PAC garde une
dent contre Céline. Ne pas se renier : « cuestión de estética » (Pierre-Antoine, l’Autre Cousteau, p.
162).
« Je lis en
ce moment Mort à crédit qui était une
de mes lacunes dans la bibliographie célinesque. Un talent énorme, bien sûr.
Des trouvailles de style souvent bouleversantes. Mais j'y prends dans
l'ensemble peu de plaisir. La scatologie n'est excusable que lorsqu'elle
renforce l'invective. La scatologie en soi est inexcusable. Or Céline est
scatologique pour le plaisir d'être scatologique. [...] Continué Mort à crédit avec un dégoût croissant.
Ferdinand insiste lourdement, complaisamment, sur le fait qu'il avait les pieds
sales et qu’à la longue ça sentait extrêmement fort. Or il suffit de l'avoir vu
dans son intérieur pour savoir que ça n'est pas une affabulation littéraire.
J'accepte toutes les perversions sexuelles, toutes les formes de délinquance,
toutes les erreurs psychopathiques mais pas les pieds sales. Sur ce point je me
sens un fanatisme glacé et impitoyable de grand inquisiteur. Ça ne se discute
pas. C'est comme ça. [...] Je n'arrive pas à finir Mort à crédit. Pourtant je veux aller jusqu'au bout. Mais je me
sens envahi par une immense nostalgie de la phrase fignolée, des termes rares
et gracieux, de la syntaxe élégante, je me sens envahi par le dégoût de l'argot
et de la vulgarité, et pour un peu je jurerais de ne plus employer un seul mot
de la langue verte. C'est vraiment un accident que Céline se soit trouvé de
notre côté à cause de ses malencontreux pamphlets. Son œuvre est destinée à
être le chantre des crasseux, des médiocres, les lâches, des ratés, bref de
tous ceux vers qui va la tendresse de la conscience universelle et de Jean-Paul
Sartre. Sa place était à Saint-Germain-des-Prés. On comprend qu'il ait la
nostalgie de tout ça et qu'il proteste contre l'injustice du sort. C'est
maintenant qu’il est "authentique" » (11 avril)
... / ...

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« Essayé de
lire le dernier Céline [Féérie pour une
autre fois]. C’est imbécile, c’est répugnant et c’est surtout tellement ennuyeux
qu’il n’est pas possible d’aller jusqu’au bout. Le Louis Ferdinand s’étale dans
toute sa hideur. Le bouquin sue la trouille, l’égoïsme et le gâtisme. Il est la
seule victime de l’épuration (les autres ça ne compte pas). Il est innocent. Il
est résistant. Et toutes les deux pages il rappelle qu’il a eu la médaille
militaire en 14. Quant aux « juifs », non seulement se sont
volatilisés, mais sur la page de garde, dans la liste des œuvres du même
auteur, Bagatelles et l’École des cadavres ont disparu. Je n’imagine
pas qu’on puisse être plus misérable. »
J.-P. Cousteau,
"Chapitre X - Mai 1947-juillet 1953. Clairvaux-Eysses", in Pierre-Antoine, l'Autre Cousteau, Via
Romana
Et la réponse
furibarde de Céline : « … et Cousteau donc dans Rivarol [pour son article
« D’un râtelier l’autre »] !
Tout aussi diffamateur, encore peut-être plus enragé, déjà tout son bazar sous
le bras, rectum et annexes, l’auriez-vous vu réfléchir ? bigre que non !
vous prouve que le cancer est atroce mais que la jalousie l’emporte ! ... »
Céline, Rigodon (Pléiade, 851)