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mardi 25 juillet 2023

Des lendemains qui déchantent



Ce n’est pas moi qui me plaindrais de la douceur qui règne à Irun alors qu’il est tant d’endroits où l’on est victime d’une chaleur infernale. Aussi, je me satisfais du ciel gris et de la pluie qui sont d’actualité ce lundi postélectoral. Un peu de pluie au réveil, qui a cessé à l’heure où je tape ces lignes mais qui nous a complètement trempés, ma femme et moi, en direction du cabinet médical lorsqu’il s’est mis à pleuvoir à torrents quelques minutes. Ce mois de juillet à Irun, c’est ville en fête et des touristes français partout. J’en côtoie quelques-uns quand je prends une bière à la Vinothèque ou au Casino. Ils ne sont pas moins bavards que les locaux. Je cherche des bouts de phrases pour déguster en silence. Le plus souvent, c’est des discussions creuses ponctuées de propos ordinaires ou de rires polis. Pas de quoi me détourner d’une longue conversation avec R. Exemple de discussion de café :
-Je voulais aller au cinéma mais j’ai pas trouvé le temps.
-Pour voir quoi ?
-Bah, je sais pas, Oppenheimer ou Barbie ...
J'aimerais être indifférent, vu le résultat des élections, à cette disparition annoncée d’un monde imaginé qui mine de l'intérieur presque tous nos espoirs, nos énonciations à propos d’un avenir meilleur, d’une politique propre, qui les rend si éphémères et si précaires, qui rend nos calculs faux, nos phrases incertaines, fragiles. Le spectre d’un éclatement définitif de la nation revient sans cesse me déloger de moi-même, aux moments où je m'y attends le moins. Écrire pour saluer une victoire sur le fascisme serait sans doute plus facile mais cela n'aurait plus aucun intérêt : "no pasarán", vociféraient quelques crétins hier encore… Oh que si ! Ils sont passés, juste au moment où il aurait fallu qu’ils ne passassent pas, mais le culte stupide du slogan creux et honteux, vu sa cohérence historique, semble inguérissable. Je suis plus vieux que mon père aujourd'hui mais je suis toujours plus jeune que ma mère, bien qu'elle soit morte il y a vingt-quatre ans. Qu’en penseraient-ils de nos générations de dégénérés ? La vie, ce n'est pas ce qu'on a vécu, mais ce dont on se souvient, dit Gabriel Garcia Marquez. Quand nous perdons la mémoire, est-ce que nous perdons tout ? Je refuse de répondre par l'affirmative, je ne peux m'y résoudre, mais je n'ai pas suffisamment de mémoire pour être sûr de ne jamais avoir affirmé le contraire. Chaque sale discours de basse politique politicienne de ces jours semble signer la fin des récoltes sur une terre où plus rien ne poussera. On ne parvient à penser dans des moments pareils que par indifférence à ces phénomènes. C'est sous la plume d’un écrivain roumain philosophe que je lis ça à l’instant, et c'est comme si la coïncidence des pensées, aussi éloignée semble-t-elle, marquait le présent d'une lumière inattendue… Voilà devant nous un futur proche qui promet à la nouvelle coalition frankenstein des lendemains qui déchantent, tant ses membres ne sont d'accord sur rien tout en étant d’accord pour s’agripper au pouvoir...



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