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vendredi 19 avril 2024

C’est pour vivre heureux que nous vivons cachés !

 



Der Proletarier hat keine Heimat …

Déclaration des revenus. Une année après le second tsunami familial, voici le moment de faire non seulement un bilan économique mais également global. Écrire les choses le plus simplement possible, ce n'est réalisable qu'avec des gens qui possèdent l'intelligence de la simplicité. L'écrit devrait permettre de dire calmement à ceux qu'on aime et à ses amis ce que, dit oralement, prendrait une autre apparence. Nous nous en sommes bien tirés cette fois-ci. Globalement aussi, bilan reluisant. Après tout, pourquoi se scandaliser de ce qu’on a été heureux ? Je n’en vois aucune raison à cela. Je ne prétends pas poser en exemple ni même que j'en aie envie, dans ma vie publique au privée, de vendre une quelconque recette qui ait fait ses preuves, valable pour qui que ce soit. J’écris simplement que j'ai vécu conformément à mes projets, une suite d’idées qui s’est avérée réaliste, en accord avec mon temps et mon époque, pétrissant chance et travail pour obtenir quelque chose, ce qui est tout différent. Nos rêves ne nous demandent pas la permission d'être ce qu'ils sont, ils nous rendent visite : on les accueille ou on les chasse loin de soi, point barre. Mais sans le manège tourbillonnant des rêves et des projets la vie deviendrait diablement ennuyeuse quoique tout aussi bien respectable. Raison pour laquelle beaucoup de gens, des illusions, ils en redemandent, comme si rêves et projets étaient une bouée de sauvetage qui les sauverait de la vie à défaut de leur sauver la vie. Pour retourner aux tracas du quotidien, au début de l’année, nos retraites ont été augmentées. Je palpe maintenant quelques euros de plus mensuels. Je mesure ma chance de vivre dans une société généreuse, qui rétribue ostensiblement des gens qui n’ont jamais cotisé en même temps qu’elle le fait, plus parcimonieuse, avec ceux qui ont fait quelque chose pour le mériter, contribuant toute leur vie active aux dépenses communes, par exemple. Ne chipotons pas, j’ai eu la possibilité d’exercer un métier qui correspondait à ma vocation d’enseigner, nonobstant des horaires et des distances pas toujours adéquats pour m’assurer des moments de coupure avec le travail afin de mener des recherches pour ma thèse et quelques articles ici et là et de remplir une vie de famille avec des projets annexes. Notre genre de vie étant ce qu’il est, assez casanier et tranquille, nous menons une vie indépendante, autonome et réglée qui nous procure un profond soulagement face à la réalité extérieure de plus en plus menaçante à bien des égards … La santé et l’enseignement ont été au centre de nos activités depuis le début dans nos respectifs domaines professionnels. « Du coup » (mes phrases s’alourdissent du jargon a la mode, a peine rescapées des bourrelets de tant de participes présents !), on a l’impression de terminer sa vie ayant facilité à d’autres de commencer l’accomplissement de la leur ou bien les portant secours dans la maladie et la douleur. Que demander de plus, chaque matin au réveil, que ces rayons de lumière qui entrent dans notre chambre ?

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De retour à Alicante
. Je me souviens qu’une fois, nous allions boire une bière aux 100 Montaditos, terrasse en première ligne de plage, et nous avons assisté à la sortie de messe de la paroisse de Saint-Pierre de Playa San Juan (Alicante). Il y en avait foule. Des gens de toute classe et condition se côtoyaient et bavardaient. Des enfants habillés de dimanche couraient partout. Des groupes de paroissiens parlaient entre eux. Je m’étais aventuré à explorer les lieux et je suis entré dans l’église au milieu de ce beau monde. L’intérieur, légèrement incliné vers le bas autour de l’autel, m’a beaucoup plu. Du haut du dernier rang de bancs, j’ai considéré un trio de vingtenaires tout en bas, d’allure modeste, avec des guitares. Tous trois semblaient très contents et parlaient fort pour le faire savoir. Quand ils ont quitté les lieux, c’était avec ce commentaire d’un monsieur en tenue de touriste en vacances : « Ils nous ont fait passer un moment inoubliable avec leur musique ! ». R. et moi, on avait manqué un si beau moment mais on compte bien se rattraper dans quelques jours.

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Casse-tête fréquent chez l’assistant Google. J’aimerais savoir par quel biais idéologique, à chaque fois que je dicte en français « la mer » après mon « OK Google ! » il comprend « la mère » ! Ce logiciel est clairement en faveur du redressement démographique ... Et quand j’oublie de fermer en mode interprète, je peux dire « ferme ! » et il répond avec le même entrain “¡granja!”

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Elections, plus que jamais, piège à … électeurs ! Étant donné la malédiction depuis décembre de 1978 (la sacrée transition) qui veut que chaque président du gouvernement soit pire pour le pays que son prédécesseur et vu l’état actuel de ce pays en lambeaux, s’il y a des élections anticipées dans un délai prochain, après les élections basques et catalanes, je voterai pour que Sanchez-la-Magouille soit président à vie. Pour le moment, la chute est interminable, comme une agonie sans fin. Je n’espère qu’une fin rapide pour reconstruire autrement, autre chose. Donc il faut précipiter la fin : guerre civile (appelée de leurs vœux, pour la gagner cette fois-ci (?), par notre président à vie et sa clique), déclassement de la dette, euthanasie des retraités et des rentiers, combustion de nos forces armées sous protectorat américain en Ukraine, comptes confisqués … tout sera bon pour hâter le processus. Eh oui, certains se plaignaient du président Suarez, qui eurent Calvo Sotelo ; de celui-ci, qui eurent le tandem F. Gonzalez-A. Guerra ; de J. M. Aznar, qui eurent Zapatero ; de Rajoy, qui eurent le saltimbanque actuel sans scrupules ni idéologie aucune. Jusqu’où ne descendrons-nous pas ? Mais comme dit un de mes lecteurs non-commentateurs préférés, quand on touche le fond, on creuse encore … Le tout sous l’égide du grand baiseur-chasseur Campechano I qui a légué la couronne pour mieux garder ses deniers, conservant jalousement la confortable galette amassée, à son fiston, Preparao I. Pour ce qui est de chaque scandale au sein des différents cercles pourris de la mare puante du sanchisme, le gouvernement met scrupuleusement en pratique le théorème attribué au vieux requin Charles Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire de l’affaire, jusqu’à ce que personne n’y comprenne plus rien. »

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En fait oui notre régime des autonomies couronnées est fiscalement mortel, spoliateur, accapareur pour les actifs, les producteurs et les travailleurs en général, tout en étant, disons, redistributif, social-démocrate (c’est ce qu’il prétend, mais comment le croire ?), pour le moment, pour les masses migrantes en progression depuis la pandémie ou la foule d’allogènes assistés. Il est particratique à la base et féodal, oligarchique, si on regarde le sommet de la pyramide, là où se situe proprement le régime même, le pouvoir en soi, une aristocratie, un syndicat de fortunes privées, bancaires essentiellement, qui ont fait main basse sur l’ensemble de l’État et du pays dont ils sont les propriétaires réels. Or aujourd’hui le gouvernement « progressiste et de conciliation », est à la fois un ultra libéralisme au niveau économique et un wokisme dégénéré au niveau sociétal, donc la forme ultime du capitalisme apatride anti national. Les définitions du mot « socialisme » restent pourtant les mêmes : regardez dans les dictionnaires disponibles. Il y en aurait une qui correspondrait avec la politique du Parti Sanchiste après avoir brouillé les cartes jusqu’à l’inimaginable ? Ce parti, profondément proaméricain et très atlantiste, ne fait que reproduire parmi nous la politique de la « gauche » états-unienne (Parti Démocrate) : libéral-libertaire. Les journalistes politiques qui traitent ce gouvernement de gauchiste (!) ne savent pas de quoi ils causent.

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Le péril iranien : faites-vous peur ! Radotage obsédant sur l’« antisémitisme » dans nos médias. Soyons clairs : soutenir le droit imprescriptible des Palestiniens à récupérer leur terre historique et à se réimplanter dignement là où vivent et ont vécu leurs ancêtres depuis l’âge de fer est une profession de foi philosémite, autrement dit, la meilleure manière de combattre l’antisémitisme. Protéger et défendre la Palestine malgré et contre tout et surtout à cause de ce qu’il s’est passé après le 7 octobre 2023. Combien de fois Israël a fait des 7 octobre depuis presque 80 ans ? 50 fois, 100 fois, 200 fois, mille fois ? Et une mise au point : il n’y a pas que le Hamas qui combat Israël. Le 7 octobre a été déclenché par le Hamas, le Djihad Islamique, le FPLP (d’obédience marxiste) et le FPLP commandement général, issu de la scission du FPLP. Les médias focalisent sur le Hamas, la composante la plus importante, pour décrédibiliser le combat palestinien et le réduire d’un combat de libération nationale à un combat exclusivement islamiste. D’autres mouvements de différentes tendances ont rejoint le combat depuis. Sur les radios et les chaînes télé espagnoles, c’est toujours le déferlement pro-israélien sans nuances. Pour ce beau monde, le 7 Octobre a été un choc : ils ont donc relayé sans sourciller toute la propagande de l’armée israélienne et du gouvernement des gangsters sionistes : les « 40 bébés décapités », le « pogrom », sans compter les salades sur l’attaque des « terroristes du Hamas » qui ne venait évidemment pas de nulle part, par pur caprice. Sur tous ces médias, le contexte, l’histoire, la géopolitique, ils s’en foutent : seule l’émotion à l’instant compte. Émotion pour émotion je laisse ici Gaza, de Keny Arkana. L’entité sioniste, malgré ses armes de destruction massive atomiques – bien réelles : merci M. Dassault ! – n’a pas les moyens d’attaquer l’Iran seule et la racaille étatsunienne ne peut pas se permettre une guerre contre un État aussi puissamment armé et soutenu par la Chine et la Russie.

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Ne manquez pas cela ! C’est du conspirationnisme ! Et pourtant, le débat reste ouvert. Principaux conspirationnistes : Bill Kaysing a été l'un des premiers à émettre des doutes sur la mise en scène de l'alunissage. Il a écrit un livre intitulé Nous ne sommes jamais allés sur la Lune : une escroquerie américaine à 30 milliards de dollars, et il est devenu le père de ces idées conspirationnistes. David Percy, expert en photographie et en audiovisuel, a présenté le documentaire What Happened on the Moon ? dans lequel il analyse les erreurs des photographies lunaires qui, selon lui, sont si évidentes qu'elles ont été commises à dessein par des employés de la NASA qui voulaient avertir de la mise en scène de l'alunissage. Bart Sibrel a réalisé un documentaire intitulé Something Strange Happened on the Moon Trip. Il y affirme qu'aucun des voyages sur la Lune n'a jamais eu lieu. Richard Hoagland, un célèbre ufologue, affirme que la NASA a trouvé des extraterrestres sur la lune et que c'est pour cette raison qu'ils ont trafiqué les photos pour nous le cacher. Jack White
, un autre photographe, analyse en détail les photos prises par la NASA sur le sol lunaire. Parmi les défenseurs, on trouve les astronautes Neil Armstrong, Edwin "Buzz" Aldrin et Michael Collins, ainsi que tous les participants à la mission Apollo. La communauté scientifique internationale figure également parmi les principaux défenseurs de l'alunissage. Et d’autres noms à citer : Phil Plait, James Oberg, Harald Lesch, James V. Scotti et Jay Windley. J’étais enfant lorsque j’ai vu les images d’Armstrong descendant lentement le long du Lunar Excursion Module. Pas de numérique pour les trucages à l’époque ! Mais finalement, l’assentiment général à fait que j’y ai longtemps cru aussi. C’est même dans nos livres d’Histoire. Et pourtant mon père disait en hochant la tête « tu crois que les Américains sont vraiment allés sur la Lune ? » Un ouvrier, pas un scientifique mais qui avait les pieds sur terre. J’y croyais et je me moquais de lui qui n’y croyait pas … Après j’ai pu observer les méthodes de trucage des dessins animés dans les années 60 et mes souvenirs à la vue d’Armstrong descendant de l’engin lunaire me sont revenus. Là, j’ai douté et j’ai compris qu’on aurait pu nous tromper. Rétrospectivement, je comprends que l’on ait réussi à tromper des enfants, des personnes innocentes et peu soupçonneuses. La société de l’époque était plutôt heureuse dans l’ensemble. Mais il est évident que de nombreuses personnes dans le monde devaient savoir parmi les scientifiques, les politiques, photographes, cinéastes, etc. Et tous ces gens ont laissé l’humanité tout entière croire à l’indiscutable vérité de l’expédition américaine ! On a tendance à en rire aujourd’hui. Ce type d’opérations permet qu’on puisse croire à d’autres « vérités » tout aussi contestables, plus nuisibles et destructrices. Les responsables devraient être démasqués. Car un mensonge constitue toujours une escroquerie. CQFD.

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Arthur Schopenhauer : toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence. On en est à la seconde, nous : ceux qui croient que P. Sanchez a toujours été un escroc sur toute la ligne, a squatté le pouvoir sans jamais gagner une élection et a laissé des traces de corruption indélébiles partout où il a mis ses pieds, passent indéfectiblement pour d’odieux complotistes ...

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« Je réponds ordinairement à ceux qui me demandent raison de mes voyages que je sais bien ce que je fuis mais non pas ce que je cherche. » Michel de Montaigne

 


 

 

 

 

 

 

 

lundi 8 avril 2024

La meute aboie, Gaza trépasse ...

Les chiens des médias sont toujours occupés depuis un long moment à mastiquer les os recuits (très dangereux pour leur santé !) jetés de loin par la machine à propagande sioniste. La chaîne qatarie Al-Jazeera corrige un peu la version israélienne ... Netanyahou a fait voter en urgence une loi pour couper le signal d’Al-Jazeera, une chaine qualifiée de « terroriste ».

October-7 (cliquez)



vendredi 5 avril 2024

Et exaltavit humiles.

 

La lecture est plus que la lecture et cela je le sais depuis toujours. Il n’y a pas de morale plus haute que la lecture. Elle exige de tout recommencer mille fois, de tout (re)mettre en question. Cette exigence est au commencement de tout, au même titre que l’amour, et ne réclame que la solitude. C’est dans la solitude que les secrets paraissent faciles à percer et les auteurs de calibre, capables de les révéler, nous y attendent.

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La social-démocratie prétend défendre les humbles et les opprimés. C'est monnaie courante surtout en période électorale. Ah, les humbles ! Une espèce de suprémaciste catalane, bien bourgeoise et bien conne, m’assurait en 2002 que les petits, les gens de classe « modeste » – pire : elle disait « humble », l’ordure ! – comme moi avaient eu beaucoup d'opportunités, que je n’avais pas à m’en plaindre, de ma condition, ce que je ne faisais pas en fait, bien au contraire : mon origine de classe, j’en étais bien fier et bien content ! Né dans une famille dénuée de tout qu'on aurait dit naguère pauvre, je peux assurer que mes parents n’ont jamais été modestes. Encore moins humbles. Sans fortune aucune, certes. Sans relations, sans privilèges, oui. Mais fiers, oui fiers, j'en suis certain. Parmi les emplois qui furent les siens : ouvrier agricole, manœuvre, concierge, bonne, domestique et qu’en sais-je encore … Quant à ma mère, depuis l’âge de sept ans, elle a été employée à tous les travaux du ménage, de la cuisine, « de mesdames » (las señoritas), à s’occuper des enfants de bourgeoises oisives, etc. Et j’ai toujours aimé le passé de courageux combattant de mon père (légion étrangère !) qui lui vaudra d'être respecté et apprécié de tous et qui devait mourir des suites d’un cancer en moins de dix mois. Ce père, trop présent, jamais je ne l'oublierai, jamais je ne quitterai sa main protectrice comme si elle tenait encore la mienne. J’ai été depuis mon enfance très loin des castes et des habitudes, des notables de tout poil et des idées reçues. L'adolescence ne fera qu'agrandir la distance entre moi et tant de m’as-tu-vu qu’il m’a été donné de connaître. À quoi bon se mettre à écrire des souvenirs ? Pour convaincre qui ou pour se libérer de quoi ? Écrire est à la fois une perte de temps et une fuite. L'illusion de dire quelque chose – mais à qui ? – se dissipe avec le temps et je n'ai plus l’énergie suffisante pour trouver ce qui la remplacerait, pas de mots pour dire mes enthousiasmes dans un flamboiement sec et sans reste.

Inscription relative aux morts pour la France. Sainte Maire de la Bastide. Bordeaux.

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Lecture d’un article de G. Albiac et, automatiquement, répulsion croissante pour l’entité sioniste/Israël qu’il encense : territoire volé par la violence à des populations qui n’avaient rien demandé, désarmées et chassées de chez elles en 1947 ; évolution sioniste de conquête génocidaire du Grand Israël, avec les moyens colossaux fournis par des puissances occidentales, essentiellement les USA, la Grande Bretagne, la France et d’autres pays via le lobbying et le chantage ; culture théocratique raciste et inégalitaire ; économie dépendante des apports étrangers et du rapt implacable des ressources voisines.

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On nous a menti sur le génocide de Gaza

Par Jonathan Cook

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Le nettoyage de l’intelligence par le soi-disant gauchisme le plus tordu – surtout celui des media et des RS au service du sanchisme, en réalité gauche des affaires pas très propres mais très lucratives – se poursuit donc à un rythme inquiétant. Il ne restera bientôt que des abrutis et des lèche-culs du wokisme le plus abject, ignobles flagorneurs aux pieds des voyous semi-analphabètes au baratin facile, des incompétents, des sectaires affairistes et cyniques qui occupent la scène politique locale et nationale depuis de longues années, se moquent de tout et sont capables des pires débordements se sachant impunis.



lundi 25 mars 2024

« Se faire servir sur un plateau d'argent » ?

 


Bientôt arrivera le moment d’échouer sur les côtes de la vie comme ces magnifiques baleines blanches qui arrivent de temps en temps sur les côtes du Golfe de Gascogne. Des choses remuent, des pensées. Je me jette dedans la tête la première. Des souvenirs brouillés, les pieds dedans, la tête ailleurs. Parti dans la vie de moins que rien, comme quelqu’un qui part a priori perdant dès le départ et qui arrive inopinément quelque part, par la rage, l’étude, l'amour des livres, la persévérance, l’amour de la beauté des rites, des pierres, des toiles, par l’enchantement de l’encens entre les mains – servant, tant d'hivers, la messe de huit heures du matin – déposé sur les charbons brûlants de la routine, par le désir, la cruauté, la solitude, la jalousie, l’échec souvent, l'humour : tout en même temps ! Pour en arriver là, une éternité plus tard. À l’insomnie. À la fatigue pour tout. Perdant au départ, gagnant à l’arrivée en secouant sa tête et sa carcasse contre les murs gelés de la réalité. Ma mère chérie, à qui on avait, bien plus tard, efficacement chauffé les oreilles avec ma baraka, atténuait toute pulsion triomphaliste dans mes élans par un « écoute, tu t’es fait tout servir sur un plateau d’argent », coupant comme l’obsidienne.
Cela voulait simplement dire que j’avais reçu des tas de choses sans vraiment les mériter ? Peut-être. Que ce soit sur un coussin de soie ou un plateau d’argent, l’idée restait la même : la personne ainsi servie, moi, en l’occurrence, serait dépourvue de tout mérite ou qualification : ou il avait fait de la lèche ou été obséquieux ou, pire, volé, usurpé ou s’était arrogé abusivement des prérogatives découlant d’une imposture. Bref, cela morigénait largement ce qu’il pourrait y avoir d’excessif dans un éventuel moment d’optimisme de ma part et consolait la noble frustration des jaloux qui observaient de loin, impuissants, tout pleins d’amour fraternel, sans doute, et très loin, en tout cas, de donner à l’expression un quelconque sens péjoratif. Comme disait une dame entière du Nord, très sincère, que j’appréciais par son franc parler, la méchanceté, ça ravigote … Comme le bon armagnac.


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J’ai eu de la chance : je suis venu au monde dans un village de la région de El Cerrato : Villamuriel. À l'époque, « un tout petit village à proximité de Palencia », comme l’écrit le journaliste et navigateur Jesús Cacho à propos du sien, Villarmentero de Campos, plus petit encore. Même pas dans la commune, la mienne d’arrivée. Un peu plus loin, à deux kilomètres des premières habitations, à mi-chemin entre la rivière Carrion et le Canal de Castille. Une modeste maison, la Casa Grande (sic !), sur le terrain d’un domaine dénommé El Vivero, sans électricité ni eau courante, complètement isolée, surélevée au-dessus d'une petite écurie. Une exploitation avec des vignes entre El Plantio et les vallons de Los Carriones. Mes parents ont atterri au même endroit après avoir vécu le drame terrible de la perte d’un enfant de quatre ans à Herrin de Campos. J'ai eu la chance d'avoir une grand-mère qui m'a appris à lire pendant les longs hivers de pluie et des crues incessantes qui coupaient les chemins et rendaient la route de l'école impraticable. J'y allais d’ailleurs de façon irrégulière. Les appréciations sous la rubrique assiduité de mon bulletin scolaire en témoignent : "médiocre" - "très médiocre" - "moyen". Je n'ai plus de famille dans les parages, pour autant que je m'en souvienne. Il est donc logique que je n'y revienne pratiquement jamais, sauf pour y chercher des images effacées de mon enfance. Et il n'y en reste rien que deux vieilles colonnes de briques au milieu des champs cultivés. Elles y sont toujours, debout, pour monter la garde à l’entrée d’un chemin qui ne mène nulle part, sans pouvoir même pas passer entre elles. C’était, dans le bon vieux temps, l’accès à la propriété d'un riche notable de la région. Mes parents n'en étaient pas originaires. Ils venaient de la Tierra de Campos. Mon père ainsi que ma mère ont traversé la vie comme en s'excusant de devoir travailler si dur pour un salaire presque inexistant. Ils sont tous deux morts sans abri et sans fortune dans la chaleur de la maison de leur fille, entourés de l'amour de leurs petits-enfants. Je me sens donc relativement loin du discours nostalgique propre aux récits d’aventures de l’enfance à jamais disparue.
Je sais que, de manière obscure, confuse, incompréhensible je ne suis pas lié de naissance à tel endroit, à tel milieu, à telle ville, capitale ou province, si ce n'est qu’administrativement parlant, parce que c’est bien ce que disent mes papiers. Papiers pour lesquels j’éprouve une totale indifférence. Et j’en suis bien content. Ce sont mes affaires ... Ces vastes collines et ces champs à perte de vue ne m'émeuvent pas au-delà des choses intimes que je garde dans mon esprit et dont je ne peux pas partager la vision avec presque personne. Avec une émotion immatérielle, nichée dans un coin du grenier de ma tête, qui revient par le simple fait de me concentrer et de revivre sans effort l'attente nocturne du retour de mon père après ses corvées d'été, au clair de lune, assis sur les genoux de ma mère, qui me raconte des histoires d'une voix chaude et légère, comme si elle était capable d'envelopper le noir de ces heures dans de petits paquets de magie séduisante. Et l'écho des pas de mon père quand il prend le détour du chemin bordé d'arbres fruitiers et tapissé de pierre broyée et de charbon concassé ... Évidemment, la commune actuelle n'est plus la même que lorsque j'étais un enfant. Mais le clocher de son église exhalait, chaque fois que je le voyais avec mes yeux d’alors, un halo de respect qui me ravissait, capable de transcender toutes les difficultés, de surmonter toutes les contingences. Un secret templier non encore dévoilé, capable de rassasier l’appétit de mystère du petit enfant que j’étais. Le concert silencieux de ses vieilles pierres dans ma tête défraichie m’invite, depuis longtemps, à revisiter avec curiosité ses contours, tesselles minimes du souvenir en jachère de ma première enfance.

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Préambule de gentleman, lu quelque part. Si le contenu de cet article portait atteinte aux intérêts de quelqu'un, veuillez m'en informer afin qu'il soit immédiatement retiré. / Si el contenido de este artículo dañara los intereses de alguien ruego me lo hagan saber para ser inmediatamente retirado.
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Il est fâché d'être fâché. Pithecanthropus Erectus, ministricule espagnol des transports. Il remue, s’agite, éructe. Il est droit sur ses pattes, haut, ferme, mais à l'intérieur, ça remue et ça grouille : la chiasse, en imaginant qu’un jour il faudra rendre des comptes, quand le boss ne sera plus en place pour protéger ses sbires. Quand la bande aura été chassée du pouvoir à coups de pied au cul. On peut rêver …

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Semaine Sainte en Palestine : sépulcre collectif en plein air pour des milliers d'innocents


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mardi 12 mars 2024

Peur des crues de la Garonne et nostalgie des lieux !


https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/grandes-marees-et-intemperies-a-bordeaux-ecole-fermee-bottes-en-sacs-poubelle-je-n-avais-jamais-vu-l-eau-monter-aussi-haut-18918028.php

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Rue  Gaston Marchou. Nous avons fait nos adieux en esprit à cet appartement et à tout ce qu’il contenait. Nous n’avons pris, en le quittant, que les livres et les objets ménagers d’usage courant et du linge. Les enfants s’occuperont de la vente du mobilier. Il est peu probable que nous revoyons un jour ces intérieurs que nous – Rosa pour l’essentiel, rendons à César … ce qui est à Rosa ! – avions si joliment transformés en maison à nous. Comme celle d’Irun. Cet adieu n’est pas facile. Mais peut-être cela nous aidera-t-il au moment où il nous faudra aussi quitter des lieux plus chers pour prendre la route incertaine de la fin du (court) parcours en commun le cœur plus léger. Partagé entre la nostalgie et le devoir, j'éprouve un sentiment de bonheur lorsque je réussis à écrire exactement ce que j’ai l’intention d’exprimer, dans un français grammaticalement et syntaxiquement inaltérable. J'aime la langue que cela produit à l'occasion, dont il m'arrive d'être fier, mais je n'éprouve jamais autant de plaisir que lorsque cette langue que j'écris est simple et directe : quand j'écris français, en français. Mon ambition était depuis des années sans doute là : parvenir à passer d'une langue apprise parce qu’aimée, et prise comme amante tout jeune, à une langue capable d’exprimer des émotions ressenties dans ma langue maternelle, sans solution de continuité, sans que cela se voit, ou, du moins, sans que cela ne vienne déranger la lecture d’un francophone natif, sans anneaux dans le nez mais, de naissance. Peu à voir avec le fameux « bilinguisme », tel qui l’entendent ceux qui n'ont aucune idée de ce qui est parler et vivre dans une langue voulue, notion qu'on devrait réserver à toute personne qui se montre capable d’une suffisante mental bilocation. Toutefois, la voie n’est pas toujours facile, elle est même pleine d’embûches ; c'est évidemment la bonne bilocation qui est comme un Graal à atteindre. Quand on écrit une langue sans traduire la nôtre, on évite les modèles statiques comparables pour éviter l’informulable, proche de celui qu’on entretient plus ou moins volontairement en parlant. Quand cette langue privée, directe, nous permet de rêver, de nous exprimer, d’aimer et de souffrir sans barrière linguistique, de confier dans une langue sans l’ambivalence propre/originelle, c'est toujours un miracle. « Privée », parce que langue créée en partant d’une langue maternelle arrivée à très bien se fondre dans l’autre langue, sans la heurter, en tentant, au contraire, de disparaître, de se fondre en elle, ou au moins de se faire la plus discrète possible. Je me demande vraiment laquelle des deux je préfère … C'est entre ces deux embrassements que j’ai essayé d'exister.

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Avec le sanchisme, cette espèce de socialdémocratie cleptomane déglingos, c’est open bar : on peut dire n’importe quoi, on peut mentir sans limites, il n’y a même plus de langue de bois, c’est fini, tout ça. On ment comme on respire et on respire la stupidité pure. Tombant ce matin sur une émission ignoble, d'une « journaliste » superlativement nulle interviewant notre espingouine ministre des finances, l’archiconne, sectaire et corrompue, Maria Jesus Montero,  incapable d’articuler une phrase douée de sens, d'une prodigieuse médiocrité, des pulsions méchantes me montaient au nez. Il fallait les entendre, ces connasses ! Soupçonner la femme de Sa Majesté Pedro I Le Mutant Plagiaire de trafic d’influence et de corruption ! Du grand n’importe quoi !  Il fallait les entendre mimer l'indignation, susurrer et tordre la bouche comme si toute la glaire des boyaux leur remontait le long de la gorge, leurs muqueuses enflammées et retournées, rouler des prunelles et froisser les paupières, plisser le nez, onduler l'intérieur des joues, prendre des airs de complicité avec les auditeurs et se glisser dans les draps de la plus dégueulasse colère feinte. Il fallait les entendre, portées par la vague odieuse de la médiocrité officielle, à l'apogée de la platitude en ébullition, pour mesurer à quel degré d'infamie nous sommes arrivés. Le dégoût qui me prend face à ces discours de larbins à la solde des plus voyous sans scrupules est sans limite. On en deviendrait fou : c'est un chancre purulent qui nous pousse dans l'âme. Vite, un peu de Céline, ou de Bloy, pour respirer ! Tout sauf ces tumeurs verbeuses qui s'écoutent parler en gobant de la propre pommade ultra-transformée en innocence outragée. Nourries aux slogans crétins et aux additifs alimentaires pseudo intellectuels du wokisme, elles ne savent pas faire la différence entre servir l’État et un État voyou pour s’en servir, faisant du pouvoir et de sa force une redoutable machine à spolier au nom du « peuple qui a voté », au prix de se moquer de tout le monde et de bafouer le droit à chaque instant. Le pire est qu'elles osaient se parer a tout moment du beau mot de démocrates « ennemies » de la corruption.


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Aujourd’hui les « occidentaux » ne reconnaissent et ne soutiennent plus le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, seulement le droit d’Israël à disposer des peuples.


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La vieillesse est sûrement ce moment où l’on ne combat plus par aspiration pour quoi que ce soit mais par fidélité à une trajectoire passée, où on ne fait plus les choses par ferveur vitale mais par devoir, où on ne se révolte plus face aux succès des imbéciles et des salauds mais où on se borne à s’en désoler, où, surtout ici au Pays Basque, on ne se lève plus en attendant une éclaircie mais avec la certitude du mauvais temps, où on supporte moins bien les critiques et les sarcasmes, surtout quand ils viennent du propre « camp », où les regards de la famille se font plus lourds et pesants, où l’on commence à penser aux lendemains qui ne chantent plus vraiment… La vieillesse m’entoure avant d’être rejetée à bonne distance par le doux regard et par le sourire confiant de ma femme, par les rires et les danses d’une cour de récré observée de près  au passage, par la vue d’une jeune personne qui lit  au hasard d’un jardin public. Bientôt ou plus tard, je serai sans doute mort avant d’être vieux …

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La campagne des élections européennes démarre sans trop d’intérêt. Les assassinats de masse en Palestine sont systématiquement occultés par les doux chants de sirène « Israël avant-poste de l’Occident » des média pro sionistes, presque tous. Russophobie garantie partout, et de plus en plus stupide et virulente. Rien ne bougera. L’insécurité ? Elle est devenue un marché comme un autre, au même titre que le tourisme ou l’agriculture … Les gens qu’on appelle normaux voteront pour la droite, nationaliste ou nationale. Enfin, ce sera partout pareil ou presque. Les gens vivent dans des quartiers infestés par la délinquance et pour qui votent-ils ? Pour ceux qui leur rapporteront encore plus de délinquance. Je pense qu’il n’y a plus rien a tirer de ce pays que par routine je croyais « mien ». À moins qu’un astéroïde ou un missile nucléaire ne percute l’Espagne, on ne pourra pas se refaire. Ailleurs, surtout en France, c’est pas mieux. Les gens voteront Macron ou d’autres bouffons pareils, même si ils ont conscience du merdier de leurs grandes villes, parce qu’ ils préfèrent leurs sous à leur pays et parce que, tout en étant conscients de la décrépitude irrémédiable, ça se passe plutôt bien dans leur petit cercle individuel, donc ça ne les concerne pas. Nous disparaîtrons par consentement mutuel … sans combat.

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La croissance se doit d’être continue et infinie, le soutient de la population au système en place ne tient qu’à ce facteur banal. Pour entretenir l’illusion, on brouille les pistes grâce à une pléthore de spécialistes qui nous asséneront des « c’est très  compliqué » péremptoires, on truque les chiffres avec la complicité des agences plus ou moins gouvernementales et des médias subventionnés, et comme cela ne suffit évidemment pas on désigne des boucs émissaires : le Covid, le réchauffement climatique, les Russes, les complotistes, les fascistes, vous, moi… mais nos dirigeants ne sont au grand jamais responsables. D’ailleurs, ces garants de la démocratie et du progrès peuvent-ils un seul instant songer à autre chose qu’à notre bien ? Nos politiques ne sont-ils pas tous des philanthropes auto-labellisés ?

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Le Sanchezland a, paraît-il, un régime représentatif. Quand je vois ceux qui sont censés me représenter, je me dis qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne plus ou bien que les électeurs sont devenus bien laids ces dernières années.


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Le sionisme est une barbarie qui se fait passer pour un projet d’avenir. Cette escroquerie sécuritaire est un marqueur d’ensauvagement fanatique de la pensée, au service du mal absolu. Le sionisme est une dystopie qui glorifie l’extermination : le discours des sionistes est frappé d’une telle indignité, d’une telle immoralité et d’un tel sans-gêne, qu’ils expliquent pourquoi la base, pourquoi la population saine de la planète a le sain réflexe de se détourner de tout soutien à Israël. Le soutien au sionisme est essentiellement un fait d’élite qui touche les caciques du journalisme subventionné, de la politique, de l’art (subventionné aussi) ou une réaction épidermique pustuleuse qui gangrène les cercles ethno-identitaires, rongés par un sentiment d’insécurité raciale. Hamas par-ci, Hamas par-là. Le seul amas que le monde peut  voir chaque jour est bien celui des cadavres de femmes et d’enfants de Palestine. Je sais que je ne peux rien, mais je m’oppose dans la mesure de mes nulles forces à ce que des milliers de Palestiniens continuent de s’empiler pour satisfaire la goinfrerie territoriale, la gloriole messianique et l’appétit génocidaire de ces gens-là. Le sionisme fait régresser la pensée à un stade de validation pré-néandertalien de la loi du plus violent et du plus obscène. Ce contre-feu civilisationnel est anti-humain. Il insulte les valeurs les plus élémentaires. Je le rejette sans appel ....

 


 https://news.radioalgerie.dz/fr/node/38357


samedi 9 mars 2024

La danse avec la mort : passion de la souffrance … et bonnes intentions.



Combien d’assassins sont en liberté ? Ont voiture, maison et enfants ? Il y a des assassins qui préparent toujours des massacres, ça n’empêche personne de vivre parce que tout le monde oublie. Avec le passage du temps, il y en a qui sont devenus riches, qui possèdent des biens, qui mènent une vie agréable : ils ont oublié leurs crimes. Ils sont comme tout le monde. Comme nous. Il ne faut pas se tromper, ce sont des hommes sans remords. Avec leurs crimes – avant ? – ils ont tué leur mémoire. En société, comme en art ou en littérature, on préfère le mensonge habile au réalisme cru. Cela risquerait trop de provoquer le pessimisme et nos princes n’aiment pas ça. On a depuis toujours un penchant pour le paradis du mensonge en détriment de l’enfer du réel. Or, la meilleure manière de garantir le présent, c’est de bien voir d’où l’on vient. Une société qui perd la mémoire est une société qui est déjà morte. Les hommes, comme la nature, sont une accumulation de vécu. On est individuel et collectivement des résultats de cette accumulation. Chaque partie de l’humanité est un lieu où se sont produites et se produisent encore des infinités d’aventures humaines. L’histoire ne passe pas comme l’eau qui coule sur du marbre. Elle laisse des sédiments. Et nous sommes faits de ces sédiments. Toute l’Histoire peut ainsi apparaître comme un sol sur lequel se sont accumulées différentes couches de sédiments. L’Histoire et, donc, le temps. Le temps est aussi une surface sur laquelle s’accumulent des vécus. Le temps, ce n’est pas le soleil qui se lève et qui se couche, ce temps fugace et relatif. Le temps est accumulation de mémoire, d’expériences, d’événements, de changements. Notre drame, c’est que nous n’attachons plus d’importance ni au temps ni à l’Histoire… J’ai longtemps tourné autour de la même idée : le conflit qui nous déchire, nous Espagnols, entre le désir d’une justice juste – et par là, exigeante – et la préservation de notre confort quotidien. Chacun ne pense qu’à soi, tout en fuyant une réalité qui nous est trop lointaine. Mais alors, comment trouver un tant soit peu de paix intérieure, nécessaire pour vivre dans le propre respect de soi-même si l’on fait l’impasse sur les victimes ? Même dans le malheur, il y a peut-être quelques moments pénibles des autres que l’on pourrait s’approprier, incorporer à son train de vie, associer à son confort, mêler au vague bonheur de la propre existence sans heurts, aux pépites d’or de sa routine faite de bruits de langue et d’images truquées. J’ai longtemps été assez déçu par la manie dont les politiciens nous restituent la réalité de la souffrance, de la torture, de la mort infligée à autrui au nom d’un soi-disant idéal ou suivant des pulsions naturelles qui couvent dans nos âmes depuis des millénaires. Ils en font une histoire de non-adaptation au cadre formidable du groupe qu’ils maternent. Ça sonne bizarrement et ça ne suffit pas à rendre la tranquillité, l’essence de la justice.
Ou bien encore, ils aiment le refuge d’un lexique flambant neuf. L’important, ce n’est pas l’assassinat, mais le choix d’un vocabulaire, l’ordre séquentiel des mots, le choix des métaphores. Ce langage, dans lequel baignent les jeunes générations veut trouver un équilibre entre la réalité subie par certains malheureux et un espace idéal où se conservent sous vapeur les nouveaux référents. On fond, grâce à la langue, victimes et bourreaux dans la même mélasse d’enchantement et de quotidien. Mais, pour le criminel, tout vient de l’intérieur et cette envie même d’afficher de ne pas se soucier de l’effet de son action produit encore des rétractions dont on profite pour malmener les esprits qui se sentiraient pousser comme un brin d’indignation. En effet, tout cela se passe contre quelqu’un d’autre que vous et loin de vous et, cette fois-ci, sans vous. De quoi vous vous plaignez ? De cette façon, comment ne pas ressentir la victime comme quelque chose d’extérieur à nous ? Elle devait avoir une spécificité quelconque qui l’a fait devenir victime. Et le bourreau avait sans doute ses raisons, qu’on ne se prive pas d’étaler[1]. Nul besoin, donc, pour moi de m’immiscer dans ce couple étrange. Ce qu’ils trouvent important peut me paraître anecdotique et si le drame qu’on me montre – surtout à la télé – n’a aucun sens pour moi, grâce à ces procédés systématiques, la plupart des crimes (attentas ou autres) deviennent des mises en scène : des gens se plaignent, geignent, accusent… mais sans aucun résultat, à part l’élimination physique, la disparition à jamais, des victimes. Et c’est justement par ses aspects fortement mélodramatiques que cela paraît construit exprès pour désarticuler tout lien communautaire. Le lieu de l’attentat, l’infiniment sauvage nous est livré aux infos sous forme de décor entre la poire et le fromage. Pour qui chercherait à comprendre ce qui peut attirer les médias et les politiciens et, en même temps, servir de repoussoir aux gens en général, les cartes sont brouillées. Et lorsqu’on parvient à déchiffrer le côté successivement mythique, magique et puis secret de l’ensemble, croisant son histoire personnelle aux histoires des autres, le cri de révolte se voit récupéré par les embaumeurs des différentes castes politiciennes. Réduit tout au plus aux dimensions ridicules et obscènes d’une vague manifestation de « solidarité » avec la victime et ses proches. Ou d’une minute de silence quelque part. Sans oublier le cortège plus ou moins nombreux qui parcourt quelques mètres de rue beuglant des slogans stupides au possible comme si une litanie de bêtises (« plus jamais ça ») proférée en chœur servait à conjurer autre chose que la mauvaise conscience de chaque manifestant ou l’inutilité flagrante de la cérémonie elle-même.




[1] On insiste trop sur le fait que, d’après les gens qui le connaissaient de près ou de loin, le bourreau était quelqu’un de bon avec ses goûts, sa musique préférée, ses vêtements, etc. 

mercredi 6 mars 2024

La mer est ton miroir, tu contemples ton âme ...

 


Ma vie se déroule dans ma tête rebelle au sommeil comme un film qu’on rembobine sans cesse, sans metteur en scène, ni héros, ni aventures, seulement le bruit légers des volets d’une maison, à côté, qui grincent doucement dans le vent. Souvenirs des heures de lecture accumulées. En vain ? Et une lente rumination du choc entre sagesses biblique et chinoise. Dans Proverbes (30 : 18-19), des versets que je consulte rapidement pour rendre en leur littéralité : « Il y a trois choses qui sont trop merveilleuses pour moi, et même quatre que je ne comprends pas : le chemin que suit l'aigle dans le ciel, celui du serpent sur le rocher, celui du navire en haute mer et celui de l'homme chez la jeune fille. » Très poétique, ça donne envie d’encadrer quelque part ces images ! Après un instant à remuer dans l’enthousiasme provoqué par la mémoire, je vois revenir la fraîcheur désabusée du scepticisme d’un proverbe chinois, lu quelque part mais qui arrive au bon moment : « Un homme ne laisse pas plus de traces dans une femme qu'un oiseau dans le ciel. » Les deux rives se font face, étrangères l’une à l’autre, mais l'une et l'autre me sont pour quelques instants abordables : la rive biblique, plus chargée de rêverie tourbillonnante, et la rive chinoise, chargée de désillusion. Je me remets à revivre mes peurs, mes angoisses, j'entends les os de mes genoux craquer me tournant et me retournant au lit, mes nerfs se tendre, et mes pensées tourner à vide comme des flocons virevoltants. Je me lève dans le noir en fixant les yeux sur mes pieds. Dans une tête qui réfléchit, il y a aussi quelqu’un qui regrette quelque chose. Et c'est ainsi que les nuits finissent, en me donnant envie de tout reprendre, tout en me faisant comprendre à moi-même que ce sera inutile de vouloir revivre ce qui n’est plus … Alors je laisse voler mes pensées dans leur débâcle pour en conclure que mon dernier rêve n'était qu'un songe vite oublié.

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Donne de la force à mon âme, mon Dieu, de la force pour que, si je survis, mon âme supporte tout ceci, de la force pour mourir en paix et sans gémir si cette tempête m’emporte. De la force pour que je puisse rester fidèle à mon âme et à tout ce en quoi j’ai cru jusqu’à la dernière minute.

(…)

À l’église, le soir. Silence profond. L’autel est plongé dans la pénombre. Je sens que Dieu est présent, tel un ministre dont on doit respecter les horaires de réception, et je m’étonne de ce qu’il trouve le temps d’être ici, à l’église, alors que le monde l’attend et le cherche partout…


Sándor Márai, Journal T1, Les années hongroises 1943-1948

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Préparation des adieux à l'appartement rue Gaston Marchou. Nous emporterons les livres que nous avions en double ou en triple dans d’autres maisons. Parmi eux, il y en a un (Algèbre des valeurs morales, de M. Jouhandeau) qui m’a toujours fait travailler énormément quand j’ai voulu en traduire des extraits, et un autre, dans un état piteux, souligné, surligné, noté, toutes feuilles tombantes décollées d’un dos complètement déglingué : La route des Flandres, avec lequel j’ai un lien personnel. Si ce modeste livre, matériellement malade et physiquement irrécupérable, disparaissait cela m’entraînerait sans doute dans un état proche du sentiment que l'on éprouve lorsqu'on perd un être cher. Tout de même, c’est en lui que j’ai pris contact avec l’écriture de Claude Simon. Sans lui, je me sentirais particulièrement aveugle, sourd et muet. Ce livre a été « mon refuge et ma forteresse » avant de faire personnellement connaissance avec C. S., à Saint-Sébastien, lors d’une conférence à l’hôtel Maria Cristina. Je ne sais pas ce qui me lie à l’esprit qui émane de ce livre-là, dans une complexe marqueterie textuelle qui m’a toujours envoûté et pour laquelle j’ai toujours éprouvé un sentiment de mystérieuse attirance. Ce vieux livre de chez Minuit, l’un de mes derniers amis.