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mardi 23 février 2021

Lectures fatiguées et souvenirs nomades...


Fables qu’on se raconte à la retraite : relevé de compte, crédit, débit ? J’ai toujours voulu être prof. Je n'ai jamais eu l'ambition de paraître, la coquetterie d’être socialement quelqu’un, de réussir, fût-ce grâce à la politique ou aux fameuses quatre qualités pour faire des affaires que je n’ai jamais eues. Pour moi l'enseignement a été une vraie consécration, un métier suffisamment engagé / enragé. Cela m'a encouragé à toujours travailler pour m'y consacrer de mon mieux et, en ce moment, déjà à la retraite depuis quelques années, je le regarde avec une nostalgie partiellement déçue : je n’ai plus pour objectif le vertige de continuer à enseigner…  Le socle de ce que pourrait bien être une certaine bonne réussite dans ma carrière professionnelle a été basé sur les sondages auprès de mes étudiants ou des stagiaires auxquels j'ai donné des formations. Toujours de bons résultats professionnels, de très bons même. Je garde soigneusement sous PDF ces enquêtes de fin de trimestre ou de stage, comme autant de témoignages de reconnaissance pour lesquels cela a valu la peine de travailler. Ils n'ont pas été favorables par hasard car ils se répètent année après année… J’aurais voulu laisser une certaine mémoire auprès des gens devant lesquels il m’a été donné d’enseigner, d’apprendre, de partager ce que je croyais savoir. De léguer quelque chose à ceux qui prennent ce métier au sérieux au-delà de l’envie des récompenses publiques : palmes, légions et autres colifichets... Vous en avez été bénéficiaire ? Grand bien vous fasse, félicitations !  Ça sert à quoi, tous ces machins ? Apportent-ils au moins une bonne dotation financière, se questionnent à juste titre les plus malins ? Et, si on veut de l'argent, ne vaudrait-il pas mieux se renseigner sur la construction ? On n'a jamais connu un moyen plus difficile de gagner de l'argent que celui d'enseigner… Cette ambition poussive de se démarquer des autres ! Je n’ai pas aimé, normalement, me comparer à d'autres collègues. Mes défaites ou mes victoires ont eu lieu seul. Peut-être que les sentiments les plus férocement hostiles que j'aie jamais conçus auront été dirigés contre deux professeures du département de ma fac de lettres, très organisées dans leurs entreprises d’auto-célébration – d’un incroyable niveau de pétasserie – que je trouvais – et je n’étais pas le seul ! – particulièrement exécrables et dont une insupportable couche d’autosuffisance que rien ne venait justifier me soulevait le cœur rien qu’à les croiser dans les couloirs. C’en était assez : je les convertis en objets d’une haine durable, avec une répugnance mêlée de profond dégoût qui dure jusqu’à aujourd’hui... Si quelqu’un pouvait me prendre par la main et m’éloigner de moi-même !

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La Familia de plus en plus grande. Cette affaire d’inceste est la dernière facture que les enfants de Mai 68 adressent à leurs parents. Dans cette lutte, la gauche intersectionnelle a eu la peau de la gauche caviar. Camille Kouchner et sa familia grande est l’arbre qui cache une forêt d’enfants blessés : Camille de Toledo (Alexis Mital), fils et petit-fils de patron de gauche, récure papa (patron de Danone) et maman (rédactrice en chef du Nouvel Obs) dans Thésée, sa vie nouvelle ; Virginie Linhart crucifie sa mère militante MLF dans L’effet maternel ; Raphaël Enthoven éparpille son père façon puzzle dans Le temps gagné ; Laurence Debray déboulonne la statue de Régis dans Fille de révolutionnaire ; Mao (!) Peninou, dans un documentaire (68, mes parents et moi), date son homosexualité du jour où, petit garçon, il a été terrorisé par les amies militantes MLF de sa mère, vantant les mérites de l’émasculation devant lui.Tout le monde était au courant mais personne ne mouftait ! Et la censure n’existe plus depuis longtemps !



On pense au propos de Léautaud dans ses Entretiens avec Robert Mallet, où ce qui touche à la famille, au sexe, à l’homosexualité, à l’armée, à la patrie et aux comportements des gens de lettres à la Libération avait été victime de la censure, ouverte et sans fard, de l’époque. Mallet et lui avaient dû revenir enregistrer certains passages pour les rendre conformes à ce que la radio tolérait. Ainsi, Léautaud notait le deux novembre mil neuf cent cinquante dans son Journal littéraire, à propos de la scène, racontée par lui, où son père couche avec sa mère et sa tante dans le même lit : « Le directeur de la radio a jugé qu’on ne pouvait offrir un pareil sujet aux familles, les familles dans la plupart desquelles il s’en passe bien d’autres. » Les Entretiens ont été publiés, sans censurer, par le Mercure de France en 1951.


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Bientôt 14 mois de bonheur. Depuis le 8 janvier 2020, les éructations, les bruits de lavements, de conduites et d’égouts se sont peu à peu imposés à nos oreilles, alors que les flonflons des rengaines bolivariano-podémites devenaient de plus en plus audibles. Car c’est bien le 8 janvier 2020 qu’avec effroi les Espagnols ont entendu battre la porte de leurs cabinets, les terrifiantes rumeurs sortant des cuvettes, sous le battement lancinant des lunettes et le cliquetis des chasses. Une pitoyable coalition socialo-chavézienne ressortait des fosses de l’Histoire pour se répandre dans une insoutenable puanteur sur tout notre pays. Ce fut juste le temps d’avant la pandémie et des helminthes triomphants, des ascaris couronnés, des cestodes exultants et des oxyures ébahis avaient repris le pouvoir… Leur première urgence fut d’éjecter la momie naphtalinée du vieux cadavre de Franco du mausolée de Cuelgamuros, Valle de los Caídos, près de Madrid, pour la simple raison que sa mémoire indisposait leur pimpante coalition au pouvoir. Audace que n’avait même pas osée un Felipe Gonzalez lorsqu’il est arrivé au gouvernement en 82. C'est dire. V’là donc une mesure courageuse ! Les fanas médiatiques de la mémoire démocratique s’en sont réjouis ! Même en France, s’il vous plaît, une certaine floraison moisie de fervents insoumis de la retirada a tressauté de joie médiatique… Là, très peu de mémoire des séides justiciers qui ont animé les maquis de la 25e heure, modérément harceleurs des Chleus sauf lorsqu’ils pouvaient en choper un sans risque, mais beaucoup fait dans la redistribution des richesses à l’usage exclusif des libérateurs. On pourra noter qu’ils ont aussi appliqué la plus juste des justices, inclusive justice avant la lettre, vraie à cent pour cent et sans modération, toujours à l’usage exclusif des vaincus et des femmes des vaincus héroïquement tondues et traînées nues dans les rues pour l’exemple, une fois que l’ennemi était loin. La somme de dévastations, d’horreurs et de souffrances subies par le peuple espagnol en guerre, en rien différente (à cette différence près que la loi des vainqueurs ne désigne et punit que les crimes des vaincus et passe ceux des vainqueurs à la trappe) de celle subie par l’ensemble de l’Europe immédiatement plus tard et décrites, explorées, analysées aussi bien l’une que l’autre jusqu’au moindre détail dans des millions de thèses, de mémoires, de livres, d'articles, de films, de témoignages, risquait d’être oubliée sans l’effort inestimable de nos superhéros justiciers au parlement… Il fallait bien que quelqu’un de courageux nous rappelle qu’il n’y avait que des anges d’un côté et des démons de l’autre… Les professionnels de la magouille qui nous gouvernent ne supportent plus le moindre obstacle sur leur parcours de folie reconstructrice.

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Pau Rivadulla " la voix de la classe ouvrière "
(défense de rire !)
Elle sait rire, la classe ouvrière ! L’histoire retiendra que cracher à la figure d’un débile artiste-rappeur de son état, fils d’un riche industriel catalan et petit-fils d’un lieutenant colonel franquiste réprimeur des maquis pyrénéens, convenablement présenté sous les projecteurs de nombreux médias de grand chemin comme un héros de la liberté d’expression, vous expose non seulement à une réputation plus que négative (méchant croque-mitaine fasciste !) mais également aux poursuites et incriminations les plus extrêmes, tandis que revendiquer en gueulant de travers comme ce rappeur de métier l’assassinat, le plastiquage et le massacre de tout ce qui bouge devrait vous donner automatiquement le droit à l’impunité voire la sympathie des vrais démocrates. Comprenne qui pourra… à moins que ce ne soit que trop facile à comprendre. Par un curieux retournement historique, pour les chavéziens espingouins, la démocratie ne peut pas exister sans leur approbation et supervision, cela implique donc d’écarter complètement leurs contradicteurs de la sphère publique et politique pour la faire fonctionner pleinement. Vu leur capacité pour imposer leurs vues à une social-démocratie idéologiquement moribonde, provisoirement son associée, ils réussiront sans trop de problème. Leur logique est imparable et l’histoire a démontré qu’ils ne reculent devant rien. Et, c'est pas papa qui va casquer pour les dégâts, dégradations et victimes résultant de l'enthousiasme de ses fans attroupés un peu partout... Que nenni ! On n'est pas la voix de la classe ouvrière rappeuse pour rien !

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Je lis de façon originale en ce moment : chaque jour je commence un livre nouveau, que je ne termine pas, et passe au suivant… L’ennui est trop souvent au rendez-vous !

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Paraboles

Présence indélébile des paraboles : Luc, 6, 41-45 – Matthieu 7, 3-5. « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. » La lecture de certains touito-gazouillis complètement stupides ou insultants à propos de tout et de rien, me confirme dans mon attitude vis-à-vis de ce machin ou de Facebook – même foire aux cons ! – à savoir de n’y exprimer mes opinions qu’à des amis triés sur le volet selon des critères bien précis comme leur sens de l’humour, par exemple, leurs opinions politiques désabusées, proches ou non des miennes, compatibles ou pas forcément avec elles mais laissant voir une capacité à s’exprimer en bon français ou espagnol, ou basque, peu importe… Et surtout des personnes ayant suffisamment de recul critique pour ne pas s’engager dans des polémiques sans fondement autre que l’hypocrisie et aussi vaines que violentes.  Moyennant quoi on peut passer d’agréables moments à fréquenter ces foutus rezossossios. De toute façon, c’est ou se taire ou bien courir un risque, dans mon cas ce risque semble encore bien minime, mais qui sait ce qui peut arriver… ? Les maîtres-de-tout veillent au grain partout.

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@ Christian Houge
Nous nous éteindrons nous-mêmes. Avoir des qualités ne suffit pas. Pour satisfaire la vanité bourgeoise d’être quelqu’un, à moins d’un miracle, il vaut mieux, au départ, appartenir à un clan, s’inscrire dans une filière, s’aligner à quelque parti que ce soit pour mettre en valeur des capacités – souvent ataviques – à courber l’échine… faute de quoi on se verra toujours fatalement éloigné de toute espèce de dispensateurs de planques, de couronnement socialement rentable. Pas étonnant, à ce moment-là, de voir des girouettes politiques, médiatiques, universitaires, publicitaires, du monde de la gastronomie ou du cosmos de la finance qui s’intitulent elles-mêmes importantes pointer toujours leur nez dans la direction d’où vient le vent. Elles n’ont pour la plupart rien anticipé, rien prévu, rien apporté, rien foutu… mais elles règnent sur les esprits par le contrôle absolu de l’école, la communication, la publicité, le cinéma, les postes de direction… autant de bénédictions du vrai pouvoir. Ça peut basculer au fil des ans et sans décence du conservatisme obscène à une sorte de gauchisme vague et veule, niais et débectant mais toute remise en cause, toute critique sérieuse est immédiatement étouffée ou frappée d’opprobre sans le moindre examen et dans l’apathie générale. Abandon, déni, rejet de tout ce qui nous a fait ce que nous sommes devenus au bénéfice d’une tabula rasa offrant par seule et unique pitance des mots creux, des abstractions grotesques et vides que tout le monde croit comprendre, à la sauce d’une démagogie crétinisante… Il vaut mieux donc se vouer à la solitude et demeurer ignoré du grand nombre puisqu’on ne peut pas échapper à cette société toujours gavée de mensonges et jamais fatiguée de prendre des vessies pour des lanternes, épuisée et vautrée dans le culte imbécile de ce que ne pourra que la détruire.

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Signatures. Manifestes. Quelle caution morale attendre d’un écrivain ? Normalement, énorme distance, véritable fossé entre la lucidité d’une écriture – quand c’est le cas – et l’exaltation d’un comportement citoyen difficile à partager car inexplicable. Si déjà pour des intellectuels comme Sartre, malfaisant rêvant du bonheur du peuple à coups de matraque que prodiguaient les utopies égalitaires et ruineuses alors qu’il savait très bien ce que cela signifiait, une des pires enflures du vingtième siècle (« un anti-communiste est un chien »), aveuglé sans discontinuité devant les massacres jusqu’au moment où cela devenait tellement indécent qu’il fallait rapidement coiffer une casquette humanitaire, la question était délicate, que pourrait-on espérer des plumitifs torche-culs qui n’ont jamais fait que le jeu du mou progressisme professionnel, leur seul évangile, portant toujours une haine hystérique à cette nébuleuse appelée « la droite » ? Empêtrés dans le culte archi-usé, dans la mythologie imbécile de « les-soussignés-exigent », ils sont incapables de voir à quel point de tels discours peuvent inspirer un ennui accablant.

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Mémoire démocratique. Il y en a toujours de plus en plus des narrateurs pour souligner l’héroïsme qu’il y a eu à flinguer dans le dos un policier ou un conseiller municipal isolé à un coin de rue ou de plastiquer une caserne ou un supermarché et de se tirer vite fait tout en sachant, sans le plus léger trouble, qu’une inévitable répression tombera immanquablement sur la population, au risque pour certains d’y laisser leur peau. Et des hommages aux ordures qui se vantent sans état d'âme d’avoir commis pareilles prouesses sont toujours d'actualité. Du respect. C'est la moindre des choses. Pour ceux qui se pavaneront le cœur tranquille dans leur infamie, l’âme en paix et la reconnaissance de certains charognards qui parasitent le marigot politique avec leur monopole du récit des faits. Ah, le récit ! Hannah Arendt notait que c’est bien par le récit qui en est fait rétrospectivement qu’émerge pleinement le sens de ce qui a été vécu et que la vie acquiert sa forme d’aventure, de succession d’événements imprévisibles. Ce récit n'est possible que s'il apporte compréhension et réconciliation avec le passé, et Hannah Arendt suggérait même que c'est lui qui délivrera le jugement dernier. Autrement, pas de récit mais des histoires à dormir debout...

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