J'aime

jeudi 11 novembre 2021

Quand novembre de brume inonde le ciel bleu...

 

On rentre tard de l’Utopia, cinéma de Bordeaux du même réseau, occupant l’ancienne église de Saint-Simeon le Stylite. On y a vu Illusions perdues, de Xavier Giannoli avec la collaboration d’un certain Balzac. On a laissé partir de l’affiche un autre film balzacien, de Marc Fugain cette fois-ci, Eugénie Grandet, encore disponible à Gradignan mais on a trop la flemme pour y aller. Le soir à la télévision, il y avait le sermon du Père Macron, qu’on a raté de peu. Pas grave : les chaînes glosent son laïus en vers et en prose des heures et des heures. L’essentiel, on le savait déjà : les vieux comme nous devront avoir une troisième dose, de rappel, pour conserver leur pass sanitaire. On s’y attendait un peu. Ce ne sera pas possible pour la nôtre de dose, six mois ne sont pas écoulés depuis la deuxième d’AstraZeneca reçue le 24 juillet. La faute au grand nombre de semaines entre les deux doses de ce vaccin. Elle a bon dos, la nouvelle réalité. Je me marre de quelques photos après le sommet mondial de la COP26 de Glasgow contre les guerres conséquence du colonialisme, le pillage occidental, le réchauffement climatique, le CO2 responsable de tous les maux, les vaches qui pètent et la montée des eaux au Sahel : ils roupillent tous comme des bébés, les dirigeants du monde, quand c’est les autres qui blablatent ou débitent du prédigéré pour les abrutis de la planète. Et leur va-et-vient en avion hyper-polluant ou en limousine de luxe… ! Ils se branlent la nouille sur le contribuable et la Greta Tunber-Machin au lieu des messages débiles habituels, assume son rôle de lanceur d’œuf (ou c’était d’alerte ?) officiel et les traite tous de pourris !

***

Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard…Voilà ce qu’écrivait Aragon dans un poème dont le titre et les vers témoignent d’un profond optimisme pour Elsa Triolet : Il n’y a pas d’amour heureux. Repris par Brassens, bien qu’amputé de sa dernière strophe, j’avoue avoir apprécié ces textes comme beaucoup d’autres chantés par Jean Ferrat ou Léo Ferré. Je plaide l’excuse de jeunesse, étape prématurée pour tirer des enseignements définitifs sur le sens de la vie, si tant est qu’elle en ait un. Aujourd’hui je m’inscris en faux contre cette assertion. Je suis persuadé qu’à l’école de la vie, les élèves sont souvent distraits, répugnent à assimiler leurs leçons et se complaisent dans l’inconfort de leurs convictions originelles. En gros, qu’ils n’apprennent pas grand-chose si ce n’est à accumuler les regrets stériles d’un âge d’or aussi révolu que fantasmé. Ce n’est pas mon cas : je ne regrette rien. Les quelques épreuves, somme toute bénignes, que j’ai pu traverser je ne les considère que comme des étapes utiles voire indispensables vers cette sérénité sarcastique qui m’est propre aujourd’hui. Adolescent, je griffonnais sur des bouts de papier des poèmes et de téméraires pensées que j’ai depuis détruites. J’ai l’impression, après un long cheminement, d’être parvenu à mener avec tranquillité une vie qui convient à ce que je suis, avec des moments de bonheur, des projets, des indignations, des aigreurs, des ambitions, des frustrations, des passions… qui emplissent toute existence. C’est lorsqu’on atteint l’âge mûr sans acquérir une claire conscience de ce que l’on est, sans vivre en fonction de cette compréhension, qu’on pourrait croire qu’on a échoué. Je fais tous me petits gestes de la vie quotidienne, mes lectures variées et libres, mes voyages avec la femme de ma vie, sans hâte et avec la conviction que ce qui n’est pas fait aujourd’hui peut très bien ne pas se faire demain et que c’est sans importance. Solitaire, j’évite trop de contacts. Ce n’est pas moi qu’on verra, dans l’espoir jamais garanti de prolonger un peu son existence, réduire ou supprimer mes consommations d’alcool, de viande rouge, de sucre ou de sel. Bref, je vis. Et merde pour la Thunberg à la gueule au vinaigre !

***

L’intimidation intellectuelle (et physique) règne partout. Elle a remplacé l’argumentation. Les réflexes. La réflexion. On n’échange pas des idées : on s’envoie des insultes. On ne conteste pas des raisonnements : on attaque des personnes. On ne discute pas : on s'indigne d’une manière tonitruante et pleine de truculence. Le débat médiatique, voire intellectuel, se réduit à coller des étiquettes infamantes sur des idées, des arguments, et même sur des faits. Et on appelle ça le Progrès. La Tolérance. La Liberté. C’était l’indigeste sirop démocratique des infâmes Folamour podémites. Et on appelle fascistes ceux qui dénoncent cet état de choses. Ce que désigne le mot « fasciste » n’a pas grand-chose à voir avec ce que fut en effet le fascisme historique, voire rien. Les groupuscules extrémistes, souvent proches du pouvoir, dont les agissements présentent le plus d’affinités avec ce que furent les méthodes fascistes sont câlinés par certains medias. Ainsi donc, dans ce monde à l’envers, le langage est le premier piège à éviter.

***

Quand on est con à 20 ans, on le demeure forcément à 70 ? Quand je me souviens de ma jeunesse, qu’est-ce que j’ai pu être con et nul en politique, sans parler de l’économie, ignorée car ignoble parce que d’autres assuraient notre quotidien sans se soucier du bonheur du genre humain. Et quelle obsession pour transformer une réalité que j’étais loin de commencer à comprendre ! La coïncidence avec aujourd’hui est que je lisais beaucoup dans le but de développer la raison avec lucidité. Qui n’est qu’une faculté individuelle, d’ailleurs inutile, quand elle ne commande pas l’action, et n’est en rien une caractéristique sociale. Au reste, voir le monde tel qu’il est, c’est à la portée du premier ignorant venu s’il est observateur. Les Grecs, le peuple le moins ignorant qu’on puisse imaginer, racontaient des histoires, comme tous les peuples, mais leurs mythes à eux sont toujours aussi éclairants ; contrairement aux autres peuples, les meilleurs d’entre eux voulaient aussi comprendre les mécanismes cachés du monde, et donc dissiper les ténèbres de l’ignorance avec le prométhéen flambeau de la raison – qui n’a rien à voir avec le scientisme. « Tout est nombre » ne signifie pas « tout n’est que nombre », de même que « tout est possible » ne signifie pas « tout est permis ». Une illustration médiévale représente un astronome dont la tête passe au travers de la voûte céleste. Le savant ne se borne pas à constater et à noter le mouvement des errants dans le ciel. Il rend compte des apparences en déduisant les lois de ce mouvement, lois de plus en plus proches de la réalité. Et là, je pense à l’érudit et passionnant récit que fait Arthur Koestler de cette aventure dans Les somnambules. L’Occident n’a certes pas le monopole de l’intelligence, mais il a longtemps eu celui de son emploi : l’aptitude à, d’abord observer le réel, ensuite, à relier de manière pertinente les phénomènes, avant d’en déduire les lois soumises à l’expérience du réel. Autre essentielle vertu occidentale dont l’abandon rend compte de tous les effondrements : le sens des hiérarchies. Et amusant, l’obscurantisme des croyances woke contemporaines dont le but essentiel est d’éteindre toutes les lumières de l’esprit et d’étendre sur le monde une nuit éternelle.

***


Markosen oroitzapen bizia. Bi urte bete dira Markos Balentziaga laguna hil zala. Bere euskalduntasuna erakutsi gabe baina euskaras bizi eta arnasa hartzen zuen bakarretako bat. Pello Santesteban bezala. Nire oroimenean gordetzen ditudan beste hainbat lagun on bezala. Goian bego eta haren hilobiaren aurretik pasatuko diren guztiak esan dezatela antzinako hilarrietan bezala : « Sit tibi terra levis ! ». 






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire