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vendredi 23 avril 2021

Il en faut peu pour être heureux...



Casa Grande fin 19ème siècle 

Le domaine connu comme El Vivero (La Pépinière) s’étendait à un demi-km du village de Villamuriel de Cerrato*, entre le Canal de Castilla – voie artificielle de navigation – et le fleuve Carrión. Partant du reboisement de peupliers appelé El Plantío, il intégrait un vaste triangle dont la base longeait le chemin descendant du Canal jusqu’au site dénommé Los Carriones. À la fin du 19ème siècle, quand la vallée du Duero avait été atteinte par la redoutablement dévastatrice plaie phylloxérique, un notable local, M. Narciso Rodríguez Lagunilla, avait aménagé une pépinière pour produire des plants de vignes américains en vue d’effectuer des repiquages sur son propre vignoble ainsi que sur ceux d’autres producteurs qui lui en feraient la demande. D’où le nom porté toujours par l’actuelle zone agricole. À la disparition de cet illustre personnage en 1908, le travail à la direction du domaine fut poursuivi par son beau-fils M. Vicente Almodovar Gil, époux de Mme Carmen Rodríguez Pascual. El Vivero était le lieu d’agrément préféré des Almodóvar-Rodriguez. Si les tours du propriétaire passaient par les vignes ou la cave pressoir du Canal, la famille au complet descendait en calèche à El Vivero pour s’y détendre de nombreux après-midi, notamment en été et à l’automne. Ils vivaient d’ordinaire au village dans leur vaste maison familiale rue du Moral. À part la pépinière, à l’intérieur de cet espace au vignoble le plus étendu et d’une meilleure qualité, il y avait deux maisons, aujourd’hui disparues. Au départ du chemin de passage pour le bétail vers les pâturages de Los Carriones, une grille flanquée de deux colonnes en brique – toujours mystérieusement debout, seules au milieu des champs encore aujourd’hui – ouvrait l’accès à la maison principale (Casa Grande) par un chemin garni tout au long d’arbres fruitiers variés : des poiriers, des cerisiers, des pommiers, des figuiers, des noyers, des amandiers…

Pour l’arrosage des fruits et légumes du jardin, on avait installé une noria qui, actionnée par un âne ou un mulet, faisait monter l’eau du Carrión à hauteur de la maison à travers une galerie souterraine en brique. Cette Casa Grande avait un plan rectangulaire. Au sous-sol, une étable à bétail et une dépendance pour entreposer des outils agricoles. À l’extérieur, on devait monter à peine quelques marches au niveau rez-de-chaussée pour atteindre la maison, composée de 3 pièces : trois chambres, cuisine chauffée par le sol et garde-manger ou réserve. L’autre maison (La Casa Pequeña), légèrement décalée à droite après la grille du portail, a dû servir de logement au gardien à une certaine époque. Quand j’étais petit, elle se destinait à ranger des outils de travail du sol. La Casa Grande, du temps où mes parents l’ont occupée, avait déjà perdu sa jolie tour adossée et elle était privée d’installations d'eau courante et d'électricité si tant est qu’elle en ait jamais eues. Après notre départ en mars 1962, mes souvenirs restent toujours liés à l’extrême dévouement de mes parents, à leur dur labeur, à une enfance extrêmement heureuse entre les jupons de ma mamie maternelle et surtout de ma propre maman, le rire aux lèvres en permanence, gardant toujours bravement ses soucis pour elle… Il y a quarante ans, en 1981, une rapide visite des lieux m’avait collé un cafard durable après la rencontre fortuite sur place du père Serapio, régisseur du domaine depuis je ne sais pas combien de temps à qui on donnait du « monsieur » ; il était devenu au fil des ans plu gros, courtaud et secret qu’à l’époque où je fis sa connaissance. Excepté les très éloignés liens affectifs liés à la mémoire de mes chers parents, je manque d’autres repères pour bien me replacer mentalement dans ces parages de mes premiers souvenirs. En revanche, j’en garde toujours un vraiment ému d’un passage à Herrin de Campos, d’où ma mère était originaire, petit village attachant et chaleureux que j’aimerais bien revoir après confinements, vaccins et toutes les formalités imaginables et à présent indispensables aux bons citoyens soumis…

Casa Grande 1981














* Villamuriel < Villa Moriel < Villa Maurellus, avec d'autres anthroponymes genre Maurello, Moriel, Morillo, Murillo, Maurillio, etc. D'où la signification du toponyme : « la villa de Maurilio »Évolution : Villamuriel < villa Maureli, s. XII / Villamoriel, s. XIV – s. XVI / villamuriel, s. XVI / Villa Muriel, s. XVIII / Villamuriel de Cerrato, s. XIX.  Sources : Manuel Vallejo del Busto et le blog Amigos del Patrimonio de Villamuriel).   

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Quoi de plus apaisant que ce soleil qui brille chaque matin et qui vers midi, l’heure où il touche la table décorée de plantes cactées minuscules, est visité par des nuages de plus en plus nombreux, ce qui ruine mon espoir de continuer ma lecture au jardin. Désagréable froid persistant d'avril, vraiment froid, presque comme un mois d’hiver supplémentaire.

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« Les spécialistes en matière de coercition ne s’y trompent pas, multipliant avec un zèle subit les organismes nationaux ou internationaux consacrés à la condition féminine, sans pour autant que la législation change réellement. Ils ne sauraient d’ailleurs beaucoup se fourvoyer depuis qu’Aragon, chantre de la répression depuis près d’un demi-siècle, a annoncé que la femme est « l’avenir de l’homme ». J’ai les plus grands doutes sur cet avenir quand il peut lui arriver de prendre les traits d’Elsa Triolet. »

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« Pendant que le vieux monde s'essouffle à se rénover, les femmes acquièrent lentement une indépendance, mais une indépendance de consommateurs. Le néo-féminisme sert à les presser d'accéder à ce bonheur, venant les conforter dans une identité de pacotille qui ne vaut qu'à la lumière des échanges marchands et des rapports de force qui les engendrent. »  Annie Le Brun, Lâchez tout

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« Entre la droite et la gauche, il y a la différence qu'il y a entre ce qu'on dit de moi et ce que je dis de moi. L'homme de droite, en général, est dit de droite.  On le parle. On l'accuse. On le définit. Être de droite, c'est être dans une attitude passive, une situation de défini. Masochisme. L'homme de gauche, en revanche, se dit de gauche. C'est de lui-même que vient sa propre définition. Quand il le dit, il manifeste en même temps une immense satisfaction de son être. Il faut entendre ce qu'il dit de lui-même comme un soupir de satisfaction. » Philippe Muray, Ultima necat II

Voilà voilà... Être « de gauche », c’est toujours être dans le camp du Bien… Même Mr Abascal préférerait se faire couper en morceaux que de se dire d’extrême droite ! Adhérer à la pensée correcte vous permet de vous considérer vous-même comme intellectuellement et moralement supérieur aux ignares coincés et complexés qui ne la partagent pas. Vrais moutons et faux rebelles oublient un détail essentiel : les dits coincé-complexés ont, eux aussi été soumis à l’endoctrinement idéologique ambiant et l’ont intériorisé, ils l’ont fait leur. Ne serait-il pas possible d’envisager que réflexions, lectures et expériences les en aient éloignés ? Que la fidélité à des idées de tout le monde est peut-être moins un titre de gloire qu’un symptôme de paresse ou de sclérose intellectuelle ?

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La morale du troupeau est essentiellement mensonge, ruse, déni du réel et bien sûr, volonté de puissance elle aussi. Puissance sans chefs ? Une société sans chefs ne peut exister ou alors à l’état végétatif comme les rares exemples de peuplades sans ordre et subordination décrites par les ethnologues. Que les responsables devraient rendre des comptes c’est un fait, mais l’exercice du pouvoir devrait aussi être un réel honneur et non une corvée, ou plus exactement une honorable corvée. La responsabilité des gestionnaires ! Il est insupportable que des individus dont l’incompétence nuisible est démontrée puissent encore donner des ordres et des leçons, pour ensuite s’en tirer sans représailles. Cela finit par se payer trop cher… Normalement, l'histoire présente l’addition.

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Étourdis par les gadgets en tout genre de la société de consommation, épouvantés par les destructions des guerres mondiales, les peuples riches ont donné une entière liberté de manœuvre aux hommes politiques pour jouir sans entraves. Il manque à tous ces sages improvisés beaucoup de compétences, un brin de modestie et des doses raisonnables d'altruisme pour céder un peu de leur temps précieusement rétribué au service des autres. La politique dans ce qu’elle est devenue est à vomir, mais la politique en tant qu’organisation de la cité devrait être une chose sacrée. Je crois que c’était notre brave Philippe II qui affirmait être un « esclave couronné », tant la pratique du pouvoir s'avérait ingrate pour celui qui a le sens de ses responsabilités. À la sécurité des ordures des élites autoproclamées, Céline voyait une autre raison : dans leur immense majorité, les esclaves, mis au pouvoir, n’agissent pas très différemment des maîtres. La corruption des grands garantit et autorise celle des petits parce qu’elle l’excuse. Réflexion ignoble, entendue trop souvent, sous des formes plus ou moins élégantes : « À leur place, on ferait pareil. » Si les salauds peuvent dormir tranquilles, ce n’est pas parce que la population est lasse, hypnotisée ou habituée, c’est qu’elle est à l’image de ceux dont elle a approuvé la désignation. Dans ce crime, tous complices, et depuis fort longtemps. En juger autrement, c’est aimer la littérature optimiste. Plus jeune, quand je polémiquais encore avec mes camarades et amis, j’avais fait la remarque à un petit magouilleur de ma connaissance, qui avait obtenu je ne sais plus quel avantage parce qu’il connaissait quelqu’un bien placé, que ce n’était pas très cohérent de reprocher leur conduite à nos dirigeants pour faire la même chose à son échelle. Je m’étais entendu répondre que ce n’était pas pareil que les enjeux n’étaient pas les mêmes, etc. Sous-entendu que l’on pouvait profiter d’une certaine corruption à petite échelle, mais pas à une grande. Fallait-il comprendre que le petit magouilleur qui prendrait des responsabilités deviendrait subitement probe. J’en doute, je suis même persuadé que le pouvoir peut tourner la tête à d’honnêtes gens. Pour en revenir à la réflexion de Céline, même si je suis entièrement d’accord avec lui, je suis convaincu que la multiplication des affaires les banalise, il n’y a qu’à constater qu’il n’y a plus d’affaires comme autrefois capables de faire déchoir une personnalité. Les affaires se succèdent à un tel rythme que les précédentes sont oubliées noyées dans la fange générale par celles qui suivent avant que le public n’ait le temps de s’indigner. Même si l’esprit de corruption est devenu majoritaire, pour des donneurs de leçons il est toujours ennuyeux d’être entachés d’où l’utilité du procédé.

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Felix qui potuit rerum cognoscere causas,/ Atque metus omnes et inexorabile fatum / Subjecit pedibus, streptitumque Acheronis avari. « Heureux qui a pu connaître les causes des choses et qui a mis sous ses pieds toutes les craintes, et l’inexorable destin, et le bruit de l’avare Achéron ! »  (traduction de Maurice Rat)

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Au retour de la rando j'écoute France inter et tombe par hasard sur la définition de Woke. J'avais vu passer le terme sur Twitter il y a trois ans et après avoir eu la flemme de chercher pour en approfondir la portée, j’avais rapidement lu la version espagnole du désopilant Woke, d’une certaine Titania McGrath au pseudonyme transparent... et on avait déjà considérablement rigolé avec un ami à qui j’avais offert ce petit volume. Bref, cela signifie littéralement éveillé. Il s'agit de prendre conscience d'être blanc et d'expier sa culpabilité face aux autres couleurs de peau. J'ai peur d'exagérer en retranscrivant ce que j'ai entendu. Donc je vous laisse le lien pour écouter l'émission. L'invité est Mathieu Bock-Côté, québécois, auteur de La Révolution racialiste et autres virus idéologiques. D’après ce que, peu ou prou, j'ai compris, Bock-Côté salue la résistance de la France à cette idéologie, souligne la « tentation totalitaire » des démocraties et se fait reprendre par le journaliste qui identifie totalitaire au nazisme ou au stalinisme, c'est-à-dire à ses illustrations historiques, et non à son sens, c'est-à-dire à l'exigence de représenter la seule façon admise de penser et d'expliquer le monde. Il donne l'exemple de Kamala Harris, soupçonnée de trahison de la cause parce qu'elle a épousé un blanc « juif de surcroît » (sic). Il explique que le mouvement venu des USA encourage les descendants d'émigrés en Europe à s'identifier au sort des descendants d'esclaves aux US. En résumé, les races n'existent pas. Vous êtes identifiés à et par votre couleur de peau. Les Blancs sont méchants.



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