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mardi 3 mars 2020

Sous tes mégots, la mer ...




Plaisir d’écrire pour soi et de partager de personne à personne. Catherine Pozzi, fille d’un chirurgien ami de Proust, envoie à Jean Paulhan deux feuilles de papier avec des poèmes. Celui-ci veut les publier. Elle réagit immédiatement : « Cher Paulhan, Je vous étonne ou je vous choque, en vous jurant que mes vers allaient à l’ami, non au grand Directeur ? Je perdrais le plaisir d’en faire pour mon plaisir si vous les imprimiez – voici mon refus. » À qui l’absence de reconnaissance publique du silence fait-elle peur ? 

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La mort de quelqu’un qu’on aime bien contient la nôtre. À la mémoire de Markos Balentziaga, ami du coeur.

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Lucidité ludique de certaines formes de désenchantement : se contenter d’observer entre jubilation et sarcasme, parfois avec aigreur, les allées et venues des clans au pouvoir où que ce soit, tant convoité partout par les marionnettes, tous et toutes esclaves du caprice de la fortune et des magouilles des plus puissants que soi-même. 

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Je ne veux plus relayer les accusations presque unanimes contre le Céline avant ou après 1945 malgré ce qu’on sait de la déportation et des massacres. J’ai presque honte d’avouer que cela ne me détourne pas de lui, de sa manière de communiquer à l’écrit romanesque sa photo du monde tel qu’il le voit. L’entreprise d’asservissement des humains, en gros et en détail, la plus abjecte, le communisme – auquel j’ai adhéré par manque d’instruction et de formation suivie – est toujours populaire dans ses variantes le plus cocasses et criminelles, et on voudrait qu’un antisémite soit le diable parmi les diables ? Ajoutez au tout que les souffrances des victimes des zeures-les-plus-sombres d’il y a belle lurette sont devenues autant de prétextes exhibés sans repos pour infliger à d’autres victimes bien actuelles d’autres souffrances non moins terribles, la déportation des Palestiniens, après le vol de leurs terres, les tortures et les pires humiliations dans la bande de Gaza, camp de concentration à ciel ouvert. La ténacité du « méchant » Céline à cracher par le verbe illuminé contre l’ordure humaine me le rend plus proche du Qohèleth que de l’optimisme soi-disant humaniste, et combien bouffon et criminel, des officiellement décrétés « gentils ». 

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Proust et Léautaud en harmonie totale 

« Quelle n'a pas été ma tristesse d'apprendre que vous avilissiez la petite magistrature spirituelle dont votre goût et votre élévation et justesse d'esprit vous investissent en couvrant de votre approbation l'être le plus immonde, le plus dénué d'intelligence, de style, de grammaire, de sensibilité, d'originalité (ose-t-on dire après cela de talent?) qui existe, le premier publiciste qui me fasse comprendre le sens du mot innommable, car j'ai quelque dégoût à le nommer, M. Léautaud. Personnellement je ne le connais pas, j'ignore tout de lui. Mais j'ai lu un livre de lui qui s'appelle Amours et si vous ne trouvez pas que c'est la chose la plus atroce, la plus imbécile qui existe, l'un de nous deux est devenu fou. » (Lettre à Léo Larguier, fin 1906-début 1907) 


Détestation dont on trouve aussi des traces dans le libre de Serge Koster, Sérénité du dédain, PUF, p. 95 (« Léautaud, un zoolâtre dans son placard »). Cet être qui « se fai[sai]t faire des pardessus sans poches et tir[ait] des crins de sa doublure » n’avait rien, l’homme ou le style, pour plaire au Marcel dans son trou de liège… Pour Léautaud, le style de Proust, c’était du charabia. 

Conseil de visite : http://proust.elan-numerique.fr/

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Le gros problème dans notre boite de pétri progressiste européen, c’est qu’à force d’utiliser la peur à toute les sauces on finit par avoir un troupeau de moutons hystérique prompt à la cavalcade effrénée au moindre bruissement dans les hautes herbes. Nos gouvernants rendent ainsi leurs esclaves complètement fous, alternant le fouet et la pommade a un rythme effréné. Interdits les rassemblements (Barcelone, Venise... fermeture du Louvre, Salon du Livre) pour lutter contre le méchant virus, mais rassurez-vous quand même petits moutons, vous pouvez aller bosser dans les entreprises de moins de 5000 personnes par bureau. Ou voir votre match préféré ou prendre bus et métros sans problème. Les effets commencent à poindre : panique généralisée et hystérie planétaire. Sur une chaîne télé, on interroge les gens pour savoir s’ils ont peur d’aller au boulot. On aurait pu les interroger pour savoir s’ils ont peur d’aller en vacances… Comme quoi, le milieu où le méchant virus prolifère reste celui de la connerie. Et pas de virus sous les tropiques, cette méchante bestiole craignant le chaud, pire que tout pour elle ! Du coup, le réchauffement climatique pourrait être une solution définitive !!  La peur crée la panique. La panique engendre des comportements irrationnels, ce dont les gouvernements en profitent pour tester leur marge de manœuvre et faire avaler n’importe quoi au « peuple souverain ». À qui profite cette hystérie autour du coronavirus ? À l’ignorance, à la bêtise, à l’avidité. Depuis la dernière guerre mondiale, la science a été capable de gérer extraordinairement bien les pires risques de pandémie, comment, alors, s’inquiéter avec ces agitations dignes du pire obscurantisme pour ce virus qu’un potentiel vaccin, sans doute en cours d’étude, finira par mettre hors d’état de nuire ? 

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Notre gouvernement actuel et le président qui l’a formé ont au moins un point commun avec ceux qui l’ont précédé : ils ne conviennent pas à une large moitié des Espagnols. Pour certains, il y a urgence à les remplacer, pour d’autres il faut respecter les institutions, qu’ils maudissaient avant d’arriver au pouvoir, et attendre que les échéances électorales permettent de leur choisir des successeurs. Si tout gouvernement est, quoi qu’il fasse, en mesure de mécontenter beaucoup de monde, il est bien plus délicat d’en trouver un qui satisfasse ne serait-ce qu’une courte majorité. Il y a à cela une multitude de raisons. La principale étant qu’on attend beaucoup trop de gens qui somme toute ont un pouvoir très réduit et certainement pas celui de faire le bonheur de tous. Ambition d’autant moins réalisable que tous n’ont pas la même conception du bonheur ni de la manière d’y parvenir. A cela, il faut ajouter les irréconciliables contradictions que cultivent les partisans de ces multiples conceptions. En gros, on veut tout et son contraire. On souhaite un renouvellement du personnel politique mais on reproche aux nouveaux venus soit leur inexpérience soit leur appartenance à de vieilles familles politiques. On exige l’égalité tout en réclamant de voir ses mérites personnels reconnus et récompensés. Les gens réclament de l’honnêteté mais n’ont rien à cirer que le président ait fait coïncider de manière considérable des passages de sa thèse de doctorat avec des sources non citées ou qu’il soutienne tout et son contraire devant les médias ou au parlement. On veut la tranquillité publique sans que les forces de l’ordre aient recours à la force. On aspire à un pouvoir stable mais les élections répétées à tous les échelons (municipal, autonome de chaque région, national) n’annoncent la moindre mesure de réforme d’une loi électorale clanique et absurde. On exige « du progrès » sans reprocher leur incohérence aux gouvernants qui, comme tout un chacun, sont les héritiers des pires idéologies ineptes et meurtrières. Et ils s’en réclament sans honte et sans complexes… Tout ça ne date pas d’hier. La Fontaine, avec ses grenouilles qui demandaient un roi, était allé chercher son modèle chez Ésope, fabuliste qui serait né il y a quelque 2640 ans. C’est dire l’ancienneté du problème ! Pour qu’un pouvoir, quel qu’il soit, satisfasse, il lui faudrait un très large consensus sur les buts à viser et la manière d’y parvenir. Or ce genre de consensus non seulement n’existe plus mais, du fait de la configuration même de l’État et de notre Constitution, a de moins en moins de chance d’apparaître en ce que ce régime favorise l’atomisation de la société en une multitude de minorités régionales aux intérêts contradictoires. A l’inverse, une forme de consensus présente l’intérêt de réduire les oppositions. Dans le règne ambivalent du populisme férocement manichéen du pour et du contre, ceux qui sont contre ne s’unissent généralement que par leur rejet à quelque chose ou à quelqu’un. Quand ils parviennent à renverser le pouvoir qu’ils haïssent, ils se divisent à l’infini et quand le bazar devient anarchique, il arrive qu’un nouveau pouvoir fort apparaisse. Tout ça pour dire que le gouvernement idéal n’a dans les temps qui courent que le défaut de ne pas pouvoir exister davantage que le consensus qui le rendrait populaire et cela d’autant plus dans ce qu’on appelle l’État providence qui par définition se trouve en charge d’assurer le bonheur de ses citoyens. Si gouverner se bornait à exercer des fonctions régaliennes, assurer la sécurité extérieure, l’ordre public, définir le droit et rendre la justice, gérer les finances publiques etc., il me semble que les points de friction, sans disparaître, seraient moins nombreux tant il est plus aisé de s’entendre sur quelques points clairement définis que sur tout. Personnellement, vu que j’ai la chance de mener une existence qui grosso-modo me convient, je me contenterais de ce type de pouvoir. Contrairement à beaucoup, le gouvernement actuel ne me déplaît ni ne me plaît pas plus que ceux qui l’ont précédé depuis quelques décennies qui, en tentant de satisfaire des attentes déraisonnables et hors de leur portée et progressivement gagnés par une corruption rampante et impunie, nous ont amené à la situation absurde que nous connaissons aujourd’hui. 

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Je ne vais pas m’étendre trop mais je veux préciser quelque chose à ceux qui me parlent de conflits inévitables entre collègues. Deux grandes peaux de vaches féminines – l’une plus peau de vache que l’autre, quand même des plus vicieuses de ma fac de lettres ! – et moi, nous ne nous appréciions pas particulièrement. Haine sortant du tréfonds de moi-même : de classe, de formation, de tempérament, de tout… C'était même un euphémisme, tant nos rencontres semblaient l’occasion de se vouer télépathiquement une haine mutuelle. Et bien tenace, hélas. Elles avaient pour elles la publicité facile et bien organisée de leur réseau… En fait, ce qui me rendait en colère chez elles, c’est la facilité avec laquelle elles pouvaient démolir ou bâtir des réputations à partir de rien pour former leur propre narratif, comme on dit aujourd’hui, le répandre comme des galettes de mazout sur une plage et, ce faisant, voler la vraie réalité des gens de peu qui n’avaient pas leur mot à dire ni les moyens de réfuter leurs histoires. Elles construisaient leurs ragots en toute impunité. C’était des batailles d’un microcosme trou du cul si on veut mais bien plus graves que ça n’en a l’air vu la répétition du phénomène… 

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Au fil des ans, les connaissances quittent la conscience, l’écorce du savoir tombe progressivement en miettes. On finit par mépriser presque tout. Cette impression collée dans la tête d’avoir eu un devoir à accomplir, toute sa vie. Se battre pour l’égalité. Pour la justice. Changer les choses en ce monde. Et, puis, à un moment donné, on se rend compte que l’exclu est rendu satisfait de lui-même par la compassion qu’on lui porte. Il se prend pour le point de référence de la société, il commence à être presque fier de cette exclusion et s’attendrit de sa propre condition, qu’il exhibe pour être écrasement majoritaire… Ce narcissisme fait de lui un bœuf d’abattage, de l’appât pour plateaux télé. Au fil des ans, on se demande à qui donner sa sympathie… 

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Comment distinguer le Catalan de l'Espagnol ? Et ces deux lascars du prototype de Basque ? Objectivement, nul ne saurait le dire. Ils vivent ensemble depuis des siècles, portent majoritairement les mêmes noms de famille, regardent les mêmes chaînes de télévision, aiment les mêmes boissons et partagent un même engouement pour le football, chôment et travaillent à peu près sur le même calendrier. Entre autres. Mais maintenant, on les fait accroire qu’il existe des mondes spécifiques pour les uns et pour les autres, des manières d’être qui n’ont rien à voir, et que pour que triomphe l’un il faut à tout prix écraser les droits de l’autre. Pour le moment. La notice du médicament « indépendance » permet de voir clairement que pour être efficace il faut commencer par écraser ses voisins vu qu’on est nettement meilleur. Le mode d’emploi de ce remède ne laisse pas d’ouverture au doute. Ici même et partout dans le monde connu. Avant-hier, dans l'ex-Yougoslavie, hier à peine, au Rwanda. Et au jour d’aujourd’hui … à quoi bon continuer ? On ignore délibérément le sens des mots. Surtout, l’un des plus fétides. Démocratie. Appliqué avec du zèle partout, tout le temps, à n’importe quoi. Avec férocité infatigable, par les loups séparatistes ibériques transformés médiatiquement en doux agneaux provoqués par le monstre fasciste. Symboles du dévouement pour leur peuple. Pour plus de démocratie. Et pour l’indépendance et, bien entendu, pour le socialisme. Des mots, ce n’est pas ça qui manque dans la panoplie des bouchers ! La guerre froide et les longues années du régime du petit général allié des alliés – si utile, et si longtemps, aux intérêts catalans et basques – paraissaient avoir gelé le pourrissement, le rapide processus de décomposition des années trente mais ça reprend de plus belle en ce début de siècle post histoire. Avant la chute du mur de Berlin, on parlait de « dégel ». Ça faisait partie du vocabulaire qu’on entendait quand j’étais jeune. Le mur tombe : là, dégel total. Une fois le pack encombré de « -ismes » et de « -ances » décongelé, le pourrissement reprend. L’histoire, fallait s’en débarrasser au plus vite. Pour mettre en place la « mémoire ». Avec ses gentils mensonges qui permettent de suivre n’importe quel chemin.

Quand on entend « l’histoire aurait pris un autre chemin si… » nous sommes sûrs et certains qu’on nous fait perdre notre temps. Les méandres de la mémoire permettent, par contre, de si joyeux voyages pleins de nostalgie. L’indépendance ! Maintenant que la mondialisation s’impose partout ! Est-ce vraiment malin de se battre pour l’égalité en Espagne ? Quelle partie d’échecs où les gens jouent-ils contre eux-mêmes, à la fois pour les noirs et pour les blancs… Les plus franquistes entre les franquistes, les abjectes bourgeois catalano-basques, veulent voir une Espagne à genoux, des Espagnols humiliés se repentant de leur passé franquiste ! Eux ! Vas-y que je te fasse la leçon ! Fautifs qu’ils sont, ces affreux franquistes, d’avoir gagné la guerre civile… Ayez l’obligeance de leur en pardonner ! Et la répression. Aïe, aïe, aïe, comme c’est navrant ! Et le développement de la Catalogne et du Pays Basque grâce aux millions que le régime leur a apporté ! C’est à en gerber. Le calcul et le lucre révoltés contre le lucre et le calcul. Les usuriers et les banquiers contre les paumés espingouins. Les plus riches, le mieux lotis, tenant par les couilles les ploucs centralistes « castillans ». Les renards sionistisés de la suprématie ridicule de leur ethnie ou de leur intelligence de tricheurs pleins aux as crachant sur une constitution d’emprunt (allemand) qui leur garantit de jouer éternellement les premiers rôles. Le monde à l’envers. Quel sera le dernier acte de la décomposition de la social-démocratie espagnole ? Enlevez la Catalogne et le reste du vieux pays s’écroulera comme un château de cartes. Amputez le Pays Basque et tout partira en vrille. Bismarck en son temps disait déjà que l’Espagne était indestructible puisque les Espagnols eux-mêmes se voyaient dans l’incapacité de la détruire.


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Pourquoi demander au « peuple » d’accepter le sacrifice d’un concitoyen déjà assassiné ? Parce que tout le monde dans l’univers mafieux doit subir la catharsis du meurtre. Communier par le sang, comme dans les tribus de l’antiquité. On atteint la maturité dans la prise d’un scalp ennemi. Ou, dans la sous-merde de notre quotidien, dans la souillure persistante des tombes des assassinés. Ça valait aussi bien pour le grotesque univers stalinien que pour le cauchemar cubain ou pour le pauvre pantin héroïquement descendu par derrière ou plastiqué au Pays Basque. Il faut transgresser tous les tabous sociaux pour arriver à palper l’argent du contribuable, pardon, la construction du socialisme… 

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Les télés suprématistes sorties de la cornue du labo de la transition mettent en état de marche de par le vaste espace de l’état espagnol des racistes en quête de patrie, des nationalistes genre terroir et des soi-disant radicaux de gauche. On glisse dans les ténèbres, on reprend de zéro avec les mêmes erreurs… Tout pour rien : y a-t-il une évolution de l’esprit de génération en génération, peut-on la prévoir ? La nôtre, d’évolution, pousse dans la barbarie raciste et finira bien par s’arrêter et par mourir d’épuisement sans lien entre les générations une fois que ces liens familiaux auront été dynamités par la plus complète déshumanisation de la main des clans et des partis de progrès. Ce lien des générations était jusqu’à présent renforcé par les morts. Les père-mère devenaient les fils dans la rime continue de l’histoire, le mourant regardait droit devant lui appelant à sa mémoire les maillons de son histoire. Les petits toutous de Soros font pipi quotidiennement sur l’arbre généalogique de chacun – y compris du leur – en terre de Palestine ! 

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