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samedi 15 mars 2025

État des lieux mi-mars

 

Férocité antisémite. « Le Juif s'est émancipé d'une manière juive, non seulement en se rendant maître du marché financier, mais parce que, grâce à lui et par lui, l'argent est devenu une puissance mondiale, et l'esprit pratique juif l'esprit prati­que des peuples chrétiens. Les Juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus Juifs. » K. Marx, La Question Juive

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Relectures de Pound. Pound présente souvent l'aspect d'un homme qui essaie de communiquer à une personne très sourde que la maison est en feu, dit T. S. Eliot, l'un des premiers à avoir entendu cette voix d'alarme, qui l'a crue vraie et qui a rapidement quitté la maison. Ses vers souvent énigmatiques montrent des morceaux de marbre avec des lettres gravées par les anciens, des citations entières de poèmes d'autres personnes, des documents énigmatiques, des réminiscences d’autres cultures dans différentes langues. Et des noms de personnes et des villes, des noms partout, des noms propres et étranges. Des personnages historiques et des politiciens, des lieux géographiques, des restaurants, des pères de l'Église catholique romaine, des sectes hermétiques, des dieux grecs et des divinités vraisemblablement orientales, des monuments. Et surtout, des imprécations et des signes hiéroglyphiques, des idéogrammes … Tout se multiplie devant les yeux du lecteur des Cantos comme des ombres et, plus d'une fois, cela recouvre le texte le rendant indéchiffrable, rongeant même les belles phrases qu’on a pu soigneusement rassembler.





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Nostalgie de Bordeaux. Il n'est pas possible de se débarrasser de la finitude humaine en écrivant des livres. Mais il est possible de comprendre le temps dans lequel on a vécu et de se voir soi-même dans ce temps, en essayant de l'ordonner par les mots, en le divisant en chapitres pleinement conscients des difficultés d’arriver au mot fin pour autant qu’on y arrive. Je nous revois jeunes, à Bordeaux, juste au lendemain de notre mariage, embusqués dans nos livres, contents d’avoir pu quitter, sans retour, nos villes submergées par le paisible ennui provincial, par des routines qui n’étaient pas les nôtres, et découvrir des lieux insoupçonnés, sur des sentiers que nous battions nous-mêmes. Quitte-t-on jamais une ville dans laquelle on a vécu une année entière, une année étroite, à la limite de l’utopie de la jeunesse et des responsabilités de l'âge adulte, un temps qui marque, une ville d'une empreinte si large, d'un relief si profond ? Il est impossible de vivre une année dans le bonheur et de ne pas s'en souvenir à jamais.

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Pluie sans cesse, pluie encore, pluie toujours. Pluie d’Alicante et pluie d’Irun. J’attends toujours et je regarde vers nulle part, juste là où Dieu n'est pas absent, face à plusieurs étagères. Les livres se taisent mais les voix qu’ils gardent sont là. Toutes leurs voix. Quand on ne les entend plus, c'est comme si on était jeté hors des paradis qu’elles enferment et qu'on en avait seulement par instants quelques furtives réminiscences qu'on ne parvenait plus à relier entre elles ni à raccorder à la réalité présente. J'éprouve un attachement absolu pour tous ces livres. Et je me remets à écrire, de temps en temps, des lignes destinées à la lecture de très peu de gens qui me connaissent ou qui m’ont connu et je garde ce que j’ai écrit comme on presse de vieilles fleurs dans des livres afin de les faire sécher et de les conserver à long terme, avant de les oublier à jamais.

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La troisième guerre mondiale est à nos portes ! Ils sont sur tous les fronts, ces abrutis des média et de la politique. On n’y échappe pas, c'est pas possible d'avoir la paix cinq minutes. Le fétide Macron est leur fétiche et notre cher Pedro, chef du gouvernement vendeur de lotions capillaires aux tribus autochtones basque et catalane, se voit déjà, sans rire, maréchal décoré pour le moins …

Ma passion pour la décoration minuscule dans mon cabinet de travail s’explique par une pudeur incurable qui cherche dans ces objets modestes et vite démodés une manière de durer.



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De inmundo. Ces figures politiques, essentielles, de l’actualité qui se croient aux commandes, possèdent et accumulent beaucoup, ce sont des esclaves avisés qui règnent sur d'autres esclaves prêts à prendre leur place, car tout se renverse en permanence, pour le grand bonheur de la machine qui fonctionne toute seule, depuis au moins deux siècles. De temps à autre, pour relancer l'affaire qui pourrait faire mine de s'endormir, on nous fait croire qu'il y a deux camps, qu'il faut choisir d'appartenir au bon ou au mauvais, on nous somme de prendre parti, et tout continue sans qu'on entrevoie la moindre alternative réelle. Il y aurait des politiciens moraux et d'autres qui seraient immoraux. Ce serait moins bien de vendre l'eau de son bain que du shampoing aux plantes ou du dentifrice au fluor, du nougat que des céréales enrichis aux fibres, l’andouille Broncano serait moins pire que Motos le corniaud, Sanchez moins catastrophique que Feijoo. C'est le mouvement perpétuel de la Marchandise qui danse un pas de deux avec l'extinction de la réalité. Si l'on vous dit que La Sexta est une chaîne progressiste, que l’imbécile pas franchement sympathique Urtasun s'occupe essentiellement de culture, que le Grupo Prisa est l'un des principaux groupes de création et de distribution de contenus éducatifs, d'information et de divertissement sur les marchés hispanophones et lusophones et pas un banc de requins, est-ce que vous restez calmes ? Si la réponse est oui, c'est que vous êtes influencés par les forces du Bien, du côté correct de l'Histoire. Vous pouvez continuer à jouer.  Les rares capables de sortir de cette espèce de longue sieste constatent que leur vote n'a aucun effet réel, depuis des lustres, et peut-être depuis toujours. Que la démocratie représentative et ses labyrinthes piégés est un leurre, ou plutôt une idée, une belle idée, mais sans ancrage au sol. On n’est pas peu content quand on se dit qu’en votant au moins sa voix sera effective, et qu'on peut participer, même d'une manière infime, qu'on peut compter un peu, si peu que ce soit. Qu’on peut avoir de l’influence, du pouvoir social, du crédit. Le grand mot est lâché : influenceur. Un tout petit influenceur à son niveau. Qui n'a pas rêvé d'avoir de l'influence, ne serait que sur ses voisins, ses collègues, ses enfants, ses amis ou les gens de son quartier ? Un citoyen qui n'aurait aucune influence sur ceux qui le gouvernent en son nom ne peut que devenir un moins que rien, un zéro moins zéro. Il faut faire gagner les siens, les gentils, bravo !



 



1 commentaire:

  1. Cher ami! Chaque fois encore plus deçu, chaque jour encoré plus clairvoyant.

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