Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une
période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il
devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement
mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous
portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des
hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les
rédiger et que leur mission est de vous faire obéir. Voter, c’est être
dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au
tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre.
Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux
vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des
peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence
grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous
enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le
parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la
médiocrité prévaut fatalement.
Elisée Reclus - Le Révolté
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