« Quoi que nous fassions, c’est toujours plus ou moins, en vain »
Günther Anders
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L’âge est entré sur la pointe des pieds dans nos vies. Et cette
« nouvelle réalité » que la joyeuse prestance des gens au pouvoir
veut nous faire avaler, n’en est que plus dure à supporter.
Cette longue période de mars à la mi-septembre aura été l’occasion pour tous de mesurer assez justement la valeur des institutions que nous payons à grand frais, grosses ponctions et profussion de taxes. On aura ainsi pu constater l’impossibilité criante de faire respecter les décrets gouvernementaux par des catégories de population dissipées en opposition à un véritable sur-zèle sur d’autres catégories de population, essentiellement les plus solvables et qui ne mettent pas le feu à des poubelles, ne vandalisent pas les lieux publics, ne font que survivre en silence sous l’œil amusé des voyous au pouvoir.
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« Le monde, que nous habitons, est dur, froid, sombre, injuste et méthodique, ses gouvernants sont ou des imbéciles pathétiques ou de profonds scélérats, aucun n'est plus à la mesure de cet âge, nous sommes dépassés, que nous soyons petits ou grands, la légitimité paraît inconcevable et le pouvoir n'est qu'un pouvoir de fait, un pis-aller auquel on se résigne. Si l'on exterminait, de pôle en pôle, toutes les classes dominantes, rien ne serait changé, l'ordre instauré voilà cinquante siècles n'en serait même pas ému, la marche à la mort ne s'arrêterait plus un seul jour et les rebelles triomphants n'auraient plus que le choix d'être les légataires des traditions caduques et des impératifs absurdes. »
François Caraco, Bréviaire du chaos
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La caste aux manettes, sentant le délitement et la perte rapide de
confiance et de légitimité, accélère dans la fuite en avant et enfile
frénétiquement comités débiles, plans à la con et mesures idiotes
composées pour moitié d’une verdolâtrie destructrice et pour moitié d’une
aspersion hystérique d’argent public vers les copains et les coquins.
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Le langage comme signe extérieur de richesse, marque de position sociale, politique et instrument de pouvoir. Un homme puissant a une parole puissante, qu’il dise la vérité ou des conneries. S’il parle au nom d’un groupe de poids, sa parole est d’autant plus influente y compris sur ce groupe même. C’est le premier caractère de ce que les hindous appellent une caste, structure sociale qui existe sous des formes diverses dans toutes les sociétés humaines. Ça n’a rien à voir avec l’immobilisme. La sous-caste podémite d’hier fait partie de la caste tout court d’aujourd’hui. Or toute langue de caste est une langue de bois qui cherche à s’imposer à la plus large population possible pour la dominer. Toutes les vieilles rengaines sur le peuple, le progrès, le genre, la grandeur de ceci ou de cela, des centaines d’expressions obligatoires pour se faire accepter socialement provoquent sous nos yeux, dans la tête des moutons préalablement formatés par les médias des réflexes conditionnés … Nous voilà, aux sons de mots de Pavlov, prêts à saliver, à éprouver la nécessité et le bonheur d’appartenir au troupeau, à suivre avec obéissance la maffia bergère où tout le monde parle mouton, mais un mouton progressiste, d’appellation contrôlée.
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Noam Chomsky caractérise les couches érudites comme « la partie de la
population la plus endoctrinée, la plus ignorante, la plus stupide » (Discours
prononcé au Nicaragua, cité in Bruce Robbins (dir.), Intellectuals.
Aesthetics, Politics, Academics, University of Minnesota Press,
Minneapolis, 1990). Le plus souvent, l’autoproclamé progressiste « ayant
fait des études » nourrit de mépris envers les moins cultivés son
désaccord idéologique. Avec ses pairs, l’opposition aux jugements de valeur
contenus dans ses prises de position politiques l’incite à discréditer le
statut professionnel des opposants concurrents et, par là même, à mettre en
cause la totalité de ses fonctions intellectuelles. C’est la dialectique des
crétins, autrement appelée de la supériorité morale de la gauche en
général sur toute forme d’expression de droite. Il est préférable, pour le "supérieur cultivé" de gauche, de s’en remettre aux institutions hégémoniques, aux
appareils d’État sûrs et stables, aux coutumes et croyances imposées depuis
l’école dans une longue expérience de la tyrannie et de la terreur. Le grand
malheur qui s’est abattu sur nos sociétés européennes modernes provient des
utopies "supérieures de gauche", pavées de bonnes intentions dans la tête de ces intellectuels
humanistes qui ont inventé de dangereuses formules
abstraites dont les différentes tentatives d’application ont engendré les
effusions de sang et les massacres de masse les plus effroyables dont ils
rejettent cyniquement la responsabilité.
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« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de
tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante
apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le
standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement
produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur –qu’il
faudra entretenir– sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus
pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un
veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui
permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de
l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en
cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et
ceux qui la soutiennent devront ensuite être traités comme tels. »
Günther Anders, L'obsolescence
de l'homme, Encyclopédie des nuisances
Céline. Le moins que l’on puisse dire, c’est que
le courant n’est pas passé entre Jünger et Céline, les deux écrivains réchappés des tranchées. «
Il y a, chez lui, ce regard des maniaques, tourné en dedans, qui brille comme
au fond d’un trou », dit-il de ce personnage bileux et vindicatif après leur
rencontre dans Paris occupé (Journal, 7 décembre 1941). Horrifié par l’apologie
du crime de masse à laquelle se livre l’auteur du Voyage au bout de la nuit,
Jünger y décèle un « homme de l’Âge de pierre »
appâté par l’odeur des charniers putréfiés. Quelques années plus tard,
apprenant que le pleutre Dr. Destouches a préparé son exfiltration vers
l’Allemagne sitôt le débarquement allié annoncé, Jünger note, un brin acide,
dans son Journal : « Curieux de voir comment des êtres capables d’exiger de
sang-froid la tête de millions d’hommes s’inquiètent de leur sale petite vie. » Abécédaire Jünger http://www.causeur.fr/abecedaire-junger-26249.html
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