Chacun suit son propre chemin, mais dans la même forêt ...
Paisajes en tartana de hojalata
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mercredi 8 mars 2017
L'âme désarmée ...
« Le seul
écrivain qui n’exerce aucune espèce de séduction sur les Américains, qui
n’offre aucune prise au charcutage de nos critiques marxistes, freudiens,
féministes, déconstructionnistes ou structuralistes, qui ne propose à nos
jeunes gens ni pose, ni sentimentalité, ni soporifiques, est justement celui
qui a le mieux exprimé la façon dont la vie se présente à un homme prêt à
s’interroger courageusement sur ce que nous croyons et ce que nous ne croyons
pas : Louis-Ferdinand Céline. C’est un artiste beaucoup plus doué et un
observateur beaucoup plus perspicace que Thomas Mann ou Albert Camus, pourtant
bien plus célèbres que lui. Robinson, l’homme qu’admire Bardamu dans Voyage au
bout de la nuit, est un égoïste, un menteur, un truqueur et un tueur à gages.
Alors pourquoi l’admire-t-il ? En partie pour son honnêteté, mais surtout parce
qu’il préfère se laisser tuer par sa maîtresse que de lui dire qu’il l’aime. Il
croyait en quelque chose, ce dont Bardamu est incapable. Les étudiants
américains sont rebutés et horrifiés par ce roman ; ils s’en détournent avec
dégoût. Mais si on pouvait le leur ingurgiter de force, cela pourrait les
inciter à reconsidérer bien des choses, à admettre qu’il serait urgent de
repenser leurs prémisses, à expliciter leur nihilisme implicite et à l’examiner
sérieusement. Si je cherche une image de notre condition intellectuelle
actuelle, je ne puis m’empêcher d’évoquer les bandes d’actualités
cinématographiques qui nous ont montré les Français s’éclaboussant joyeusement
sur une plage, lors des premiers congés payés décrétés par le gouvernement de
Front populaire de Léon Blum. Cela se passait en 1936, l’année où l’on a laissé
Hitler réoccuper la Rhénanie. Tous nos grands thèmes se trouvent évoqués dans
l’image de ces congés payés. »
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