« Ce que je vous dis dans l’ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l’oreille, proclamez-le sur les terrasses. » Matthieu 10, 27
« Parce que tout ce que vous avez dit dans l’ombre sera entendu au grand jour ; et ce que vous avez dit à l’oreille dans la cave sera proclamé sur les terrasses. » Luc 12, 3
Pour justifier cette pratique du commentaire énergique, bien qu’impuissant, face aux scandales à répétition du pouvoir, on n’a que l’autorité des sources antiques, toujours bienvenue : c’est par l’étripage et la furie qu’il convient de reprendre le pécheur ou l’égaré. Et, comme le conseillait Barbey d’Aurevilly, il ne faut pas lire ses analogues, il faut lire ses différents … Même, et surtout, quand cela ne sert à rien. On s’offre les revanches qu’on peut.
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Question a mille balles de deux bonnes amies sudistes (gipuzkoakoak) : pourquoi ce battage médiatique autour d’Éric Zemmour ? Par fatigue et par nausée. Comme il n’est plus possible de parler de l’immigration, de l’assimilation ou de son échec (patent en France, envisageable parmi nous d’ci très peu de temps), du communautarisme, de l’importance d’une société d’ordre et de justice, de l’importance de la culture et de sa transmission, des impôts ravageurs et des taxes surréalistes sans déclencher des réflexes pavloviens des jacassants qui n’ont que le mot fasciste à la bouche, le premier qui le fait ouvertement et sans s’en défendre ni faire mine de s’excuser récupère immédiatement l’attention de tous ceux qui subissent justement les débordements quotidiens des politiques menées jusqu’à présent.
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Emmanuel Todd explique dans un texte qu’environ 15 % des gens savaient raisonnablement lire et écrire au début du XVIIIème siècle, et qu’au moment de la révolution, ce taux était passé à un peu plus de 50%. On a pu le déterminer grâce à des analyses graphologiques en étudiant des milliers de registres paroissiaux, car il paraît qu’on fait aisément la différence entre quelqu’un qui recopie machinalement quelques signes dont il ne comprend pas le sens, et quelqu’un qui a quelques rudiments mais serait incapable de lire, et quelqu’un qui lit à peu près couramment. C’est cette dernière catégorie qui est passée de 15% à plus de 50% entre 1700 et 1789. Malheureusement, Emmanuel Todd n’est pas allé jusqu’au bout de la logique. Qui a pu apprendre aux gens à lire et à écrire avant la révolution ? Les loges maçonniques, les philosophes des lumières qui ont par générosité décidé de financer l’instruction de la canaille pour la sortir de l’ignorance, comme ils le professaient à outrance ? Il semblerait que ce soit l’œuvre des méchants ecclésiastiques frères lassalliens, ces obscurantistes ennemis de la raison, ces « ignorantins » (Voltaire). Ce sont eux qui effectuaient des travaux pratiques et organisaient, en langue maternelle et non en latin, des écoles dans les paroisses rurales ou urbaines, et non ceux qui se gargarisaient de belles paroles sur l’instruction du peuple, tout en conchiant l’Église tant qu’ils le pouvaient, jusqu’au moment où ils ont commencé à les massacrer systématiquement. Les méthodes de ces frères sont celles qui ont permis de passer de 15% d’alphabétisation à 50 en moins d’un siècle. Et d’arriver à dépasser 70% quand Jules Ferry a décrété l’instruction publique laïque et obligatoire avec les fameux, à juste titre, hussards noirs de la république perfectionnant les méthodes des disciples de Jean-Baptiste de la Salle. Une réalité fruit de la convergence de stratégies plutôt que d’une guerre civile permanente. En écrivant ces mots, j’ai une pensée très forte pour le frère José Rivera, centre de gravité de l’école gratuite rattachée en 62 au collège de Palencia, dont le savoir et la gentillesse, dosés avec la précision juste, ont essayé de tailler dans le bois courbe de ma tête de dix ans quelque chose de bien droit, sans y réussir tout à fait à cause de l’extrême nodosité de la racine.
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Après une conversation en terrasse à propos des « religions du Livre ». La Bible, dont l’ancien testament des Juifs, correspondant plus ou moins à la Torah, est un corpus de textes inspirés, mais qui ont été écrits ou retranscrits par beaucoup d’hommes qui étaient censés les avoir composés « sous l’inspiration divine ». Ces textes sont écrits pour être discutés, interprétés, traduits, aussi bien chez les Juifs, le Talmud, que chez les chrétiens, les pères et les docteurs de l’Église entre autres. Tout chrétien et tout juif a le devoir de les lire et de les commenter. Les catholiques ont longtemps réservé ce droit aux clercs, en voyant d’un mauvais œil les laïcs le faire, ce qui a été une des raisons qui ont poussé à la Réforme, mais le principe est le même. Le Coran n’a rien à voir avec ça, il est pour les musulmans un livre dicté par Allah directement au Prophète, dont le contenu est incréé, ce qui signifie qu’il existe de toute éternité et que, si la traduction est acceptée du bout des lèvres par certains, mais pas par tous, il ne suppose ni interprétation ni, encore moins, discussion. Parler de religions « du livre » n’a aucun sens. Ce terme ne correspond à rien. Le Coran appelle « gens du Livre » les Juifs et les Chrétiens. La notion de religion « du livre » cherche à implanter dans l’esprit des gens que les trois religions monothéistes partagent un même livre. La seule religion « du livre » qui existe est l’islam et son livre est le Coran. La Bible et la Torah, des ensembles de textes d’origine et d’auteurs différents, ne relèvent pas d’un unique livre et ne relèvent pas de l’islam. Le christianisme dans ses diverses branches est une religion de la Parole.
Des papes fulgurants, on en a eu deux ces dernières années : Jean-Paul II, l’homme d’action, et Benoît XVI, l’intellectuel peu enclin à faire des courbettes. C’est beaucoup, énorme même quand on considère la relative médiocrité intellectuelle de beaucoup d’évêques. Ils pensent encore qu’il faut être bien vu de la haute bourgeoisie, et comme celle-ci est devenue bobo, ils essaient de suivre. Ce type de comportement les met systématiquement en position de dépendance malgré une apparence de liberté. Et ils ne comprennent pas que leur rôle n’est pas de dédiaboliser l’Église se situant dans le même schéma mental que les droites fuyant comme la peste toute hypothétique confusion avec cette fiction risible qu’on appelle par paresse mentale l’extrême droite. Une stratégie non seulement vouée à l’échec, mais surtout en contradiction totale avec la trajectoire historique de l’institution. Le pape François, justement, confirme la règle, parce qu’il ne parle pas comme un chrétien, mais comme un perroquet de la doxa bien-pensante. Surtout, quand il attribue à l’Espagne, en vrac et sans emballage, toutes les turpitudes que vous savez. Retour urgent à Léon Bloy qui, comme Rudi Dutschke avec Lénine, avait essayé de remettre l'église sur pied ...
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Comme le notait Thomas d’Aquin, l’aplomb des abrutis est probablement ce qui les caractérise le plus et, comme l’ajoutait Audiard, c’est même à ça qu’on les reconnaît.
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Palencia. Visite de l’exposition Las Edades del Hombre. Je revois de loin dans la rue un véritable porc vieillissant, un enfoiré de taille, vaguement fréquenté dans mes années de lycée : même tête d’abruti, bedaine, double menton, etc. Il s’était fait médecin pour tripoter des femmes. C’est tout dire, mais c’est les termes issus de sa propre auto-confession à l’époque. Il s'est fait sans doute vacciner récemment, d'où la prestance de sa démarche, sans savoir qu'il y a des années qu'il s'était déjà fait squatter par la mort et qu'il n'a fait que traîner au soleil sa propre pourriture ambulante.
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Électricité à des prix stratosphériques. Gaz introuvable au moment où nos fournisseurs algériens ne pensent qu’à étriper ses paisibles frères marocains. Et réciproquement. Diplomatiquement réduits à la condition de paillasson. La capacité de réponse, vu le niveau des ministres de ce gouvernement de guignols, les casseroles que traînent certaines ministresses – dans leur cas, une carrière politique, c’est déjà une casserole – les conneries qu’ils profèrent et les images qu’ils donnent d’eux-mêmes, nous incitent à penser qu'on n’est pas à l’abri d’une surprise : que P. Sánchez soit obligé d’anticiper les élections. Si c’était le cas, je vous laisse imaginer les réactions de la classe politico-médiatique au soir de la proclamation des résultats. Probablement, on se tapera encore des années « sans chaise ». Avec la manne européenne, si elle arrive, pire encore : risque de rebelote. L’oligarchie européenne et européiste ne permettra jamais une loi électorale différente, juste, équitable. Et pour faire peur aux citoyens face aux candidats de la coalition Frankenstein qu’on va se taper pour deux ans encore, il y aura toujours l’épouvantail de l'extrême droite. Ça a été étudié pour.
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