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samedi 22 février 2025

« On ne peut plus écrire quand on ne s’estime plus. » Flaubert à George Sand, 23 juillet 1870

Minima quotidiana. Le ciel est gris à Alicante ce matin et un semblant de douceur se fait sentir. Le bus vingt-deux a retrouvé son itinéraire habituel vers Playa San Juan et on peut en descendre à l’arrêt Camino del Faro comme d’habitude.

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Ce que j’ai écrit dans ce blog à propos de l’opération militaire spéciale de l’armée russe en Ucraine, entre février 2022 et aujourd’hui, réduit ma colère contre l’incurable bêtise de certains larbins journaleux. Entendre les aboiements hystériques de BHL, F. J. Losantos ou leurs semblables est vraiment réjouissant. Pour ce qui est des médias français, aucun espoir. Pour eux, c’est Zelensky qui gagnait sur tous les fronts et la « trahison » de Trump n’en est que plus insoutenable. En revanche, de moins en moins d’espoir, hélas, pour l’avenir des Palestiniens sous la criminelle saleté sioniste et la presque totale indifférence de la « communauté internationale ». J’ai suivi l’évolution du massacre progressif de toute une population, d’abord avec impuissance, puis avec une rage sourde et de moins en moins de perspective (chute de la Syrie en quelques jours !) et, enfin, paralysé sur le rythme noir et douloureux de la tragédie qui finira par s’abattre sur toute la région.

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Nous vivons la plus grande campagne publicitaire de tous les temps, orchestrée par une presse que presque personne ne lit, mais généreusement arrosée par Pierre-le-Subventionneur. Il ne s’agit pas de nous vendre un yaourt cette fois-ci (quoique …) mais carrément la grotesque figure de notre clown président à vie. Des millions d’Espagnols s’entêtent à aimer passionnément le premier président marketing de notre Histoire, choisi et élu avant eux par Soros (père et fils) and Company, par ses qualités de voyou sans décence et sans idéologie connue. Et du Sanchez, ils en ont bouffé encore et encore depuis des années, à tous les coins de rue, dans les couloirs du métro, sur les flancs des bus, et bien sûr sur toutes les ondes et écrans imaginables. Et semant à tout vent des subventions comme des petites graines… Normal, « l’argent public n’appartient à personne » comme se plaisait à affirmer la pétasse à la tête du Conseil d’État, à l’époque dans laquelle elle n'était que ministre de la Présidence du Caïd en chef, dont le nom revient dans presque tous les dossiers de corruption depuis de mois. Ce cynique marchand de merde ne quittera jamais le pouvoir ! Son gourmand électorat en redemande sans cesse.

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À l’heure où la gauche américanisée exigeait la rupture de l’égalité par la discrimination positive, la détermination des individus par le genre capricieusement décidé au long d’une vie et l’éveil aux injustices des races d’après l’agenda décolonial, orchestrant sans repos le degré zéro du savoir, profondément moutonisé à l’aide d’une sociologie qui traque sous ses divers faux-nez le mérite et l’effort, il semble que le vieux rationalisme vit l’espoir d’un retour après son exil dans l’asile de quelques têtes libres, dans les humbles recoins de la réflexion libre et du courage irréductible.

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Heidegger sur la pensée : « La parole du penseur n’a pas d’autorité. La parole du penseur ne connaît pas d’auteur. La parole de la pensée n’a ni éclat ni attrait. La parole de la pensée repose sur la désillusion de ce qu’elle dit ». Tel est le destin de tout enseignant. À part cela, penser est une tâche ingrate, impensablement ingrate. Allez voir, si vous avez l'envie et le temps, le post du 6 juin 2019.

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Le sort des femmes dans le monde : « Le wanderer (il connaît l’anglais, ce vagabond !) que je suis redeviendra humaniste lorsque cessera la suprématie du mâle. Il souffre à chaque instant de se heurter où qu’il porte ses pas (aux rares exceptions des pays scandinaves, de certaines vallées himalayennes et des jungles primaires) à la toute-puissance de la testostérone. Il lui semble que l’humanité a érigé en divinité, le mauvais chromosome. Il entend des cris de joie dans les maisons berbères saluant la naissance d’un garçon et des lamentations si c’est une fille. Il a traversé des villages dans les campagnes de Chine où les mères se pendent si elles enfantent une fille. Il a vu en Inde où il manque cinquante millions de femmes, le visage des victimes qu’on a tenté de brûler. Il a lu dans le Coran – ce bégaiement paniqué de berger hagard (là, avec cette formule qui sonne faux, notre wanderer trop pressé se permet de déconner en profondeur) - le mépris ruisselant de stupidité dans lequel est tenue la femme. Il sait qu’en Europe autour de lui, sous ses yeux, la situation n’est pas plus heureuse. Dans les champs tropicaux qu’il a traversés, il n’a souvent vu que la silhouette des femmes affairées aux moissons pendant que les hommes s’adonnaient à cette occupation qui tient en haleine chaque jour des milliards d’entre eux : suivre l’ombre d’un arbre au fur et à mesure que le soleil se déplace dans le ciel. Dans des pays de sable et de soleil, il a partagé des dîners à la table du maître de maison pendant que la mère de famille se nourrissait par terre de ce qu’on lui laissait. Il a rencontré des familles composées de petits garçons gras comme des poussahs entourés de fillettes aux côtes saillantes. Il a collecté dans ses carnets de notes quelques proverbes hideux : Quand la fille naît, même les murs pleurent (Roumanie). Une fille donne autant de soucis qu’un troupeau de mille bêtes (Tibet). Instruire une femme, c’est mettre un couteau entre les mains d’un singe (Inde). La femme est la porte principale de l’enfer (Inde). La femme que Dieu comble de bonheur est celle qui meurt avant son mari (monde arabe). Merci, mon Dieu, de ne pas m’avoir fait naître femme (monde juif) … » Sylvain Tesson, L’Energie vagabonde, Bouquins

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Obsèques de J. L. Marcos. Surprise de mon interlocutrice, me croyant fils unique, quand je lui apprends que j’ai une sœur ainée, qui vient de perdre son mari, et que j’ai eu aussi un petit frère disparu prématurément, du même prénom que moi et qui m’a précédé. À part trois autres morts en bas âge. Plus surprise encore, quand je luis dis que j’aurais aimé voir sa sépulture avec ses nom et prénom (les miens !) gravés dessus. J’ignore pourquoi cela lui semble choquant que je porte les mêmes nom et prénom d’un enfant mort précédemment à ma naissance. Mais, je ne vois pas de problème particulier à porter le même prénom d’un frère disparu trop tôt et dont la mort a brisé à jamais mes parents. Ils ont été toujours très discrets là-dessus écartant complètement l’idée que j’aurais pu en quelque sorte le remplacer dans leurs cœurs. Comme je l’ai expliqué dans un autre post, ma mère s’en était ouverte, très affligée, à ma femme, Rosa, il y a longtemps, mais jamais à moi de la même manière. J’étais bien sûr au courant, sans imaginer à quel point, sans trop d’explications ni la moindre plainte, ils en avaient été accablés, elle et mon père par cette disparition. J’ignore même la date de son décès. J’avoue que mon rapport à la mort n’a jamais été particulièrement problématique. Je crois que la vie et la mort se rejoignent en un point obscur, secret pour tout le monde. On n’a pas demandé de naître et notre mort ne dépend nullement de notre désir, qui se limite à faire durer au possible la distance entre ces deux moments énigmatiques. Avec un peu de chance, en essayant de couvrir cette distance ouvrant notre vie sur autre chose que nous-mêmes, comme l’ont déjà fait bon nombre des gens qui nous ont précédés et qui nous ont ouvert les portes à la vie. Mon père, entre autres, n’a pas eu une seconde pour penser à lui et ma mère voulait agir chaque jour pour rendre la vie d’autrui réellement plus facile sinon plus heureuse.


Le tout, avec un sens de l’humour singulier, très fin. Son prénom d’Eulogia fait sourire mon interlocutrice avec une moue de surprise, car peu courant. Elle portait ce prénom gréco-byzantin, εύλογια, équivalent à « beau langage », « belles paroles », qui a pu renvoyer par confusion avec eulogium, elogium, à l’idée d’ « éloge » ou de « dire du bien », de « béné-diction ». L’étymologie de ce prénom, à sonorité douce, est souvent associée à des vertus telles que la bonté, la sagesse ou l'intégrité, et il peut aussi porter une dimension spirituelle, de forte racine chrétienne. Dans l’Empire byzantin, où le grec était la langue dominante et la foi chrétienne profondément ancrée, des gens étaient baptisés de ce prénom en raison de sa connotation religieuse. Des siècles plus tard, des familles paysannes de la Vielle Castille utilisaient toujours ce patronyme pour exprimer la foi et la piété ou par simple coïncidence avec le saint du jour. S’il n’est pas parmi les plus répandus, il est tout à fait vraisemblable qu’il était donné et porté dans des contextes où les valeurs religieuses étaient encore très présentes dans la vie quotidienne des paysans et villageois. J’expliquais à ma cousine par alliance que cette coïncidence, ce lien entre le prénom et la vie réellement vécue par ma mère, m’a donné un éclairage rétrospectif fascinant. Il me semble que son prénom a été toujours en parfaite harmonie avec sa personnalité et ses valeurs profondes. L’idée de rendre son entourage heureux sans relâche ainsi que sa volonté de faire le bien sans chercher la reconnaissance illustrent admirablement les notions de « louange » ou de « bénédiction » à travers une vie discrète mais profondément alignée avec ces valeurs. Il est rare de voir des gens qui incarnent autant la pureté et la simplicité de ces principes sans chercher à se mettre en avant. Agir de manière désintéressée, sans vouloir en tirer de gloire personnelle ni la moindre reconnaissance ! Cela porte le respect, de réaliser avec des années de recul, qu’un prénom peut, d’une certaine manière, résumer une vie. Il ne m’aura pas fallu de longues années pour comprendre ce que je lui devais, ainsi qu’à mon père, et quel rapport il pouvait exister entre leur vie et la mienne en dépit du ton tragique de tant de textes qui se limitent à constater que nous avançons sur les dépouilles de nos parents. « Chacun doit tuer son père» écrivait Tonton Sigmund, en contradiction avec Proverbes (17,6) où nous lisons que « les enfants des enfants sont la couronne des vieillards, et les pères sont la gloire de leurs enfants ». Je m’en veux un peu d’avoir voulu garder mes souliers propres et de prétexter la forte pluie et la menace d’une imminente chute de neige sur l’autoroute de notre retour à la maison, sans les rendre visite dans le profond silence de leur tombeau, dans le cimetière juste à côté, précisément l’endroit où la période de temps qu’il nous reste à vivre pourrait prendre toute sa signification : notre lointaine naissance avec ses aléas biologiques et la mort qui nous attend, je l’écrivais ci-dessus, se rejoignent en un point obscur. Voilà comment une conversation banale, dans l’ambiance inévitablement glauque d’un crématorium, peut se transformer en parcours à travers les souvenirs d’une vie … et l’arrivée de la mort qui nous coupera l’envie incurable d’errer dans les idées et de tout expliquer. Surtout, l’inexplicable.