« C’est drôle la nuit comme les âmes s’y retrouvent »
« L’Anarchie c’est fragile comme tout »
Céline, Londres
« Seuls les fous et les solitaires peuvent se permettre d’être eux-mêmes. Les solitaires parce que leur plaisir ne dépend de personne… Les fous parce que le plaisir des autres, ils s’en foutent… »
Charles Bukowski
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Personne n’attend plus de moi quoi que ce soit si ce n’est de continuer sagement dans les encombrantes occupations ordinaires. Mes parents, qui ont déjà trouvé depuis longtemps l’apaisement définitif dans la mort, qu’est-ce qu’ils attendaient de moi ? On voudrait bien, à la naissance de quelqu’un, que tout fût réglé d’avance. Comme sur un cadran gradué. On nous exigeait, enfants, la sagesse alors qu’on ignorait tout de la vie. On nous demandait des gestes censés porter notre attachement à la religion, alors que la religion s’avère la seule activité réellement libre à condition qu’elle vienne véritablement du for intérieur de chacun, pas comme la table de multiplication. Une fois que vous Lui avez permis d’entrer chez vous, Dieu n’est pas bavard. Seul à seul avec Lui, comme l’Antigone d’Anouilh avec son garde, les réponses se feront attendre. Qu’est-ce qu’on attendait de moi ? Toujours autre chose... Peut-être. La pire, des choses : qu’on soit content de vous et que vous y preniez goût. Ça vous oblige à adopter une ligne de conduite très dure à soutenir. Presque septuagénaire, je dois reconnaître que mon intelligence aura prouvé son incapacité pour ce qui est provoquer du malheur chez les autres, son incompétence quant à faire fructifier les affaires juteuses, sa nullité pour tirer profit de la politique, en y participant ou préférant une tendance à une autre, bref une absence totale de qualités en ce qui concerne des manières de s'avantager, de se construire une carrière au détriment de quelqu’un. J’ai toujours eu un penchant pour m’enchaîner à l’incertitude. En proie à la curiosité, j’ai voulu savoir ce qui se cache derrière les règles absurdes de la vie commune, voire de l’existence. Et comme la curiosité a quelque chose de salé, cela m’a ouvert un appétit de plus en plus fort pour connaître les raisons des choses et leurs causes. De franchir des obstacles, de monter de plus en plus haut pour trouver le trésor d’une réponse ...
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- vous remarquerez vous-même que je ne parle plus du tout de mon oreille et de la façon que je bourdonne
- Je jacasse, je m’embrouille. Ça m’empêche de vous montrer le quartier dans les attractions comment il était.
- Il ne faudrait point d’ailleurs que je vous attriste
- Je sais la profondeur des choses. Je ne dirai rien, voilà tout
- J’aime bien vous raconter Londres, mais je me souviens quand même de mon histoire
- Je fignole et j’arrive pas à vous terminer
- faut que je continue quand même
- je raconterai. Si je suis devenu un peu méchant par la suite, c’est qu’il a bien fallu
- vous visiterez avec moi
- Mais ça n’a pas duré. Je dirai comment
- rappelez-vous les mecs
- Rentrons dans notre récit
- Je vous dis tout ceci pour que vous alliez vous promener un peu si des fois je vous ennuie
- Faudrait bien que je vous donne ici l’impression du paysage
Ce sacré Ferdinand, héros que le narrateur promène dans ses romans, vit aux antipodes du héros professionnel, résultant d’un brusque renversement de l’art d’écrire et d’exister, qui brûle dans une prose toujours proche de ce qu’elle raconte, qui bataille avec une existence sordide, allant du plus vile à la mélancolie la plus tendre (« La Tamise c’est beau. C’est la nuit du monde qui coule, sous les ponts. Ils se lèvent comme des bras pour qu’elle passe ») pour présenter « la petite âme des choses », évoquant la guerre loin des supercheries héroïques, avançant d’un beau pas de marche vers le « bout de
nuit » sans prétendre en trop savoir sur l’au-delà mais laissant entendre un roulement de tonnerre intérieur (« dans l’intérieur on a des voix, des espèces de présences plutôt, qu’attendent qu’on aye fini de mentir »). On nous réveille brusquement des songes les plus anciens de la civilisation qui illustrent l’île de Robinson, le domaine d’Augustin Meaulnes ou le jardin de Combray : le monde est un objet auquel il faut, tragique et inévitablement, se heurter. Mais en le faisant devenir, au passage, un sujet de ricanement, une sottise bourgeoise. Des charges d’onirisme avec le roi Krogold (la passion de ce mythe a longtemps hanté Céline « par bribes, saillies et morceaux ») font bifurquer vers l’insolite l’angoisse accumulée des bêtes apeurées, des visages difformes, des fantômes bancals, toute l’humanité grinçante et louche des souteneurs et des tapins au manoir du capitaine Lawrence. Et Marx, magistralement résumé et la longue péripétie avec l’anar Borokrom (« Il trouvait des petites anarchies Borokrom pour tous les âges. Il aurait rendu libertaires les souris blanches et les abeilles, s’il avait pu les approcher » / « il était bien documenté sur les mouvements de la politique. Il m’a instruit comment il y avait des classes sociales et je m’en étais jamais douté ») qui restitue ce que pourrait éprouver un terroriste toujours prêt à frapper. Ces moyens romanesques pour quoi faire ? Pour quel univers romanesque ? Pour quelle noble cause ? Car, Céline n’espère plus en l’avenir, ni pour ses monstres ni pour qui que ce soit. Ça, son lecteur le sait. Il a accepté son destin, il a voulu fatalement se jeter contre les moulins agités par la fatalité de vents terribles. Les catastrophes immédiates qu’il vivra et celles que nos générations auront en héritage nous inclinent plutôt à trembler avec lui qu’à l’accabler de reproches, de formules-péage obligatoires, pour se dédouaner à chaque fois qu’on parle de lui. L’apocalypse se rapproche (Klaus Schwab, Georges Soros, Bill Gates et Noah Harari … ne vous suffisent-ils pas comme cavaliers messagers des pires calamités ?) et on se paye le luxe de cracher à la figure de ceux qui l’ont annoncé ! C’est Malraux, et non Céline, qui est au Panthéon... Les blablas grandiloquents, truculents, cachent sous des couches de soi-disant héroïsme les pires férocités. Celui qui les annonce et les dénonce avec passion, arbitrairement isolé et condamné à vie, se voit injustement reprocher servir les dieux sauvages que tout le monde a mis en placé et longtemps adorés. On veut à force de barbouiller l’histoire de bonisme sentimental, sévère et pur, réussir ce que la déesse Raison avait entrepris depuis des siècles : l’abolir. Tendance impossible de contrer sauf à passer pour un pervers malfaisant. Exit, donc, tout matérialisme historique, toute dialectique, Madame l’Histoire est trop cruelle, trop violente : à effacer d’urgence ! Au cours de cette lecture, j'ai souvent pensé à mon ami J. F., qui professe une grande dévotion (« Ça, c’est un écrivain ! Je serais toujours fan, à mort ! »). pour Malraux (comme mon musicologue et jeune romancier préféré, Christian F.) à qui il compare, à son avantage, d’autres littérateurs, y compris la dernière lauréate du prix prestigieux portant à jamais le nom de Monsieur Dynamite. Pourtant, la sauce mix Malraux, mijotée au gaullisme, manquait déjà de saveur pour le goût hétérodoxe du Mitterrand des années soixante-dix : « Pour les hommes de mon âge qui l'ont lu à vingt ans et ne l’ont pas relu à quarante, survit un certain Malraux, celui de La Condition humaine et de L’Espoir qu'ils n'ont pas cessé de ranger parmi les chefs d’œuvre malgré une imprudence commise il y a peu. Ayant ouvert La Voie royale, le livre m'est tombé des mains. Une piété persistante m'a fait oublier ce mouvement d'humeur, comme elle a estompé l'accablement causé par Le Musée imaginaire, la stupeur tirée des Antimémoires, l'ennui distillé par Les Chênes qu'on abat. Mes réserves de foi ne sont pas épuisées, puisque j’y recours encore. Après tout, Barrès, son maître, comme il l'est d'Aragon, n'a pas davantage économisé les livres inutiles. Reste aussi que Malraux est cet incomparable conteur que j'ai eu la chance d'entendre à Crans-sur-Sierre, quelque soir d'une douce semaine de juin 1956. A la lueur des bougies du chalet suisse où nous dinions, les sabots des chevaux mongols frappèrent le sol de Samarcande. Je me demande, à ce propos, si Malraux n'appartient pas à cette lignée d'écrivains dont le génie s'exprime tout entier dans la conversation et se dissipe dans l'écriture. Les contemporains de Chamfort le considéraient comme le premier d'entre eux. Chateaubriand accordait ce rang à Joubert, Léon Daudet éblouissait ses auditeurs. Privée de l'éclat du verbe, qu'est devenue cette primauté ? Notre Malraux de 1933 était fichtrement actuel avec son rythme syncopé de cinéma déjà parlant, avec ses reportages à façon de roman. Mais le personnage a, par la suite, éclipsé l'œuvre ; on n'a plus remarqué que lui et on les a pris l'un pour l'autre. Regrettable quiproquo. » (François Mitterrand, La Paille et le Grain, Flammarion). Les lecteurs incapables de découvrir les manigances derrière chaque masque héroïque auront du mal à partager cette opinion. Et encore Malraux fait partie d’une époque dans laquelle les grands écrivains ne manquaient pas ! Une sorte d’âge d’or : Proust, déjà à part, Morand, Montherlant, Bernanos, Drieu, Giraudoux, Mauriac, Chardonne, beaucoup d’autres encore et Céline, les surpassant tous. La littérature épousait son temps. Aujourd’hui, l’œuvre d’un « écrivain important » fatigue comme une rengaine, tout effort théorique (nouveau roman) éveille la risée et on se contente des inventaires léthargiques autour de la célébration de soi-même. On célèbre (médias !) des auteurs repliés dans la crainte d’être mal vus, de l’anathème, dans le tremblement ratatiné de souvenirs douteux, dans la sclérose des ambitions mesquines.
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Ruminations post-Londres. La montée de puissances irrationnelles du wokisme, avec son catalogue de vérités importées des USA, assénées sommairement partout, nous dessinent la carte d’un monde inconnu traçant ses circuits et déployant ses fastes sans donner quoi que ce soit en échange, à part son infect radotage. Nada. Rien du tout.
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Dans la préface à De l’or, de la boue, du sang, Edouard Drumont fait cette observation : « Ce qui, dans le livre, fera le plus de bien aux intelligences attentives, c’est le rapprochement établi entre les anarchistes d’aujourd’hui et les terroristes de jadis. Tous ces violents, injuriés maintenant par le bourgeois jacobin, ont été glorifiés jadis par le bourgeois jacobin désireux de se nantir. Ravachol s’est appelé Fouché et il a été duc et grand-croix de la Légion d’honneur. »
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Un triste sire détrousseur de cadavres. Cancre dans une école privée religieuse et, plus tard, auteur d’une thèse polémique (plagiat), considérablement merdique, dans cette même université, aussi rancunier que roublard, ce monsieur représente l'élite des fonctionnaires de la social-démocratie madrilène ; il s’est singularisé par sa capacité de mutation et de nuisance sans en avoir branlé une en dehors du métier de politicien professionnel, dans le marécage politique. Papa, haut fonctionnaire (directeur général de l'INAEM du Ministère de la Culture) avec Felipe González. Maman haut placée dans la Santé, chef de service. En sus de sa nullité professionnelle et de son manque de connaissances, à peine dissimulés par la nuée de consultants en tout genre l’entourant, la jeune promesse partie pour se construire un avenir au sein de la section socialiste du quartier de Tétouan (Madrid) dont il habitait dans la zone bourgeoise (d’après Joaquín Leguina, ancien Secrétaire Général de la Fédération Socialiste de Madrid, dans son livre Historia de una ambición) a fait toujours montre d’un caractère magouilleur et cynique, intrigant au petit pied et calculateur. Un personnage qui s’humilie délicat devant les puissants suprématistes périphériques catalans et basques et qui se dresse implacable, plein d’arrogance et de morgue, au-dessus des humbles mortels de « la droite » vouée aux ténèbres de l’histoire. La constitution sous la férule de ce fieffé menteur à la tête d’un gouvernement de dissolution nationale, inimaginable ailleurs qu’en ce royaume de taifas, fera voler en éclats ce vieux pays après dynamitage de sa Constitution : amnistie pour les putschistes catalans de 2017, justification publique du détournement de fonds publics si c’est pour de fins nobles sans enrichissement personnel (?!), remise en liberté des pires canailles assassins, non repentis, très long etc.
« Quand vient l'orgueil, vient aussi l'ignominie ; mais la sagesse est avec les humbles. »
(Proverbes)
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