Discussion (brève, après Oppenheimer). Il me semble impossible et néfaste de séparer la croyance de la connaissance. C'est l'erreur du scientisme actuel qui gouverne partout. Or, aucune connaissance n'échappe à la croyance, et si elle le prétend, elle est une croyance redoublée. Tout savoir peut être repris dans sa dimension de croyance et de conviction. La fidélité au vivant ne se laisse pas perdre par l'observation et les faits bruts ne peuvent être analysés que par la pensée et un sujet. Entre l’un et l’autre, Kierkegaard établissait un lien : « Penser est une chose, exister dans ce qu'on pense est autre chose. » Exister dans ce qu'on pense, dans ce qu'on fait, dans ce qu'on enseigne, dans l'amour, dans la haine … Croire et savoir. Partage indissoluble.
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Anniversaire de R. Notes-souvenir (suite) des
nuits d’hôpital d’à peine six mois. Chambre, bruits des couloirs, seuls dans un
espace réduit avec des appareils partout, avec des fils et des tuyaux partout.
J’observe les infirmières et « ma » malade. Tout le monde est très
gentil. On se croirait presque dans le monde d'avant. J'hésite à appeler, comme
l’infirmière n’a pas arrêté de me dire, parce que j’ai l’impression de déranger
en quelque sorte. Si j'appelle, si je leur explique le motif de mon
appréhension, ils vont revenir, faire plus d'examens. À trois reprises, on se retrouve avec une voisine de lit, dont on ne voit que les pieds à travers le
rideau de séparation et une partie des jambes. En revanche, j'entends beaucoup les
ronflements de l’une d’entre elles, et les voix d’une autre, collée à son portable. Elle communique en basque avec son mari et ses enfants qui
viennent de la quitter. Une voix étouffée, ronde, alourdie par la fatigue. Dans la pièce, des bips
différents, qu'on peut classer en deux catégories. De très jolis bips,
discrets, bref, sobres, qui ressemblent aux cris de ces animaux nocturnes qu'on
entend parfois la nuit, à la campagne, et qui ont tant de charme et d'élégance
dans leur simplicité essentielle. Et puis d’autres bips, beaucoup plus stridents
mais qui forment avec les premiers une jolie polyrythmie que je trouve
rassurante tant qu’ils ne s’arrêtent pas. J'aime cette surveillance accompagnée
de bruits, ils me portent, ils me guident au travers la nuit qui passe. Visites
des infirmières et nouvelles prises diverses que je ne comprends pas. Elles
m’expliquent. Pas photo avec les cons du cabinet dentaire d’Irun :
personnel pas gentil du tout mais maladroit. Ils doivent s'y reprendre à trois
fois pour l’anesthésie du maxillaire et ils le font toujours de travers ; R.,
très polie leur annonce que l’anesthésie ne marche pas puisque les piqûres qu'ils
lui ont faites n’ont pas pris. Mais ils s'en foutent. « Ça fait mal, Madame, il faut
supporter ». Simultanément : mauvaise praxis, négligence, nullité
professionnelle et connerie arrogante. Personnel jeune et sans expérience, sous
payé par les vampires qui les recrutent sans scrupule. Trop pour le prix que ça
coûte ! Je ne leur en veux même pas : changement illico de clinique
dentaire ! Vers huit heures du matin, visite de la cardiologue. Décontractée,
souriante, elle est loquace et veut se faire comprendre. Ça tombe bien, je vois
bien que les réponses à R. sont rassurantes et qu'il peut même s'engager un
semblant de dialogue entre nous, moi, complètement ignare, elle prête à me
laisser parler, ce qui est déjà énorme. Je garde dans ma tête le bref dialogue
– pour ce qui me concerne – avec le cardiologue d’Irun expliquant ce qu'est un remplacement
de valve aortique. J’avais toujours peur de lui demander quoi que ce fût vu qu’ils n'ont pas beaucoup d'humour, ces médecins. On les dérange quand on leur demande des
détails sur leur diagnostic. En tout cas, il n'a pas hésité une seconde, lui,
avant de dire à R. qu’elle avait intérêt à faire vite. Les quelques mois écoulés
depuis sa dernière intervention pour son cancer d’utérus et de son traitement,
qui fut une réussite, n’ont rien à voir avec la situation d’aujourd’hui. Faut
pas confondre. Il lui parle des examens qu’elle va devoir faire très vite et
qu’il est hors de question de laisser traîner. En juin, après le cauchemar, un
gentil cardiologue tout guilleret a donné à R. le meilleur traitement post-opératoire qui
soit : la marche ! La marche remet les organes à leur place,
c'est-à-dire qu'elle les soumet à la loi du corps, qui lui-même est soumis à la
loi du vivant, qui ne se laisse pas impunément segmenter. Bref, l’orage passé,
on ne lui en veut pas du tout, au cœur de R. C'est tout de même extraordinaire ce qu’elle a
réussi depuis avril 2023, tout de même, avec toutes les émotions que nous avons
traversées, elle et moi. Non, c'est un bon cœur, qu’elle a là, solide et fidèle.
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« Abriter en sa maison ce trésor que représentent un père ou une mère, ou le père et la mère de ces derniers, que l’âge réduit à l’impuissance, c’est avoir, que personne n’en doute, se dressant au cœur même de son foyer, une statue que nulle autre ne surpasse en puissance, à la condition en tout cas que son possesseur lui rende correctement le culte qui lui est dû. » Platon, Les Lois, IX
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Les imbéciles ont toujours des explications simples qui répondent
merveilleusement mal aux questions complexes. Ils aiment répondre à côté.
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Quel exemple de décentralisation ! (sic) Un ami et ancien collègue de l’Université prétend me fournir des renseignement sur l’eurorégion NAEN. Que j’avais connue, et où j’avais participé activement depuis sa mise en marche, en sa version AEN. À l’époque, la Navarre était plutôt froide, elle boudait les réunions craignant sans doute de tomber dans l’escarcelle nationaliste basque. Je rassure mon ancien collègue, très emballé par l’existence de cette nouvelle (?) collectivité territoriale. En janvier 2021 les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont fusionné pour être remplacés par la Collectivité Européenne d’Alsace. Tout aurait été beaucoup mieux, et naturel, pour eux si l’Alsace avait accédé à l’indépendance, exactement comme l’ont eu obtenue, un peu par hasard, les Luxembourgeois. Elle forme un ensemble culturel et linguistique suffisamment cohérent pour former un pays. Culturellement, elle est germanique, version Saint-Empire romain germanique, un assemblage hétéroclite de principautés et de duchés, mais sans entretenir de bons rapports avec l’Allemagne depuis que les Prussiens ont eu l’idée de vouloir la réunifier. Il faut d’ailleurs remarquer que les thuriféraires de l’UE ont toujours eu un double discours : promettre à la France que l’Union serait une grande entité bien centralisée, car les Français sont historiquement persuadés que plus le pouvoir est centralisé, et plus on est fort et promettre aux anciens du Saint-Empire que l’UE sera une Europe des régions, laissant un maximum de libertés aux différents régions économiques.
(2) Je vois passer les ans et l’année 1789 est toujours présentée au lycée comme un exemple de situation où des pauvres qui voulaient du pain avaient pris les armes et réussi à faire cracher les riches et obtenu par là des libertés pour le bonheur de tous et la prospérité d’un pays florissant. Je me rappelle le bicentenaire : les vitrines avec des cocardes, les posters de sans-culottes, les banquets mélangeant gastronomie et révolution, etc. Pas un mot sur la Terreur, plutôt fêtée et « progressiste », ni sur l'inéluctable (Saint-Roch, 5 octobre 1795), ni sur la nature du pouvoir, de l’autorité, de l’ordre, de la légitimité, pas un mot sur les inquiétudes déjà bien présentes et les mises en garde des esprits éclairés, jamais cités. Mais bien l’accent sur les milices populaires et les futurs massacreurs de septembre 1792. À propos d’autres événements historiques, il n’y a qu’à voir comment est présentée partout la Commune de Paris sous son plus beau visage. Le nombre d’établissements placés sous le vocable de Louise Michel, évoquée comme institutrice féministe. Or, ce qui la distinguait, c’est qu’au retour de Nouvelle Calédonie, elle a eu une carrière de prêcheuse sous chapiteau où elle lançait des appels au meurtre et au massacre un soir après l’autre. On présente toujours aux lycéens les différentes révolutions qui se sont succédé (russe, mexicaine, espagnole, cubaine …) comme autant d'exemples de situation où des pauvres qui voulaient du pain avaient pris les armes et réussi à faire cracher les riches et obtenu par là des libertés pour le bonheur de tous et la prospérité, tout en oubliant soigneusement les épisodes qui fâchent. C’est ça, l’endoctrinement, former des progressistes à la pelle depuis des générations. La fascination tordue pour les monstres criminels est un symptôme de maladie sociale. On n’adule pas Untel malgré ses crimes, mais en raison de ses crimes, surtout en les minimisant « dans leur contexte ».
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Auto-invitation par surprise. Quand j'entends qu'on envisage de me faire l'honneur de me rendre visite, genre « on passera te voir », je me mets à trembler. Ces mots me laissent perplexe au plus haut point. Après deux convalescences
sérieuses de R., sans visite ni appel, à l'exception d'un vague et paresseux « tu nous
tiendras au courant » mécaniquement répété (ça ne mange pas de pain !), une
telle disponibilité unilatérale et soudaine m'irrite au plus haut point. Je ne
vois pas ce que j'aurais à partager, à part le discret confort de mon chez moi, qu’on
imagine subitement ouvert à ceux qui ont pensé à moi pour me faire
généreusement chier, mais pas du tout pour un peu de compagnie dans les moments difficiles
récemment traversés. J'ai passé ma vie à réclamer, et à appliquer, soit dit en
passant, le plus strict principe de réciprocité : si je dérange, je dois
admettre qu'on me dérange ; si je suis casse-pied, je dois consentir à la lourdeur
d’autrui ; si je fais preuve de largesse (ça m'arrive !), j'espère me rendre
créancier des largesses de quelqu’un d’autre … Mais qu’on cherche à m'importuner impunément alors que j'ignore même l’existence du raseur, c'est quelque chose qui dépasse mes limites d'endurance et cela me
fait penser que certains humains sont des larves tenaces creusant leurs galeries
jusqu'à ce qu'ils atteignent leur objectif.
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11 septembre. « La guerre américaine contre le terrorisme a tué près de 5 millions de personnes et en a déplacé près de 40 millions. Personne n’en a rien à foutre, personne n’est tenu pour responsable, tous les principaux criminels sont devenus extrêmement riches et sont toujours au pouvoir pontifiant sur la démocratie et les droits de l’homme et profitant des nouvelles guerres chaudes et froides contre la Russie et la Chine. » (Mark Ames, in X – ex-Twitter)
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