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mercredi 30 novembre 2022

Hobe da berandu inoiz baino ?


 « C’est drôle la nuit comme les âmes s’y retrouvent » 

« L’Anarchie c’est fragile comme tout » 

Céline, Londres

« Seuls les fous et les solitaires peuvent se permettre d’être eux-mêmes. Les solitaires parce que leur plaisir ne dépend de personne… Les fous parce que le plaisir des autres, ils s’en foutent… »

Charles Bukowski

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Personne n’attend plus de moi quoi que ce soit si ce n’est de continuer sagement dans les encombrantes occupations ordinaires. Mes parents, qui ont déjà trouvé depuis longtemps l’apaisement définitif dans la mort, qu’est-ce qu’ils attendaient de moi ? On voudrait bien, à la naissance de quelqu’un, que tout fût réglé d’avance. Comme sur un cadran gradué. On nous exigeait, enfants, la sagesse alors qu’on ignorait tout de la vie. On nous demandait des gestes censés porter notre attachement à la religion, alors que la religion s’avère la seule activité réellement libre à condition qu’elle vienne véritablement du for intérieur de chacun, pas comme la table de multiplication. Une fois que vous Lui avez permis d’entrer chez vous, Dieu n’est pas bavard. Seul à seul avec Lui, comme l’Antigone d’Anouilh avec son garde, les réponses se feront attendre. Qu’est-ce qu’on attendait de moi ? Toujours autre chose... Peut-être. La pire, des choses : qu’on soit content de vous et que vous y preniez goût. Ça vous oblige à adopter une ligne de conduite très dure à soutenir. Presque septuagénaire, je dois reconnaître que mon intelligence aura prouvé son incapacité pour ce qui est provoquer du malheur chez les autres, son incompétence quant à faire fructifier les affaires juteuses, sa nullité pour tirer profit de la politique, en y participant ou préférant une tendance à une autre, bref une absence totale de qualités en ce qui concerne des manières de s'avantager, de se construire une carrière au détriment de quelqu’un. J’ai toujours eu un penchant pour m’enchaîner à l’incertitude. En proie à la curiosité, j’ai voulu savoir ce qui se cache derrière les règles absurdes de la vie commune, voire de l’existence. Et comme la curiosité a quelque chose de salé, cela m’a ouvert un appétit de plus en plus fort pour connaître les raisons des choses et leurs causes. De franchir des obstacles, de monter de plus en plus haut pour trouver le trésor d’une réponse ...

La curiosité ! Autant dire la montagne la plus élevée au monde, valant le tour de tous les Annapurna ! Et tout compte fait, après tant d'allées et venues et tant de micmacs,  finir par se précipiter sur les flancs de ces montagnes chimériques les poches presque vides. C'est l'évolution normale des choses j'imagine, passé un certain âge, surtout quand la retraite s'éternise. Quoique. Les circonstances sont autres, mais on continue sa vie avec les mêmes gestes qu’avant. On se lève au matin, on se rase, on escalade les étages de la maison, on va se promener. On ouvre son ordinateur, on relève les factures, on jette un œil aux réseaux sociaux, à la presse, aux blogs qu’on trouve intéressants. Et pourquoi pas quelques lignes sur son propre blog ? On bâcle une histoire, on ressort une citation. Et quelle était donc cette pensée géniale qui me trottait dans la tête cette nuit ? Et ce projet d’essai à rédiger en profondeur et dans le détail sur… ? Des lectures. Des relectures. Comment, pourquoi et pour qui faire tout ça ? Peut-être pour ne pas voir le mur du temps qui va vous tomber sur la gueule comme à tout le monde. Le bonheur, comme les heureuses rencontres, n’arrive que par surprise…

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Des historiens américains, sous la conduite de Murray Rothbard, de Ralph Raico, de John V. Denson, de Smedley Butler et de bien d'autres, ont montré que l'Etat américain a progressé en cruauté, en pression fiscale, en législation infernale, en aventurisme militaire depuis surtout Lincoln et la guerre de Cuba. Que son interventionnisme devenu systématique a eu des conséquences catastrophiques, y compris au niveau démographique, juridique, écologique, économique avec un endettement astronomique, sociétal avec une violence folle et des prisons pleines, etc. La catastrophe s'est renforcée sous Woodrow Wilson et les deux Roosevelt et tout président s'est vu comme un social engineer, un ingénieur du social chargé de refaire le monde à son caprice, c'est-à-dire de le démolir, de le polluer, de le saigner à blanc sans oublier de le contraindre à suivre ses « règles ».

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Lecture de Londres, après lecture de Guerre : la destruction par la lucidité à base de sarcasme cru ou le roman-fresque années trente face à notre époque de roman-moitrinaire (Pol Vandromme), face à « notre bel aujourd’hui ». Ces deux livres offrent, sous le nom de littérature, mieux que ce qui nous est offert sous cette même étiquette en ce moment au-delà et en deçà des Pyrénées. Quand j’étais jeune, la littérature « engagée » avait déjà fait d’énormes ravages depuis des années mais le wokisme actuel ne représenta pas précisément une réaction salutaire. Bien au contraire, il est à l’origine d’autres maux (mots !) fondés sur de nouveaux sophismes de vérité, d’utilité sociale, de liberté, de justice, de fraternité, de sauvetage de la planète qui exècrent la beauté au passage et crachent sur la notion même de littérature. Il est bien préférable, si on en a le choix, un engagement personnalisé portant sur des lectures libres, c’est-à-dire un dégagement, à ces niaiseries répercutées stupidement de par le monde entier par toute sorte de fanatiques. Sans prouver (pas le temps, ni l’envie) l’avilissement de ces ersatz de littérature égarés dans la mauvaise politique de notre temps, il est sans doute intéressant de découvrir ces textes des années trente qui combattaient déjà en leur temps les représentants auto-désignés du Camp du Bien de la Cité. Le problème posé, reposé à chaque fois avec Céline, est celui de savoir s’il faut, pour être bien vu, apprécié par la postérité, manualisé, posé en exemple, etc. accommoder toute une production littéraire aux exigences d’une manière de penser dominante : Malraux, Sartre ou Camus ont illustré à leur façon exemplairement cette question. La politique a fait du premier « le fabricant d’une petite escroquerie verbale de tribun qui connaît la musique » (Jacques Laurent) et elle a conduit le second aux ubuesques entretiens avec David Rousset.
Quant à la portée politique du troisième, je conseillerais la lecture de Jean-Jacques Brochier et son Albert Camus, philosophe pour classes terminales. Commun dénominateur : ces trois géants engagés étaient capables tous les trois d’emporter le succès editorial et l’adhésion sur de graves questions par le seul effet contagieux d’engouements passagers. Le cas Céline, c'est aut'chose. Je vois, après un rapide parcours de la presse « spécialisée », plus flic que la moyenne, qu’il faut comme d’habitude cracher sur lui avant de lui reconnaître le moindre talent. Ouf ! On l’a échappé belle ! Ne seriez-vous pas choqué dans ces textes par la violence faite aux femmes, par le langage  malpropre de ces putes, de ces maquereaux, par cet univers sordide de la marginalité et du meurtre, d'un monde plutôt envisagé comme gigantesque système carcéral ? Attention ! C’est le même Céline de Bagatelles avec sa leçon magistrale de style annulée rétroactivement par des idées impardonnables … Quand on pense à Monsieur René Bousquet, pour ne citer qu’un exemple, sans leçon de style à donner mais avec des idées accompagnées de faits qui n’ont pourtant pas entamé l’amitié d’un François Mitterrand, et de tant s’autres, on est tenté de rêver à ce qu’auraient pu faire nos censeurs-thuriféraires actuels ! Brillant, toujours méchant et moqueur, Céline n’a cessé de combattre la guerre, les partis, la politique, les bourgeois avant-gardistes, les pétainistes et tout un microcosme accoquiné avec l’occupant pour faire des affaires avec lui. Tout cela semble si vieux ! Si un Bousquet haut fonctionnaire ou un Papon haut fonctionnaire sont sortis immaculés d’une époque terrible qui a valu à d’autres, pour beaucoup moins, l’exécution ou l’indignité nationale, on voit mal pourquoi le crime de Céline écrivain serait imprescriptible à perpétuité. Il a écrit exactement ce qu’il pensait de son époque pour être généreux et poète quand il le fallait et assez lucide pour reconnaître certains penchants peu reluisants de notre condition humaine, au lieu de se faire chantre des illusions établies, glissant suivant le courant, sans manquer d’être cruel voire injuste envers ceux qui lui paraissaient mériter son dégoût.
Chaque mot, chaque phrase qu’il a écrits restent les empreintes d’un voyage pénible à travers ses propres tripes où il y a plus à prendre que dans la lumière artificielle de tous nos paradis américano-progressistes d’aujourd’hui, notre modernité que Michel Leiris a qualifié un jour de « merdonité ». Il a été taillé du même bois qui faillit se transformer en potence pour Villon et en bûcher pour beaucoup d’autres, comme Pound, par exemple. Pas d’engagement ni de mission historique pour Céline, conscient de la servitude et de la destruction qu’ils entraînent. Ces éditions ne sont peut-être pas rigoureuses (lire, si on veut, l’article accablant pour Gallimard, Genèse d’un best-seller. Quelques hypothèses sur un prétendu ‘roman inédit’ de Louis-Ferdinand Céline, Giulia Mela et Pierluigi Pellini) mais rendent toujours possible l’accès au Céline poète et virtuose de la langue. Je ne partage pas l'opinion de ceux qui voudraient ces textes réservés à une confrérie d’érudits et de spécialistes. Après plus d’un siècle à réfléchir sur la définition de littérature, nous voilà revenus, forcés par la scholastique actuelle, à nous poser la question de ses qualités morales ! Il me semble que ces deux textes ont été superbement construits capables de supporter le poids du bâtiment « littérature » juste au moment ou d’autres ne pensent qu’à le faire voler en éclats, à le détruire à force de néant discursif et de nullité fictionnelle. J’ai bien aimé, au fil des pages de Londres, les appels, avertissements et  interpellations répétés au lecteur pour lui transmettre des émotions, des confidences, des surprises :

- c’est moi qui vous promène, faut pas que je vous égare

- vous remarquerez vous-même que je ne parle plus du tout de mon oreille et de la façon que je bourdonne

- Je jacasse, je m’embrouille. Ça m’empêche de vous montrer le quartier dans les attractions comment il était.

- Il ne faudrait point d’ailleurs que je vous attriste

- Je sais la profondeur des choses. Je ne dirai rien, voilà tout

- J’aime bien vous raconter Londres, mais je me souviens quand même de mon histoire

- Je fignole et j’arrive pas à vous terminer

- faut que je continue quand même

- je raconterai. Si je suis devenu un peu méchant par la suite, c’est qu’il a bien fallu

- vous visiterez avec moi

- Mais ça n’a pas duré. Je dirai comment

- rappelez-vous les mecs

- Rentrons dans notre récit

- Je vous dis tout ceci pour que vous alliez vous promener un peu si des fois je vous ennuie

- Faudrait bien que je vous donne ici l’impression du paysage

Ce sacré Ferdinand, héros que le narrateur promène dans ses romans, vit aux antipodes du héros professionnel, résultant d’un brusque renversement de l’art d’écrire et d’exister, qui brûle dans une prose toujours proche de ce qu’elle raconte, qui bataille avec une existence sordide, allant du plus vile à la mélancolie la plus tendre (« La Tamise c’est beau. C’est la nuit du monde qui coule, sous les ponts. Ils se lèvent comme des bras pour qu’elle passe ») pour présenter « la petite âme des choses », évoquant la guerre loin des supercheries héroïques, avançant d’un beau pas de marche vers le « bout de

nuit » sans prétendre en trop savoir sur l’au-delà mais laissant entendre un roulement de tonnerre intérieur (« dans l’intérieur on a des voix, des espèces de présences plutôt, qu’attendent qu’on aye fini de mentir »). On nous réveille brusquement des songes les plus anciens de la civilisation qui illustrent l’île de Robinson, le domaine d’Augustin Meaulnes ou le jardin de Combray : le monde est un objet auquel il faut, tragique et inévitablement, se heurter. Mais en le faisant devenir, au passage, un sujet de ricanement, une sottise bourgeoise. Des charges d’onirisme avec le roi Krogold (la passion de ce mythe a longtemps hanté Céline « par bribes, saillies et morceaux ») font bifurquer vers l’insolite l’angoisse accumulée des bêtes apeurées, des visages difformes, des fantômes bancals, toute l’humanité grinçante et louche des souteneurs et des tapins au manoir du capitaine Lawrence. Et Marx, magistralement résumé et la longue péripétie avec l’anar Borokrom (« Il trouvait des petites anarchies Borokrom pour tous les âges. Il aurait rendu libertaires les souris blanches et les abeilles, s’il avait pu les approcher » / « il était bien documenté sur les mouvements de la politique. Il m’a instruit comment il y avait des classes sociales et je m’en étais jamais douté ») qui restitue ce que pourrait éprouver un terroriste toujours prêt à frapper. Ces moyens romanesques pour quoi faire ? Pour quel univers romanesque ? Pour quelle noble cause ? Car, Céline n’espère plus en l’avenir, ni pour ses monstres ni pour qui que ce soit. Ça, son lecteur le sait. Il a accepté son destin, il a voulu fatalement se jeter contre les moulins agités par la fatalité de vents terribles. Les catastrophes immédiates qu’il vivra et celles que nos générations auront en héritage nous inclinent plutôt à trembler avec lui qu’à l’accabler de reproches, de formules-péage obligatoires, pour se dédouaner à chaque fois qu’on parle de lui. L’apocalypse se rapproche (Klaus Schwab, Georges Soros, Bill Gates et Noah Harari … ne vous suffisent-ils pas comme cavaliers messagers des pires calamités ?) et on se paye le luxe de cracher à la figure de ceux qui l’ont annoncé ! C’est Malraux, et non Céline, qui est au Panthéon... Les blablas grandiloquents, truculents, cachent sous des couches de soi-disant héroïsme les pires férocités. Celui qui les annonce et les dénonce avec passion, arbitrairement isolé et condamné à vie, se voit injustement reprocher servir les dieux sauvages que tout le monde a mis en placé et longtemps adorés. On veut à force de barbouiller l’histoire de bonisme sentimental, sévère et pur, réussir ce que la déesse Raison avait entrepris depuis des siècles : l’abolir. Tendance impossible de contrer sauf à passer pour un pervers malfaisant. Exit, donc, tout matérialisme historique, toute dialectique, Madame l’Histoire est trop cruelle, trop violente : à effacer d’urgence ! Au cours de cette lecture, j'ai souvent pensé à mon ami J. F., qui professe une grande dévotion (« Ça, c’est un écrivain ! Je serais toujours fan, à mort ! »). pour Malraux (comme mon musicologue et jeune romancier préféré, Christian F.) à qui il compare, à son avantage, d’autres littérateurs, y compris la dernière lauréate du prix prestigieux portant à jamais le nom de Monsieur Dynamite. Pourtant, la sauce mix Malraux, mijotée au gaullisme, manquait déjà de saveur pour le goût hétérodoxe du Mitterrand des années soixante-dix : « Pour les hommes de mon âge qui l'ont lu à vingt ans et ne l’ont pas relu à quarante, survit un certain Malraux, celui de La Condition humaine et de L’Espoir qu'ils n'ont pas cessé de ranger parmi les chefs d’œuvre malgré une imprudence commise il y a peu. Ayant ouvert La Voie royale, le livre m'est tombé des mains. Une piété persistante m'a fait oublier ce mouvement d'humeur, comme elle a estompé l'accablement causé par Le Musée imaginaire, la stupeur tirée des Antimémoires, l'ennui distillé par Les Chênes qu'on abat. Mes réserves de foi ne sont pas épuisées, puisque j’y recours encore. Après tout, Barrès, son maître, comme il l'est d'Aragon, n'a pas davantage économisé les livres inutiles. Reste aussi que Malraux est cet incomparable conteur que j'ai eu la chance d'entendre à Crans-sur-Sierre, quelque soir d'une douce semaine de juin 1956. A la lueur des bougies du chalet suisse où nous dinions, les sabots des chevaux mongols frappèrent le sol de Samarcande. Je me demande, à ce propos, si Malraux n'appartient pas à cette lignée d'écrivains dont le génie s'exprime tout entier dans la conversation et se dissipe dans l'écriture. Les contemporains de Chamfort le considéraient comme le premier d'entre eux. Chateaubriand accordait ce rang à Joubert, Léon Daudet éblouissait ses auditeurs. Privée de l'éclat du verbe, qu'est devenue cette primauté ? Notre Malraux de 1933 était fichtrement actuel avec son rythme syncopé de cinéma déjà parlant, avec ses reportages à façon de roman. Mais le personnage a, par la suite, éclipsé l'œuvre ; on n'a plus remarqué que lui et on les a pris l'un pour l'autre. Regrettable quiproquo. » (François Mitterrand, La Paille et le Grain, Flammarion). Les lecteurs incapables de découvrir les manigances derrière chaque masque héroïque auront du mal à partager cette opinion. Et encore Malraux fait partie d’une époque dans laquelle les grands écrivains ne manquaient pas ! Une sorte d’âge d’or : Proust, déjà à part, Morand, Montherlant, Bernanos, Drieu, Giraudoux, Mauriac, Chardonne, beaucoup d’autres encore et Céline, les surpassant tous. La littérature épousait son temps. Aujourd’hui, l’œuvre d’un « écrivain important » fatigue comme une rengaine, tout effort théorique (nouveau roman) éveille la risée et on se contente des inventaires léthargiques autour de la célébration de soi-même. On célèbre (médias !) des auteurs repliés dans la crainte d’être mal vus, de l’anathème, dans le tremblement ratatiné de souvenirs douteux, dans la sclérose des ambitions mesquines. 

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Ruminations post-Londres. La montée de puissances irrationnelles du wokisme, avec son catalogue de vérités importées des USA, assénées sommairement partout, nous dessinent la carte d’un monde inconnu traçant ses circuits et déployant ses fastes sans donner quoi que ce soit en échange, à part son infect radotage. Nada. Rien du tout.

Même pas le vieux dictum biblique et proudhonien destruam et aedificabo, face à l’instabilité politique généralisée et aux sandales qui éclaboussent son personnel à échelle mondiale. La bienpensance n’offre que des cataclysmes de bric et de broc qui ne détruisent rien du tout, qui ébrèchent sans démolir, qui se moquent de cultures et d’apprentissages « hérités » parce que leur passion du « cancel » se dissout dans la vocifération haineuse, dans des cris de meute (réseaux sociaux financés par des élites pourries) à l’encontre de qui menacerait la fabrication mensongère et l’artifice de leur impossible « radicalité ». Une subversion de luxe pour parvenus. Au sein de chaque prétendue rupture prévalent les pires traditions et les mots tournent plus que jamais à vide. Les avant-gardes semblent exténuées. Les charmants colifichets du passé, genre Prix Nobel de littérature, avec la grosse tirelire qui va avec, coupent net tout élan vers l’écriture. Les révolutions dans les lettres se ramènent à des exercices de style : on récompense les textes bien sages, bien léchés, l’écriture décorative et sans muscle, à peine fardée de fumisteries progressistes, maquillage indispensable, en ce quart de siècle, pour cacher le néant et la folie. Que valent ces sous-merdes, ces rempaillages de nombril suintant contre les fureurs toujours iconoclastes d’un Céline, son génie incandescent et fébrile, son écriture pointilliste de dentellière, ses émotions de poète battant dans chaque page, son désespoir grimé et hilare voire vénéneux ? Il crée un monde romanesque cohérent et particulièrement efficace parce qu'il croit à ce qu'il fait, parce que son choix peut lui autoriser des emprunts multiples (à la poésie, à la philosophie, etc.) et créer ainsi un univers romanesque avec l'appoint cardinal de personnages d'une nature donnée, devenant ce qu'ils deviennent sous l'influence de leur entourage, sous le fouet de leurs passions, et dans le contexte de leur société. Il y a des ingrédients politiques ou des pensées philosophiques mais un roman, c'est tout autre chose qu'un manifeste politique ou un traité de philosophie. Des éléments politiques ou des composants philosophiques, quelquefois les deux, ne peuvent prétendre à prévaloir au détriment du conte, de la fable, de l'utopie, du mythe, de l'ensemble des singularités qui disent l'obscurité et la profusion d'un être humain, d'une époque, d'un univers. Révéler les dédales d'une sensibilité, ses inaptitudes, l'impuissance de ses désirs, c'est une affaire immense et il faut du génie, d'une autre sorte que celui qu'exigent d'autres formes artistiques, pour la mener à bonne fin. Un vrai roman, quand il ne reste pas à la surface et quand il creuse les cavernes de l’humain sans mensonges est, à sa manière, l'épopée d’une époque épouvantable.

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Dans la préface à De l’or, de la boue, du sang, Edouard Drumont fait cette observation : « Ce qui, dans le livre, fera le plus de bien aux intelligences attentives, c’est le rapprochement établi entre les anarchistes d’aujourd’hui et les terroristes de jadis. Tous ces violents, injuriés maintenant par le bourgeois jacobin, ont été glorifiés jadis par le bourgeois jacobin désireux de se nantir. Ravachol s’est appelé Fouché et il a été duc et grand-croix de la Légion d’honneur. »

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Un triste sire détrousseur de cadavres. Cancre dans une école privée religieuse et, plus tard, auteur d’une thèse polémique (plagiat), considérablement merdique, dans cette même université, aussi rancunier que roublard, ce monsieur représente l'élite des fonctionnaires de la social-démocratie madrilène ; il s’est singularisé par sa capacité de mutation et de nuisance sans en avoir branlé une en dehors du métier de politicien professionnel, dans le marécage politique. Papa, haut fonctionnaire (directeur général de l'INAEM du Ministère de la Culture) avec Felipe González. Maman haut placée dans la Santé, chef de service. En sus de sa nullité professionnelle et de son manque de connaissances, à peine dissimulés par la nuée de consultants en tout genre l’entourant, la jeune promesse partie pour se construire un avenir au sein de la section socialiste du quartier de Tétouan (Madrid) dont il habitait dans la zone bourgeoise (d’après Joaquín Leguina, ancien Secrétaire Général de la Fédération Socialiste de Madrid, dans son livre Historia de una ambición) a fait toujours montre d’un caractère magouilleur et cynique, intrigant au petit pied et calculateur. Un personnage qui s’humilie délicat devant les puissants suprématistes périphériques catalans et basques et qui se dresse implacable, plein d’arrogance et de morgue, au-dessus des humbles mortels de « la droite » vouée aux ténèbres de l’histoire. La constitution sous la férule de ce fieffé menteur à la tête d’un gouvernement de dissolution nationale, inimaginable ailleurs qu’en ce royaume de taifas, fera voler en éclats ce vieux pays après dynamitage de sa Constitution : amnistie pour les putschistes catalans de 2017, justification publique du détournement de fonds publics si c’est pour de fins nobles sans enrichissement personnel (?!), remise en liberté des pires canailles assassins, non repentis, très long etc.

« Quand vient l'orgueil, vient aussi l'ignominie ; mais la sagesse est avec les humbles. » 

(Proverbes)



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