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dimanche 4 juin 2023

Qu’ils soient comme la limace qui s’en va en bave ! (Psaumes 58,9)

 

Sa Majesté Pierre Sans Chaise I voudrait s’éterniser ! Après le vote en mai, nous continuerons à voter en pleine canicule de juillet, parce que nous resterons une grande démocratie sociale, avancée et que sais-je encore, quoique très en péril de se voir dévorée par le monstre fasciste aux aguets ! Mais nous voterons pour des individus ayant tous à peu près la même nocivité dans leur projet. D’ailleurs pourquoi parler au futur ? J’ai voté pendant presque 50 ans, été plus que proche de la gauche presque un demi siècle, manifesté des tas de fois. Pour rien, absolument rien. Alors certains me sortiront qu’il ne faut jamais désespérer en politique, que c’est le « combat » (sans rire !) qui est important, etc. Je veux bien, sauf que j’en arrive à penser que toute participation autorisée à la vie politique du pays ne fait que renforcer le système en remettant juste une pièce dans le jukebox pour entendre les mêmes airs et voir gesticuler les mêmes danseurs en même temps qu’ils s’en mettent plein les poches et se gavent de privilèges et d’argent public. Je ne vois pas les populations modernes tellement attachées à une forme quelconque de « vraie » (?) démocratie puisqu’elles obéissent partout aux ordres des mêmes journalistes pourris qu’elles prétendent mépriser. Au reste, les positions et grâces accordées par le sinistre individu à la tête du gouvernement depuis 2018 ont plus de poids que l’argumentaire le plus puissant qu’on puisse développer contre son inquiétante personnalité. Délivré d’avoir à choisir, après bilan critique des résultats d’une politique et non des intentions déclarées par ceux qui l’appliquent, le peuple souverain en sera encore plus reconnaissant au bon président censé le défendre contre le fascisme et les ténèbres conservatrices. Surtout en échange d’un bon d’essence, d’un ticket de cinéma à deux euros mardi après-midi ou d’un chimérique appartement, dans une course folle aux promesses fumeuses et des candidatures clownesques. « Un homme, un vote », ça ne veut rien dire de nos jours. Et moins encore dans la bouche de la prétentieuse merde qui nous tient en laisse contre un susucre parce qu'on est de bons toutous. Il nous donne à choisir entre Biden et Trump, et ça se veut de gauche ! Les dirigeants occidentaux tirent la plus grande partie de leur pouvoir de la sacralisation absolue de ce qu’ils appellent « la démocratie ». Ce qui permet, même à ceux qui ne veulent pas tout gober en bloc, de se réfugier derrière des formes de démocratie, aussi imparfaite soit-elle, quand on leur agite au nez l’épouvantail du fascisme. Sans repère les gens perdent pied, il faut leur laisser quelque chose à étudier à l’école et à quoi faire semblant de croire plus tard dans leurs vies. Pour égayer le tableau, l’Espagne vit une catastrophe démographique, identitaire et civilisationnelle irréversible. Tout le reste de nos problèmes en découle. Comme je suis de ceux qui ne discernent aucune parcelle de sacré dans la démocratie progressiste et encore moins parmi les détenteurs actuels du pouvoir, j’ai probablement une mauvaise vue. Et de drôles de difficultés pour voter…

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ETArekin eta haren oinordekoekin bueltaka. « Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent et je ne vois pas d’autre moyen que la mort. On peut toujours sortir de prison. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué. »
Jean-Paul Sartre, entretien avec Michel Antoine Burnier, Actuel, n° 28, février 1973

 L'ETA a cessé de tuer le jour où elle a compris qu'elle gagnait davantage à ne plus le faire, puisque les représentants de l'État de droit acceptaient ses conditions. Les raisons de la reddition des représentants politiques de la Nation espagnole ne sont pas homogènes. Pour certains c’était un préalable à la création d'un front de gauche capable de récupérer le pouvoir et de s’y maintenir, pour d'autres c'était simplement par manque de principes éthiques ou par pure et simple complicité avec l’organisation armée. En définitive, peu importe, l'État a capitulé devant le nationalisme basque et a renoncé à ses obligations de garant des droits et libertés de la Nation et, tout particulièrement, à son obligation de rendre justice aux victimes des agissements du versant directement criminel de ce nationalisme. Après la reddition, faire leurre de la mémoire, réécrire l'histoire. S’immuniser contre la réalité tangible en affirmant que l’ETA omniprésente a été vaincue et que « la guerre » (drôle de guerre où il n’y avait qu’un camp !) a été gagnée. Mais, curieusement, il n’y a jamais eu de paix ! Normalement, la paix, en tant qu’accord qui met fin aux hostilités, représente la fin de la guerre et celui qui gagne la guerre gagne aussi la paix. Or, qui a gagné cette « paix » ? La classe politique de la transition a fait de son mieux pour séparer l'organisation armée de l’élite basque dirigeante alors que, en réalité, la violence résultait d’une large stratégie chorale où les auteurs des meurtres, des enlèvements, du racket, des violences de rue, étaient encouragés ou censurés en fonction des exigences du contexte politique concret de chaque étape. Les activistes et les groupes qui les ont aidés ont arrêté la partie la plus scandaleuse de leur panoplie d’activités, a commencer par l’assassinat pur et simple de l’adversaire, à partir du moment où ils ont eu directement accès au financement public et privé pour l'ensemble du mouvement grâce à leur blanchissement institutionnel et au soutien indéfectible d’une partie considérable de la société civile basque, à commencer par l'Église. On a pollué l’opinion publique – surtout internationale – en refourguant la camelote pourrie qui essaie de faire passer comme générosité envers le « vaincu », qui s’est arrêté de tuer, ce qui n'est rien d'autre que l'accomplissement ponctuel de ses conditions politiques préalables, imposées au soi-disant vainqueur sans ambages et sans détours. On comprend, donc, mieux l'abandon des enquêtes sur les centaines de crimes non résolus pour faciliter ou accélérer leur prescription, la libération de condamnés à des lourdes peines, les rapprochements difficiles des victimes à bourreaux et complices, la permissivité envers les actes d’hommage et d'acclamation aux terroristes devenus des « héros nationaux », qui retournent à l'activité politique sans entraves malgré les condamnations de la Cour suprême et le feu vert d’une Cour constitutionnelle qu'il est difficile de ne pas taxer de prévarication. Le tournant favorable aux criminels de la politique se dessine durablement au moment où, selon les mots d'un vice-président du gouvernement national, la mouvance terroriste constitue un bloc qui sera appelé un jour à prendre en charge la direction de l'État (!). Le résultat de la reddition de ce même État est, comme prévu, une violence politique qui n’a pas cessé d'exister dans la région, bien que de moindre intensité, devenant un modèle de violence institutionnalisée pour certaines administrations régionales. La Catalogne, par exemple. L'ETA est restée seul garante de la paix, avec la certitude qu'elle reviendrait au meurtre si l'État ne respecte pas un jour ses conditions. L'aile radicale du nationalisme basque qu’elle tutelle se prépare, avec le soutien prévisible du parti socialiste, qui a déjà fait souvent appel à elle dans son action de gouvernement depuis 2018, à s'emparer du pouvoir dans la Communauté Autonome, déplaçant le nationalisme historique. La classe politique espagnole a été piégée par cette rengaine de victoire sur l’ETA et, à quelques exceptions près, tente de tourner la page et de retirer l'affaire de l'agenda politique immédiate. Qu’en est-il des victimes ? Les victimes ont été abandonnées et réduites au silence car elles incarnent la mémoire vivante, récente, des événements, les données factuelles qui neutralisent les radotages de la « mémoire démocratique » imposée par l’opportunisme politique et par l’indécence. Mais que fait-on de ces données qui dérangent quand elles ne collent pas avec un « narratif du réel » unique qu’on voudrait bien imposer partout ? On ne se donne même pas la peine de les effacer, on les ignore. Tout simplement.

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