Actualité. Celui qui a eu recours à toutes les violences et à toutes les ruses pour conquérir puis garder le pouvoir ne supporte pas l’idée de voir qu’on puisse agir contre lui par des moyens semblables. Lui, qui ose se prétendre légal, seul légitime et seul autorisé à la manipulation éhontée du troupeau électoral. Face à un tel hypocrite, les belles âmes qui s’interdisent, par candeur ou par élégance, la rage et la force ont déjà perdu. En de telles circonstances, il faudrait avoir au plus haut degré le mépris du confort de la propre vie pour combattre sans faillir celui qui atteste le plus haut degré de mépris de la vie de ses concitoyens.
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La seule vérité est peut-être la paix des
livres (Saint-Exupéry). Je n'ai jamais été aussi heureux que
lorsque j'étais dans ma bibliothèque. Cette pièce, que j'ai aménagée dans
toutes les maisons que j'ai habitées, dans laquelle se trouvaient mes affaires
de prof, mes dossiers et mes livres. J’y travaillais tard dans la nuit, quand
M. dormait et R. était partie faire son tour de nuit à l’hôpital de
Saint-Sébastien. Travailler, c'était ça : veiller, combattre le sommeil. L’amour
des livres, ça remonte à l’enfance. À la maison, il y en avait pratiquement pas
sauf une demi-douzaine que mon père lisait à voix haute pour tous, au coin du
feu, dans la modeste maisonnée de El Vivero. Vivre parmi des livres, ç'a
été le grand fantasme de ma vie. Depuis toujours. À Bordeaux, Gijón,
Fontarabie, Irun, puis à Bordeaux encore. Des tas de livres dans des pièces dont
j'ai encore les odeurs en tête. Des pièces qui symbolisaient le silence et le bonheur.
Des volumes de toute sorte attendant que mes mains viennent les prendre, les
ouvrir. Quand M. travaillait dans la pièce à côté on allumait l’ampli et on passait
des heures au milieu de cette forêt de pages, de notes et de sons. On pouvait y
aller n'importe quand, dans l'après-midi ou en pleine nuit, ou bien le matin.
J'ai encore une très belle bibliothèque mais je n'y mets pratiquement plus les
pieds la nuit ou si peu. Je lis au lit, ou en bas dans la cuisine, ou au salon.
Les livres dorment sagement. Je prends des notes avec une tablette ou avec un
ordinateur. Solitude, toujours. Excepté quelques conversations au téléphone
avec Christian F., pas de public avec qui discuter de lecture(s). Pas de
collègues, pas d’élèves non plus. Il n'y a plus que les mots, je n'ai plus que
les mots et les pages à ma disposition, alors que j'avais des cours, des
tâches, des tonnes de projets. Je me rends compte que dans la bibliothèque, il
y avait, il y a encore, des livres non lus. Philo, Histoire. Linguistique et
poésie. Théorie littéraire, énormément. Et la solitude, bien sûr, sans laquelle
rien de tout cela n'aurait été possible. Et tout sombrera dans l’oubli mais la
mémoire résiste comme elle peut … C'est ça, la vie, cette constante
superposition à plusieurs vitesses d'oubli et de mémoire. D'un côté, on est au
milieu de murs de livres, seul, enfermé, et d'un autre côté, on a une vie à vivre,
des gens qu'on a connus, rencontrés, aimés, détestés. C'est le double substrat
fondamental. Pour traverser la vie en s'arrêtant sur ses rêves. L'histoire
n'est faite que de ruines et de souvenirs. Il faudra, à A., tout recommencer
encore une fois. Tout recommencer à zéro, ou presque. Avec ses projets, ses
espérances, sa vie encore à esquisser dans son propre tourbillon de rêves ...
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