Kant donne dans son Canon de la raison pure la définition de la foi que voici : « L’opinion
est une croyance qui a conscience d’être insuffisante aussi bien subjectivement
qu’objectivement. Si la croyance n’est que subjectivement suffisante, et si en
même temps elle est tenue pour objectivement insuffisante elle s’appelle la foi.
La croyance suffisante aussi bien subjectivement qu’objectivement s’appelle
science ». À partir de là, chaque individu qui a « une opinion »
devrait être conscient, aussi bien subjectivement qu’objectivement, de son
insuffisance. Tout comme celui qui nourrit « une foi » devrait
accorder à un observateur objectif qu’elle est objectivement insuffisante. La
question qu’on devrait se poser alors serait : pourquoi une croyance devient-elle
subjectivement suffisante ?
Dès le début, l’objectif et le subjectif, le réel et l’irréel, se
trouvent condamnés à l’affrontement. Déjà dans l’Iliade, récemment relue
pour situer certains passages des Cantos de Pound, toujours en cours de
relecture, le nom même des choses est différent dans le domaine des dieux et
dans celui des hommes. Don Quichotte est fou par les romans de chevalerie, mais
pour tout le reste, il fait preuve « d’une intelligence claire et
facile » qui lui inspire son éloge des armes ou ses conseils à Sancho pour
le bon gouvernement de son île. Dans chacun de ces deux mondes, les choses et
les êtres n’ont pas la même substance ni le même nom. Les géants et les ailes
de moulin sont simultanés, en même temps. Alonso Quijano « le Bon » et
don Quichotte, la même personne. Persuadée d’un perpétuel
« enchantement » qui trouble le cours naturel des choses réelles.
Mais dans l’ordre de la connaissance, il n’est pas plus fou que Descartes avec
son « malin génie » capable de troubler toute évidence sensible. Sauf que les allers-retours du « réel » à l’arbitraire de la fantaisie sont
généralement pleins de malheurs, de peines dures, « d’aventures »,
d’épreuves impitoyables à subir, inévitablement. La même « volonté
pure » qui fait choisir à don Quichotte le merveilleux a fait choisir l’idéalisme
à Emmanuel Kant. Qu’il prétend éloigné d’un « idéalisme visionnaire »
et sans déranger nullement « les objets ». Le seul bémol serait que le monde « objectif »,
des objets, le monde des « évidences sensibles », n’a jamais pu
enchaîner la folle du logis. (*)
(*) Expression de Sainte Thérèse de Jésus (El Libro de la vida), attribuée à Malebranche ou encore à Sainte Thérèse de Lisieux ...


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