement visible, dans la solitude, l’oubli, les confins du temps, les zones d’ombre. Sans possibilité d’être récupérés par les vraies valeurs nauséabondes, imposées partout, propres et spécifiques à l’empire du Bien anglo-américain, restant fidèles à leurs convictions sans aucune passe ou permission de qui que ce soit. Ils tapent dans la réalité sans être rattrapés par la folie du monde, faisant preuve, par le geste même d’écrire pour soi, d'insoumission permanente à laquelle, par paresse ou par peur du jugement souvent imbécile d’autrui, ils devraient renoncer normalement par respect ou par trouille s’ils étaient victimes du succès ou de la notoriété sociale.

***

On ampute des morceaux à l’Ukraine, affirment les partisans des valeurs universelles d'une Ukraine qu'on ignorait si essentielle au bon fonctionnement de l’univers. Drame chez les « gentils » du tout à l’égout occidental ! Le dépeçage de l’ex-Yougoslavie n’avait pas choqué grand monde, si ma mémoire est bonne … Et puis l'histoire de la méchante Russie et la gentille Ukraine commence à tourner au vinaigre pour la gentille Ukraine et il va devenir difficile de monopoliser les antennes médiatiques sur le sujet pour distraire l'attention du peuple des vrais enjeux qui le concernent vraiment. En effet, comment continuer à hypnotiser le citoyen si la Russie termine la guerre dans quelques semaines après complète annexion de l'est ukrainien russophone et russophile ? Reconnaître la victoire russe, constater la déroute de Zelensky, éventuellement assister à son renversement par un coup d'état mené par l'état-major des armées ukrainiennes conscient du chaos vers lequel ce dirigeant fou mène son pays, évaluer l'énorme gâchis financier en envoi d'armes aux milices nazies, juger le sacrifice des vies civiles et militaires ukrainiennes uniquement dû au prolongement imbécile du conflit voulu et entretenu par l'OTAN : autant de sujets qu'il vaudra mieux passer sous silence. Une résurgence covidienne pourrait faire opportunément l’affaire pour éviter que le peuple cogite sur ses vrais motifs d’inquiétude : son pouvoir d’achat qui fond comme neige au soleil, sa sécurité dans la vie de tous les jours, l’immigration qui lui donne l’impression d’être un exilé sur son propre sol, la déliquescence de l’instruction de ses enfants, entre autres. À moins que la Covid ne laisse son tour à une variole du singe ? Ça ne serait pas mal, ça, une bonne petite variole. D’abord, ça apporterait un peu de changement dans la terminologie. Ensuite le mot fait peur, même si en l’occurrence la variole du singe est à la fois moins transmissible et moins létale que la vraie variole, et qu’elle se guérit toute seule. A moins évidemment que son virus ait été bidouillé entretemps, grâce à des techniques d’augmentation de moyens dont des laboratoires américains situés – comme c’est bizarre – en Ukraine, sont passés maîtres…

***

Perles cultivées de chez Carl Schmitt in Glossarium, El Paseo

La señal de la cruz produce mayores radiaciones de uranio que todos los fabricantes de bombas atómicas. Me hago la señal de la cruz sobre el desorden de mis afectos y emociones, y veo a Cristo caminar sobre las aguas.

---

Siento que este es uno de los momentos de mi vida en los que lo personal-privado y lo universal-general coinciden en los hechos y la sombra de Dios que todo lo dispone roza mi pequeña vida. Debo decírselo a mi hija para tener testigos, tal y como los padres de Joseph de Maistre en el año 1772 le dijeron a su hijo, que estaba jugando: niño, ha habido una gran desgracia, el papa ha disuelto la orden de los jesuitas. ¿Cómo aprehender la profundidad de este momento? ¿Durante cuánto tiempo lograré mantenerme en esa profundidad? [al margen, copiado de una carta a su hija: “¡Mi niña! Te escribí esta carta solamente para comunicarte algo cuyas consecuencias solo se sabrán en los años venideros. No va a interrumpir tus alegrías ni tristezas. Pero debes conocerlo. El gran y no poco importante filósofo Joseph de Maistre lo supo en su niñez y nunca lo olvidó”].

***


Certains alertaient déjà avant la fin du siècle dernier que l’école avait cessé de remplir sa fonction principale, celle de structurer l’intelligence et l’expression des élèves pour devenir un système de dés-instruction ... À l’école primaire on n’apprend plus à lire ni à écrire : les deux tiers des élèves ne le savent plus ... Cela s’inscrit dans un relativisme généralisé des valeurs morales, des cultures, des religions et des manières de s’exprimer, aucune manière de vivre n’étant jugée supérieure à une autre ... On a démoli tous les repères normatifs. On a sapé l’enseignement de la philosophie, de l’histoire, de la langue et de la littérature ... Globalement, on fait des élèves des ignares qui ne parlent et ne comprennent qu’un seul idiome, celui des jeux de leurs portables ... Une formation sacrifiée au nom d’un utilitarisme à courte vue qui empêche d’accéder aux idées générales. Il n’y a pas un élève sur cent capable de bâtir une phrase complexe ... Une attitude qui va jusqu’à bannir toute discipline ... tout ce qui est contrainte est jugé comme un mal. C’est comme ça qu’on ramène les enfants à l’animalité. Profs et élèves vivent enfermés dans une même Google Classroom à échelle mondiale. L’objectif est d’éduquer les gosses à travers les écrans, et que ce soit Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft qui s’occupent de leur éducation. Autant dire, les gosses auront l’éducation choisie par les Gafam, et les profs auront très peu de marge de manœuvre. A terme, le prof ne sera présent que comme nounou. Un désastre.

***

Commencé Les bouffons. Roman des temps révolutionnaires, consacré à la folie révolutionnaire, chute de Robespierre, etc. et le surprenant En attendant le roi du monde, d’Olivier Maulin, dont je compte bien inclure dans un prochain billet quelques notes de lecture.

Hubert Monteilhet replonge son lecteur dans cette époque de cauchemar avec destruction systématique, par des Français, de tous les vestiges de leur passé, à commencer par les édifices religieux, « manie des plus originales, que l’on n’avait encore notée chez aucun peuple, le passé étant au contraire dans le monde entier source d’inspiration et de respect. » Note surprenante sur une « supériorité des Chouans sur les Vendéens », les premiers préférant les actions de guérilla, les autres, plus classiques au moment de faire la guerre, se faisant écraser : « Dans une guerre civile, toute organisation est vulnérable, alors que de petits groupes décidés, opérant au sein de populations passives ou favorables, entretiennent aisément une insécurité permanente. » Les moyens de la tyrannie n'étaient pas encore à la hauteur de ses intentions affichées ; l’oligarchie née « des Lumières » a changé progressivement cet état de choses. Parallèlement, furent créés des certificats de civisme. Les gens faisaient la queue pour obtenir ce bien précieux, censé mettre à l’abri du pire, en attendant les cartes de citoyen, les certificats de vie, de non-émigration, de résidence, sans parler des certificats d’indigence … Peu à peu, toute la France était certifiée d’une façon ou d’une autre, et une absence de ce genre de papier était devenue suspecte. De plus, dans les villes, les propriétaires étaient tenus d’afficher la liste des résidents, afin de faciliter les visites domiciliaires de jour ou de nuit. Dans ces conditions, et c’était sans doute le profond dessein des autorités de ce nouveau régime policier, plus personne n’était en règle si l’on se donnait la peine de gratter un peu. Bonaparte, bon fils de la chienlit révolutionnaire, affirmait lui aussi que les crimes collectifs n'engageaient personne. Faut évidemment que les criminels appartiennent aux bons groupes. En matière d’assassinat, les responsabilités se diluent jusqu’à l’impunité à proportion de la foule des exécutants. Les vrais "patriotes" mettaient leur point d’honneur à tuer et à détruire, mais ils avaient en principe honte de voler, laissant ce soin aux financiers et aux commissaires. Il y avait quelque chose, dans les principes révolutionnaires, qui faisait perdre à l’homme toute dignité et tout caractère humain. Quand on cherche désespérément un côté positif à la Révolution jacobine, on n’en aperçoit guère, tout compte fait, qu’un seul : elle aurait plutôt diminué, de façon très provisoire, les ordinaires embarras de Paris. L’historien doit être honnête et ne jamais refuser un compliment mérité. La Révolution, c’était une mort vulgaire pour tout le monde, dans un bain de sang général, chacun ambitionnant d’être le dernier assassin à rester en vie. Il n’y a pas de plus grande erreur que d’imaginer que tous les hommes marchent à la carotte et au bâton, qu’on peut les manœuvrer à loisir en faisant appel à leurs instincts les plus troubles et à leurs plus bas sentiments. La pauvre langue contemporaine n'est qu'un retour aux sources. La Révolution, en avilissant la pensée, avait gâché le style, devenu délayage, verbiage, barbouillage et enflure. A tel point que le lecteur ou l’auditeur ordinaire avait du mal à comprendre du bon français et qu’il fallait maintenant lui redire deux ou trois fois les plus banales pauvretés pour qu’elles pénètrent son esprit déshabitué de la réflexion. On pouvait déjà hésiter entre Béria et Dzerjinski. Saint-Just affectionnait la formule : « Dans une prison, il y a trois murs de trop. » La cruauté, la veulerie, le cynisme, la lâcheté, la fourberie, la vanité, la bêtise, la médiocrité, la paresse, l’irresponsabilité, la bassesse, l’arrogance, le sadisme avant la lettre, la passion de l’argent et du jeu, le goût de l’alcool, des filles ou des gitons, se le disputaient à l’envie. Mais par-dessus tout, un même sentiment marquait la plupart des visages et y avait laissé ses honteux stigmates : une peur abjecte d’être puni et l’infâme détermination de faire n’importe quoi pour couper au châtiment.


***

Portrait à la Dorian Gray d’un premier ministre espagnol sans raison ni conscience, menteur sans remords, dans la pure recherche égoïste et abstraite de son intérêt, déconnecté de la réalité du terrain. Ce mec me dégouté un peu plus à chaque apparition. Oui, vraiment, ce mec me dégoute. Son arrogance, son égoïsme, son assurance, tout chez lui me répugne. Bluffeur compulsif, visqueux de flagornerie, de complaisance et d'obséquiosité avec ceux qu'il considère nécessaires dans l’adversité, féroce dans le triomphe, tantôt lâche et tantôt cruel, toujours hypocrite et doué pour toutes les bassesses, ne respirant que fourberies et reniements, obsédé par ses intérêts immédiats, intellectuellement borné comme une taupe, aussi calculateur qu’imprévoyant, ne songeant qu’à jouir au maximum entouré de sa smala de lèche-culs, gibiers de bordel (Abalos et son infect Koldo) et rats d’égout mélangés, sans âme, sans esprit, sans humour, sans générosité, sans raffinement et sans culture, ne comprenant rien aux choses en dehors de la basse politique politicienne, sous-merde woke-progressiste de la dernière génération socialdémocrate capable encore de vampiriser le peu qui reste d’une classe ouvrière à l’agonie et d’une classe moyenne souffrante sans répit. Comme par malheur il prétend avoir fait des études, docteur d’emprunt, il s’empresse, pris de vertige, de retourner avec hargne ses capacités de prestidigitateur contre une société imbécile qui a toujours fait les frais de son parcours de tricheur. La véritable élite éclairée de la politique, du savoir ou de la science a toujours tendu la main au peuple, au contraire des vermines démagogiques de son genre, se réclamant sans cesse de ce pauvre peuple pour le mieux trahir dans l’impunité la plus totale.


***


Bribes de 
Guerre, Louis-Ferdinand Céline

Ça se branlait donc dès que ç’avait un peu bu et dormi, ça s’enculait peut-être aussi l’allié, parce qu’à l’époque chez nous c’était pas encore très répandu comme mise en scène.

---

 … elle était bandatoire de naissance

---

La paix quoi. Le canon de là on l’entendait presque plus. On s’est assis sur un remblai. On a regardé. Loin, loin c’était toujours du soleil et des arbres, ce serait le plein été bientôt. Mais les taches de nuages qui passaient restaient longtemps sur les champs de betteraves. Je le maintiens c’est joli. C’est fragile les soleils du Nord. À gauche défilait le canal bien endormi sous les peupliers pleins de vent. Il s’en allait en zigzag murmurer ces choses là-bas jusqu’aux collines et filait encore tout le long jusqu’au ciel qui le reprenait en bleu avant la plus grande des trois cheminées sur la pointe de l’horizon.

---

Dans un enclos on voyait des [ouvriers] et tous les moines, des vieux, travailler. Ils s’en faisaient pas. Ils taillaient des espaliers. C’était le jardin de leur maison mère. Dans les sillons par-ci par-là un paysan soulevait le paysage avec son cul. Ça fouillait la betterave.

---

C’est écœurant quand on a vu pendant des mois les convois d’hommes et de tous les uniformes défiler dans les rues comme des bancs de saucisses, kakis, réserves, horizons, vert pomme, soutenus par les roulettes qui poussent tout le hachis vers le gros pilon pour con. Ça part tout droit, ça chantonne, ça picole, ça revient en long, ça saigne, ça picole, encore, ça pleurniche, ça hurle, c’est pourri déjà, un coup de pluie, voilà le blé qui pousse, d’autres cons arrivent en bateau, il mugit, il a hâte de tout débarquer, sur l’eau il virevolte le grand souffleur, tourne du cul, le beau navire dans la jetée, le voilà reparti fendant les vagues écumantes en chercher d’autres… Toujours contents les cons, toujours à la fête. Plus qu’on en écrabouille mieux les fleurs poussent, c’est mon avis. Vive la merde et le bon vin. Tout pour rien !

---

Tant qu’il y a du vice y a du plaisir.

---

Les deux jetées sont devenues toutes minuscules au-dessus des mousses cavaleuses, pincées contre leur petit phare. La ville s’est ratatinée derrière. Elle a fondu dans la mer aussi. Et tout a basculé dans le décor des nuages et l’énorme épaule du large. C’était fini cette saloperie, elle avait [répandu] tout son fumier de paysage la terre de France, enfoui ses millions d’assassins purulents, ses bosquets, ses charognes, ses villes multichiots et ses fils infinis de frelons myriamerdes. Y en avait plus, la mer avait tout pris, tout recouvert. Vive la mer !

---

C’est drôle y a des êtres comme ça ils sont chargés, ils arrivent de l’infini, viennent apporter devant vous leur grand barda de sentiments comme au marché. Ils se méfient pas, ils déballent n’importe comment leur marchandise. Ils savent pas comment présenter bien les choses. On a pas le temps de fouiller dans leurs affaires forcément, on passe, on se retourne pas, on est pressé soi-même. Ça doit leur faire du chagrin. Ils remballent peut-être ? Ils gaspillent ? Je ne sais pas. Qu’est-ce qu’ils deviennent ? On n’en sait rien du tout. Ils repartent peut-être jusqu’à ce qu’il leur en reste plus ? Et alors où qu’ils vont ? C’est énorme la vie quand même. On se perd partout.

***


Lecture de Rafael Chirbes (Diarios: A ratos perdidos 1 y 2)

"Vivimos momentos sombríos. La gente se cree progresista, porque vota PSOE, y eso les permite defender posiciones de individualismo a ultranza y justificar el pelotazo, la rapiña: a ratos lo más negro;  otros, lo que es simplemente estúpido: la pegajosa bobaliconería de la gente de bien, la clase media franquista que tanto odiábamos, ahora se ha refugiado en el socialismo; los franquistas furiosos han empezado a aparecerse con el halo romántico de quien mira la vida a contrapelo, esa mirada sesgada, la posición hirsuta, los correajes y pistolas, los socialistas son más de colegio de monjas."

---

"La dignidad, en la pasividad del sufrimiento. La humillación te eleva, te dignifica. Un hombre sacado a rastras, borracho, golpeado delante de su hijo, encuentra su dignidad, el espacio de piedad que Dios le concede. Pasa de víctima a mártir. Se abre hueco en el almacén de los símbolos"

---

"Resulta curioso lo poco que se ha comido en la narrativa española que ha escrito la gente de mi generación, honrosas excepciones aparte, entre ellas, una vez más, ese foráneo, o foramontano, que es el hirsuto Sánchez-Ostiz. Los habitantes de la Umbría de su invención, que tantos disgustos le ha dado, devoran toneladas de morros y magras con tomate. La mayoría de los personajes de la novela española de mi tiempo pertenece al cupo de bajtinianos personajes cerrados que no comen ni excretan."

---

" sufrimiento y las destrucciones padecidas por los perdedores. Hans Erich Nossack: Interview mit dem Tode (1972); HeinrichBöll: El ángel callaba; Hermann Kasack: La ciudad detrás del río (al parecer, la novela decisiva sobre el tema, no la he leído, ni siquiera sé si está editada aquí); Peter de Mendelssohn: La catedral"

---

"un novelista olvidado, del que nadie se ocupa, y cuya visión es imprescindible. Se llama Gert Ledig, y sus novelas son El órgano de Stalin y La revancha (P.S. He leído la novela, aquí titulada Represalia, algún tiempo después de escribir estas notas), que se desarrolla durante un bombardeo de una hora en una ciudad innominada. En su libro Europa en ruinas, Hans Magnus Enzensberger recogió visiones de testigos extranjeros, pero no de los propios alemanes."

---

"Son fiestas en el pueblo. Hasta aquí me ha llegado el ruido de los fuegos artificiales (ni siquiera me he asomado a la ventana para verlos), y, ahora, la música que anima el baile llega hasta casa desde el fondo del valle. No soy de este pueblo, ni quiero serlo. En Valverde tuve la sensación de que – a la contra de las fuerzas vivas, en continua pelea – lo era, me interesaba el bienestar de aquel pueblo, la felicidad de la gente. Aquí me da exactamente igual. Viven satisfechos en su deriva hacia lo peor. Allá ellos. Al principio, me sedujeron las palabras de la lengua materna, el tono de voz, los cuerpos que eran cuerpos que parecían sacados del pozo de mi infancia, cierta manera de estar en el mundo, pero no he tenido tiempo para hacerme la ilusión de que recuperaba algo de ese brillo, de que volvía a él. Lo que el amago de convivencia aquí me ha echado a la cara es el conjunto de razones por las que nunca quise vivir en esta puta tierra"

---

"Jünger, que había pertenecido a las SS" (??)

---

"aunque Céline hubiera escrito sus Bagatelles llamando a masacrar a los judíos"

---

"Los cristeros mexicanos, su furor carnicero; los fundamentalistas musulmanes, que degüellan a sus víctimas con la misma técnica que a los corderos que se comen en la fiesta del profeta, en el Mouloud.”

---

"En el siglo XXI se es joven hasta los ochenta."

---

"En el libro sobre Gil de Biedma, Dalmau nos cuenta las estrategias de mercado de los señoritos catalanes: escalar la montaña de la posteridad abriéndose paso a hachazos en el mundillo literario gracias a su privilegiada red de relaciones; pactar unos con otros la escala del prestigio; crear lo que, si no estuviéramos hablando de gente culta y procedente de buenas familias, llamaríamos un grupo mafioso. Tal como lo cuenta Dalmau, la cosa acaba cobrando un toque cínico, mezquino: la carrera literaria, qué mal suena eso. Asegurarse la crítica en el periódico, la benevolencia del crítico que la escribe, la página de la enciclopedia, el capítulo en el libro de historia de la literatura. Ponerse bien los unos a los otros, citarse, concederse espacio en los artículos, en las colecciones de narrativa o de poesía, concederse los premios literarios. La red. ¿Dónde está todo aquello de un mundo mejor, que – a quienes en su momento los leíamos confiados – nos empujó a ser lo que somos?, ¿qué queda de lo que nos contaban ellos mismos a quienes éramos por entonces adolescentes?, ¿solo fueron estrategias de un grupo de señoritos aburridos y vanidosos? Había que luchar por la verdad, por la justicia, por los pobres, por lo que fuera, menos por uno mismo. Ese era el mensaje, esos eran los principios."

---

 "los árboles tienen raíces, los judíos tenemos piernas."

***


Lecture d’Imre Kertész (Sauvegarde, Actes Sud)

Les humiliations physiques de la vieillesse. Je ne l’aurais jamais cru, mais la vieillesse arrive d’un coup. D’un jour à l’autre, presque d’une minute à l’autre. L’attitude physique change soudain et on ne peut rien y faire. Une envie d’uriner vous prend brusquement et il faut lui céder tout de suite sous peine de souiller son linge de corps. Quelle humiliation. La pire catastrophe, c’est l’impuissance, alors qu’on n’a pas perdu son attirance pour les femmes. Une autre catastrophe, c’est l’insomnie. Il est trois heures quarante-deux du matin et je n’ai pas encore fermé l’œil.

---

Je m’abîme dans la fabrication de textes que je lis avec bonheur et étonnement – je ne les comprends pas toujours, mais ils sortent de ma plume, cette petite boîte qui répond au nom d’ordinateur.

---

Ce qu’on fait aujourd’hui de la démocratie n’a pas grand-chose à voir avec la res publica ; je parlerais plutôt de démocratie de marché. Avec un peu d’autodiscipline, c’est une forme d’existence très agréable, mais elle prendra vite fin, à cause de son évolution insolente vers la centralisation de l’argent et du pouvoir ; alors c’en sera fini de l’autodiscipline et de la douceur de vivre. N’est-ce pas une sorte de fascisme discret qui nous attend, avec parure biologique, restriction totale des libertés et relatif bien-être matériel ?

---

Un illuminé monomaniaque prend le pouvoir, les véritables détenteurs du pouvoir et de l’argent voient une bonne opportunité dans sa personne et dans ses convictions, et les foules cèdent à leurs véritables penchants – la haine, le sadisme meurtrier, la servilité, le faux héroïsme et, surtout, la possibilité d’accaparer tout ce qui reste.

---

Mon Dieu, Rousseau s’est trompé ; il n’a même pas su juger sa propre nature.

La souffrance, seule la souffrance est sérieuse. Je crains que Magdi ne souffre, et je ne peux soulager sa souffrance qu’en souffrant avec elle, ce sera alors une souffrance double, tant pour elle que pour moi. Les choses sont plus simples quand on n’aime pas.

---

La maladie n’a rien à voir avec nos conceptions – en fin de compte, la maladie n’a rien à voir avec nous, tout au plus, elle nous tue. Elle n’a rien à voir avec la morale, avec nos actes, elle n’a aucun rapport avec nos vertus ou nos fautes. Les cellules sont aveugles et nous gouvernent d’une manière absurde. C’est pourquoi la vie est une chose moyennement sérieuse. On accorde à notre vie une bien plus grande importance qu’elle n’en a en réalité. En réalité, une vie humaine égale zéro. C’est un cas particulier de l’espèce, qui ne mérite même pas d’être mentionné. Nous sommes les seuls affectés par cette vie, soit parce que nous l’aimons, soit parce que c’est la nôtre.

---

M. dit qu’elle n’a pas encore compris ce qui lui arrivait ; sauf qu’il n’y a rien à comprendre. Je me rappelle ma conversation avec le cancérologue. Les yeux brillants, il m’a expliqué le fonctionnement des cellules dans l’organisme. Ces cellules existent et agissent de manière autonome, selon leurs propres lois ou, si l’on préfère, au gré de leurs caprices. Elles s’associent ou se séparent, provoquent ou subissent des mutations, etc. Et quand je lui ai dit que c’était terrible, il m’a regardé d’un air étonné et m’a demandé pourquoi l’horreur de la déchéance physique nous menace, nous allons devenir laids, faibles, nous allons glisser hors du monde.

Tous les matins, j’ai envie de pleurer, de pleurer sur M.

Toute relation humaine est illusoire. La famille : questions d’héritage, de fortune. L’amitié : paroles chaleureuses, impuissance, inaction. Parfois une joie mauvaise. L’amour : il se volatilise sans laisser de trace. Et pourtant quelque chose existe, il arrive malgré tout qu’un acte s’épanouisse. Mais toujours de manière inattendue et généralement pas là où on l’attendait, pas de la part de la personne en qui on avait placé toute sa confiance.

---

L’homme est incapable de respecter les principes moraux qu’il a lui-même édictés, dans la vie tant sociale que personnelle. L’homme construit sa vie sur le mensonge, parce qu’il ne peut pas faire autrement. La mort met fin au mensonge, mais elle ne le remplace pas par la vérité, elle sert tout au plus à l’effroyable prise de conscience du mensonge.

---

Automne mortel. Le soleil brille. Le monde agonise. Hier, dans le tramway, au milieu des gens, j’ai eu soudain l’impression de ne pas être entouré d’êtres humains. Puis je me suis dit : mais oui, bien sûr, ce sont des hommes nouveaux, une espèce qui n’a jamais existé auparavant. Leur incroyable brutalité. Leur lâcheté. Leur bêtise grégaire. Leur méchanceté envers l’individuel. La soif de sang qui réagit au moindre signe de faiblesse, toujours prête à tuer. Cette scène connue des pogromes m’a souvent laissé songeur : on insulte, on bouscule, mais on attaque seulement quand la personne est à terre. Je n’ai pas osé concevoir ce fait répugnant dans toute sa réalité. Je pensais que l’instinct humain commandait d’épargner un homme à terre (voire de l’aider à se relever). Il est tout à fait clair que le monde doit disparaître. Mais ce n’est qu’une prescription morale. La réalité est que le monde est tombé au niveau des animaux et que rien ne pourra freiner sa chute.

---

Le roman ressemblera à un tableau de Turner. Les contours nets s’estompent dans le brouillard au fond duquel on devine une lueur mystérieuse : l’existence même.

---

L’antisémitisme tenu en bride pendant de longues années remonte du bourbier de l’inconscient, comme une éruption de lave et de soufre. Manifestations anti-israéliennes dans le monde entier. À vrai dire, il ne faudrait pas accepter de nommer les événements avec les mots des journaux. Le fait que de jeunes gens se fassent exploser avec volupté (soit dit en passant, il paraît que leurs familles touchent vingt-cinq mille dollars) montre que le fond de la question n’est pas de créer un État palestinien. Par ce geste, ils se désignent comme des perdants de l’existence. Leur acte révèle une amertume qui ne peut s’expliquer par la ferveur nationaliste. Il faudrait laisser tomber les mots qui renvoient à la raison. Comment comprendre que l’Argentine [ !] puisse être le théâtre de manifestations anti-israéliennes ? Par le fait qu’environ deux mille ans d’antijudaïsme se sont cristallisés en une vision du monde

---

J’ai toujours considéré mon art comme une distraction solitaire qui ne concerne que moi et mon dieu, et dans une très faible mesure le prétendu et inexistant lecteur. Si la vie égale mon existence – ce qui, je pense, est indéniable – je n’aurai pas vécu pour rien. Du point de vue de l’achat et de la vente, de la consommation, il se peut que j’aie vécu pour rien ; après tout, la créativité éthique finira probablement par disparaître en tant que valeur, puisqu’elle est le résultat d’une activité solitaire et aristocratique ; seule la bêtise est démocratique, ainsi que les statistiques de vente.

---

Dans un nombre incalculable de beaux endroits (Stockholm, par exemple), chaque fois à des conférences qui n’avaient aucun sens, mais partout arrivaient les chacals qui vivent des conférences organisées dans le monde entier – mais quel monde ! Cela doit aller de pair avec la démocratie : le même consensus ressassé partout passe pour une activité culturelle. On ne peut s’empêcher de devenir sceptique ou cynique. La plupart penchent pour cette dernière possibilité. Et la vie s’éloigne de plus en plus ; on la cherche avec une longue-vue.

---

Selon lui, cette histoire illustrait le fiasco complet de la hiérarchie des sentiments, car sa femme aimait son petit-fils et sa famille stupide, inculte et déclassée et seulement loin derrière, en dernière position, son mari

---

Le fait est que la guerre en Irak a apporté un certain changement dans le consensus ouest-allemand – et même l’a fait carrément disparaître. Les sentiments anti-américains qui plongent leurs racines dans les sous-sols moisis des passions se déchaînent. On entend dire que la condamnation de la politique d’Israël n’est pas de l’antisémitisme. Et cela a donné naissance à une nouvelle hostilité envers les juifs, dont les perspectives ne sont pas plus favorables que celles de l’ancienne.

***

 Un professeur d’économie m’annonce fièrement qu’il n’a jamais vu un seul de ses élèves échouer. En revanche, une année, c’est la classe entière qui a connu l’échec ! Cette classe était entièrement convaincue que le socialisme est une idéologie qui marche, personne n’étant ni pauvre ni riche. Un système égalitaire parfait.  Le professeur dit alors : « OK donc, nous allons mener une expérience du socialisme dans cette classe. A chaque contrôle, on fera la moyenne de toutes les notes et chacun recevra cette note mpyenne. Ainsi personne ne ratera son contrôle et personne ne caracolera avec de très bonnes notes.  Après le 1er contrôle, on fit la moyenne de la classe et tout le monde obtint un 13/20.  Les élèves qui avaient travaillé dur n’étaient pas très heureux au contraire de ceux qui n’avaient rien fait et qui eux étaient ravis. À l’approche du 2e contrôle, les élèves qui avaient peu travaillé en firent encore moins tandis que ceux qui s’étaient donné de la peine pour le 1er test décidèrent de lever le pied et de moins réviser.  La moyenne de ce contrôle fut de 9/20 ! Personne n’était satisfait.  Quand arriva le 3e contrôle, la moyenne tomba à 5/20.  Les notes ne remontèrent jamais alors que fusaient remarques acerbes, accusations et noms d’oiseaux dans une atmosphère épouvantable, où plus personne ne voulait faire quoi que ce soit si cela devait être au bénéfice de quelqu’un d’autre.  A leur grande surprise, tous ratèrent leur examen final. Le professeur leur expliqua alors que le socialisme finit toujours mal car, quand la récompense est importante, l’effort pour l’obtenir est tout aussi important tandis que si on confisque les récompenses, plus personne ne cherche ni n’essaie de réussir.  Les choses sont aussi simples que cela.

***



« Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité. Il en résulte que — sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites — il n’est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité. Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux. »

Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politiques

***

 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire