Deux grandes stars de la pensée du XXe siècle se sont vus
eux-mêmes heureux en captivité, à l’opposé d’un Varlam Chalamov ou d’un Soljenitsyne …
Les conditions de détention étaient sans doute un peu différentes.
Sartre : « J'ai
trouvé au Stalag une forme de vie collective que je n'avais plus connue depuis
l'École Normale et je veux dire, qu'en somme, j'y étais heureux (sic!) ".[1]
Et sa biographe d’ajouter :
« Sa
captivité l'épanouit, il s'y trouva heureux ».[2]
Il paraît que la raison d’un tel "épanouissement"
n’était qu’« un exemplaire de Sein
und Zeit (...) rapporté clandestinement
par l'abbé Etchegoyen qui travaille dans un monastère hors du camp et y a
lié amitié avec le prêtre allemand antinazi. Deux heures de lecture de
phénoménologie allemande avec Perrin, tous les matins, près du poêle dans
la chaufferie de la 42... » [3]
* * *
Althusser, cloîtré dans l’ENS : « Ce que devint l’École ? Très
rapidement, je devrais dire dès le début, un véritable cocon maternel, le lieu
où j’étais au chaud et chez moi, protégé du dehors, que je n’avais pas besoin
de quitter pour voir les gens, car ils y passaient ou venaient, surtout quand
je devins connu ; bref, le substitut, lui aussi d’un milieu maternel, du
liquide amniotique. » [4]
… à la
journaliste et psychanalyste C. Clément qui lui demandait pourquoi il vivait à
l’ENS au lieu d’avoir son indépendance à l’extérieur, il lui répondit le plus
sérieusement possible que cette vie cloitrée lui convenait bien car elle lui
rappelait la vie au stalag - Nous avons clos la première partie
avec cette expérience singulière du stalag, et au regard de ce que nous savons,
sans doute fut-elle la période de sa vie où il fut vraiment heureux. Aborder
Althusser dans sa vérité et son étrange étrangeté, c’est accepter
l’ambivalence, le paradoxe et l’effroi.[5]
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