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jeudi 9 mars 2023

Se préparer à des jours d'incertitude et de douleur ...

 

Pertaining to Yachts and Yachting - Charles Sheeler, 1922

Une personne avec une raison de vivre peut endurer n’importe quelle affliction (1). Bien plus encore si elle a non seulement une raison d’y résister mais aussi quelqu’un avec qui le faire. Et si ce quelqu’un se confond pour cette personne avec le sens de l’univers tout entier.


(1) Nietzsche avait un point de vue plus nuancé : « Si une personne a une raison de vivre, elle peut supporter presque tout ! »

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Le pouvoir wokisto-médiatique ne fusille ni ne pend les blasphémateurs, il ne les envoie pas au bagne ni en camp de rééducation, simplement il met tout en œuvre pour les ruiner, les réduire au silence et à l’invisibilité, c’est-à-dire au néant social. Tout à coup les micros et les lumières s’éteignent, le condamné est banni de tous les réseaux sociaux, abandonné par tous ses sponsors et associés, on ne doit plus le voir et il doit disparaître.

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Le site Gallica (BNF) propose en ligne Mademoiselle de Maupin, de Théophile Gautier, roman épistolaire publié en mil huit cent trente-cinq, l’histoire d’une jeune femme du dix-septième siècle qui, avant de céder aux avances des hommes, décide de se travestir afin de percer leurs secrets. Dans ce texte, Gautier répond à des accusations d’immoralité portées à son encontre après son éloge de Villon, et défend le principe de l’art pour l’art : la littérature n’est pas au service de la société ou de la morale, elle n’est pas liée à la notion du progrès et de l’utilité, mais à celle de plaisir et de beau. Il y a une version papier de ce roman en poche Garnier Flammarion. Et dans la préface, on peut trouver ceci : « une des choses les plus burlesques de la glorieuse époque où nous avons le bonheur de vivre est incontestablement la réhabilitation de la vertu entreprise par tous les journaux, de quelque couleur qu’ils soient, rouges, verts ou tricolores. Cette grande affectation de morale qui règne maintenant serait fort risible, si elle n’était fort ennuyeuse. Chaque feuilleton devient une chaire ; chaque journaliste, un prédicateur… On aurait dit que les journalistes étaient devenus quakers, brahmes, ou pythagoriciens, ou taureaux, tant il leur avait pris une subite horreur du rouge et du sang. Jamais on ne les avait vus si fondants, si émollients ; c’était de la crème et du petit lait. Ils n’admettaient que deux couleurs, le bleu de ciel ou le vert-pomme. Il est aussi absurde de dire qu’un homme est un ivrogne parce qu’il décrit une orgie, un débauché parce qu’il raconte une débauche, que de prétendre qu’un homme est vertueux parce qu’il a fait un livre de morale ; tous les jours on voit, le contraire. C’est le personnage qui parle et non l’auteur ; son héros est athée, cela ne veut pas dire qu’il soit athée ; il fait agir et parler les brigands en brigands, il n’est pas pour cela un brigand. À ce compte, il faudrait guillotiner Shakespeare, Corneille et tous les tragiques ; ils ont plus commis de meurtres que Mandrin et Cartouche… Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. L’endroit le plus utile d’une maison, ce sont les latrines. »

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Souvent, lorsque je prends d'une étagère, au hasard, un livre que je connais depuis quarante, cinquante ans, ou plus, je sens se déplier devant moi une constellation d'associations d'idées, de souvenirs que je ne sais plus déchiffrer, alors même qu’elle devrait m’être la plus familière. Alors je regarde autour de moi, j’observe les meubles et les photos qui m’entourent, et j’essaie de savoir s’ils entendent ce que j’entends. Parfois même je pose des questions qui, bien sûr, restent sans réponse, que personne n’entend. Je dois rentrer en moi pour constater que je suis seul, que j’habite un monde désolé dont je suis le seul survivant. Mes livres sont toujours là, ils n’ont pas changé, mais je ne peux en parler avec pratiquement personne. Je ne sais même plus si c’est douloureux ou non. Il y a tellement longtemps que je suis seul que je ne saurais sans doute plus exister autrement qu’en leur silencieuse compagnie. Je pourrais toujours écrire un essai et ainsi me donner l’illusion que je serai peut-être lu par quelqu’un, voire compris, mais je sais qu’il n’en est rien, et que rien ne pourra jamais combler la distance infranchissable qui me sépare de l’intelligence de l'autre. C’est tout à fait comme si nos sens n’avaient pas été imaginés par le même constructeur. La vie fuit quand elle nous voit avec un papier entre les mains et on peut la comprendre. Nous sommes bien la seule espèce à croire qu’il existe une réalité commune à un ensemble social qui coïncide avec une vie commune. Quel malheur que de l’avoir effrayée, cette pauvre vie, par la violence de mes rêves ! C'est elle qui tient tout le mécanisme de notre existence et c'est par elle qu'il faut passer, et par le temps qui va avec. Ma bibliothèque m'avait donné un temps l’illusion qu’il était possible de trouver un substitut à la vie et je m'en servais pour alimenter mes chimères. J'avais même pensé qu’il s’agissait d’une seule et même matière. Mais il faut une grande force de caractère pour y croire encore, après toutes les catastrophes que les livres ont partout provoquées, nous éloignant en même temps de la nature et de la vie. Car si les idées que les livres véhiculent avaient quelque chose à voir avec la vraie vie, si elles étaient capables d’en modifier un tant soit peu le parcours, comment se fait-il que toutes les bibliothèques du monde ne parviennent pas à toucher la réalité sensible la plus proche ? Cette réalité puissante et indifférente à nos destins passagers qui, elle, s’incarne dans un hasard qui nous échappe, situé bien au-delà des mots. C’est la vie que nous aurions dû aimer, plutôt que des livres !
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L'État profond américain voudrait la guerre mondiale. Parce qu'il est gagnant sur tous les tableaux. D'abord, il gagne déjà énormément d'argent par le biais de l'industrie de l'armement qui trouve un débouché juteux dans ce conflit (planifié ?) en Ukraine. L'Amérique se devait de trouver un nouveau théâtre d'opérations militaires après sa débandade en Afghanistan, avec un arsenal conséquent d'armes en tous genres abandonné sur place au grand bénéfice des talibans. Donc, l'industrie de l'armement est relancée. C'est le premier bénéfice américain de ce conflit en Ukraine qui doit, coûte que coûte (en matériel de guerre et en vies humaines ukrainiennes et russes) se poursuivre. Poutine paraît tenter de circonscrire, autant que faire se peut, ses frappes sur les forces militaires et les infrastructures qui peuvent leur servir au lieu de frapper fort sur les populations civiles. L'Etat-major des armées américaines n'a pas eu de tels scrupules, que cela soit en Serbie, en Irak, au Vietnam ou en Afghanistan, où les bombardements se sont faits sans distinction sur cibles civiles et militaires. L'Etat profond américain gagne aussi sur le plan économique via les sanctions économiques qu'il fait prendre par ses "alliés" européens à l'égard de la Russie. Si ces sanctions ont finalement assez peu d'incidence sur la santé économique russe elles coûtent très cher à l'Europe. L'Europe perd, l'Amérique gagne. Il en a toujours été ainsi depuis la seconde moitié du XXe siècle. On pourrait citer à titre d'exemple l'histoire de la commande pour 56 milliards d'euros de sous-marins français par l'Australie, finalement annulée sur pression américaine puis transformée en commande de sous-marins américains. Sur le plan énergétique, l'UE se voit contrainte d'acheter, bien plus chers, du pétrole et du gaz de schiste auprès de l'Amérique "alliée" (gentille) puisqu'elle s'interdit d'en acheter auprès de son "ennemie" la Russie (méchante). Et la gentille Amérique fait du business. Les industriels allemands commencent à se demander s'il n'est pas plus intéressant pour eux de déménager aux Etats-Unis. C'est le deuxième effet des sanctions que l'Amérique fait prendre à ses "alliés" européens dociles et obéissants. L'Etat profond américain fait couper physiquement l'approvisionnement de l'Allemagne en gaz russe en faisant exploser les conduites sous-marines NordStream en mer Baltique, secret de polichinelle soigneusement étouffé par les piteux medias occidentaux, eux-mêmes possédés et contrôlés par cette même oligarchie de l'Etat profond. Pour se résumer, le conflit ukrainien est une formidable opportunité à court terme pour les Américains : il éloigne les pays européens qui seraient tentés par un rapprochement économico-civilisationnel avec la Russie, il effondre l'économie européenne et notamment l'industrie allemande qui commençait sérieusement à faire de l'ombre à l'américaine, il satellise toujours davantage cette Europe vassalisée autour de ses intérêts spécifiques. Au passage, l'oligarchie mondialiste n'oublie pas de défendre les laboratoires de mise au point d'armes biologiques qu'elle possède en Ukraine, et de défendre les terres agricoles qu'elle possède massivement dans ce pays. Tout cela en engrangeant d'énormes bénéfices sur les armes livrées au clan dirigeant ukrainien et payées par les contribuables américains et européens. L'arrière-pensée de l'état profond mondialiste en jouant la carte d'une guerre mondiale serait évidemment d'ériger, une fois le monde plongé dans le chaos et la destruction, un gouvernement mondial avec à sa tête une élite en conformité avec les vœux avoués publiquement du Forum Économique Mondial du sinistre Schwab. Ce plan suppose que l'Occident sorte vainqueur de cette guerre. Or, la perspective d'une victoire de l'Occident est extrêmement douteuse. L'Occident est clairement en décadence et l'Europe submergée par une immigration étrangère qui la méprise et qui refuse de toutes ses forces ses valeurs, pour autant qu'il en reste. L'état souterrain de chaque petite portion d'Europe a d'ailleurs pris un soin tout particulier à détruire la notion même de sentiment patriotique en privilégiant une idéologie basée sur le seul intérêt matérialiste. Tout porte à croire que les peuples européens actuels ne se battraient pas pour défendre les intérêts de quelques banques, de quelques multinationales et de quelques oligarques du monde du capital. Même le monde politique actuel est incapable, par sa fulgurante médiocrité, de susciter le respect qui pourrait galvaniser les citoyens de base pour encaisser les duretés d'une guerre. Qui voudrait, chez nous en Espagne, se battre et souffrir pour le confort des Catalans ou des Basques suprémacistes, racistes, xénophobes et corrompus, soutiens sans faille d'un président bonimenteur de foire sans répertorier ? Qui courrait le risque, en Espagne, de mourir pour des putassiers socialistes tendance Tito Berni, pour des corrompus arrogants dans l'impunité, des profiteurs, des tricheurs, des opportunistes complètement étrangers au bien commun, pour des violeurs et des pédérastes libérés par ces funestes rombières wokistes imbéciles qui sont au pouvoir ? Qui voudrait défendre un monde dominé par cette caste immonde qui va jusqu'à contester l'évidence de l'existence universelle de deux genres, et seulement deux, chez les humains comme chez les animaux ?
Qui se battrait pour défendre une société où sont mis en valeur des humains au psychisme déglingué qui ne savent plus très bien de quel genre ils relèvent ? L'oligarchie mondialiste veut à tout prix « déconstruire » l'Histoire des pays et des hommes pour mieux étendre son pouvoir et effacer pour toujours l'effort, le travail, le sens de l'honneur, l'amour de son pays, le sentiment d'appartenance, la famille, la religion de chacun - s'il a décidé d'en avoir une. Qui donc serait prêt aujourd'hui à se battre pour des territoires sans âme ni histoire ? L'Occident décadent n'a aucune chance de gagner une guerre mondiale qui le verrait s'opposer à des pays qui tiennent encore la route en termes d'humanisme, de convictions profondes, bref à des civilisations encore dignes de ce nom. Depuis 1945, l'Amérique a perdu toutes les guerres dont elle a pris l'initiative, sans exception. Dans nos sociétés européennes en errance, qui ne savent plus qui elles sont ni où elles vont, la foi en quelque chose permettant de se transcender dans l'adversité pour vaincre, n'est pas là. Il n'y a qu'à considérer la perception des peuples à propos des politiques qu'ils ont à leur tête. Biden, Macron ou le pitre Sanchez battent des records d'impopularité dans leurs pays respectifs. Que les bellicistes angloaméricains le veuillent ou pas, le monde est devenu multipolaire. Mais les manœuvres grossières des Américains et leur arrogance à vouloir imposer leur impudique pouvoir "fondé sur des (leurs) règles" à l'échelle de la planète insistent à vouloir le contraire. L'Occident se voudrait représenter une « opinion internationale » mais il trouve en face le reste du monde. L'établissement des BRICS rassemblant maintenant une population de 3,2 milliards de personnes dans un nombre croissant de pays pour échapper à la domination du dollar, en est la meilleure illustration. En conclusion, le citoyen européen ferait bien de se demander quel serait son avenir au terme d'une guerre qui opposerait d'un côté, une Amérique hyper-endettée aux valeurs en déshérence appauvrie et chaotique et de l'autre, une Russie aux convictions fortes, flanquée de pays émergents enthousiastes à l'idée de s'affranchir enfin de la domination américaine, et soutenue par la Chine qui a à la fois le pouvoir économique, la technologie, et une population pléthorique et d'une obéissance aveugle envers ses gouvernants.

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Pendant l'enfance, les mécanismes originaires que l'individu utilisera durant toute son existence se mettent en place. Dans les premières années de sa vie, chaque individu se trouve confronté à un conflit fondamental qui forme le fond de sa personnalité. Il ne s'agit pas, pour le petit d'homme, de résoudre ce conflit mais au contraire de l'accepter et de vivre avec lui car il est à la source de sa richesse affective et intellectuelle. C'est de la manière de se confronter à ce conflit originaire que l'être humain tire la capacité de résoudre la plupart des conflits secondaires auxquels il devra faire face. Généralement, la capacité à supporter les tensions intérieures provenant du conflit fondamental permet à l'enfant, puis à l'adulte, de développer une vie émotionnelle et intellectuelle d'une grande richesse.


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Un fragment de Isaac Deutscher dans La Russie après Staline. Chapitre 4. À son honneur, il considère qu’il s’agit d’un mensonge de la propagande stalinienne. Mais enfin, le trotskyste, où sont les morts qui ont payé le prix de la fête ?



« Le marxisme avait postulé une société industrielle comme condition préalable à l'établissement du socialisme. Dans une lutte titanesque contre l'inefficacité, la lenteur et l'anarchie de la Mère Russie, le stalinisme a porté sa révolution industrielle presque dans tous les coins de son royaume eurasien. Le cœur de la véritable réalisation historique de Staline réside dans le fait qu'il a trouvé la Russie travaillant avec la charrue en bois et l'a laissée équipée de piles atomiques. »

Domenico Losurdo en profite, de ces vérités lourdes, avec un admirable sens du raccourci entre la charrue et la pile atomique, acceptant les victimes de ce prodige inouï sous bénéfice d'inventaire :  

"Lo esencial de la acción histórica del estalinismo es esto: se ha encontrado con una Rusia que trabajaba la tierra con arados de madera, y la deja siendo dueña de la pila atómica. Ha alzado a Rusia hasta el grado de segunda potencia industrial del mundo, y no se trata solamente de una cuestión de mero progreso material y de organización. No se habría podido obtener un resultado similar sin una gran revolución cultural en la que se ha enviado al colegio a un país entero para impartirle una amplia enseñanza."



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